Cahiers du Haut-Vidourle N° 12 – juin 2001
Les Amis de Clio
Cahiers du Haut Vidourle N° 12 - juin 2001
Histoire et Ethnologie
en Piémont Cévenol
64 pages
Amis de Clio Avant-propos
Ce numéro 12 des Cahiers du Haut-Vidourle innove ; grâce à notre diffusion (un peu moins de 100 exemplaires pour le dernier numéro, mais cela continue), nous avons une trésorerie saine et même un petit trésor.
Aussi, ce numéro est en couleurs ! Et quelles couleurs, celle des châteaux ressuscités par la plume de Louis-Paul Delplanque, qui a imaginé, à partir de l’iconographie médiévale, de relevés précis sur le terrain et en général de toute la documentation disponible, l’aspect que devaient avoir ces forteresses, lorsque se présentait le seigneur au pont-levis ou à la grand porte. Michèle Roux-Saget et lui nous ont ciselé des itinéraires détaillés et attirants, qu’ils ont amoureusement parcouru, et scrupuleusement essayé, dans la tourmente comme sous la canicule. De véritables historiens, qui ne veulent pas se contenter de la froideur des archives ou de l’émotion glacée d’un cartulaire. Quatre châteaux sont visités dans ce numéro et peu à peu, c’est un véritable guide du Haut-Vidourle médiéval que vont constituer Les Cahiers du Haut-Vidourle.
La tradition millénaire est aussi évoquée dans l’article de Jean-Marie Colomina qui s’est lancé dans une enquête auprès d’un fabricant de collier en bois, André Fournier, à Camplo (Saint-Roman-de-Codières). Tradition avance souvent avec nostalgie : il n’en reste plus beaucoup de ces paysans-artisans, de ces bergers qui menaient leur troupeau tout en occupant leurs mains à des ouvrages divers. Mais tradition rime aussi avec renouveau : les transhumances à pied que l’on aurait pu croire disparues dans les années 80 ont retrouvé de la vigueur. Les Cévennes ont su les transformer de nouveau en fête et tant pis pour ceux qui crient à la trahison, à la prostitution touristique. Les bergers ont tant de fois entendu crier au loup !
Avec cette enquête ethnographique, Les Cahiers du Haut-Vidourle veulent aussi susciter des témoignages, des participations. Il y a certes les traditions qui se perdent, mais il y a aussi la continuité de la vie, des attitudes et des traditions qui sont tellement dans notre vie quotidienne que nous ne les remarquons que lorsqu’un « étranger » nous dit : « Tiens, vous mangez la salade au début du repas, vous ? ». Et toutes les traditions ne sont pas non plus forcément acceptées par tout le monde. Que dire des lardons et des cannes à bombe, une spécificité cigaloise s’il en est ? Les Cahiers du Haut-Vidourle seraient heureux de contribuer au débat en décrivant ces engins et les traditions qui s’y rattachent. Pour en faire des objets du passé ? Pour en faire en tout cas des objets de réflexion.
Odon Abbal nous est toujours fidèle et poursuit son analyse de la charnière des deux derniers siècles à Saint-Hippolyte. C’est des circonstances et des conséquences de la loi de séparation de l’Église et de l’État qu’il rend compte dans ce numéro, montrant combien l’Église catholique s’est senti blessée par cette loi. Les protestants ont beaucoup moins ressenti cette séparation, eux qui avaient si longtemps vécu non seulement en dehors de l’État, mais encore en dehors de la loi.
Pour autant, les Églises réformés avaient apprécié ce soutien de l’État, de 1802 à 1905 et la fin de la biographie de François Martin, qui meurt en 1838, montre bien comment cette génération de pasteurs, née et éduquée dans la clandestinité, s’était adaptée à cette situation d’Église reconnue, soutenue et salariée par l’État. Ce que certains protestants trouvaient aussi parfaitement insupportable et les scissions vont bientôt se multiplier. Nous auront longuement l’occasion de revenir sur les Églises protestantes « libres » ou « dissidentes » qui furent nombreuses à Saint-Hippolyte et dans la région.
Sommaire
L’Église catholique cigaloise au temps de la séparation
L’année 1905 marque une date importante de l’histoire de la IIIe République avec l’adoption et la mise en œuvre de la loi de Séparation des Églises et de l’État (9 décembre). Le principe en est simple. Pour les républicains, notamment ceux du parti radical et les socialistes qui forment ensemble le Bloc des gauches, la France et ses populations doivent échapper à l’emprise de l’Église qui au travers de l’instruction et de l’action des curés maintiennent les masses populaires dans l’ignorance et la soumission. Dans un premier temps, l’école a été laïcisée, les congrégations religieuses mises au pas. Un dernier acte reste à accomplir, rompre avec le Concordat de 1802 qui met à la charge de l’État, les pasteurs, les rabbins, les prêtres et les évêques. Désormais la République « garantit la liberté des cultes » mais ne subventionnera plus aucun culte.
Notice sur la vie du pasteur Martin (2)
La guerre qui venait de se déclarer, attire à Bordeaux, un grand nombre de prisonniers Anglais et Espagnols, qui encombrent les casernes et les hôpitaux. Une fièvre maligne qui ressemblait à la peste se déploie parmi ces étrangers ; les malades meurent d’une manière effrayante, ainsi que les médecins, et les sœurs de charité qui les soignent. Le pasteur Martin, père de famille, sans appréhender les dangers de la contagion, les visite tous les jours, et leur apporte des consolations, des vêtements, de l’argent, des vivres, et tout ce qui peut contribuer à leur soulagement spirituel et corporel ; et il a le bonheur de remplir ces devoirs charitables, sans éprouver le moindre accident.
Le millénaire des châteaux : du Gardon au Vidourle (2)
Les ruines dominant les plaines et les vallées du Languedoc se confondent le plus souvent avec les sommets rocheux. Le regard du promeneur n’arrive pas à distinguer si le rocher a servi de base à l’édifice ou si la pierre a mis en valeur le roc tant la symbiose s’est faite au fil du temps. Tous deux restent solidaires comme s’ils voulaient être les témoins de l’histoire de la Terre et de l’Humanité.
Contrairement aux châteaux bien « conservés » qui donnent après de nombreux remaniements, une fausse image « réelle du passé », ces squelettes de pierres envahis d’un fouillis végétal infranchissable, de murs branlants le plus souvent écroulés, d’amas de blocs chancelants, laissent libre cours à l’imagination. Le randonneur curieux, passionné d’histoire n’hésite pas à gravir les pierriers en équilibre instable pour atteindre ces sites juchés sur des surplombs donnant le vertige.
Quelques éléments sur la confection des colliers de brebis en région cévenole
Cet article n’a été possible que grâce à l’amabilité d’André Fournier de Camplo par Le Savel à Saint-Roman-de-Codières ainsi que de son frère Kléber sans qui il m’aurait sans doute été très difficile de réunir de façon aussi précise foutes les composantes et subtilités d’un savoir-faire en voie de disparition. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés, tout d’abord pour la patience dont ils ont fait preuve tout au long des explications qu’ils ont données au profane que je suis et ensuite et surtout pour le service qu’ils rendent à la sauvegarde de savoirs ancestraux qui peu à peu disparaissent de notre patrimoine culturel.