Description
De L’Avenir agathois à L’Agathois
Une exception à la « table rase » de la presse à la Libération
* Docteur en Sciences de la Communication (Section Histoire) de l’Université Paris II Panthéon –
Assas : Presse et pouvoir de 1944 à 1958.
Contribution à l’histoire de la presse sous la IVe République, 1993, 1390 p.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les journaux qui avaient prolongé leur parution durant l’Occupation, ont fait figure d’accusés et, dans la Résistance, chacun s’accordait à penser que, dès la fin des hostilités, ils devaient tous être interdits et « enfouis à tout jamais dans la fosse commune de nos déshonneurs nationaux ». « La table rase » exigée par le législateur pour permettre l’avènement d’une nouvelle presse s’est imposée dans les villes et les départements au fur et à mesure de la Libération. Si de rares titres ont réussi à publier quelques numéros, aucun n’est parvenu à prolonger sa parution au-delà d’une année comme L’Avenir agathois, dont la création remonte à la fin du XIXe siècle. Les archives consultées permettent d’expliquer cette « exception » qui reste un cas unique dans l’histoire de la presse. […]
At the end of world war II, newspapers published during war time were seen as culprit and in Resistance movements everyone thought that, as soon hostility finished, they will be forbidden and buried in pauper’s grave of our national shame. The clean sweep, required by lawmakers in order to allow coming out of a new newspaper, has been imposed in towns and departments gradually as goes on Liberation. If scarce titles has succeeded to publish some issues, none succeed publishing more that during one year as L’Avenir Agathois, created at the end of nineteen century. The consulted archives makes understand this exception which is unique in newspaper history.
Tous les historiens de la presse le savent. Très souvent, les numéros ronds (100e, 500e, 1000e …) ou les numéros anniversaires sont une mine de renseignements pour qui veut étudier un titre. Comme dans une famille, les journaux aiment se pencher sur leur passé, à la fois pour revenir à l’acte fondateur ou aux valeurs qui ont présidé à leur création afin d’évaluer le chemin parcouru et pour garnir la galerie des portraits de ceux qui les ont animés ou qui ont marqué leur histoire. Sur ce point, L’Agathois n’a pas failli à la tradition. En 2007, il a consacré plusieurs pages pour célébrer le 120e anniversaire de sa naissance. Rédigées par Jean-Claude Mothes, elles fournissaient à leurs lecteurs quelques étapes de l’évolution du journal et, surtout, un rappel des événements qui ont marqué la ville d’Agde. Le titre choisi pour célébrer cet anniversaire – « Depuis 1887, le témoin de l’identité agathoise » – pourrait laisser penser qu’il voulait apporter aussi une indication précieuse sur l’année de sa création. Cependant, Jacques Kayser, dans un livre essentiel pour tous ceux qui veulent étudier la presse française, reconnaissait qu’il n’était « pas possible de se fier, pour découvrir la date réelle de parution du premier numéro, aux indications qui peuvent figurer à côté du nom du journal ». On sait que les journaux ont parfois tendance à reculer la date de leur fondation, en particulier pour des raisons économiques. Un journal qui ne justifie pas de quelques années d’existence et dont on ignore le nombre de lecteurs, a peu de chances d’attirer les annonceurs publicitaires. Sur ce point, Jules Cros, le directeur de L’Agathois, s’est comporté comme bien d’autres avant lui. Invité au lendemain de la Libération à remplir un questionnaire pour obtenir une autorisation de paraître, il fait remonter la date de création de L’Avenir agathois à 1889, alors que la date qui figure à la manchette du premier numéro de ce journal est le 18 février 18944. Son dernier numéro est daté du 22 septembre 1945 (n° 2889). Il laisse la place la semaine suivante, le 29 septembre, à L’Agathois, en gardant sa numérotation (n° 2890) pour bien marquer la relation entre les deux hebdomadaires.
La date du changement de titre pose cependant question au regard de la nouvelle législation sur la presse. Comment se fait-il que ce changement ait été effectué plus d’un an après la libération de la ville où il paraît, alors que la législation sur ce point était d’une extrême sévérité ? En effet, bien avant la fin des hostilités, les conditions de parution de la nouvelle presse destinée à remplacer celle qui avait continué de paraître sous l’Occupation, avaient été rigoureusement codifiées, notamment dans le Cahier bleu, rédigé durant la période clandestine par Pierre-Henri Teitgen, alors secrétaire général provisoire à l’Information, avant de devenir ministre de l’Information à la Libération dans le premier gouvernement du général de Gaulle. De l’avis unanime de la Résistance, tout journal qui avait prolongé sa parution durant la guerre était automatiquement disqualifié et accusé de s’être compromis avec les autorités allemandes et celles de Vichy. De ce fait, il devait, selon la célèbre formule de Pierre-Henri Teitgen, « être enfoui à tout jamais dans la fosse commune de nos déshonneurs nationaux ». Ce qui explique la politique de la « table rase » effectuée par les autorités de la Libération et le nombre très réduit des journaux antérieurs à 1939 qui ont pu reparaître dans les différents départements à la fin des hostilités. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2014 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Yves GUILLAUMA |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |