Cahiers du Haut-Vidourle N° 2 – juin 1996
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 2 - juin 1996
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
68 pages
Amis de Clio Avant-propos
Après un numéro 1 centré sur les grands traits de l’histoire cigaloise, les Cahiers du Haut-Vidourle accueillent quatre nouveaux auteurs autour de thèmes entièrement renouvelés. Cette fois les auteurs se penchent davantage sur le fonds du patrimoine cigalois et soulignent son originalité profonde.
Les Cahiers du Haut-Vidourle se veulent aussi un lieu de réflexion, et c’est à un singulier voyage que nous invite JEAN-MARIE HUGONNET avec son article « À chacun son temps« . Alliant érudition et passion, il nous propose de réviser notre réflexion sur le temps, ce matériau de l’histoire, qui nous paraît si uniforme, mais qui sous sa plume se transforme, se subdivise, en temps historique, biologique, psychologique, et bien sûr philosophique. C’est là son mérite de nous rappeler ces variétés de temps que nous avons bien tendance à oublier, prisonniers que nous sommes de la dictature du temps officiel, celui du travail et de l’État qui nous impose ses changements d’heure alors que nos ancêtres vivaient au rythme millénaire du soleil, au cycle des saisons. Qui a raison ? Il n’est pas évident qu’en cette fin de siècle ce soient nos spécialistes du productivisme qui ont trouvé la bonne voie.
PauL ADGÉ est un habitué du XVIIIe siècle, un familier de cette époque si épistolaire. Il n’a pas son pareil pour retrouver de vieux documents inédits qui traitent des affaires de Saint-Hippolyte. Avec beaucoup d’à-propos, il nous retrace les circonstances d’événements qui pourraient prêter à sourire aujourd’hui, mais qui montrent que, malgré le caractère irréductible des différences qui les opposaient, protestants et catholiques cigalois avaient trouvé un modus vivendi, et ce, bien avant la parution de l’Édit de Tolérance de 1787. Les convictions existent mais il faut aussi apprendre à vivre avec les autres et leurs différences, c’est ce que faisaient les cigalois de ce siècle.
SÉBASTIEN COSSON s’est penché sur l’orgue de Saint-Hippolyte. Il en a fait il y a quelques années la description minutieuse. Son article nous révèle sa parfaite connaissance d’un instrument qui paraît bien complexe aux simples auditeurs que nous sommes. Mais sa pédagogie ne s’arrête pas là, il nous convie à suivre la genèse de cet instrument tout en nous dévoilant sa profonde originalité. Le temple de Saint-Hippolyte abrite un orgue à sonorité allemande, à travers sa tonalité germanique c’est tout un échange musical européen datant du XIXe qui resurgit. Nul doute que nous aurons à reparler de ce jeune auteur qui défend la thèse selon laquelle les orgues ont chacune un son national.
PIERRE BOITEUX nous propose une promenade dans ce passé qui ne veut pas disparaître. Avec la précision et la concision de l’ingénieur, il nous convie à suivre la fabrication du charbon de bois. ll mêle description et anecdotes et à l’aide de clichés qui permettent de suivre pas à pas la vie d’une charbonnière, rappelle les dures conditions de travail des charbonniers. Quand on sait l’importance du charbon de bois jusqu’au siècle dernier, on comprend mieux pourquoi nos ancêtres se sont penchés sur ces collines boisées, ce « saltus » si cher à l’historien Pierre Goubert, et qui ne sont plus aujourd’hui que des taillis ou des terres à sauvagine.
Illustrant la volonté de l’équipe des Cahiers du Haut-Vidourle de mettre en valeur des documents originaux, ROLAND CASTANET nous propose le premier épisode d’un long feuilleton avec la parution in extenso d’un manuscrit relatant la vie agitée d’un prêtre réfractaire dans les Cévennes, l’abbé Pialat. Ce manuscrit est accompagné d’un appareil critique qui en facilitera la lecture.
À travers la diversité de ce second numéro Les Cahiers du Haut-Vidourle font la démonstration de la richesse du patrimoine cévenol. Mais il faut déjà parler du numéro 3. Le sommaire s’avère passionnant avec une enquête sur la fabrication des fourches, un nouvel article de PAUL ADGÉ sur une famille cigaloise qui a donné des ingénieurs au temps du Grand Roi, tandis qu’ODON ABBAL retracera la vie en 1914-1918 au travers d’une correspondance inédite d’une famille de Durfort. Mais le grand article sera sans nul doute celui de BERNARD COSSON qui présentera un thème inattendu, « Chouans et camisards : même combat ?« . Tout un programme !
Sommaire
À chacun son temps
Le temps est le matériau de l’historien. Il revient à ce dernier de le faire revivre ou plus exactement de l’organiser, de le construire à partir de faits établis. En effet, le temps n’est pas « une donnée objective a priori (Jacques Le Goff) », une entité prédéterminée, indépendante de l’homme. Il est au contraire, une création de l’homme, dans son souci de mettre de l’ordre dans l’univers.
L’affaire de la milice (février 1756)
Saint-Hippolyte connut en 1756 deux événements d’importance. Si le plus tardif, une vidourlade d’automne caractérisée par l’ampleur et la violence de la montée des eaux, entraîna de sérieux dégâts, le premier par contre, intervenant au début du mois de février, eut une conclusion plus banale après avoir mis durant quelques jours la ville en effervescence. Ce fut l’affaire de la Milice.
Un orgue allemand à Saint-Hippolyte
Un ami mélomane me faisait l’autre jour remarquer que, sur la région dite « du Haut-Vidourle », seul Saint-Hippolyte peut s’enorgueillir de posséder un orgue digne de ce nom, chose plutôt rare à des kilomètres à la ronde. Je m’empressais d’approuver son propos et de renchérir aussitôt en précisant que si l’instrument du temple cigalois est sans doute un des plus beaux fleurons de notre patrimoine local, il est aussi une de ses plus cocasses curiosités, un exemple illustre de ce qu’est l’échange entre peuples bien avant que ne soit énoncée l’Europe, sous la forme, forcément réductrice, d’un traité. Prenez un facteur d’orgues français de Lyon, puis un second, allemand de Weimar, faites-les se rencontrer en Alsace puis s’associer pour construire des orgues dans le sud de la France, tout cela dans la seconde moitié du XIXe siècle et le tour sera joué ; l’Europe symbolisée à Saint-Hippolyte ou les cigalois à la porte européenne ; chacun choisira, l’important c’est d’être pionnier…
Jadis les charbonnières
Les charbonniers ont disparu de nos campagnes, pourtant pendant des siècles ils ont hanté nos forêts pour assurer la production du charbon de bois qui a connu son heure de gloire au XIXe. La France était pauvre en charbon et pendant longtemps les industriels ont utilisé le charbon végétal. Au milieu du XIXe il représentait encore plus de la moitié du combustible utilisé en France pour la fabrication de la fonte et son maximum historique date de 1856. Les petites forges utilisaient des tonnes de charbon de bois sans compter la consommation des maréchaux-ferrants dans les villages. Il nous a paru intéressant de rappeler cette vieille pratique qui s éteint peu à peu. N.D.L.R.
Un feuilleton révolutionnaire :
la vie orageuse de l’abbé Pialat, 1790-1805 (1er épisode)
Une copie d’un manuscrit du XIXe siècle se passe de mains en mains dans la région de Corconne. Il s’agit de la relation des tribulations d’un père réfractaire d’Alès pendant la révolution. L’abbé Pialat passa la plus grande partie de celle-ci entre Corconne, Pompignan et Saint-Bauzille-du-Putois.
On connaît bien un autre prêtre réfractaire de la région, au destin bien différent, l’abbé Solier de Colognac, grâce au livre que lui ont consacré Mme Durand-Tullou et M. Chassin du Guerny. Les Cahiers du Haut-Vidourle veulent aussi contribuer à faire mieux connaître les attitudes des catholiques et des protestants pendant la Révolution en publiant les mémoires de l’abbé Pialât.