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Description

Le testament de Guilhem de Roquefeuil (1274),
redécouvert aux Archives Nationales de Madrid

* Professeur certifié d’espagnol

Une redécouverte inespérée

Une des principales sources d’informations que nous possédions jusque-là sur Guilhem de Roquefeuil était son codicille, rédigé en novembre 1275. Bien que comprenant des informations précieuses, il était frustrant de ne pas en savoir davantage. Nos recherches « tous azimuts » sur le passionnant personnage ont cependant fini par porter leurs fruits avec la découverte, ou redécouverte, d’une excellente transcription réalisée en 1305 de son testament de janvier 1274. Pour davantage d’informations, nous renvoyons le lecteur à notre article publié en 2020 sur Guilhem de Roquefeuil 1 et à un ouvrage substantiel et exhaustif à paraître prochainement 2.

En 1274, Guilhem devait avoir environ soixante ans. Il avait dicté auparavant au moins un testament et un codicille, rédigés par le notaire Bernard de Bernis 3, très certainement avant de partir pour la campagne de Murcia en 1265 et peut-être avant la croisade de 1269 ; celui de 1274 (18 janvier) est celui qu’il appelle « mon dernier testament ». Ce document était connu de l’abbé Goujet 4, qui publia en 1759 dans son Supplément au Grand dictionnaire historique de Moréri une excellente notice sur la famille Roquefeuil (lignages de Versols, Londres, Rocafull). Malheureusement, il n’en révélait aucun élément, hormis sa date (18 janvier 1273, qu’il faut attribuer à l’année 1274) et tous les chercheurs postérieurs supposèrent le précieux testament perdu dans la tourmente révolutionnaire. Une transcription, réalisée en 1305 par le notaire de Montpellier Guillelmo Mascherii et deux de ses collègues, avait cependant été soigneusement conservée parmi les parchemins de l’abbaye de Valldigna (royaume de Valence) qui avait acheté en 1324 les alquerías (villages, domaines) ayant appartenu aux Roquefeuil, récupérant au passage toutes les chartes concernant la famille à Fortaleny et ses environs depuis 1241. Beaucoup plus tard, toute cette documentation fut conservée à l’Archivo Histórico Nacional à Madrid. Le dos du parchemin comporte une inscription qui montre que le testament fut consulté au moins une fois, peut-être à l’occasion d’un procès ayant eu lieu en 1595 entre l’abbaye et le commandeur de la maison de Valence de l’Ordre de Saint Antoine au sujet de l’église de Fortaleny : la note en catalan dit : « testament de mossen Rocafull ab la clausula del benifet de Fortaleny » (…avec la clause du bénéfice de Fortaleny) ; et un trait a été tiré devant les lignes correspondant aux donations de Fortaleny.

Il fallut attendre la deuxième partie du XXe siècle pour que le fameux historien américain Robert I. Burns 5 redécouvre le parchemin en inspectant la carpeta n°3364 correspondant aux années 1273-78 de la documentation de Valldigna. Malheureusement, là encore, Burns n’en fit rien, ne soupçonnant sans doute pas l’énorme intérêt qu’il revêtait pour les médiévistes français ainsi que pour les actuels descendants et parents de Guilhem de Roquefeuil ; cependant il en signala plus tard l’existence à la médiéviste canadienne de l’Institut d’Estudis Catalans, Jill R. Webster. Celle-ci ne s’intéressa qu’à une donation pieuse aux Frères Mineurs à Alzira, comptant parmi les plus anciennes du royaume 6. Environ 25 ans plus tard, je découvris cette mention de Jill Webster et m’empressai 7 de demander une reprographie à l’AHN… pour finir par me rendre compte, après une attente interminable de 10 mois, que la référence était erronée ! En effet, Jill Webster avait confondu le n°1 avec le n°7 ! Il fallut donc à nouveau patienter de longs mois – en tout, deux ans – pour enfin recevoir copie de l’extraordinaire et gigantesque parchemin qui avait sommeillé 750 ans dans les archives. (Fig. 1) […]

Informations complémentaires

Auteur

Philippe FIGUIÈRE

Année de publication

2023

Nombre de pages

20