Le parc, où nature rime avec culture
Du parc à la nature sauvage chapitre 5.
Le parc, où nature rime avec culture
Étude réalisée par
Isabelle CELLIER, anthropologue
avec la contribution de :
Jean-Louis GIRARD, historien du village
Claude RAYNAUD, archéologue
Maëlle BANTON, géographe
p. 59 à 80
Si la chasse est révélatrice du rapport à la nature qu’entretenait un propriétaire bourgeois de cette époque, l’exploitant sans restriction pour ses loisirs, l’aménagement du parc illustre par contre son rapport à la société où le paraître était essentiel. Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, dans leurs travaux sur la grande bourgeoisie, montrent bien « combien le fait d’habiter le patrimoine représente pour les dominants une manière de maîtriser le passé, le présent et l’avenir, d’asseoir leur domination à travers la visibilité de ce patrimoine » 1. L’ostentatoire faisant loi, le parc n’échappa pas à la règle et au contraire, y contribua. Après l’embellissement du château, il allait en effet subir de profonds changements. Jusque-là, il servait peu d’agrément, malgré la création au XVIIe siècle d’une grande cour et d’un colombier. Et même si l’on y avait construit en 1673 une glacière pour répondre à la fois à la conservation des aliments et à la mode favorisant la culture du goût et de la gourmandise, la destination du parc était essentiellement utilitaire, consistant en un jardin potager, appelé « jardin à roue » car il était pourvu d’une noria facilitant l’arrosage.
Cela allait changer sous la férule de Paul Manse, qui allait procéder à la construction d’une magnifique orangerie mais aussi à la plantation d’espèces exotiques et à un aménagement paysager qui du parc traverserait les clos jusqu’au bois de la Barthelasse pour permettre à tous de flâner et profiter de la nature gouvernée du domaine, s’opposant ainsi à la nature sauvage du domaine de la chasse. Cette nature gouvernée, elle le fut à des fins agricoles d’abord, pour générer des profits, mais ces profits furent réinvestis en grande partie dans l’agrandissement et l’embellissement du château et de son environnement naturel, améliorant ainsi le cadre de vie de ce lieu de villégiature, et surtout son image sociale.
5.1. Une nature gouvernée
Gouvernée, la nature l’est déjà par les murs qui la séparent du monde extérieur, des murs dont la hauteur arrête le regard. (Fig. 36) Notre descriptif s’appuiera sur les trois plans établis pour rendre compte de l’évolution de la construction des murs et de l’installation des portails qui les percent.
Au niveau du parc d’agrément, ces murs sont troués seulement de trois portails en fer forgé. (Fig. 37)
Le premier (1) donnant sur la rue du Parc devant la façade nord du château, date du XVIIe siècle, ce qui indique que cette entrée est la plus ancienne ; un deuxième (2) donnant sur la « route royale » (Nationale 113), installé au XVIIIe siècle par J.-J.-L. Durand, mais que l’on va surmonter d’une ferronnerie à l’initiale des Manse ; (Fig. 38) enfin le troisième (3) donne également sur la rue du Parc mais au sud du château, et date du XIXe siècle puisque clôturant le passage nouvellement dégagé. Quatre portillons permettent également le passage des piétons, l’un (a) jouxtant le portail nord donnant sur la rue du Parc, les deux autres (b et c) créés à la construction de l’orangerie et l’encadrant, dont les linteaux sont gravés des initiales de Paul Manse, et le dernier (d) donnant accès à la ferme.
Parc et Clos Vieux qui le jouxte ne sont séparés que par une allée. (Fig. 39) Aussi les murs du parc continuent-ils le long de l’actuelle Nationale 113 pour englober également ces terres agricoles, courir le long du Dardaillon qui représente jusqu’en 1890 la limite est du domaine, et finir par longer la rue du Dardaillon, l’« ancien chemin de Lunel-Viel à Lunel-Ville », pour enserrer également les dépendances de la ferme. Quatre portails les percent : l’un (4) permet l’accès à la ferme depuis la rue du Dardaillon, un autre (5) sépare la ferme du Clos Vieux, et les deux derniers (6) et (7), d’une hauteur moindre que ceux du parc, donnent sur la route nationale.
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5.2. Des essences marqueuses de la bourgeoisie
5.3. Des aménagements ostentatoires
5.4. Un système d'irrigation sophistiqué
5.5. Un parc destiné en premier lieu à l'agrément
NOTES
1. PINÇON-CHARLOT, PINÇON, 2005.
2. CLAVAL, 1989, p. 173.
3. BOURA, 2013, p. 66.
4. Partant de l’hypothèse que cette montagnette pouvait correspondre à l’ancienne glacière, Claude Raynaud a pratiqué un sondage archéologique qui a révélé qu’il s’agissait d’un tertre artificiel.
5. UBAUD, 2017.
6. VALANTIN, 2008.
7. AUDURIER-CROS, 1992, p. 37.
8. BÉNETIÈRE, 2013, p. 66.
9. UBAUD, 2017, p. 41.
10. Les rosiers et dahlias semblent des espèces très prisées de l’époque.
11. FLORENÇON, 2003, p. 17.
12. AUDURIER-CROS, 1992, p. 38.
13. RAYNAUD, CELLIER, 2011, p. 89.
14. AUDURIER-CROS, 1992, p. 38.
15. CLAVAL, 1989, p. 168.
16. AUDURIER-CROS, 1992, p. 35.
17. BOURA, 2013, p. 64.
18. GANIBENC, 2014.
19. FLORENÇON, 2003, p. 17.
20. CLAVAL, 1989, p. 168.
21. DE MONTAUT-MANSE, 1913, p. 35.