Cahiers du Haut-Vidourle N° 9 – janvier 2000
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 9 - janvier 2000
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
72 pages
Amis de Clio Avant-propos
Ce numéro 9 des Cahiers du Haut-Vidourle est particulier à bien des égards. Par sa datation d’abord ; il salue la dernière année de ce siècle que l’historien britannique Éric Hobsbawm a appelé Le siècle des extrêmes pour rappeler les atrocités qui l’ont parsemé. Puissions-nous proposer à nos lecteurs pour les années qui viennent des sujets plus posés, moins passionnés.
Il n’en sera rien pour ce numéro entièrement consacré – et c’est là une autre de ces particularités -, au Vidourle. Or ce fleuve est comme le siècle, bref sur son parcours mais capable des pires extrêmes, jusqu’à nos jours il est trop souvent connu à travers ses vidourlades.
Perçu comme dangereux il reste soumis au minutieux examen endoscopique de Jean-Marie Colomina qui ne lui laisse aucun répit et traque la moindre anfractuosité de son cours souterrain. Cette fois, il nous convie quelque part dans les profondeurs de l’aven-évent des Cambous. Ici l’historien cède la parole au grand témoin qu’est René de Joly qui relate sa propre aventure à la découuverte des crevettes cavernicoles. Les kilomètres de galeries se suivent, et la persévérance des hommes permet la découverte de nouveaux systèmes sous nos pieds. Tout au long de ce parcours souterrain, le Vidourle est bien plus grand qu’il ne paraît.
Mais pour les terriens que nous sommes c’est bien le Vidourle aérien qui nous concerne davantage. Stagnant, desséché l’été, il peut se transformer en un torrent furieux en automne. Il dévaste tout sur son passage. Il suffit pour le vérifier de lire la longue litanie des vidourlades proposée en annexe par Sarah Fenouillet. Cette historienne minutieuse ne se contente pas de suivre les égarements du fleuve ; ce qui l’intéresse, c’est la démarche des hommes face aux colères des eaux, face à la crue qui gronde, qui menace et qui tue. Les réponses sont d’abord personnelles ; il n’est au départ que des défenses individuelles, chaotiques, anarchiques qui ne font qu’aggraver les maux et ajoutent l’indiscipline des hommes à celle des eaux. La crue n’est-elle pas pendant longtemps perçue comme une punition divine ? Au fil des ans, de trop longues années, le Sauvain, le Quissacois, le Sommiérois subissent le fleuve. Maladroitement chacun tente de trouver des remèdes qui n’ont en commun que leur inefficacité et leur vanité. La posologie est d’autant plus funeste que ce n’est qu’après les catastrophes que les communautés tentent de réagir. En haut lieu on se préoccupe très tôt des ravages des fleuves et au passage Sarah Fenouillet rappelle l’œuvre novatrice du Second Empire tant décriée par une historiographie républicaine revancharde qui a voulu ignorer que Napoléon III rime souvent avec modernité. Pourtant il faut attendre les années trente pour voir enfin le Vidourle perçu comme une entité globale, celle du bassin versant. Et l’on découvre que le fleuve ne s’exprime pas qu’au travers de son lit, il réagit aussi en fonction des aménagements qui sont effectués sur ses berges et des dégradations qui sont faites aux forêts en amont. Dans un premier temps c’est 12 000 ha de forêt départementale que les responsables locaux envisagent de replanter. Pourtant, il faudra attendre de nouvelles victimes avant de voir une politique d’aménagement se mettre en place.
Cet article intervient au sein d’une actualité douloureuse, les dévastations fluviales dans le département de l’Aude nous rappellent à une dure réalité ; le travail contre les éléments réclame une vigilance constante, non seulement des politiques, mais aussi du simple citoyen qui par son action sur les écosystèmes contribue à l’équilibre ou à la destruction des milieux.
Christiane Pithon, d’une manière pédagogique qui l’honore, nous amène dans le voisinage immédiat du fleuve, le long des rives et nous invite à rencontrer la faune et la flore qui s’y développent. Faut-il le rappeler ? Chaque élément végétal, chaque animal joue un rôle fondamental. Que l’ignorance s’en mêle et des espèces nouvelles sont introduites qui par leur vigueur, la vitalité de leur reproduction peuvent entraîner la disparition d’un milieu fragile. Telle plante exogène s’acclimate qui chasse la végétation séculaire, la berge est alors déstabilisée. La connaissance est affaire de patience, cette promenade tout au long de la rive est une leçon de chose comme l’on disait dans le temps, une leçon d’observation ; Christiane Pithon nous montre comment regarder.
Grâce à l’action du syndicat mixte interdépartemental, le Vidourle est aménagé, ses rives mieux gérées, l’écocitoyenneté s’exprime à travers l’action des pouvoirs publics.
Cet avant-propos s’achève sur une note triste. Cet été disparaissait notre ami Paul Adgé qui venait de nous livrer ses recherches sur Saint-Hippolyte-du-Fort au XVIIIe siècle. Quelques mois auparavant, il avait achevé la rédaction critique de ses années de déportation et de captivité, dont les Cahiers du Haut-Vidourle rendront compte en détail. IL était le doyen de notre équipe et avait d’emblée accepté « pour faire plaisir » de rejoindre une bande d’enseignants dont la présence lui était sympathique. Mais sous son air patelin, sans avoir l’air d’y toucher, il n’avait pas tardé à rédiger deux articles et à faire part de ses remarques critiques et amicales quand le besoin s’en faisait sentir. Il aimait le contact avec les membres de l’association, plus jeunes, issus de milieux différents, qui ne partageaient pas forcément les mêmes valeurs que lui, qui n’avaient pas vécu les mêmes expériences, mais avec qui il aimait échanger et plaisanter. Paul Adgé était la preuve vivante que le fossé des générations peut être vite comblé quand on a à faire, comme l’écrivait Romain Rolland, « à des hommes de bonne volonté ». Lui qui voyageait beaucoup est parti sans même avoir le temps de nous dire « au revoir ». Alors pas d’adieu, mais un grand merci pour ces quelques années partagées et bon vent !
Sommaire
Arrêté du 22 octobre 1858 relatif au Vidourle,
(Baron DULIMBERT, préfet du Gard)
Approuvé par le Ministre, conformément à l’avis du Conseil des Ponts et Chaussées, (section de la navigation).
Les hommes face à la vidourlade (1858-1940)
Cet article a été composé à partir d’un mémoire de maîtrise en histoire contemporaine (1996) soutenu à l’Université Paul Valéry de Montpellier devant le jury suivant : Mme Gavignaud Fontaine (directeur de recherche), M. Lescure, ingénieur hydraulique à la Direction Départementale de l’Équipement, M. Jeanjean, président de l’association « Sommières et son histoire ». Le jury a attribué la mention « très bien » à cette recherche (consultable aux archives communales de Sauve et de Quissac,).
La Vidourlade de 1933 poèmes recueillis par Ivan GAUSSEN
Une chanson et un poème cités par Ivan Gaussen, dans son livre irremplacé Le Vidourle et ses vidourlades, de 1937.
Les dessous de Vidourle (3)
Dès que le petit fleuve côtier nommé Vidourle abandonne les Cévennes cristallines, il se terre. Par des fissures érodées, il s’est creusé des voies en profondeur. Quand sévit la canicule, alors que son lit aérien est complètement à sec, il continue en partie son cheminement vers la mer dans les calcaires.
J’ai pu, par une enquête serrée, le recouper plusieurs fois et c’est en poursuivant cette investigation hydrologique qu’un jour, Émile Dujardin-Weber et moi nous pénétrons dans un curieux trou nommé Les Cambous.
Au bord du Vidourle : la ripisylve
Ripa signifie la rive, c’est-à-dire un espace marquant la limite entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. La rive s’étend au-delà de la berge et constitue un espace d’interface plat. Le mot sylva signifie la forêt. La ripisylve est une formation végétale naturelle riveraine d’un milieu aquatique ; elle forme un liseré étroit ou un corridor très large. Au sein de la ripisylve on peut distinguer deux types de boisement :
Petite flore
13 planches de la flore aux abords du Vidourle.
Le syndicat du Vidourle
En 1989, une vieille idée est enfin concrétisée : considérer le Vidourle dans sa totalité, de sa source à la mer, pour gérer ses eaux, avec leurs étiages et leurs accès d’humeurs, ses berges, avec la ripisylve, sa faune et sa flore, avec son cortège de seuils, de moulins et de ponts. Les conseils généraux du Gard et de l’Hérault prennent conscience de la nécessité de tenir compte l’ensemble du bassin versant si l’on veut enfin apporter la sécurité aux riverains et en même temps valoriser un fleuve qui est un des plus beaux fleurons du patrimoine de leurs départements.