Cahiers du Haut-Vidourle N° 6 – juin 1998
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 6 - juin 1998
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
68 pages
Amis de Clio Avant-propos
C’est chaque fois une véritable émotion pour le comité de rédaction de rédiger cet avant-propos. Car cela veut dire que le numéro est bouclé, que tous les auteurs ont terminé leur article et que l’imprimeur nous attend. Ce numéro 6 n’a pas failli à la tradition de toutes les petites revues : inquiétudes sur les délais de rédaction, problèmes techniques de transmission, panne d’ordinateur… et que nous réserve l’impression ?
Mais la fidélité de nos lecteurs et le bon accueil qu’ils ont réservé à chaque numéro nous met dans l’obligation de paraître à temps et de présenter des recherches originales qui explorent toujours un peu plus l’histoire de notre petite région. Des notables aux petites gens, de la morale et de la moralisation à la solidarité et au civisme.
L’abbé Pialat arrête ses mémoires avec la fin de la persécution mais surtout avec le retour à l’ordre. Et c’est sur la louange de Napoléon que se finit son épopée révolutionnaire. Car finalement, il a lui aussi fait la révolution : la disparition de la consubstantialité du pouvoir royal de droit divin et de la religion catholique, c’est bien une révolution profonde. Et notre abbé accepte cette première laïcisation de l’État, qui s’inscrit dans le concordat où le catholicisme n’est plus que la religion de la majorité des Français.
Retour aux prémices de la révolution avec ROLAND CASTANET qui a pu étudier un document rare : un Grand Livre, C’est-à-dire un livre de comptes en partie double d’un marchand du XVIIIe siècle, prêté par un particulier de Saint-Hippolyte que nous remercions vivement. Nous plongeons au cœur de la vie des notables cigalois dans ces dernières années de l’Ancien Régime, lorsque l’attrait des carrières nobles et militaires est toujours fort, mais où aussi l’aspiration à la reconnaissance comme véritable partenaires sociaux motivera la participation de ces bourgeois riches à la Révolution. Et parallèlement, nous découvrons dans Saint-Hippolyte une ville industrielle prospère et en plein essor.
Cent et quelques années plus tard, c’est plutôt l’image d’une petite ville tranquille que donne Saint-Hippolyte. Mais sous las apparences bouillonnent les passions… et les plaisirs. En étudiant la prostitution dans notre ville, Odon ABBAL nous fait découvrir comment la moralité publique s’accommodait fort bien de la présence de maisons de tolérance. Sur leur existence même, pas de véritable interrogation. Il s’agit qu’elles ne suscitent pas de scandale, qu’elles ne se fassent même pas voir et les autorités s’en accommodent fort bien. Ce n’est pas l’avis des femmes cigaloises qui s’exaspèrent à plusieurs reprises contre ces maisons et leurs pensionnaires. Au nom d’ailleurs d’une morale assez étroite qui fait semblant de croire que les clients de ces dames ne sont que de pauvres jeunes gens ensorcelés, ou même kidnappés et en utilisant des arguments qui relèvent de l’antique chasse aux sorcières La loi Marthe Richard supprime ces maisons en 1946. Elle n’a sûrement pas supprimé les problèmes.
Toujours dans la perspective de décrire au plus la vie quotidienne, ses évolutions et ses permanences, JEAN-MARC BASSAGET continue d’explorer les journaux locaux des années 20. Les autos ont remplacé les vélos, les juges de paix ont disparu, mais c’est aussi toute une organisation sociale de proximité qui a été emportée par la modernité et la mondialisation de notre société. Notre connaissance de l’histoire locale participe au maintien de ce lien minimum qui permet aux collectivités de survivre…
Sommaire
Le Grand Livre de Jean Mourgue,
marchand drapier à Croix-Haute à la fin du XVIIIe siècle
Dix-huit kilogrammes, c’est le poids du document conservé par un particulier à Mandiargues et qu’il a bien voulu nous prêter pour que nous puissions l’étudier.
C’est un grand registre relié en cuir, de 60 cm sur 46, épais de 13, dont malheureusement les plats de la couverture sont détachés, composé de 300 feuillets tous écrits de la même écriture et numérotés en vis à vis de 1 à 300. Sur chaque double page, à gauche sont écrits les débits et à droite les crédits de chaque compte. Seule la première page est déchirée et manque.
Commerce de la chair & moralité publique en pays cigalois au début du siècle
L’inégalité des sexes dans de nombreux domaines est un phénomène qui remonte dans la nuit des temps. Le combat pour la reconnaissance des droits des femmes a duré plusieurs siècles. S’il est un domaine dans lequel l’activité des filles était jadis surveillée, c’est bien celui des pratiques sexuelles. La virginité des jeunes filles était considérée comme garante de l’honneur des familles, tandis que pour les garçons, la chose n’était guère jugée nécessaire. Le soir des noces il était rarement acquis que le jeune homme parvint encore vierge auprès de l’épousée. La plupart du temps, des « grisettes ou des prostituées l’ont aidé pendant les fiançailles à ne pas céder aux attouchements impudiques avec la vierge promise, ce qui lui permet de vivre la nuit de noces en maître initiateur d’une prétendue volupté ».
Un feuilleton révolutionnaire : la vie orageuse de l’abbé Pialat, 1790-1805
(5e et dernier épisode)
24 Mars 1799… Depuis Noël nous avons joui d’une assez douce tolérance, et il s’est passé peu de dimanches où nous n’ayons célébré les Sts Mystères presque publiquement dans les maisons particulières ; 24 mars, solennité de Pâques, nous célébrâmes le St sacrifice la messe à minuit dans l’église, et les fêtes suivantes jusqu’au cinquième dimanche après Pâques ; mais dans la suite l’autorité sembla se laisser compromettre par cette tolérance et nous défendit d’agir dans l’église ; depuis cette époque la Ste Messe se dit à Crémal, sur cette paroisse de Corconne, où tous les catholiques se rendent pour l’entendre dans la basse-cour du citoyen Roux.
Faits divers ... incivisme, solidarité et courage,
des thèmes d'actualité au début du siècle à travers les articles du « reveil cevenol »
Dans notre monde médiatisé à outrance, l’information procède du « scoop », du sensationnel, de l’émotionnel el nous plonge ainsi dans un univers peuplé d’accidents spectaculaires, de meurtres horribles où l’insolite côtoie bien souvent le sordide. Habitués que nous sommes à ce spectacle, nous avons bien du mal à évoquer le banal, le quotidien. Le temps et l’espace ont disparu, pour laisser la place au direct, au supersonique, au virtuel, bref à une entité sur laquelle nous n’avons que peu de prise.