Catégorie : Étiquette :

Description

Le mouvement ouvrier dans un département viticole,
l’Hérault durant l’entre-deux-guerres

Exposé de soutenance de thèse de doctorat d’État, université de Paris VIII, 26 novembre 1983.
Jury : MM. P. BARRAL, J. BOUVIER, G. CHOLVY, R. DELOR T, J. MAURIN, C. WILLARD.

Lorsque j’ai commencé cette recherche sur le mouvement ouvrier héraultais durant l’entre-deux-guerres, le sujet n’était pas nouveau pour moi. J’avais en effet abordé cette question dans des études antérieures notamment pour la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.

Mais la période de l’entre-deux-guerres me paraissait présenter un intérêt particulier. C’est en effet l’âge adulte du mouvement ouvrier syndical et politique dans le département. Durant cette période, l’Hérault est un des tout premiers départements français pour les taux de syndicalisation, pour le nombre de grèves et pour l’importance des suffrages socialistes.

De plus, ce département occupe dans l’ensemble français une place spécifique au niveau économique. C’est le premier département français pour la production de vin. Et cette viticulture, nous savons, comme l’a dit au début du siècle Michel Augé-Laribé, qu’elle est « industrielle ». D’où le titre choisi pour cette thèse : « Le mouvement ouvrier dans un département viticole ».

Le travail que je présente aujourd’hui est donc une étude départementale et je voudrais en justifier les limites géographiques et les limites chronologiques.

Il me parait d’abord que, pour la période contemporaine, et en particulier pour le XXe siècle, le cadre départemental est, avec le cadre national, celui qui a la plus forte unité. La vie politique et la vie syndicale se déroulent pour l’essentiel à l’intérieur de ce cadre départemental. Les acteurs et les témoins des combats politiques et syndicaux ressentent eux-mêmes fortement cette unité. Il est une deuxième raison, qui est la richesse de la matière. Les sources sont ici très abondantes aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine syndical. Dans ces conditions, choisir un cadre régional plus vaste m’aurait inévitablement conduit à une étude beaucoup moins fouillée que celle que je jugeais indispensable d’entreprendre.

Qu’en est-il des limites chronologiques, comprises entre les scissions de 1920-1921 et la déclaration de guerre de septembre 1939 ? Aurait-il fallu étendre cette étude dans le temps ? Fallait-il aller au-delà de 1939 et englober par exemple la IVe République ? Je n’ai pas cru devoir le faire, non seulement en raison de la richesse de la matière déjà évoquée pour l’entre-deux-guerres, mais aussi parce que cela m’aurait amené à étudier la place des organisations ouvrières dans la Résistance et par là à aborder un thème qui aurait inévitablement affaibli l’unité de mon étude réalisée durant une période de paix civile.

Il n’était pas question par ailleurs de remonter avant 1920 car j’avais déjà écrit sur cette période antérieure aux scissions et je n’ai pas cru devoir me répéter.

Le choix des protagonistes n’a pas fait problème: au niveau politique, il s’agit ici du parti socialiste S.F.I.O. et du parti communiste, au niveau syndical, de la C.G.T., de la C.G.T.U. et, à partir de 1936, de la C.F.T.C..

Les sources de cette histoire, je l’ai dit, sont variées et abondantes. Les sources manuscrites les plus riches ont été celles de la série M des archives départementales. Les dossiers de cette série concernent les élections législatives, cantonales, municipales, les conflits du travail, les syndicats et les bourses du travail, l’évolution du coût de la vie. Un problème s’est posé, celui de l’absence de classement des papiers de la préfecture concernant les rapports de police et les rapports du préfet au gouvernement. Cependant, grâce à la compréhension du conservateur en chef des archives de l’Hérault, j’ai pu consulter les liasses ayant subi un pré classement.

Les ressources des archives nationales se sont révélées fort inégales. Toujours intéressantes concernant le P.C. et la C.G.T.U., organisations faisant l’objet d’une surveillance policière particulière, elles ont été beaucoup plus décevantes pour la S.F.I.O. et la C.G.T.

Parmi les archives privées, les microfilms du fonds français de la IIIe Internationale, que j’ai pu consulter à l’Institut de recherches marxistes à Paris, m’ont permis de combler les insuffisances de la presse communiste. Pour cette période, les renseignements statistiques ne manquent pas avec notamment les résultats électoraux et la statistique annuelle des grèves imprimée jusqu’en 1935 mais dont les fiches préparatoires se trouvent aux archives départementales jusqu’à la guerre.

D’autres sources imprimées sont irremplaçables comme les comptes-rendus des congrès de la S.F.I.O. et du P.C.F., de la C.G.T., de la C.G.T.U. et de la C.F.T.C.

Mais la source essentielle de mon travail a été la presse : presse quotidienne, presse hebdomadaire, presse mensuelle. J’ai dépouillé systématiquement tous les journaux socialistes, communistes et syndicalistes de l’Hérault et du Languedoc lorsque le département était impliqué. Fréquemment, je me suis reporté à la presse nationale et à la presse régionale ouvrière.

Parmi les sources imprimées, il faut signaler également les procès-verbaux de délibération du conseil général et surtout le Journal Officiel, aussi bien la série des débats parlementaires que la série des Décrets et Lois.

Restaient les témoignages des acteurs eux-mêmes. Certains d’entre eux et non des moindres avaient eu la bonne idée de publier leurs mémoires. D’autres ont eu l’amabilité de répondre par écrit à mes questions. D’autres enfin se sont prêtés de bonne grâce au rituel de l’interview. La quête des témoignages oraux a certainement été un des aspects les plus passionnants du travail entrepris. J’ai ainsi interviewé plusieurs dizaines de personnes ayant joué un rôle dans le mouvement ouvrier politique et syndical de l’entre-deux-guerres. Ces témoignages m’ont ouvert des perspectives de recherche dans les domaines les plus divers. Lorsque ces interviews étaient faites avant le travail aux archives ou sur la presse, elles me familiarisaient avec le sujet. Réalisées, au contraire, après le travail aux archives ou sur la presse, elles permettaient presque toujours d’éclairer une obscurité, de préciser tel ou tel point.

Ces interviews ont eu lieu pour l’essentiel entre 1973 et 1983 et je dois signaler que le tiers des personnes interviewées a disparu depuis ces entretiens.

Comment traiter ces sources ? Un premier écueil est aussitôt apparu : le danger toujours présent de privilégier tel et tel courant parce que les sources sont elles-mêmes plus fournies à leur endroit. Il est un fait, par exemple, que le mouvement ouvrier de Montpellier a fait l’objet d’une surveillance policière plus attentive que celui de Béziers ou de Sète parce que Montpellier est le chef-lieu du département. Or, les organisations montpelliéraines ne sont pas les plus actives de l’Hérault. Il convenait donc d’être attentif à cette situation.

D’une façon certainement trop sommaire, on peut dire que les documents rassemblés étaient de deux sortes : documents statistiques comme les résultats électoraux, le nombre de grèves et de grévistes, le nombre d’adhérents aux organisations et documents descriptifs constitués par des analyses, des rapports, des relations d’événements.

Je me suis efforcé d’utiliser la méthode statistique au maximum en évitant de généraliser à partir d’un fait isolé mais en portant attention aux exemples concrets et en particulier à la démarche des hommes. Je me suis efforcé également de comprendre de l’intérieur le comportement des protagonistes en ayant au maximum recours aux textes.

Il ne saurait être question ici de résumer mon travail. Je voudrais simplement regrouper un certain nombre de remarques autour de 3 grands thèmes, celui des filiations, celui de l’action, celui de l’implantation. Au niveau des filiations, on peut suivre pour chaque organisation une évolution qui témoigne de la continuité de son comportement par rapport à la période antérieure à 1920. En même temps, à des dates variables, pour chacune d’entre-elles, ces organisations connaissent un important renouvellement dans leur idéologie et dans leur pratique.

– Première organisation par ordre d’importance, le parti socialiste S.F.I.O. La fédération socialiste conserve ici l’essentiel des cadres et des élus d’avant la scission. Comme avant 1914, durant l’entre-deux-guerres, les socialistes héraultais se montrent partisans d’un socialisme évolutionniste, adversaires de la révolution et se font les champions de la défense viticole c’est-à-dire essentiellement des propriétaires viticoles. Ce pragmatisme leur réussit puisqu’ils recueillent 36 % des voix par rapport aux inscrits en 1932.

Toutefois, par ses adhérents, par ses électeurs, la S.F.I.O. fait partie intégrante du mouvement ouvrier héraultais.

Après 1933 cependant, le parti socialiste connaît un renouvellement interne essentiel du fait de la scission des néo-socialistes. Un tiers des adhérents et 40 % des électeurs abandonnent le parti en compagnie des dirigeants de la décennie précédente. La nouvelle direction entend rompre avec la pratique quotidienne de la fédération d’avant 1933, notamment en matière viticole et elle défend le projet novateur mais peu populaire d’Office national du vin. Elle est plus attentive aux problèmes ouvriers. Cependant elle demeure méfiante à l’égard du communisme, s’engage résolument, à partir de 1936 surtout, dans la voie du pacifisme extérieur et opère à la veille de la guerre un retour à l’anticléricalisme. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Jean SAGNES

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf