Cahiers du Haut-Vidourle N° 4 – juin 1997
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 4 - juin 1997
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
72 pages
Amis de Clio Avant-propos
Le numéro 4 des Cahiers du Haut-Vidourle est placé sous le signe de l’innovation. Certes la revue reste fidèle à ses principes, rendre accessible à tous la connaissance d’un patrimoine commun et offrir à chacun la possibilité d’intervenir dans ses pages. Mais il nous a semblé important de varier la nature et la forme des articles tout en continuant à rechercher des auteurs aux compétences multiples. C’est ainsi que dans les prochains numéros nous essaierons d’obtenir des contributions sur des périodes qui n’ont pas été abordées dans nos pages, comme l’Antiquité ou le Moyen-Âge.
Avec JEAN-MARC BASSAGET débute une série différente des articles de fonds présentés jusqu’alors. Il nous a paru intéressant de commenter des « brèves » instants fugitifs de la vie de nos communes, publiés depuis, mais qui, en leur temps, ont profondément bouleversé la vie quotidienne des habitants et ont bercé leurs rêves. L’arrivée de la « fée électricité » à Anduze participe de cette histoire. Elle montre l’irruption de la modernité de la technique dans une petite ville. Mais le plus troublant est ailleurs. Peut-on imaginer de nos jours des manifestations culturelles – la représentation de deux opéras ! -, dans le cadre de nos cités, avec un tel public (entre 3 000 et 5 000 personnes) ? En l’espace de quelques générations on perçoit combien l’introduction de nouvelles techniques de communication a bouleversé le comportement et le goût des populations.
La contribution de TATIANA BOUCHEZ est des plus originales. Première femme qui écrit dans ces pages – et il y en aura d’autres -, cévenole, elle s’inscrit dans cette grande famille de jeunes chercheurs qui allient rigueur scientifique et talent. Son étude paysagère de Saint-Hippolyte-du-Fort, très documentée et dont elle ne présente ici que quelques extraits, fait partie de ces travaux que les Cahiers du Haut-Vidourle veulent faire connaître au plus grand nombre. En l’espace de quelques siècles, sous les effets multiples des aléas climatiques, démographiques, commerciaux et techniques, ce n’est pas seulement le cadre mental des cigalois qui a changé, mais aussi leur cadre spatial. Cette évolution relativement rapide et brutale entraîne de nouveaux rapports entre les hommes et leur espace.
Généalogiste par passion, historien à l’occasion, JACQUES DESCHARD-CAMBON nous livre de vieilles archives familiales. Le juge de paix de Sauve – son ancêtre -, dresse sous le Second Empire, à travers ses rapports trimestriels, le tableau économique et politique de la commune au moment où Napoléon III se lance dans une politique ambitieuse au regard de l’Europe. Au-delà des considérations politiques et des réflexions économiques du temps, à travers la volonté manifeste de bien servir le maître, l’importance de ces rapports montre combien le pouvoir central ne néglige en aucun cas l’évolution de l’opinion publique et n’oublie pas de surveiller l’attitude de ses opposants.
ROLAND CASTANET, inlassablement, accompagne l’abbé Pialat au cours de ses pérégrinations. Le lecteur averti pourra sans mal suivre pas à pas les déplacements de l’infortuné ecclésiastique dans des lieux bien connus, tandis que l’appareil critique qui accompagne les déclarations de celui qui fuit les « anthropophages et autres caraïbes », permet de mieux comprendre des situations qui à première vue paraissent bien confuses en ces temps troublés. On ne pourra s’empêcher de rester confondu par la force de persuasion de l’abbé qui lors de sermons improvisés parvient à apitoyer ses bourreaux. Peut-être étaient-ils moins fanatiques que ce qu’il pensait.
La deuxième année d’existence des Cahiers du Haut-Vidourle s’achève. Ces pages s’ouvriront l’an prochain à des universitaires qui viendront y commenter leurs travaux sur notre région. Le prochain numéro s’annonce encore plus riche que les précédents. La preuve est faite, que l’histoire de cette région est loin d’être épuisée.
Sommaire
Que la lumière soit ! L’inauguration de l’électricité à Anduze en 1923
Il y a dans la consultation des vieux journaux jaunis du début du siècle, le plaisir diffus du retour sur un passé à la fois si proche et si lointain, que l’on en vient à douter qu’il ait pu exister. Il en est ainsi de toutes nos certitudes, de toutes ces évidences qui s’imposent à nous à force de présence, de quotidienneté. L’habitude nous joue des tours, nous qui faisons semblant d’ignorer que notre présent, n’est que la lente construction d’un passé réinventé, réécrit, remodelé par les effets dévastateurs d’un progrès chaque jour plus prégnant.
Comment alors imaginer qu’un jour l’arrivée de l’électricité fut un événement, une fête populaire, l’occasion d’un hymne à un monde en devenir ? La lecture des numéros de l’été 1923 du Réveil cévenol l’organe du Syndicat d’initiative de Saint-Jean-du-Gard et des vallées Borgne et Française, permet de « mettre en lumière », une page de l’histoire locale d’Anduze.
L’évolution du paysage à Saint-Hippolyte-du-Fort,
du paysage agricole du XVIIIe siècle au XXe siècle
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les terres se décomposent en trois unités très simples et bien distinctes : les champs, les bois, les parcours. Jusqu’au sommet des montagnes, l’homme signe le paysage de sa présence. A la fin du XXe siècle, le paysage s’est complexifié, il s’est émaillé de friches, de séries de végétation dégradée telles que la garrigue-pelouse et la garrigue haute à chêne vert. De plus, l’éparpillement, l’extension de l’habitat et la progression de la forêt ont brouillé la perception nette des finages agricoles.
Les rapports du juge de paix du canton de Sauve (1858-1861)
La découverte dans notre vieille maison de famille des brouillons d’un certain nombre d’affaires traitées par mon quadrisaïeul, Antoine-Étienne Julien, juge de paix du canton de Sauve de 1844 à 1866 (sa mort) m’a permis de connaître les activités d’un juge de paix au milieu du XIXe siècle.
À côté des affaires de police assez classiques, les rapports trimestriels adressés au Procureur Impérial du Vigan n’ont semblé présenter un intérêt suffisant pour les proposer aux érudits curieux d’histoire locale, au moins telle que vue pat l’œil du juge de paix.
Un feuilleton révolutionnaire :
la vie orageuse de l’abbé Pialat, 1790-1805 (3e épisode)
Je partis à neuf heures, à jeun, enveloppé de mon manteau, et avec une santé délabrée. Le temps était parfaitement serein, mais il y avait un pied et demi de neige, je dirigeai ma marche vers Dissanlas. Elle était d’autant plus lente que la neige et une fluxion de poitrine dont j’étais atteint me forçaient d’arrêter tous les quinze ou vingt pas pour respirer. J’arrivai à quatre heures à une chaumière presque couverte de neige, je n’y trouvai que trois enfants. Comme j’étais encore à jeun, il y en eut un, qui sut me préparer un mauvais potage, que je pris avec quelques pommes de terres cuites dans l’eau ; je me rendis à six heures à la Narces. J’y trouvai des restaurants pour me conforter.