Description
Des femmes contre le Coup d’État de décembre 1851
* Docteure en langues romanes, spécialité civilisation occitane XIXe siècle
La déportation des femmes en Algérie après le soulèvement contre le coup d’état de décembre 1851 est personnalisée par la journaliste parisienne socialiste Pauline Rolland. Pourtant un tiers des déportées étaient originaires de l’Hérault. Journalières ou cabaretières elles étaient comme leurs sœurs parisiennes des femmes du peuple. Jusqu’ici considérées comme ayant suivi leurs maris ou frères, notre étude tend à démontrer leur engagement dans la continuité de 1848 qui les a exclues du suffrage universel, tournant dans leur politisation et leur prise de responsabilité. Elle essaie aussi de découvrir la vie de ces femmes avant et au moment du soulèvement.
The deportation of women to Algeria after the political upheaval against the December 1851 Coup d’Etat has been written as a personal account by Pauline Rolland, a Parisian and left-wing journalist. Nonetheless, one third of the women deported were from l’Hérault. Like their Parisian ‘sisters’, these were women ‘of the people’, day labourers, inn keepers, etc. who were always considered to have followed their menfolk (husbands, brothers) – however our study shows a tendancy towards their own political commitment and responsibility following on from 1848 when they were excluded from universal suffrage. This article attempts to discover the lives of these women at the time of the uprising.
Es la jornalista parisenca socialista Paulina Rolland que encarna, aprèp lo soslèvament contra el còp d’Estat de decembre de 1851, la deportacion en Argeria de femnas. Pasmens lo tèrç de las deportadas èran d’Erau. Jornalieras o cabaretièras èran de femnas del pòble coma lors sòrres parisencas. Fins ara consideradas coma seguissent lors òmes o lors fraires, nòstre estudi tend a demostrar lor engatjament, dins la continuitat de 1848 malgrat que las excluguèt del vòte universal, virada dins lor politisacion e lor presa de responsabilitat. L’estudi ensaja tanben de descubrir la vida d’aquestas femnas abans e del temps del soslèvament.
La répression qui s’est abattue sur environ 20 000 personnes dans les mois qui suivirent le soulèvement contre le coup d’état du futur Napoléon III en décembre 1851, est bien souvent le seul fait retenu de cet événement. Parmi ces poursuivis, seulement 160 à 169 femmes au plan national. On peut donc, avec un certain nombre d’historiens, considérer la présence des femmes comme marginale ; la Révolution de 1848 les ayant exclues du suffrage universel, leur faible nombre serait une conséquence de la domination de genre : elles auraient simplement suivi frères ou maris pour être leurs cantinières.
Néanmoins dans l’Hérault, le nombre de 60 donné par Jean Sagnes dès 1982, ce qui représente un gros tiers de l’ensemble des femmes poursuivies en France, aurait pu interroger. De plus le nombre global de poursuivis estimé à 2833 pour le département comportait un certain nombre de couples arrachés à leurs enfants. Marcel Hénaux soulignait la présence parmi les « transportées » en Algérie d’au moins quatre femmes du département, sur un nombre total admis jusqu’ici d’environ une quinzaine. Nous nous sommes donc intéressée à elles à partir du travail effectué par le Collectif Hérault 1851-2001, de la base de données réalisée par Jean-Claude Farcy, des ouvrages publiés à l’époque à l’étranger, puis de ceux des proscrits après la loi d’amnistie et des recherches contemporaines sur cette période. Devait-on laisser ces femmes à l’état de victimes ou les faire accéder au statut de sujet de l’histoire, en s’appuyant sur la réflexion de Michèle Riot-Sarcey, en d’autres termes avaient-elles conquis le « pouvoir d’agir », définition de la liberté du penseur utopiste Pierre Leroux ?
Consciente que la totalité de ces femmes ne sont pas présentes dans les archives, nous avons essayé d’analyser ce qui, hormis l’impensé commun, a mis un frein à leur reconnaissance. Je me suis ensuite posée la question de la nature de leur engagement. L’insurrection a-t-elle constitué un tournant dans la politisation des femmes du peuple, mais aussi de la prise de responsabilité par certaines d’entre-elles ? Nous avons donc confronté la thèse de Maurice Agulhon, selon laquelle la liste des déportés pouvait constituer un « inventaire représentatif des cadres et militants du parti républicain », à leurs dossiers et à ce que nous avons réussi à découvrir d’elles. Mais auparavant nous allons faire un bref retour sur l’histoire.
Bref retour sur l’Histoire
De l’avocat montpelliérain au cardeur de laine lodévois, tout un peuple en décembre 1851 s’oppose dans l’Hérault au coup d’état du prince président.
Quatre ans plus tôt, au nom de la République démocratique et sociale, le peuple à Paris, mais aussi en province, avait en février sonné le glas de la monarchie de juillet avant d’être écrasé en juin et de voir ses espoirs anéantis. En décembre 1848 Louis-Napoléon Bonaparte était élu pour 4 ans, selon la constitution, président de la République avec 75 % des suffrages, Ledru-Rollin candidat du Parti démocrate socialiste issu des Montagnards obtenait 5 %. Dans le Sud, grâce aux sociétés populaires, le « parti » de ce dernier a une bonne base et de véritables militants. Bonaparte n’obtient que 40 % et Ledru Rollin 15 à 25 % selon les départements. Il obtient même dans l’Hérault « la majorité à Béziers, dans les cantons de Bédarieux et Pézenas. » La basse vallée de l’Hérault, comme Béziers et Bédarieux, est attentive aux événements politiques et entre en résistance au coup d’état du 2 décembre 1851 par lequel le futur Napoléon III viole la constitution.
Le 5 décembre l’état de siège est déclaré dans l’Hérault, la chasse à l’homme et à la femme est ouverte, elle se poursuit le 20 décembre lors du référendum. La répression sera féroce, et restera dans les mémoires. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2017 |
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Nombre de pages | 15 |
Auteur(s) | Rose BLIN-MIOCH |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |