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Description

La naissance de Jacques Ier d’Aragon :
entre histoire et légende (XIIIe-XVIIIe siècles)

* Université Bordeaux Montaigne, EREMM-AMERIBER

Jacques Ier d’Aragon, surnommé également Jacques le Conquérant, fils de Pierre II d’Aragon et de Marie de Montpellier, naquit à Montpellier dans la nuit du 1er au 2 février 1208. Comme son père qui mourut alors qu’il n’avait que cinq ans, il fut couronné roi d’Aragon. Par la suite, il fut roi de Majorque (1229-1276), roi de Valence (1239-1276), comte de Barcelone, de Ribagorce, d’Urgell, de Gérone, d’Osona, de Besalú, de Pallars, de Jussà, de Roussillon et de Cerdagne (1241-1276), seigneur de Montpellier et baron d’Aumelas (1213-1276) 2.

Les circonstances de la naissance de Jacques le Conquérant considérées comme miraculeuses et merveilleuses, tiennent plus de la légende que de l’histoire. À mi-chemin entre la culture savante et la culture populaire, elles s’articulent autour d’un double motif folklorique qui est celui de la substitution sexuelle et de la mise à l’épreuve de la femme mariée 3. Cet arrière-fond folklorique n’est pas dénué de considérations d’ordre politique et idéologique, dans la mesure où il s’agit de faire valoir la légitimité du fils de Pierre II d’Aragon et de maintenir la seigneurie de Montpellier, convoitée par le royaume de France, dans le giron de la couronne d’Aragon. Comme le dit Georges Frêche dans sa préface au livre de François Delpech :

L’habileté des souverains fut d’aller dans le sens de la marche du temps ; celle des consuls, des bayles et des notables, de soutenir le prestige de la comtesse4 Marie dont l’époux, souverain d’un vaste royaume, confortait le destin de Montpellier. C’est dans ce climat favorable que naîtra l’enfant du miracle, ou plutôt l’enfant du subterfuge. Histoire rocambolesque, mais fait authentique transmué en légende : à la faveur de la nuit, Pierre d’Aragon trompera sa femme avec elle-même, grâce à un complot ourdi par la reine et les Montpelliérains. Marie et son fils sont encore aujourd’hui pour les habitants de Montpellier, parés de toutes les vertus. Sans égard pour la réalité historique, et par contamination, on passera de Marie du Ciel à Marie la Sainte Souveraine. Son fils lui-même, abdiquant en 1276, au faîte de sa gloire, pour revêtir la coule cistercienne au couvent de Poblet, près de trois siècles avant Charles Quint, deviendra un héros de vitrail5.

1 - Marie de Montpellier : une épouse doublement spoliée et délaissée

Il convient de rappeler que les liens entre la dynastie des Guilhem et les comtes de Barcelone remontaient au XIIe siècle. En effet, celle-ci fournit des contingents aux campagnes de Majorque et de Tortosa en 1144 et 1146, lutta contre Anfos Jourdain, comte de Toulouse, ennemi juré des comtes de Barcelone, et arrangea, en 1166, la reconquête de la Provence, où elle exerçait de hautes fonctions administratives 6. Le mariage, en 1204, entre Pierre II d’Aragon et Marie de Montpellier ne fit que consolider cette alliance ; dès lors et jusqu’en 1349 la seigneurie de Montpellier fit partie intégrante de la couronne d’Aragon. Au rang des personnages qui furent à l’origine de ce changement de dynastie, se trouvaient le père Guilhem VIII, sa fille Marie de Montpellier et son troisième mari Pierre II d’Aragon, ainsi que son petit-fils Jacques le Conquérant.

Sous la pression d’Alphonse II, roi d’Aragon, Guilhem VIII (1179-1202) épousa en premières noces Eudoxie de Comnène, nièce de l’empereur de Byzance, de qui il eut une fille : Marie de Montpellier. L’incompatibilité de caractères entre les deux époux due, principalement, à leurs différences de niveau social et de religion – Eudoxie était orthodoxe -, et l’absence d’héritier mâle au bout de sept années de vie conjugale, incitèrent Guilhem à s’éloigner de sa femme et à l’enfermer dans le monastère d’Aniane.

Se croyant libéré de ses engagements matrimoniaux, en avril 1187, il épousa en secondes noces Inés (Agnés) de Castille, une cousine éloignée d’Alphonse II 7. Celle-ci lui donna six fils – dont le futur Guilhem IX – et trois filles. Guilhem comptait sur la bienveillance du Saint-Siège pour faire annuler son union byzantine et légitimer les enfants de ce second lit. […]

Informations complémentaires

Auteur

Vincent PARELLO

Année de publication

2023

Nombre de pages

10