Description
Le gouvernement militaire d’Agde et de Brescou : l’affaire du Major
* Chargée de Mission, Experte, Archives Historiques et Mutualisation à la Mairie d’Agde
En 1720, éclate « l’affaire du Major de Brescou » dite aussi « du gouvernement », à la suite du refus des Consuls de recevoir le gouverneur militaire nouvellement nommé avec les honneurs dus à son rang. Pourquoi une telle animosité contre le gouvernement militaire ?
Agde tient une place importante du point de vue stratégique : c’est le seul port entre Aigues-Mortes et Marseille, d’un côté, Narbonne-Port La Nouvelle de l’autre. La ville est inscrite sur la liste des « Places Fortes » royales. Pour assurer la gestion militaire particulière en période de guerre, le roi nomme des gouverneurs, lieutenant du Roi puis major.
La Communauté se considère comme co-seigneur sur le territoire de la ville. Les consuls tiennent tête systématiquement au seigneur Comte-évêque et au Chapitre. Aussi font-ils de même avec le gouvernement militaire qui est un mal nécessaire en période de guerre. En période de paix, les consuls arrivent à obtenir la reconnaissance de leur droit de gérer leur terroir, reléguant le major dans le Fort de Brescou
The Military Government of Agde and Brescou: The affair of the Commandant
In 1720 the ‘case of the Commandant of Brescou’ (also called affair of the government) broke out. This happened when the Consuls refused to accept the newly appointed Military Governor with the honours due to his rank. Why was there such animosity against the Military Governor (Commandant or Major)?
Agde is the only port between Aigues-Mortes and Marseille, on one side bound by Narbonne, and by Port la Nouvelle on the other side, which made it an important strategic position. The town was listed as a royal stronghold. In order to maintain the governance in times of war, the king nominated Governors, King’s Lieutenants and Majors (military governors).
The Community considered themselves as co-governors of the town territory. The town consuls systematically opposed the Count-Bishop and Chapter. They also behaved this way towards the military government, which was a necessary evil in time of war. In times of peace the Consuls managed to obtain acknowledgement of their right to administer the territory, relegating the Major (Military Governor) to the Fort de Brescou.
Lo govèrn militar d’Agde e Brescon : l’afar del Major
En 1720, l’afar del major de Brescon, dicha tanben « del govèrn » espeta en seguida del refús dels cònsols de recebre lo govèrn militar novèlament nommat amb las onors degudas a son reng. Perqué tala inimistat contra lo govèrn militar ?
Agde es lo sol pòrt entre Aigas-Mòrtas e Marselha d’un band, Narbona e Pòrt la Novèla de l’autre, e ten una plaça de las grandas del ponch de vista estrategic. La vila es inscricha sus la tièra de las « Plaças Fòrtas » reialas. Per assegurar la gestion militara particulara en temps de guèrra, lo rei nomma de governadors, lòctenents del Rei, puèi majors.
La Comunitat se considèra coma cosenhor sul territòri de la vila. Los cònsols tenon cap sistematicament al senhor Comte-Evesque a al Capítol. Fan tanben çò meteis amb lo govèrn militar qu’es un mal necessari en temps de guèrra. En temps de patz, los cònsols capitan d’obténer la reconeissença de lor drech de gerir lo terrador, recantonant lo major dins lo Fòrt de Brescon.
Introduction
Le terroir d’Agde est assez particulier pour une ville maritime. La ville proprement dite est à environ 5 km de la mer, installée sur le bord d’un fleuve difficilement navigable par son ensablement. Elle est bordée par 14 km de côtes sur la Méditerranée.
La place forte d’Agde sur laquelle s’exerce le gouvernement militaire est composée de cinq éléments bien séparés géographiquement les uns des autres :
- La ville entourée de murailles et de tours,
- Le Fort de Brescou,
- La tour du Cap d’Agde qui sera remplacée au XVIIe s. par une batterie,
- La batterie du Grau d’Agde construite au début du XVIIe siècle,
- La batterie de Rochelongue construite au XVIIIe siècle.
A. Les différents éléments de la Place Forte
1. Les murailles de la ville
Construites dès le XIIe siècle en s’appuyant sur une base érigée par les grecs entre le VIe et le IVe siècle avant J.-C., les murailles entourent la ville entièrement dans un premier temps. Des tours rondes ou carrées séparent des murs épais formés d’arcs évidés surmontés d’un chemin de ronde. Plusieurs portes fortifiées assurent l’entrée et la sortie des habitants. Très rapidement, la ville déborde de ses murs en direction de l’est vers le prieuré Saint-André alors hors les murs. Une deuxième enceinte est construite au XIIIe siècle sur le même schéma que la première : tours, murs, porte. Le mur de séparation entre la Cité et le Bourg disparaît bientôt, ennoyé dans la construction des maisons.
Le développement économique de la ville avec l’augmentation du trafic maritime, entraîne la destruction du mur côté rivière et la création d’un port en rivière. Deux portes sont ajoutées : la « Porte de la Fontaine », au pied des bâtiments du Chapitre qui protège la ville du port, et la « Porte Notre Dame » construite au XVIIe siècle aussi en bordure du fleuve, qui permet de rejoindre Notre-Dame-du-Grau d’où son appellation.
L’entretien des murailles et des portes est assuré par l’association du seigneur-évêque et de la Communauté appelée « l’Œuvre Commune ». Chacun des deux associés fournit pour moitié, les revenus nécessaires au paiement de l’entretien ainsi qu’un « ouvrier », chanoine pour l’évêque, bourgeois pour la Communauté, chargé de gérer les travaux.
2. Les citadelles
Jusqu’en 1632, la ville compte deux citadelles : la citadelle dite « haute », située à côté de la Porte de Fer (aujourd’hui la Salle Molière), et la citadelle appelée « basse », fermant la muraille au bord de l’Hérault en direction du Grau d’Agde. Chacune de ces citadelles est commandée par un capitaine à la tête d’un petit détachement de soldats. Leur rôle est d’assurer la sécurité de la Cité et du Bourg.
Entre 1629 et 1632, les deux citadelles sont démolies. En 1632, les restes de la citadelle haute composés d’un seul logement sont rachetés par les Religieuses de Sainte Marie tandis que la citadelle basse est entièrement détruite. La Porte Notre Dame et des habitations sont construites à sa place.
3. Les casernes
La destruction des citadelles oblige une partie des militaires qui stationnent en ville, à loger chez l’habitant. L’autre partie est logée dans des maisons louées à cet effet. Les officiers sont reçus dans les meilleures hostelleries et chez les riches bourgeois. Les chevaux des cavaliers sont répartis dans les écuries des auberges et des habitants. En 1745, la Communauté envisage la construction de nouvelles casernes. Elles seront finalement édifiées au bord de l’Hérault, au pied du palais épiscopal en 1767.
4. Les batteries et la tour du Cap
Lors de la guerre de succession d’Espagne (1701-1714), la France est en grande difficulté. Lors de la réunion du 5 janvier 1709, les États du Languedoc examinent une nouvelle ligne de défense côtière. La décision est prise de construire trois batteries : Leucate (La Franquie), le Grau de La Nouvelle (Port La Nouvelle), le Grau d’Agde. Les plans sont confiés à l’ingénieur Antoine Nicquet. Les travaux sont adjugés à Roussel le 29 janvier 1709.
Lors de la guerre de sept ans (1756-1763), la France se retrouve face à la flotte anglaise. En 1758, sous le commandement du Maréchal de Thomond et le soutien financier des États du Languedoc, le projet de l’ingénieur Jacques Philippe Mareschal est mis en chantier. Le « système Mareschal » a pour objectif de « garder, protéger, surveiller » les plages. Il est basé sur une suite de redoutes simples, de redoutes à batteries et de tours de signal. Les batteries de Rochelongue et du Cap sont construites en 1759, avec la tour des Signaux (appelée aujourd’hui « Tour des Anglais »). Si la batterie de Rochelongue est une construction nouvelle, celle du Cap vient compléter une tour très ancienne mentionnée lors de la démolition des citadelles. Elle n’avait jamais été démontée car utilisée pour le contrôle sanitaire des navires désirant mouiller au port d’Agde. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2020 |
---|---|
Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Irène DAUPHIN |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |