Cahiers du Haut-Vidourle N° 1 – janvier 1996
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 1 - janvier 1996
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
60 pages
Amis de Clio Avant-propos
La naissance d’une revue semble toujours une gageure. Celle-ci n’échappe pas à la règle, à peine née ne peut-on évoquer le problème de sa survie, avec son titre déjà, qui revendique une spécialité en histoire et ethnologie ?
Au départ, comme toujours, on rencontre quelques esprits indépendants qui ont conscience de vivre dans un cadre culturel qui a son histoire propre, ses traditions. Ils ont aussi conscience que ce passé se fige et qu’il ne transparaît plus dans le souvenir collectif qu’au travers de clichés réducteurs, alternant entre l’idéalisation ou la critique acerbe qui sont toutes deux excessives. Or cette partie des Cévennes ne mérite point un tel traitement. D’où ce souci de sauvegarde de ce qui a fait l’originalité ou la grandeur de ce coin de pays. Comme l’écrivait Émile Pourlat : « Un village, un pays, c’est une communauté humaine, et donc un capital d’histoire. » C’est ce capital que les responsables de cette revue veulent valoriser, mettre à la portée du plus grand nombre, afin de mieux appréhender un patrimoine commun et de permettre à chacun d’en déchiffrer le sens.
La démarche est double, à la fois historique et ethnologique. Historique dans le sens de récit du passé, mais toujours accompagné du souci pédagogique d’expliquer ses incidences sur le présent. Ethnologique, dans l’esprit de sauvegarde et de compréhension des traditions, des folklores et des arts populaires, sans négliger les rapports avec l’archéologie.
La pratique des auteurs oscille entre deux méthodes ; soit des articles de fonds avec analyse, soit la livraison dans toute leur authenticité, – juste accompagné d’un commentaire plus succinct -, de documents peu accessibles ou inédits de l’histoire locale.
Ce premier numéro est redevable à plusieurs talents. ROLAND CASTANET n’est pas inconnu des Cigalois, pour avoir déjà participé il y a quelques années au centenaire des écoles publiques de Saint-Hippolyte, plus récemment au bicentenaire de la Révolution française en pays de Haut-Vidourle. Il est également coauteur d’un ouvrage paru lors du bicentenaire de la mort de Florian. Il nous livre ici quelques extraits de sa thèse qui sont consacrés à l’enseignement mutuel après la chute de l’Empire, période où l’on voit poindre le souci d’instruction des masses pauvres, mais toujours dans l’espoir d’en faire de bons serviteurs du roi et de Dieu, même si ce dernier s’efface avec le temps.
RENÉ DURAND n’est pas historien, mais ingénieur de formation. Avec rigueur et émotion, il redonne vie à la ligne de chemin de fer Le Vigan-Nîmes en sachant mêler histoire et souvenirs personnels. On ne peut que regretter avec lui qu’une si belle invention qui a soulevé tant de passions, nécessité tant d’efforts et d’ouvrages d’art ne soit plus qu’un patrimoine inutile. Elle montre aussi que les grands projets ne sont souvent qu’éphémères et que le problème du désenclavement des Cévennes n’est pas chose nouvelle.
JEAN-MARC BASSAGET s’intéresse lui à cette période qui est à la fois celle dont on parle le plus et celle qui est souvent la plus mal perçue : la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Il nous livre une partie de ces travaux inédits, sur les abjurations cévenoles avant la Révocation elle-même. Il met en cause quelques idées reçues, à travers l’exemple de quelques défaillances individuelles.
ODON ABBAL poursuit ses recherches sur les mentalités cévenoles en privilégiant un événement important de l’histoire du socialisme français, le congrès de Saint-Hippolyte-du-Fort de 1896, où l’on voit la ville accueillir quelques ténors politiques de l’époque. Cette manifestation se prolonge par la mise en place d’une municipalité d’avant-garde qui se lance résolument dans une politique de lutte des classes, expérience rarissime pour l’époque.
La diversité des sujets n’est pas épuisée, puisque le prochain numéro accueillera quatre nouveaux auteurs qui traiteront de thèmes aussi différents que le temps, l’orgue de Saint-Hippolyte, le travail des charbonniers, la milice bourgeoise en 1756 ! Et déjà, pour le numéro trois, la spéléologie, la préhistoire, les comptes d’un marchand du XVIIIe siècle.
L’ambition des Cahiers du Haut-Vidourle est aussi d’offrir un cadre à tous ceux qui veulent faire mieux connaître ce qu’ils ont vécu ou découvert sur notre région et nous sommes prêts à les publier dans les prochains numéros.
Sommaire
Abjurer sa foi, le cas de protestants cigalois
à la veille de la révocation de l’Édit de Nantes
Présente dès le milieu du XVIe siècle, la nouvelle doctrine religieuse se développe rapidement et Saint-Hippolyte-du-Fort devient vite un bastion de la réforme en pays cévenol.
Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les extraits des journaux des visites épiscopales du diocèse de Nîmes réalisées au cours du XVIIe siècle, les conclusions en sont éloquentes.
En 1611 parait la « Visite effectuée par Messire de Méretz, procureur fiscal et ordonnance rendue par Pierre de Valernod évêque de Nîmes à ce sujet ».
L’école d’enseignement mutuel à Saint-Hippolyte-du-Fort (1817-1834)
La séance étant ouverte, M, le Maire annonce au conseil que M. Martin, Ministre protestant de cette ville, lui ayant proposé de former une école élémentaire d’après la méthode d’enseignement mutuel, a cru voir tant d’avantages dans cette proposition qu’il a demandé à M. le Préfet l’autorisation de convoquer le Conseil municipal à l’effet de le faire délibérer là-dessus.
La ligne de chemin de fer Le Vigan-Nîmes
Les cultivateurs ne savent pas assez ce que leur coûte le mauvais état de la voie. Chargez 11 charrettes de foin que 33 chevaux suffiront à traîner sur une route bien empierrée ; passez de là sur un chemin de terre sèche, mais argileuse, et il vous faudra 250 chevaux ; si le chemin est détrempé par la pluie et creusé d’ornières, 500 chevaux seront peut-être nécessaires. Une commune fait une grande économie en dépensant de l’argent pour avoir de bonnes routes.
Le congrès socialiste du 11 octobre 1896 à Saint-Hippolyte
À l’aube du XXe siècle, le régime républicain est solidement implanté en France. Après une gestation difficile de 1871 à 1875, il s’est peu à peu imposé. Désormais, le temps des pères fondateurs est terminé, mais à peine leur œuvre semble-t-elle parvenue à maturité que de nouvelles tendances surgissent qui mettent en péril l’idéal libéral de la république bourgeoise. À partir des années 1885 le climat social est plus tendu, des grèves éclatent dans le pays, dont celle de Decazeville. Les masses ouvrières, déçues par le régime, se tournent vers d’autres espérances.