Les Amis de Clio

Cahiers du Haut Vidourle N° 5 - janvier 1998

Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol

72 pages

Amis de Clio Avant-propos

Au seuil de cette nouvelle année de publication, l’horizon s’élargit pour les Cahiers du Haut-Vidourle. Des thèmes nouveaux y sont traités couvrant des ères chronologiques que nous avons jusqu’ici ignorées. La cité antique de Mus, à Sauve, a profondément marqué l’imaginaire local. De quelques ruines, de quelques vestiges, certains ont voulu voir les restes d’une fabuleuse cité. Chacun avec autorité, avec un brin de toponymie, quelque allusion à des auteurs anciens s’est crue autorisé à donner un avis qui ne l’était pas.

L’article de SYLVIE BLÉTRY, de l’Université Paul Valéry (Montpellier III), et de MAURICE FERRAND s’inscrit dans la démarche, humble et systémique, de ceux qui ont l’habitude de chercher et de ne dire que ce qu’ils voient sur le terrain. Leur dernière mise au point sur la cité de Mus est l’exemple d’une pratique scientifique et sereine. L’archéologue ne néglige rien, il fait état des connaissances actuelles, ouvre quelques perspectives, mais pour l’instant, en attendant l’ouverture de fouilles futures, il faut se limiter aux quelques traces encore visibles sur place.

On aurait pu croire qu’avec l’avènement de la IIIe République, les passions religieuses étaient passées au second plan dans les Cévennes. ODON ABBAL retrace les derniers soubresauts d’un conflit séculaire qui oppose encore les cigalois en 1873. La destruction d’une croix est vécue comme un acte sacrilège par une communauté catholique renaissante. Avec l’appui d’un clergé prosélyte et d’un évêque combatif, l’Église essaie de donner à l’événement, une dimension qu’il n’a pas. Encore une fois, dans ce domaine si sensible des mentalités religieuses, Saint-Hippolyte-du-Fort joue le rôle de détonateur.

JEAN-MARC BASSAGET continue, à travers la presse locale, la rédaction des brèves commencée lors du numéro précédent. Cette fois, il s’agit d’un thème grave et encore d’actualité. L’aide aux familles, l’encouragement à la reprise de la natalité. Le souci est bien ancien, il frappe les imaginations, après la « grande ordalie » de 14-18 qui a détruit les générations futures, il faut regarnir les berceaux, d’autant plus que la menace d’une Allemagne revancharde se précise déjà. Élus du conseil général du Gard, académiciens et l’État cherchent les moyens adéquats. Ce sont toujours les mêmes, une aide financière substantielle. On n’a pas trouvé mieux depuis.

ROLAND CASTANET accompagne encore dans ses pérégrinations, l’infatigable abbé Pialat, dont le feuilleton s’arrêtera dans le prochain numéro Les mémoires changent de ton, il semble qu’elles sont désormais rédigées au jour le jour, ce qui leur donne un rythme différent. Toujours victime des persécutions et toujours aussi peu ouvert aux « nouvelletés » de son temps, il alterne toujours avec autant de facilité, les larmes et la joie. Ses déplacements forcés sont une invite au voyage à travers notre région, par des sentes bien oubliées depuis.

Le prochain numéro des Cahiers du Haut-Vidourle poursuivra la publication de recherches universitaires. Ces pages seront en partie consacrées au Vidourle lui-même au travers d’un mémoire de maîtrise consacré à ce fleuve, soutenu à l’université Paul Valéry.

Sommaire

État actuel des connaissances sur le site de Mus à Sauve

Les sources manuscrites donnent peu de renseignements sur l’antique cité dite de Mus. Ptolémée (II, 10, 10) signale, immédiatement après la mention du site de Nîmes, une agglomération qu’il indique sous le vocable de « Vindomagos » décalée d’un demi degré à l’Ouest, par rapport à Nîmes. Une longue tradition locale voudrait attribuer à Mus cette localisation. Malgré l’incertitude de ces données (la ville du Vigan est elle aussi candidate), rien ne permet d’être formel à ce sujet et il convient de demeurer Prudent.

L’affaire de la croix de Saint-Hippolyte-du-Fort (mai 1873)

Les Cévennes sont de longue date terres de passion religieuse. Les XVIe et XVIIe siècles ont été ponctués par les luttes sanglantes entre les communautés protestante et catholique. Après les déchirements qui ont suivi la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 et la fin de la guerre des Cévennes, il semblerait que les tensions se fussent apaisées au profit d’un modus vivendi où chacun aurait trouvé son compte. L’édit de Tolérance annoncerait la fin des rancœurs. Mais l’ère révolutionnaire à nouveau ravive les plaies et ajoute au conflit théologique une dimension politique. Après la crise révolutionnaire l’Empire précise les droits religieux de chacun et les protestants ont désormais droit de cité, le temps de la cohabitation dans le cadre défini par la loi est bienvenu. Du vieux contentieux catholico-protestant, il ne resterait alors que de vieux souvenirs. Mais si le consensus historique est réel, il faut se résoudre pourtant à voir resurgir au moindre incident les vieux fantômes d’autrefois. Les fièvres ne sont pas retombées si vite ; l’affaire de la croix de Saint-Hippolyte-du-Fort le confirme.

La crainte de la dépopulation et la politique familiale,
un sujet (déjà) d’actualité au début des années 20

Au début des années 20, la première guerre mondiale est encore présente dans tous es esprits, dans tous les actes de la vie quotidienne. Les monuments aux morts, érigés dans toutes les communes, témoignent de ce que fut cette longue déchirure, partout le souvenir de la mort hante le paysage.

Mais au demeurant c’est la vie qu’il faut célébrer et l’un des thèmes récurrents des années 22-23 dans les journaux locaux est celui de la natalité. Repeupler la France, voilà bien le souci majeur. Lui redonner cette puissance démographique qui lui a fait tant défaut pense t’on à la veille et pendant le conflit. Il faut donner des enfants à la patrie, pour éloigner le spectre de la dépopulation.

Un feuilleton révolutionnaire :
la vie orageuse de l’abbé Pialat, 1790-1805 (4e épisode)

Dès que le petit fleuve côtier nommé Vidourle abandonne les Cévennes cristallines, il se terre. Par des fissures érodées, il s’est creusé des voies en profondeur. Quand sévit la canicule, alors que son lit aérien est complètement à sec, il continue en partie son cheminement vers la mer dans les calcaires.

J’ai pu, par une enquête serrée, le recouper plusieurs fois et c’est en poursuivant cette investigation hydrologique qu’un jour, Émile Dujardin-Weber et moi nous pénétrons dans un curieux trou nommé Les Cambous.