Le castellas de Montpeyroux (Hérault)
Compte-rendu des travaux de mise en sécurité (2010)

* Architecte DPLG vincent.chapal@wanadoo.fr

Préparation du chantier

En 2008, le Conseil Général de l’Hérault, propriétaire du Castellas de Montpeyroux, décide d’engager sur ce site protégé (site inscrit depuis le 30-07-1943) des travaux de mise en sécurité. Ce programme a été précédé d’une étude archéologique réalisée en 2002 ("Évaluation et diagnostic archéologique : Le Castellas de Montpeyroux" par E. Charles).

En effet, les murs de cette ancienne fortification du XIIIe siècle, ainsi que les ruines des bâtiments conventuels élevés à l’intérieur de l’enceinte au milieu du XIXe siècle, font peser un danger sur les promeneurs toujours plus nombreux séduits par l’attrait des lieux.

Cette sécurisation du site doit donc permettre, tout en assurant la préservation des vestiges historiques, de l’ouvrir plus largement à la visite, voire de l’utiliser pour l’accueil de manifestations culturelles.

Après une phase d’études et de consultation menée en concertation avec la mairie de Montpeyroux et l’Architecte des Bâtiments de France, les travaux entrepris en novembre 2009 se sont achevés en septembre 2010.

L’approche du projet a pris en compte l’ensemble du site, de ses structures bâties et du couvert végétal associé.

Ces éléments étant de vastes dimensions, il a été nécessaire, après un examen exhaustif, de sélectionner les parties à traiter en fonction de leur état de conservation et des risques en résultant.

Les choix, validés par la maîtrise d’ouvrage, ont conduit à la réalisation des travaux en trois grands chapitres :

— la consolidation du mur d’enceinte,

— la résorption des ruines de l’ancien couvent,

— l’entretien et la consolidation du couvert végétal

Vue aérienne du Castellas avant travaux
Fig. 1 - Vue aérienne du Castellas avant travaux
Vue du Castellas depuis la plaine après travaux
Fig. 2 - Vue du Castellas depuis la plaine après travaux

La consolidation du mur d'enceinte

L’objectif poursuivi était double :

— sécuriser les abords des ouvrages en garantissant leur tenue et leur solidité,

— profiter des moyens mis en œuvre pour réaliser cette mise en sécurité (échafaudages, treuil, élévateur, etc.) pour procéder à un traitement complet des maçonneries de façon à ne plus avoir à réintervenir.

Ce dernier point permettait en outre de réaliser une véritable mise en valeur de certains éléments architecturaux évocateurs, notamment, du système défensif de la fortification. Le mur d’enceinte, long de 350 m, est composé de deux types de construction :

— les pans de mur épais, probablement les plus anciens (XIIIe siècle ?), portant notamment des restes de dispositions défensives, chemin de ronde et parapet crénelé,

— les pans de mur plus minces, de facture plus récente, de simple clôture, probablement remontés au XIXe siècle pour assurer la fermeture de l’enclos.

Les zones à restaurer ont été choisies sur les secteurs les plus anciens à la fois pour leur intérêt historique et en raison de leur état de conservation plus dégradé.

Les interventions sont décrites ci-après, par secteurs, dans l’ordre du plan ci-dessous.

Interventions communes à tous les secteurs

Sur tous les secteurs sélectionnés, les murs en maçonnerie de moellon ont partout été traités de la manière suivante :

L’ensemble des maçonneries a été entièrement purgé de la végétation implantée, des éclats de pierre et du mortier désagrégés, non adhérents ou instables. Les parements en pierre ont été nettoyés par lavage à l’eau sous faible pression et brossage, puis rejointés au mortier de chaux naturelle et sable local coloré pour s’harmoniser avec les parements anciens environnants. Les lacunes du parement ont été comblées. Le cœur des murs a été conforté par injection de coulis de chaux par gravitation. Les couronnements ainsi que le chemin de ronde ont été consolidés et protégés contre les entrées d’eau par scellement et rejointoiement des moellons instables.

Les travaux de maçonnerie et de démolition ont été réalisés par l’entreprise Muzzarelli, du Bosc(34).

Localisation des interventions
Fig. 3 - Localisation des interventions

1. Porte Est

Cette ouverture au profil incertain a été consolidée en l’état, de même que le chemin de ronde au-dessus, mais sans reconstitution.

L’ensemble des maçonneries a été entièrement conforté et protégé conformément aux dispositions précisées plus haut.

La vieille grille tordue existante a été remplacée par un ouvrage à barreaudage droit placé en tableau, composé de deux vantaux et d’une imposte fixe. Pour obtenir un ouvrage solide et pérenne, les barreaux sont des profilés pleins de section carrée en acier. La finition est obtenue par mise à rouiller, neutralisation et vernis mat de protection. La serrure anti-vandalisme est renforcée et comporte une entrée réduite à une fente.

Cet ouvrage de serrurerie a été réalisé par l’entreprise Théron de Lodève (34).

Porte Est : face extérieure
Fig. 4 - Porte Est : face extérieure
Porte Est : face intérieure
Fig. 5 - Porte Est : face intérieure
Détail serrure
Fig. 6 - Détail serrure

2. Angle Sud-Est

Il s’agit d’un des deux secteurs sur lesquels a été concentrée la surveillance archéologique associée à l’opération. Dans cet angle, la muraille forme un retrait qui ne trouve pour l’instant pas d’explication. C’était l’occasion d’en savoir éventuellement davantage sur la succession des différents murs discernables. Les élévations et deux sondages de sol ont fait l’objet d’un relevé complet selon les normes archéologiques en la matière avant toute intervention de restauration. Même sans effet direct sur l’actualité des travaux entrepris, cet état des lieux, bien que partiel, trouvera certainement à être exploité dans l’avenir.

Relevés et rapport ont été réalisés par la société agréée Acter de Saint-Estève (66) sous contrôle du Service Régional de l’Archéologie.

L’ensemble des maçonneries a été entièrement conforté et protégé conformément aux dispositions précisées plus haut.

En partie haute, un garde-corps en maçonnerie a été établi dans la continuité du mur en remplacement de la rambarde métallique qui faisait jusqu’ alors office de protection.

Pour assainir le sol sur cette terrasse où la vue est superbe, a été réalisé sur deux mètres de large un revêtement en béton désactivé fabriqué avec des éclats de pierre et de brique provenant du site. Des gargouilles en pierre évacuent les eaux de ruissellement.

Angle sud-est : face extérieure
Fig. 7 - Angle sud-est : face extérieure
Angle sud-est : belvédère
Fig. 8 - Angle sud-est : belvédère

3. Mur de courtine Ouest (section à crénelage)

Mur de courtine ouest, face intérieure avant travaux
Fig. 9 - Mur de courtine ouest, face intérieure avant travaux
Mur de courtine ouest, face intérieure après travaux
Fig. 10 - Mur de courtine ouest, face intérieure après travaux

Sur ce pan de mur, une importante fissure en partie médiane a été remaillée. L’ensemble des maçonneries a été ensuite entièrement conforté et protégé conformément aux dispositions précisées plus haut.

Les menons et certaines lacunes dans le parement en soubassement extérieur ont été reconstitués dans le respect des traces existantes. Les deux trous situés systématiquement sur chaque merlon du crénelage ont été notamment conservés.

On suppose, sans que la question ne soit encore tranchée, que cette disposition permettait la fixation d’un volet mobile clôturant le créneau en cas d’attaque.

Ont été dégagées les rainures réservées dans le sol du chemin de ronde. Ces évidements, qui se traduisent par une rangée de trous visibles à l’extérieur à la base des menions, étaient prévues pour recevoir les madriers destinés, en cas d’agression, à élargir le chemin de ronde et le rendre ainsi praticable pour la défense de l’enceinte.

Schéma de reconstitution
Fig. 11 - Schéma de reconstitution

4. Mur de courtine Nord (section de muraille située en position médiane comprenant deux « tours »)

Mur de courtine nord avant travaux
Fig. 12 - Mur de courtine nord avant travaux
Mur de courtine nord après travaux
Fig. 13 - Mur de courtine nord après travaux
Chemin de ronde
Fig. 14 - Chemin de ronde

C’est la partie la plus imposante de la fortification. Elle a subit plusieurs modifications : chemisage, rehaussement.

L’ensemble des maçonneries a été entièrement conforté et protégé conformément aux dispositions précisées plus haut.

Les merlons et certaines lacunes dans le parement ont été reconstitués selon les traces existantes. A l’extérieur, le tracé du premier crénelage, situé environ deux mètres sous l’actuel parapet, a été volontairement accentué pour une meilleure lisibilité.

Le sol du chemin de ronde a été déposé puis reposé sur une chape étanche.

Face extérieure
Fig. 15 - Face extérieure

5. Porte Sud-Ouest (section à crénelage)

Cette section comprend deux interventions complémentaires.

Le mur

L’ensemble des maçonneries a été entièrement conforté et protégé conformément aux dispositions précisées plus haut.

Les merlons et certaines lacunes dans le parement ont été reconstitués selon les traces existantes. Des éléments plus récents, comme les restes de bardelis en pierre plate, ont été conservés en place.

Mur sud-ouest, face extérieure avant travaux
Fig. 16 - Mur sud-ouest, face extérieure avant travaux
Mur sud-ouest, face extérieure après travaux
Fig. 17 - Mur sud-ouest, face extérieure après travaux
Porte sud-ouest après travaux, face intérieure
Fig. 18 - Porte sud-ouest après travaux, face intérieure

La porte

Entrée déjà mentionnée au XIIIe siècle (porte de Nalaiéta), cette porte dans le mur d’enceinte avait été dépouillée de la plus grande partie de son encadrement, puis bouchée. De plus, le niveau de seuil était difficilement perceptible. Subsistaient cependant des éléments d’authenticité intéressants ébrasement et arrière-voussure intérieurs, logement de la barre de condamnation, partie d’une assise d’encadrement.

Il s’agit d’un des deux secteurs sur lesquels a été concentrée la surveillance archéologique associée à l’opération. Sols et élévations ont fait l’objet d’un relevé complet selon les normes archéologiques en la matière avant toute intervention de restauration.

Relevés et rapport ont été réalisés par la société agréée Acter de Saint-Estève (66) sous contrôle du Service Régional de l’Archéologie.

Le dégagement des sols jusqu’au rocher n’a livré que peu d’éléments d’information immédiatement utilisables, mais la démolition du bouchement et le dégagement des maçonneries d’origine ont permis de reconstituer le dessin de l’encadrement de la porte qui a pu être rebâti. Le niveau de seuil a été établi de manière à éviter toute saillie de marche à l’extérieur où une petite rampe caladée a été crée pour assurer la continuité du cheminement.

Cette ouverture a été équipée de vantaux en chêne ajourés, s’inspirant d’ouvrages médiévaux, avec pentures, verrous et arrêts en fer forgé et serrure de sécurité.

Cet ouvrage de menuiserie a été réalisé par l’entreprise Ivorra de Pézenas (34).

Vantaux bois à claire-voie
Fig. 19 - Vantaux bois à claire-voie
Détail des vantaux
Fig. 20 - Détail des vantaux

La résorption des ruines de l'ancien couvent

L’objectif recherché en premier lieu était de faire cesser le danger d’effondrement de hauts murs, vestiges d’un bâtiment de grandes dimensions édifié vers 1860, au trois quart détruit après avoir été volontairement dépecé.

La conservation de l’édifice a été abandonnée au vu de son état avancé de dégradation et du peu d’intérêt architectural et symbolique de cette construction. Il a été décidé toutefois de conserver le tracé de l’emprise du bâtiment ainsi que sa grande terrasse sud qui constitue un magnifique belvédère ainsi que l’aboutissement du chemin de croix.

Ruines du couvent avant intervention
Fig. 21 - Ruines du couvent avant intervention
Ruines du couvent après intervention
Fig. 22 - Ruines du couvent après intervention

Pour des raisons d’économie de transport (dans un site isolé, uniquement accessible par un chemin de terre) et de fourniture de matériaux de restauration, la démolition a été assortie d’une exigence de tri, de récupération et de recyclage des matériaux de construction.

Les blocs de pierre de taille qui constituaient les bandeaux d’étage et d’encadrement de baie ont été récupérés et rangés sur une aire dédiée. Les blocs particulièrement travaillés issus de la façade de la chapelle (dont un dessin de reconstitution à été réalisé) ont été également rassemblés.

Les moellons de pierre de garrigue ont été également mis de côté. Une partie a été utilisée immédiatement pour la restauration des murs de l’enceinte et des terrasses. L’autre partie a été stockée sur place en prévision de travaux ultérieurs, sous la forme de deux dépôts bien délimités.

Après démolition, l’aile Est et la chapelle du couvent, ainsi qu’une partie de l’aile Ouest ont pu être dégagées jusqu’au niveau du sol du rez-de-chaussée.

Les murs principaux ont été arasés à un mètre environ de hauteur et parfois complétés de manière à former garde-corps. Les couronnements de mur ont été stabilisés et rejointés.

Les sols n’ayant pas été défoncés, les couches archéologiques n’ont pas été atteintes et restent à explorer dans un cadre adéquat.

Etat après démolition
Fig. 23 - Etat après démolition
Stock de pierre de taille
Fig. 24 - Stock de pierre de taille
Blocs issus de la chapelle
Fig. 25 - Blocs issus de la chapelle
Ancienne façade de la chapelle
Fig. 26 - Ancienne façade de la chapelle
Dépôt de moellons
Fig. 27 - Dépôt de moellons

Les murs de soutènement de la grande terrasse sud du couvent ont été reconstitués.

— pour le mur Est, bouchement d’une brèche et remontage d’un garde-corps,

— pour le mur Ouest, reconstitution presque intégrale avec garde-corps.

Les rampes en pas-d’âne qui conduisent à la terrasse restent à remettre en état (murs de soutènement, garde-corps et revêtement de sol) et devront faire l’objet d’un programme complémentaire.

L'entretien et la consolidation du couvert végétal

La tendance de l’évolution du couvert végétal étant aujourd’hui à un envahissement régulier de la colline aux abords du Castellas, il a été procédé à certaines coupes de dégagement des murailles de façon à les rendre plus perceptibles dans leur continuité sur les vues d’ensemble du site observé depuis la plaine.

Après un débroussaillage général et l’élimination des espèces indésirables, la population de pins d’Alep implantée à l’intérieur de l’enceinte a fait l’objet d’un diagnostic phytosanitaire (Alain Valette Expert forestier).

Certains sujets en mauvais état ont été abattus, mais la plupart ont été maintenus, au vu de leur valeur paysagère, et entretenus (élagage soigné).

Mur de la terrasse sud remonté et consolidé (partie est)
Fig. 28 - Mur de la terrasse sud remonté et consolidé (partie est)
Mur de la terrasse sud remonté et consolidé (partie ouest)
Fig. 29 - Mur de la terrasse sud remonté et consolidé (partie ouest)
Pin d’Alep étayé
Fig. 30 - Pin d’Alep étayé

Deux sujets menaçant les murailles ont été consolidés, haubané pour l’un et étayé pour l’autre. Leur évolution sera contrôlée dans l’avenir.

Des plantations ont été réalisées en fin de chantier à l’intérieur de l’enceinte. Différentes essences de pins (pin Pignon, pin de Salzman, pin d’Alep et pin de Calabre) vont être testées pour définir laquelle sera le mieux à même de remplacer progressivement les pins existants.

Pour maintenir les lieux en état, l’entretien de l’ensemble du site sera à assurer de façon régulière.

Le projet a été établi et le chantier suivi par le cabinet Avril en mai Cécile Mermier Paysagiste DPLG.

Les travaux ont été réalisés par l’entreprise Arbre et Sol de Montpeyroux (34).

Pin d’Alep haubané
Fig. 31 - Pin d’Alep haubané

En conclusion

Sous réserve des ajustements de détails inévitables sur un chantier de restauration, les interventions prévues au projet ont été menées à bien.

Au delà de la mise en sécurité indispensable, la présentation de l’architecture et des espaces extérieurs a pu être nettement améliorée dans le respect de leurs caractères historiques, archéologiques et paysagers.

Néanmoins, le travail devra être poursuivi pour assurer la préservation de l’intégralité de l’enceinte.

Reste également à faire vivre ce décor évocateur, cadre potentiel d’une simple ballade dans le passé où, au-delà, d’activités collectives plus festives.

Espérons que l’élan impulsé par ce chantier tant attendu encouragera sans tarder d’autres initiatives.

Vue d’ensemble de l’enceinte sud dégagée
Fig. 32 - Vue d’ensemble de l’enceinte sud dégagée