Aux origines de la vaccination antivariolique dans l’Hérault

* Professeur agrégé h.c., docteur en sociologie.
** Architecte du patrimoine au Département de l’Hérault.

Introduction :

La variole est une maladie contagieuse provoquée par un virus qui se propage d’individu à individu. Elle se transmet par contacts directs via les aérosols émis par la personne infectée et en phase d’éruption de boutons. Elle peut également se transmettre par les objets qu’elle a contaminés. Les symptômes sont la fièvre, des douleurs du dos et de l’abdomen, des vomissements. Cependant, l’aspect le plus visible est l’éruption, dès le second ou troisième jour, de « pustules » sur le visage (Fig. 1) et les membres supérieurs, puis sur l’ensemble du corps. La gravité de cette maladie, tout d’abord appelée petite vérole, en a fait le symbole d’une calamité dévastatrice. En effet, la petite vérole a été à l’origine de 400 000 décès en Europe à la fin du XVIIe siècle et une estimation de 60 millions de morts au XVIIIe siècle, toujours en Europe. Les survivants en ont gardé de profondes séquelles physiques et 30 % d’entre eux ont perdu la vue 1.

Elle est considérée de nos jours comme éradiquée sur l’ensemble de la planète. En effet, une campagne de vaccination initiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) entre 1967 et 1977 a permis d’immuniser plus de 80 % de la population mondiale. En 1980, cet organisme déclare que la variole a disparu. En France, la vaccination préventive de cette maladie a été supprimée, en 1984, par le législateur 2.

Visage couvert de pustules de la petite vérole. (collection particulière)
Fig. 1 Visage couvert de pustules de la petite vérole. (collection particulière)

Divers procédés médicaux furent mis en œuvre pour lutter contre cette maladie virale (Poxviridae, du genre Orthopoxvirus). Selon Norbert Gualde, on a cherché à déclencher une forme légère de variole en introduisant dans le corps d’une personne, par divers procédés, du pus de pustules des malades. Ceci dans la perspective « d’assurer une protection à vie » 3. Le prélèvement du virus se faisait à partir de vésicules formées sur la peau du malade en voie de guérison avec une aiguille, et on l’inoculait à un individu sain. D’autres exemples sont relevés dans différents pays, tel le fait de déposer dans les narines de l’individu à protéger des croutes cicatricielles ou encore de lui faire respirer le contenu d’un tampon imprégné du liquide des pustules 4… Ces pratiques étaient dangereuses et parfois mortelles !

Lorsqu’on pose la question de l’origine de cette maladie, la littérature scientifique disponible n’apporte pas de réponse précise. Selon Philippe Albou, « Les origines de la petite vérole se perdent dans les incertitudes du passé. À partir de foyers indiens et chinois, signalés avant l’ère chrétienne, cette maladie contagieuse avait sans doute déjà atteint l’Europe à plusieurs reprises avant le XVe siècle, époque à partir de laquelle les textes la mentionnent de manière explicite, ne laissant planer par ailleurs aucun doute sur le caractère universel de sa diffusion » 5.

La petite vérole, dite majeure, a atteint la population mondiale au cours du XIXe siècle. Elle est alors la principale maladie virale transmissible à l’homme. En 1796, le médecin anglais Edward Jenner effectue la première inoculation utilisant la vaccine (cowpox en anglais), une maladie de la vache, « En partant de l’observation courante que les trayeuses ne contractaient généralement pas la variole, (il) a théorisé que le pus présent dans les vésicules des trayeuses qui avaient contracté la vaccine, une maladie semblable à la variole, mais beaucoup moins virulente, protégeait les trayeuses de la variole » 6. Il inocule le contenu de ces vésicules au bras d’un jeune enfant qui est alors immunisé. Le succès de cette méthode permet de la diffuser, au-delà de l’Angleterre, à partir de la publication de ses recherches dès 1798 7. Selon différents auteurs, le processus de la vaccination débute en France en 1800 (Paris) et se répand sur l’ensemble du territoire avec la création d’un comité central de la vaccine 8 et le soutien du pouvoir politique.

À quel moment le département de l’Hérault prend-t-il en compte, via ses médecins et diverses institutions médicales, l’utilisation de la vaccine dans la protection des jeunes enfants ? Quels en sont les déterminants majeurs ?

Le fonds d’archives consulté apporte le témoignage d’une initiative héraultaise dans l’arrondissement de Pézenas, par le médecin Marie-André Haguenot, dès le 15 janvier 1801. Les notes de recherche recueillies informent sur la démarche de cet homme, membre d’une famille qui s’est illustrée au sein de l’Université de Montpellier. Un rappel du contexte médical de cette époque permet de relever que des expériences d’utilisation de la vaccine 9 sont également réalisées à l’école de médecine de Montpellier, sous la direction du professeur-adjoint Joseph-Marie-Joachim Vigarous 10. Ce dernier rédige un rapport favorable à l’utilisation de cette nouvelle méthode, avec « une sage réserve ». Il est approuvé le 18 avril 1801 par le directeur et l’ensemble des professeurs de cette institution. Les premières vaccinations héraultaises sont donc piscénoises et montpelliéraines. Ces médecins se sont déjà rencontrés à l’école de médecine et échangent probablement leurs observations. Le carnet de notes de Marie-André Haguenot mentionne des déplacements à Montpellier pour des vaccinations.

Quel est le regard médical et social sur la petite vérole, avant la découverte de la vaccine par Edward Jenner ?

Selon Chanuel, au XVIIe siècle, le traitement préconise « le changement d’air » pour les jeunes enfants « en les emmenant ou faisant transporter en lieux exempts et éloignés du dit mal ». Mais lorsque l’enfant est vérolé, « la saignée semble le remède de choix ». D’autres pratiques sont également citées comme celle de « donner du vin ou de la soupe au vin, même aux plus petits » ou bien celles de légères purgations et frictions « avec du linge chaud ou certaines huiles… et préparations très grasses pour soigner l’aspect grêlé (de la peau) » 11. En 1768, le médecin Jean-Jacques Paulet (diplômé de la faculté de médecine de Montpellier) utilise le terme de « virus variolique » dans son histoire de la petite vérole, ce qui témoigne des incertitudes qui demeurent sur l’origine de cette maladie, au regard des autres qualificatifs utilisés antérieurement : « matière, venin ou pus variolique ». Il recommande le traitement préalable de la peau et l’intérêt des bains de vapeurs comme le préconisait déjà le médecin arabo-musulman Rhasès (865-932) 12.

Henri Haguenot (1687-1775), professeur à la faculté de médecine de Montpellier, publie en 1734 un mémoire sur le traitement de la petite vérole par un mélange de frictions mercurielles et de bains. Il commence par les bains et ne procède aux frictions que tous les deux ou trois jours. Il déclare la salivation inutile et dangereuse, permet au malade de manger de la viande et de boire du vin. Cette méthode de traitement devint célèbre dans toute l’Europe, sous le nom de « Méthode de Montpellier » 13. En 1769, le même Henri Haguenot cite « quelques curiosités relevées dans le traitement de la petite vérole » et décrit plusieurs pratiques « médicales » populaires 14 (extraits) :

  1. « Le vieux lard fondu et coulé produit de bons effets dans les pustules de la petite vérole et dans les occasions où il s’agit de déterger et de consolider les plaies.
  2. La graisse d’anguille est estimée propre pour ôter les taches de la petite vérole.
  3. La lamproie nourrit beaucoup et augmente l’humeur séminale. Sa graisse est émolliente, résolutive, adoucissante. On en frotte les yeux et les mains de ceux qui ont la petite vérole pour empêcher qu’il n’y reste des marques.
  4. L’ombre, espèce de truite (…) sa graisse est propre pour les taches de la petite vérole.
  5. La chair de la vipère mangée entière ou prise en bouillon ou en gelée (…) produit de bons effets dans les fièvres malignes et intermittentes, dans la petite vérole.
  6. Sydenham 15 ne désapprouve pas qu’on nourrisse les malades attaqués de la petite vérole avec du lait, dans lequel on aura écrasé des pommes cuites ».

En 1733, Jean Bouillet (1690-1777), médecin biterrois, présente un mémoire16 « sur la manière de traiter la petite vérole » aux membres de l’académie de Béziers, en présence des magistrats de la ville. Il insiste sur les moyens d’éviter la propagation de la maladie. Une épidémie sévit à ce moment-là dans la ville et les mesures qu’il préconise, pour éviter toute communication avec les malades, sont strictement appliquées. Il favorise, au plan curatif, « tout ce qui est propre à calmer la fièvre et à rendre plus libre le cours du sang et de la lymphe, doit nécessairement favoriser la séparation et la coction de l’humeur qui cause la petite vérole… et fait référence à la saignée et aux évacuants ». Il considère que la petite vérole est une maladie analogue aux fièvres aiguës et malignes inflammatoires, et qu’elle doit être traitée comme celles-ci.

La presse apporte également de précieuses informations sur la diffusion de cette maladie. Le Journal de la généralité de Montpellier, fondé en 1780, fait paraître régulièrement, jusqu’en 1784, les relevés récapitulatifs des naissances, mariages et sépultures. Selon Henri Michel 17 : « La publication est accompagnée de commentaires où s’esquisse une réflexion démographique qui se fonde sur des calculs sérieux (d’où, par exemple, sont exclus les morts de l’Hôpital Royal, et de l’Hôpital Saint-Eloi) et qui recourt principalement à la notion de comparaison et de rapport (…). L’auteur de ces mémoires est sensible aux rythmes saisonniers de la natalité et de la mortalité (…). Il s’inquiète de la supériorité du nombre des sépultures sur celui des naissances, même les années où la ville n’a pas eu à souffrir d’épidémie de petite vérole. Le rapport est, par exemple, en 1781, de 1 155 sur 1 279, en 1782 de 1 121 sur 1 375. En 1783, le décalage est encore plus fort : 1 146 sur 1 506, dû à une attaque violente de variole qui fit 542 morts parmi les enfants âgés de moins de 10 ans ».

Les épidémies de petite vérole inquiètent à juste titre les pouvoirs en place. C’est ainsi qu’en 1786, Jean-Mathieu Grangent 18, subdélégué de l’Intendance du Languedoc, établit un rapport sur l’état de la ville de Sète dans lequel il cite les travaux du médecin Jauberthon 19 à propos de « l’inoculation des enfans trouvés et orphelins dans les différentes généralités ». Ce médecin avait « variolisé » les enfants de l’hôpital de la Charité à Langres en 1784 et, devant les résultats obtenus, il proposait de diffuser cette pratique. Mais à Sète, il n’y a pas d’hôpital-infirmerie qui accueille ces enfants. C’est une lacune qui est importante aux yeux de ce rédacteur, puisqu’il ajoute que Pézenas est alors la seule ville du diocèse qui en ait, et que « l’on y pratique, d’ailleurs depuis longtemps, l’inoculation de la petite vérole. Michel Tudesq, médecin, le premier qui ait mis ici cette méthode en vigueur, fait même imprimer en ce moment sur cette matière un ouvrage qui a eu l’approbation de la Société royale de médecine de Paris, dont il est membre correspondant » 20.

Au cours de cette période, l’inoculation de la petite vérole est réalisée de bras à bras en prélevant le virus sur une pustule du sujet en voie de guérison et en le déposant, par scarification, sur le bras du sujet sain à l’aide d’une « lancette ».

La découverte de la vaccine à la fin du XVIIIe siècle transforme profondément cette pratique. Sous l’impulsion du duc de Larochefoucault-Liancourt est créée « la société des souscripteurs pour l’inoculation de la vaccine », dans le but de réunir des fonds destinés à soumettre à l’expérimentation la découverte du docteur Edward Jenner. En effet, cette maladie de la vache semblait procurer une immunité pérenne contre la petite vérole, dénommée par la suite « variole ».

Le comité central de la vaccine et ses relations héraultaises.

Cette structure est fondée au mois de mars 1800 à Paris et obtient rapidement le soutien de nombreuses personnalités proches des pouvoirs en place. Un comité médical est chargé de superviser les expériences programmées. Le médecin Henri-Marie Husson 21 en est le premier secrétaire et veille à la diffusion des résultats obtenus via diverses publications ou rapports officiels. Le site utilisé, la maison du dénommé Colon, peut accueillir une quarantaine d’enfants et, très rapidement, « des enfans de l’hospice de La Pitié y furent (…) réunis en nombre suffisant et les essais commencèrent… ». Il s’agissait « d’enfants trouvés » ! Les premiers résultats ne furent pas satisfaisants pour les trente enfants vaccinés le 2 juin 1800, en raison d’une souche dite de « fausse vaccine ». Par la suite, des contre-épreuves de variolisation furent effectuées sur certains vaccinés et permirent de conclure à l’efficacité de la nouvelle méthode. Afin de prouver son utilité, de nombreuses personnalités médicales et civiles firent vacciner leurs propres enfants. Cela eut pour effet d’encourager la pratique de ce type d’inoculation auprès de l’ensemble de la population :

« Il y eut alors, dans tous les territoires sous administration française, une énorme émulation, à qui vaccinerait le plus. Dès mars-avril 1801, une multitude de comités médicaux, nommés par des sociétés diverses, rivalisèrent de zèle pour répandre dans toutes les couches de la société les bienfaits de la vaccination jennérienne. Plusieurs facteurs contribuèrent à ce déferlement : la peur réelle et permanente de la petite vérole, la bénignité des effets secondaires de la vaccination, surtout comparés à ceux provoqués par la variolisation, la non-contagiosité des vaccinés et certainement l’exemple donné par les personnes haut placées qui faisaient vacciner leurs enfants » 22.

Sous l‘autorité des préfets des dépôts de conservation de la vaccine sont organisés dans toute la France. Sa préservation s’effectue selon un protocole précis en utilisant des tubes capillaires sur une période de plusieurs mois. Ces indications sont diffusées par les préfets. De nouvelles dispositions sont prises par l’arrêté ministériel du 4 avril 1804, (14 germinal an XII) qui crée une nouvelle organisation composée de savants, de fonctionnaires et des membres de l’ancien comité. Elle prend le nom de « Comité central de vaccine établi près S. Exc. Le Ministre de l’Intérieur ». À partir de cette époque, des rapports annuels sont envoyés par les préfets et ce comité en publie une synthèse destinée à diffuser les avancées de la lutte contre cette épidémie. Enfin, la nécessaire protection des populations les plus défavorisées au plan social a nécessité la création de bureaux de vaccination gratuite, qui seront progressivement établis sur tout le territoire français. En 1809, des dépôts de vaccine sont établis dans toutes les grandes villes de l’Empire.

Quels sont les effets réels de cette politique dans le département de l’Hérault ? Quelles sont les analyses à retenir à partir des rapports préfectoraux ? Pour répondre à ces questions, nous faisons appel aux rapports publiés par le comité central de la vaccine 23.

1803 : un premier bilan

Le premier et volumineux rapport de 1803 souligne que depuis trois ans, le comité central de la vaccine n’a cessé d’expérimenter l’utilisation de la vaccine et d’en analyser les effets. Elle a mis à contribution « toutes les lumières (…) le zèle de tous les hommes instruits (…) qui ont bien voulu partager ses soins ». Ce rapport comprend la liste des souscripteurs (109) qui, pour la plupart, résident à Paris. Parmi les premiers noms cités figurent le sénateur Lucien Bonaparte et Talleyrand, ministre des relations extérieures. La lettre de Chaptal, Ministre de l’Intérieur, est citée dans l’introduction et l’on peut y lire son engagement à « introduire la pratique de la vaccine dans les écoles publiques et dans les hospices d’enfans ».

Le département de l’Hérault y apparait dans une note produite par le médecin de Gignac, le citoyen Larche, sur la non-réussite de certaines inoculations de la vaccine au cours de l’été de l’an IX (1801) : « la petite vérole, épidémique dans une grande commune de son voisinage, avait respecté tous les vaccinés, tandis que les autres furent atteints, et qu’un très grand nombre y succomba ». Par ailleurs, « Il n’avait pu obtenir sur quelques sujets le développement de la vaccine qu’à la sixième inoculation ». Ce témoignage situe la difficulté de récolte, de conservation et d’inoculation de la « vraie vaccine ». Plusieurs médecins de Montpellier ont effectué des essais au cours desquels la vaccine « n’a pas été réellement inoculée », entre le 9 ventôse de l’an IX (28 février 1801) et le 29 germinal de l’an IX (18 avril 1801). Ces médecins sont Charles-Louis Dumas et Pierre-Marie-Auguste Broussonet. Ils reprendront leurs essais en mars et avril 1802, avec une meilleure réussite. D’autres médecins sont également cités, le docteur Mouton de la ville d’Agde, Garnier de Saint-Pons, pour leurs correspondances avec le comité central. Le docteur Marie-André Haguenot, médecin à Pézenas, y figure plusieurs fois en raison de la pertinence de ses observations sur la population de l’arrondissement de Pézenas.

Les rapports suivants et leurs enseignements

Les éléments rapportés entre 1804 à 1807 témoignent du développement des contre-épreuves sur l’efficience des vaccinations. Le rapporteur indique que « nous cherchions la vérité, mais nous redoutions de trouver toutes nos espérances déçues. Aujourd’hui nous voyons sans crainte toutes les expériences se multiplier, parce que la certitude du succès nous soutient ». Une nouvelle contre-épreuve est valorisée, celle de la cohabitation d’enfants vaccinés avec ceux porteurs de la maladie. Le rapport souligne que « la cohabitation offre donc un moyen plus certain que l’inoculation de confirmer la propriété antivariolique de la vaccine ». De très nombreuses études de cas sont décrites. Par ailleurs, le comité de la vaccine souhaitant simplifier le mode d’insertion, propose de remplacer la « lancette » par une aiguille à coudre dont la piqûre est moins douloureuse pour les enfants. Il est également question d’expériences d’inoculation par friction sur le bras et dépôt du vaccin sur la partie irritée. Des modalités de conservation du vaccin sont conseillées sous deux formes : celle du vaccin desséché et celle du vaccin liquide. La préférence va au vaccin conservé dans sa fluidité naturelle et à l’usage de tubes capillaires. Des expériences d’inoculation de la vaccine sur des bêtes à laine sont également citées et relèvent l’analogie entre la petite vérole et la clavelée.

Le double rapport de 1808-1809 fait état de 11 277 vaccinations dans l’Hérault et place ce département en 11e position sur l’ensemble des départements français qui totalise 263 267 vaccinés sur cette période. Il faut retenir que de nombreux préfets n’ont pas transmis d’états au comité central, ce qui rend toute comparaison avec les autres départements difficile à réaliser. Mais, soulignons qu’il y a une augmentation importante des vaccinations héraultaises entre 1808 et 1809. En chiffres bruts, elles passent de 2 545 à 8 732, soit plus de 340 % d’augmentation ! Ce même département recense 221 personnes atteintes par la petite vérole en 1808 et 307 en 1809, soit un total de 528 individus. On déplore 43 décès en 1808 et 49 en 1809, soit un total de 17,4 % des malades ! Il n’y a aucune séquelle physique parmi les survivants…

En 1810, on relève un total de 10 602 vaccinations dans l’Hérault. Mais on ignore combien de sujets ont été atteints par la petite vérole et le nombre de morts, de défigurés ou d’infirmes. Le professeur Vigarous, conservateur du dépôt de vaccin à Montpellier, fait état du rapport du docteur Cazals d’Agde « qui a vu une épilepsie héréditaire céder à la vaccine qu’il avait inoculée par incision ». D’autres médecins, tels Monier à Lunel, Gal à Aniane, font état des effets bénéfiques de la vaccination sur d’autres pathologies. Différentes manières de prélever « le virus » vaccinal sur les éruptions vaccinales, autres que le bouton d’insertion, sont citées et leur effet positif est souligné. Cependant, l’inoculation variolique, malgré ses bénéfices médicaux, a l’inconvénient de multiplier les foyers de contagion et risque de développer une épidémie. (Fig. 2)

Illustration d’une inoculation de la vaccine de bras à bras d’après un tableau de Constant Joseph Desbordes, 1761-1827 (dessin de Frédéric Mazeran).
Fig. 2 Illustration d’une inoculation de la vaccine de bras à bras d’après un tableau de Constant Joseph Desbordes, 1761-1827 (dessin de Frédéric Mazeran).

Conscient de ce problème, le préfet Nogaret ordonne 24 qu’elle ne puisse être pratiquée que loin des villes, dans des habitations isolées et, par incidence, encourage la vaccination gratuite dans les campagnes. Comment procède-t-il pour mieux informer les vaccinateurs potentiels ? Nous en retrouvons l’essentiel dans le journal « Le Véridique de Montpellier » 25 Il s’agit d’une instruction sur la manière d’emplir, de conserver et de vider les tubes à vaccin. Il s’adresse au rédacteur du journal en des termes qui ressemblent à un ordre : « Je vous invite à faire insérer ces deux pièces sur le prochain numéro du journal et de me les renvoyer ensuite (…). J’ai l’honneur de vous saluer. Nogaret » 26. Cette instruction vise à mieux informer les médecins sur la manière d’utiliser les tubes de vaccin, mais aussi à les accompagner dans leurs vaccinations. Rappelons que le préfet est l’échelon départemental intermédiaire avec le comité national de la vaccine et qu’il assume pleinement ce rôle.

En 1813 et 1814, 9 173 enfants ont été vaccinés dans le département de l’Hérault. Toutefois, 734 ont été atteints par cette maladie, 89 ont été défigurés et 51 sont décédés (soit 7 % des malades). Si l’on sait que le nombre de naissances au cours de ces deux années s’est élevé à 9 381, il est intéressant de noter que la quasi-totalité a été vaccinée. Parmi les vaccinateurs les plus reconnus figurent le professeur J. Vigarous de Montpellier, les docteurs Cazals d’Agde et Monier de Lunel, ainsi que le chirurgien Liquière, mais ce « classement » est réalisé à partir du nombre de vaccinations déclarées et non en rapport à la qualité des recherches effectuées. Marie-André Haguenot est tout de même cité, mais il ne vaccine plus autant qu’au cours des années 1801-1809.

L’année 1815, voit fléchir « le zèle » des vaccinateurs puisque moins du 1/3 des enfants a été vacciné (3 435 sur 9 766). Les vaccinateurs d’Agde (Cazals) et de Lunel (Menard ?) ont réalisé, à eux deux, 2 688 inoculations, soit plus de 78 % des vaccinations départementales ! On souligne que des non-spécialistes vaccinent les enfants, tels le curé ou l’instituteur ! Ce qui engendre parfois… la petite vérole.

En 1816, le département de l’Hérault n’apparait plus dans l’état statistique des vaccinations ! Il n’y a aucune mention chiffrée sur le tableau général de la France. Est-ce un oubli de transmission de la part du préfet ?

Les différents rapports, établis entre 1803 et 1815, témoignent d’un large engagement du département de l’Hérault dans la pratique de la vaccination contre la petite vérole. Parmi tous les médecins qui se sont manifestés auprès du comité central de la vaccine, il en est un dont le statut particulier doit être relevé. En effet, c’est un des premiers inoculateurs de la vaccine de ce département.

Marie-André Haguenot : l’homme, le médecin, le chercheur.

Marie-André Haguenot s’inscrit dans la prestigieuse lignée des médecins et pharmaciens qui ont œuvré au sein de l’université de Montpellier 27. Les différentes responsabilités de ces derniers dans le domaine scientifique, mais aussi social et politique en ont fait des marqueurs de la vie montpelliéraine depuis le début du XVIIe siècle. La lignée Haguenot remonte à Thierry, docteur depuis 1605 et démonstrateur royal d’anatomie de l’université de médecine. Après trois générations successives de professeurs dans cette université, Thierry, son fils Honoré, également démonstrateur royal d’anatomie et enfin Daniel, maître-chirurgien juré, on identifie « une rupture » dans la succession, car les deux fils du chirurgien n’adoptèrent pas la profession paternelle. La branche aînée de cette famille a pris le relais avec Pierre, né en 1644 et son fils Daniel, né en 1676, puis son petit-fils, né en 1716, dont le prénom est aussi Daniel. Ce dernier fût prudhomme de la ville de Montpellier. Son mariage avec une demoiselle Reboul donna trois enfants dont l’un, Jean-Daniel, né en 1739, apothicaire, épousa en 1762, à Pézenas, Anne Milhau, fille d’un apothicaire local. Marie André, est l’un des enfants de cette union. Il est né en 1765 et obtient son doctorat en médecine en 1788. Il épouse le 25 juillet 1796 Marguerite de Beaumevieille, fille de Gabriel-Aphrodise, lieutenant des milices garde-côtes. Le couple réside au domaine de la Serre, sur la commune de Saint-Thibéry 28 et a deux enfants, Daniel-Œdipe (docteur en médecine en 1818) et Polynice-Aphrodise. Le premier sera député de l’Hérault en 1838. Marie-André Haguenot décédera chez lui, en 1816, d’une attaque d’apoplexie 29 à l’âge de 51 ans. Il convient de préciser, afin de mieux saisir l’environnement familial, que son oncle Henri Haguenot fut conseiller et médecin ordinaire du roi, conseiller à la cour des comptes, doyen de la faculté de médecine et membre de la Société royale des sciences. Sa proximité avec l’élite médicale de cette époque a très certainement influencé ses recherches, mais aussi « sa modeste vie de médecin de campagne, au service des plus pauvres à l’exemple de son oncle ».

Cette brève généalogie de Marie-André Haguenot permet de le situer dans le contexte médico-universitaire de la période révolutionnaire et de la construction de l’empire napoléonien. Son père a défendu les intérêts des maîtres apothicaires du diocèse d’Agde aux États Généraux de 1789 30 et adhère aux nouvelles idées de liberté individuelle des citoyens.

Pézenas : Vestiges du couvent des cordeliers chevet de l’Église, transformé en hôpital militaire en 1793. (Photo Frédéric Mazeran)
Fig. 3a Pézenas : Vestiges du couvent des cordeliers chevet de l’Église, transformé en hôpital militaire en 1793. (Photo Frédéric Mazeran)

Nous n’avons pas d’indication sur la vie personnelle de Marie-André entre son doctorat en médecine obtenu en 1788 à la faculté de médecine de Montpellier et son recrutement par l’armée en tant que médecin, en 1793 31. Ces 5 années n’ont pas laissé de trace dans les archives consultées. Tout au plus, pouvons-nous faire l’hypothèse d’un séjour à Paris chez un ami de la famille dénommé Quinot 32. C’est donc par sa carrière de médecin que nous allons découvrir l’homme. Cette nomination en tant que médecin « à l’ambulance de l’armée » est confirmée par l’ordonnateur de l’armée, Charles-Gauldrée Boilleau, dans une lettre du 10 septembre 1793, qui l’affecte provisoirement à l’hôpital de Pézenas, situé dans l’ancien couvent des cordeliers. (Fig. 3a, 3b)

Pézenas AD34, 3P3627 emplacement du couvent des cordeliers, cadastre 1827.
Fig. 3b Pézenas : AD34, 3P3627 emplacement du couvent des cordeliers, cadastre 1827.

Le médecin et la vie militaire

La lettre de Quinot, du 27 septembre 1793, adressée au père de Marie-André, est signée « votre concitoyen », ce qui indique qu’il est originaire de Pézenas ou du département de l’Hérault. Ce courrier indique que son auteur est à l’écoute de l’actualité révolutionnaire et semble être à un poste important, si l’on en juge par les précisions données (cf. effectifs et lieux occupés par les soldats « déjà casernés » et généraux destitués). Dans les faits, le contenu s’adresse plutôt à André-Marie qui vient d’entrer dans l’armée de Pyrénées Orientales :

« J’ai annoncé à Bazennerie, qui est commandant en second, que vous êtes dans les hôpitaux de l’armée des P.O. » 33.

Ce courrier fait part de l’actualité révolutionnaire et du procès des généraux Custine et Houchard 34 mis en cause par les Républicains. Il fait également allusion au procès de Jacques-Pierre Brissot et Pierre Vergniaud 35, c’est-à-dire au conflit entre les Girondins et les Montagnards en 1793. Il est également question de l’approvisionnement en farine de la capitale par l’armée Révolutionnaire. D’autres éléments intéresseraient les historiens de la Révolution dont le bombardement de la ville de Toulon prise par les royalistes ou le nom d’une femme guillotinée pour ses propos antirévolutionnaires ! Mais ce n’est pas le sujet de notre article, toutefois cette actualité est la bienvenue pour Marie-André qui souhaite « monter » à Paris et doit en connaître l’actualité. Mais pour le moment, il est incorporé dans l’armée des Pyrénées orientales et reste en poste à l’hôpital « ambulant » de Pézenas dans lequel « il semble s’ennuyer ! », ce que confirme la réponse de son ami Flamant, le pharmacien en chef de l’armée, qui le dissuade de ce projet : « Je te conseille de rester à Pézenas, le temps n’est pas assez favorable, et Quinot, en raison de la difficulté à se procurer des vivres, ne pourrait pas te prendre chez lui. Il faudrait donc avoir une maison montée et pas de clients. Tu juges de la dépense et de l’embarras où tu te mettrais. Attends donc, mon cher ami, un temps plus opportun, et rapporte-toi absolument à l’avis que je te donne » 36.

Le 11 octobre 1793, Quinot s’adresse à Marie-André et l’encourage à rester, en tant que médecin, dans sa ville natale :

« Heureux de vous savoir employé dans l’art que vous aimez par inclination, dans lequel vous rendrez des services à l’humanité, vive les médecins et tous les républicains sages, vive les mœurs (…) que l’homme soit regardé comme ce qu’il y a de plus grand dans ce monde (…). Traitez des malades tant que vous pouvez et tâchez qu’ils vous payent. Ils ne se pressent pas ici au reste, vive les sans culottes, j’en ai soin ».

Le citoyen Quinot serait-il médecin ou pharmacien ? Dans l’armée ? C’est une hypothèse à retenir en raison de ses liens avec la haute hiérarchie médicale militaire. N’apporte-t-il pas quelques conseils de traitement d’une maladie contractée par Marie-André Haguenot au cours de sa mission militaire en Catalogne ?

« J’ai reçu la lettre de ton digne frère et j’y ai fait réponse. Elle t’apprendra que nous avons été tous sensibles à ta maladie et que nous en avons été consolés en apprenant que tu commençais à te lever et à un peu manger. Nous espérons qu’elle n’y d’autres ne reviendront. Il parait mon cher ami que la maladie a été très grave et très dangereuse. Cette fâcheuse maladie attaque en général les militaires 37 et comme tu le penses, c’est ta présence à l’hôpital 38 qui en est à l’origine ». Dans un autre courrier, Quinot fustige « la malpropreté de cet hôpital qui est dépourvu de tout et a donné des ailes à tous les maux que vous éprouvez » 39.

Dans la période précédente, un courrier du 19 octobre 1794, de Roussillon 40, avait rappelé au « citoyen Haguenot » que les médecins et chirurgiens « d’un hôpital ambulant » ne doivent pas se considérer sur un poste fixe, mais doivent « marcher à leur tour aux avants postes où ils seront appelés comme étant tous ambulants (…) pour le bien du service ». Cette position hiérarchique explique la mission de Marie André Haguenot à l’hôpital de Figuères.

Il reviendra, pour peu de temps semble-t-il, à l’hôpital de l’Egalite 41 de Pézenas. Par manque de moyens et de… soldats malades, celui-ci sera fermé en 1796. Toutefois, des lettres lui sont encore envoyées au titre de « médecin des armées », telle celle du 2 fructidor de l’an 8 (20 août 1800) ! L’histoire de cet hôpital est encore à mieux explorer.

Cette situation modifie sa carrière et il devient « un modeste médecin de campagne (…) et fut le médecin gratuit des pauvres (…). D’une intelligence très ouverte, il souscrivait avec enthousiasme à tous les progrès de la science. Il fut un actif propagateur de la vaccine, et sut par persuasion et fermeté la faire accepter par la population ignorante des campagnes, toujours défiantes à l’égard des médecins » 42.

Comme nous l’avons précisé plus haut, il épouse une demoiselle Beaumevieille en 1796 et réside à Saint-Thibéry, au domaine de la Serre, propriété de son beau-père dont il héritera en 1803 43.

Un humaniste

Marie-André Haguenot a rédigé un manuscrit 44 sur ses premières expériences de vaccinateur contre la petite vérole entre le 25 nivôse de l’an IX et le 10 nivôse de l’an X, soit entre 1801 et 1802. En introduction de ce mémoire, il donne les raisons de son engagement contre la petite vérole en utilisant la nouvelle méthode de la vaccine :

« Je me suis attaché à l’étude des phénomènes que présente cette maladie nouvelle. C’est ainsi qu’à l’aide de l’observation, j’ai pu m’élever aux connaissances devenues nécessaires pour me diriger, avec avantages, dans la pratique de ce nouveau mode d’inoculation.

En faisant connaitre les résultats de mon expérience, je cherche à être utile à mes semblables, je cherche en même temps à déblayer la voie que je parcours et que des médecins philanthropes ne dédaignent pas de parcourir » 45.

Il est au service des hommes, comme le rappellent les élus du Conseil général du département de l’Hérault en 1805 (voir figure 4 ci-dessus 46). Ce mémoire est le complément de ses observations sur la maladie publiées le 30 floréal de l’an 9 (20 mai 1801) que nous ne possédons pas, mais dont la date indique la réactivité de Marie-André Haguenot à l’appel de « l’association… de la vaccine ». Comment a-t-il été informé ou sollicité ? Ses relations parisiennes avec le chef des pharmaciens de l’armée, Flamant, et Quinot ont très certainement contribué à l’alerter. En effet, les pouvoirs publics locaux n’ont pas encore réagi. Mais, nous pouvons tout autant supposer que ses liens familiaux avec l’élite médicale montpelliéraine ont eu une importance déterminante. (Fig. 4)

AD34 1N/1 Compte rendu de la délibération du Conseil départemental de l’Hérault, du 9 floréal de l’an XIII. (29 avril 1805)
Fig. 4 AD34 1N/1 Compte rendu de la délibération du Conseil départemental de l’Hérault, du 9 floréal de l’an XIII. (29 avril 1805)
Carte des communes où des vaccinations ont été effectuées par Marie André Haguenot entre 1801 et 1805. (Réalisée par Frédéric Mazeran à partir de son fonds d’archives)
Fig. 5 Carte des communes où des vaccinations ont été effectuées par Marie André Haguenot entre 1801 et 1805. (Réalisée par Frédéric Mazeran à partir de son fonds d’archives) Extrait du fonds de carte : AD34 1FI 69 ; département de l'Hérault - décrété le 23 janvier 1789 par l'Assemblé Nationale (1790-1817).

Ce mémoire témoigne de sa grande activité sur l’arrondissement de Pézenas et parfois au-delà. En effet, il énumère les 43 communes (Fig. 5) qu’il a visitées au plan médical. C’est remarquable si l’on se réfère aux conditions de déplacement à cette époque (à cheval ou en calèche) et au mauvais état des voies de communication. Cette liste n’est pas présentée dans un ordre alphabétique et c’est surprenant. Y-a-t-il une forme de chronologie liée à la diffusion de l’épidémie de la petite vérole ou plus simplement une exploration des lieux, de proche en proche au cours de ses déplacements ? C’est la seconde hypothèse qui semble la plus réaliste. En effet, en étudiant la carte du département tracée en 1790, nous relevons un regroupement de ses déplacements par secteurs. Il s’est tout d’abord intéressé à la partie sud de l’arrondissement, puis, dans un second temps, de la partie nord. Par la suite, d’autres communes seront visitées comme Caux qui n’apparait pas sur la carte, et dont voici la présentation :

Pézenas, Conas, Nésignan, Saint-Thibéry, Bessan, Agde, Vias, Castelnau, Florensac, Pomerols, Marseillan, Valros, Tourbes, Alignan, Abeilhan, Puissalicon, Poujoles, Gabian, Néfies, Pomerols, Montagnac, Mèze, Loupian, Villeveyrac, Poussan, Montpellier (hospice civil), Saint-Pargoire, Bélarga, Tressan, Puilacher, Plaissan, Vendémian, Poujols, Gignac, Aniane, Lézignan-la-Cèbe, Fontés, Adissan, Paulhan, Aspiran, Nébian, Clermont, Jonquières.

Ses recherches sur le vaccin de la petite vérole.

Dans ce mémoire, il s’interroge sur la nature du « virus vaccin » qui lui est inconnue et il fait l’hypothèse qu’il appartient à un « fluide » dont l’apparence est proche de l’albumine. Il insiste sur le fait qu’il faut rapidement le protéger après l’avoir retiré d’une vésicule formée sur la peau du malade. En effet, l’air ambiant et la chaleur risquent de le diluer en partie ou totalement dans l’atmosphère. Sa première interrogation porte logiquement sur l’identification et la conservation du principe actif du « virus vaccin » :

« La qualité contagieuse de virus vaccin est soumise à des lois particulières. Il est dans ce virus un degré de coction au-delà duquel on ne trouve plus en lui la qualité propre à donner la vraie vaccine (…). Dans le cas de communiquer la vraie vaccine cette disposition peut exister l’espace de quatre à cinq jours. Le virus vaccin transmis d’un sujet à l’autre (…) a une action constamment soutenue. Il ne m’a pas été possible de me convaincre qu’il peut être communiqué autrement que par inoculation ».

Son étude porte également sur les « éruptions » produites par le virus vaccin et il interprète, en sept points, les différentes étapes des réactions de l’organisme. Cette description est le fruit d’observations méticuleuses sur des centaines de sujets. Ce qui lui permet de découvrir d’autres effets produits par la vaccine, dont des pustules porteuses de « fausse vaccine », non utilisables pour une inoculation.

Sa constante vérification des effets réels de la vaccine le conduit à l’expérimenter sur lui-même. Il se pose la question de la pertinence d’une vaccination sur des sujets qui ont déjà été atteints par la petite vérole, ce qui a été son cas : « il est certain que dans mon enfance je fus atteint de la petite vérole naturelle ». Il devient alors son propre sujet d’expérimentation. Le 16 floréal de l’an X (6 mai 1802), il s’inocule « deux piqûres de vaccine dans l’avant-bras gauche, sur le trajet du radius » :

« Durant les quatre premiers jours ces piqûres offrirent une faible rougeur accompagnée de démangeaisons (puis description de l’évolution habituelle d’une vésicule). Le 21, une piqûre fut en travail sensible et l’autre se dessèche complètement. Le 23, la vésicule fut apparente. Je ressenti une démangeaison locale, une douleur gravative au creux de l’aisselle et je m’aperçus d’un gonflement léger à cette partie avec un sentiment d’incommodité dans quelques mouvements de bras. Le 24, la vésicule fut bien développée, la démangeaison, le gonflement et la douleur gravative furent de même. Il parut une aréole de vingt lignes de largeur partant de cette dernière et se terminant au creux de l’aisselle après avoir suivi le bord interne du muscle biceps ». Les 25, 26 (Floréal) les symptômes décrits sont plus intenses. C’est seulement le 27 qu’ils commencent « à s’éteindre ». La vésicule est en voie de dessiccation, il n’a eu aucun accès de fièvre, et « la croûte tomba le 15 Prairial (4 juin 1802), laissant une cicatrice large et ronde ». 47

Au cours de cette période d’éruption, il décide d’utiliser son propre fluide vaccin sur un sujet pour vérifier s’il avait produit de la vraie vaccine. Le 24 floréal, il prélève le fluide de sa vésicule et l’insère « de suite » au bras droit de Raymond Pélouzet de Pézenas, âgé de 4 ans, et également au bras gauche (avec moins de matière pulvérulente, car il avait été obligé de presser sa propre vésicule pour en extraire le reste). À l‘examen le bras gauche présenta de la fausse vaccine et le bras droit « deux belles vésicules dont le virus servit avec succès à de nouvelles vaccinations ».

Le manuscrit se poursuit par l’étude des rapports entre la rougeole et la vaccine, puis ceux de la dentition et la vaccine 48, suivent les autres effets secondaires et, enfin, la validation des résultats : « Je me bornerai à dire que jusqu’à ce jour aucun sujet ayant eu la vaccine, et vivant parmi des varioleux, n’a pu être infecté de la petite vérole naturelle 49. Cette assertion a été reconnue vraie non seulement dans les communes précitées où régnait la petite vérole pendant mes vaccinations, mais encore dans celles où l’épidémie varioleuse qui y règne depuis environ un an a été répandue par quelques circulations varioliques (…) si quelqu’un doute encore de l’effet préservatif de la vaccine, contre la petite vérole, je lui dirai sans crainte d’être démenti qu’étant mandé dans la commune de Poujoles où la petite vérole déployait journellement à ses habitants des draps funéraires, je vaccinais tous les enfants qui restèrent échappés de la contagion variolique et que ce moyen fit disparaître l’épidémie. Je lui dirai encore que dans toute la commune de Tressan où la petite vérole exerçait ses ravages, je trouvais 97 enfants qui n’avaient pas eu cette maladie. De ce nombre, six furent soumis à la vaccination au moment où il y avait la petite vérole, la vaccine devint nulle. Quant aux 83 autres, dont les humeurs n’avaient pas encore été infectées par les miasmes varioliques, ils reçurent les bienfaits de la vaccine ; les huit restants, que je n‘ai pas (eu) le temps de vacciner, furent successivement pris de la petite vérole naturelle (…). D’après de telles données si la vaccine n’eut point été préservatrice de la petite vérole, pourquoi mes 83 vaccinés furent-ils respectés par celle-ci ? Pourquoi les huit sujets que je ne pus soumettre à ce nouveau mode d’inoculation furent-ils de préférence en proie aux horreurs de la contagion variolique ? Ces différentes contre-épreuves me paraissent concluantes et doivent trancher toute difficulté sur l’effet préservatif de la vaccine contre la petite vérole. »

Cette longue citation permet d’entrer dans la logique des contre-épreuves réalisées et valorise le militantisme « pro-vaccine » de ce médecin. Les limites de cet article ne permettent pas d’aborder toutes les études de cas qu’il réalise sur plusieurs communes, et qui complètent ses recherches sur les effets de la vaccine.

Ses relations avec les autorités locales

Ce médecin est mentionné huit fois dans les différentes parties du premier rapport du Comité central de la vaccine, ce qui est considérable au regard des autres noms cités. En effet, depuis le mois de nivôse de l’an 9 (1801), il a vacciné 776 sujets dans 33 communes sur un rayon de « 5 lieues ». Soucieux de ses résultats, il met en place dès le mois de mai 1801, des « contrépreuves » et n’observe pas d’éruption variolique, ce qui témoigne de la réussite de ses inoculations. Il fait état de ses observations de plusieurs cas particuliers sur lesquels « il y avait eu un travail irrégulier » 50. Il opère d’autres vaccination et observe que « la vaccine vraie se développe sur quelques sujets (…) pendant le travail même de la fausse vaccine ». Ses contacts avec le comité sont nombreux : Le 9 pluviose de l’an XIII (29 janvier 1805), il adresse un premier tableau contenant les noms de 1 208 vaccinés depuis le 25 nivôse de l’an IX (15 janvier 1801) jusqu’au 14 fructidor de l’an XII (1er sept 1804). Un second tableau de 38 noms porte le total de vaccinations à 1 247.

Le 29 germinal de l’an XIII (19 avril 1805), il écrit au président du Conseil général, sous couvert du Préfet Nogaret, et sollicite l’autorisation d’ouvrir, chez lui, un bureau de vaccination gratuite. Il suggère également, suite au vœu du gouvernement, de lutter contre la petite vérole, d’instituer un comité chargé d’organiser dans chaque arrondissement ce nouveau mode d’inoculation. Il souhaite que « des médecins éclairés » puissent répandre gratuitement, à des époques déterminées, la vaccine dans les communes de l’arrondissement qui leur serait attribué. Les choix prioritaires des communes déjà affectées par la petite vérole lui semble une priorité évidente, afin d’en arrêter les progrès. Il propose aussi de recueillir les résultats des vaccinations et d’en rendre compte, à chaque session au Conseil général et au préfet 51.

Dans un courrier du 13 mars 1807 52. adressé à M. Fournier, Sous-préfet à Béziers, il commente son tableau numéro 4 sur lequel figurent les 170 noms des vaccinés par ses soins et faisant suite au trois autres tableaux adressés au comité de la vaccine depuis six ans (ce qui confirme que le début de ses vaccinations se situe en 1801). Ce tableau commence par le n° 1261 et se termine par le n° 1450 sous la date du 1er germinal de l’an XIII (soit 1806) y compris la date du 1er mars 1807. Ces dernières vaccinations ont eu lieu dans les communes de Pézenas, Pomerols, Nézignan, Adissan, St-Pargoire, St-Thibery, Servian, Castelnau, Caux, Florensac, Aspiran, Usclas, Lézignan-la-Cèbe et Mèze. Il signale qu’aucun cas n’a pu échapper à sa surveillance. Il faut préciser qu’il avait été sollicité par la mairie de Béziers, dès le mois de juin 1803, pour apporter son concours à la mise en place d’un bureau de vaccination gratuite dans la ville. Avec générosité, il avait accepté de partager son expertise avec les membres de ce bureau 53.

Dans un rapport adressé en 1807 au Conseil général de l’Hérault 54, il indique qu’une épidémie de petite vérole s’est développée à Lézignan-la-Cèbe en septembre et octobre 1806. Il y a vacciné les enfants qui n’ont pas encore été atteints… et cette maladie « devint fugitive ». Un seul enfant est décédé. Il vaccine également au cours de cette même année à Pézenas, Mèze et Adissan. Il déplore trois morts de la petite vérole à Mèze, et autant à Pézenas. Dans sa conclusion, il alerte cette autorité publique sur l’urgence de la prise en compte de sa proposition :

« Les épidémies de la petite vérole pourront être arrêtées par l’inoculation de la vaccine, mais ce ne sera malheureusement qu’après qu’elles auront frappé un certain nombre de victimes. Il souhaite que l’autorité publique prenne une mesure générale en organisant un service public de vaccination ».

Le 12 septembre 1807, il écrit au Comité central de la vaccine et présente les résultats de ses recherches à propos de la conservation du « fluide vaccin » :

« Parmi les observations insérées dans ledit tableau vous trouverez celle d’un enfant vacciné au bras droit avec du virus conservé liquide dans un tube de verre pendant deux mois et vingt-six jours et au bras gauche avec du virus desséché entre deux plaques de verre et conservé pendant trois mois et vingt-deux jours. Les résultats ont été satisfaisants. Je me propose de multiplier mes expériences à ce sujet et de vous en rendre compte à l’avenir ».

Le 26 octobre 1807, il adresse une lettre au médecin Husson, secrétaire du Comité central de la vaccine, à laquelle il joint un 6e tableau de ses vaccinations. Le 8 janvier 1808, il reçoit une lettre à entête du Ministère de l’Intérieur, rédigée par le même Husson :

« Monsieur, le comité me charge de vous remercier des détails que vous avez bien voulu m’adresser en conséquence de ma lettre du 4 octobre dernier Je les consignerai dans le rapport que je prépare pour le Ministre et il en sera de même du nombre de vos vaccinés (…). Le comité regrette que vous n’ayez pas eu l’occasion de reporter sur d’autres individus la matière des deux dernières vaccinations pratiquées sur vous-même. Ces faits sont si rares qu’il serait à souhaiter qu’on put les éclaircir de manière à ne permettre aucun doute. Le comité vous prie en conséquence, dans le cas où vous trouviez de nouveau l’occasion de vérifier des faits de cette nature, d’y donner toute votre attention et de l’instruire des plus simples détails ».

Ce courrier témoigne de l’intérêt du comité central pour les recherches de Marie-André Haguenot et la pertinence de ses questionnements. Ce comité s’engage même « à le seconder » dans la poursuite de ses travaux ». Il est vrai que le fait d’expérimenter le vaccin sur lui-même avait donné lieu à des observations très détaillées, qui n’ont pas été reproduites ici et qui n’ont peut-être pas été toutes transmises au comité central !

Le 28 septembre 1809, il adresse une nouvelle lettre au docteur Husson dans laquelle il affirme que ses interventions antérieures ont protégé les populations sur lesquelles il a expérimenté la vaccine et divers procédés. Il ne trouve plus que quelques sujets à vacciner et adresse un 7e tableau des vaccinations réalisées entre le 25 janvier 1808 et le 14 juillet 1809. Ce qui établit le total de ses vaccinations à 1 553.

La médaille de bronze du Ministère de l’Intérieur lui est attribuée le 4 avril 1810, pour « sa propagation de la vaccine en 1806 et 1807 » 55.

Les archives disponibles ne permettent pas d’analyser l’activité médicale de Marie-André Haguenot au-delà de l’année 1810. Il est simplement cité dans les rapports du comité de la vaccine jusqu’en 1814, sans apporter de contribution particulière et n’apparait plus en 1815.

Une vie au service de l’Homme

Ces archives témoignent du lent passage de l’ignorance des facteurs d’une épidémie virale au savoir scientifique élaborateur d’un vaccin. Il permet de relever que l’expérience des générations passées fait partie des éléments « observables » qui facilitent la compréhension de « la personnalité » d’un agent pathogène. Il témoigne également des modes de vie qui engendrent l’éclosion des épidémies, voire des pandémies. L’exemple des militaires en campagne témoigne de ce processus d’une manière caricaturale.

Marie-André Haguenot a su, en tant que médecin et chercheur, mettre toute son énergie et sa compétence au service d’une partie de la population héraultaise. Plusieurs villages lui doivent d’avoir sauvegardé leur population dans une période où l’épidémie de petite vérole (variole) était particulièrement dévastatrice. Cet homme altruiste, en capacité d’expertiser sur lui-même les effets du vaccin, était considéré par son arrière-petit-fils, Marie-André, comme « un modeste médecin de campagne au service des plus pauvres ». Pour ses amis, il fut « le beau » 56, mais aussi « le bon » docteur…

Si la variole ne figure plus dans l’actualité des épidémies en activité de notre monde, des interrogations subsistent sur sa possible « renaissance » à partir du virus original conservé dans certains laboratoires et utilisable à des fins malveillantes (arme bactériologique ?). Celui-ci peut également réapparaitre sous l’effet du réchauffement climatique, le libérant éventuellement de son « sarcophage » de glace (ex : permafrost).

BIBLIOGRAPHIE

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  1. AD 34 série 1N/1 et 1N/2, Délibérations du Conseil général de l’Hérault :
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  4. RAPPORT du comité central de la vaccine, établi à Paris par la société des souscripteurs pour l’examen de cette découverte, 1808-1809 (http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32848237p), Consulté octobre/novembre 2020).
  5. RECUEIL des lettres, mémoires et autres pièces pour servir à l’histoire de l’académie des sciences & belles lettres de la ville de Bésiers. A Bésiers, chez la veuve d’Estienne Barbut, imprimeur du Roy & de l’Académie de cette ville. M. DCC. XXXVI. I-X-78-[1] p. in-4 (communiqué par Gilles Bancarel, ex-archiviste à Béziers). http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39342427k, (consulté le 28 octobre 2020)

NOTES

1. GUALDE, 2006, p. 93.

2. GUALDE, 2006, pp. 89-95.

3. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Variole, (site consulté le 6 novembre 2020).

4. GUALDE, 2006, p. 91.

5. ALBOU, 1995, p. 227-235.

6. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vaccine, (site consulté le 6 novembre 2020).

7. JENNER, 1798, 230 p.

8. Appelée dans un premier temps « société des souscripteurs pour l’inoculation de la vaccine ».

9. GIRBAL, 1838, p. 26 : Les 1er et le 2 février 1801, « l’école chargea Vigarous de faire sous ses yeux et en présence des élèves (…) des expériences et des observations destinées à fixer son opinion sur la vaccine ». Huit enfants sont choisis dans ce but et inoculés avec succès.

10. MURAT, 1810, p. 188.

11. ALBOU, 1995. p. 227-235.

12. Le traitement de la variole figure parmi les réalisations médicales les plus importantes de Rhasès https://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/razes.html, (consulté le 25 octobre 2020).

13. Il rappelle qu’en 1285, le professeur de médecine montpelliérain, Bernard de Gordon avait déjà cité la variola comme une maladie très fréquente et très répandue dans la France de son temps.

14. HAGUENOT, 1734.

15. Thomas SYDENHAM (1624-1689). Dans la dernière moitié du XVIIe siècle, la médecine interne prit une nouvelle direction, grâce aux travaux de Thomas Sydenham, surnommé l’« Hippocrate anglais » de son siècle. Il fut un des principaux fondateurs de l’épidémiologie et sa réputation de clinicien à hauteur des nombreuses affections qu’il a décrites (…). Certains auteurs pensent que Sydenham quitta l’Angleterre pour l’université de Montpellier en France vers 1659, afin de compléter sa formation. Montpellier était considérée, à cette époque, comme un bastion de la médecine hippocratique. https://www.medarus.org, (consulté le 25 oct. 2020).

16. BOUILLET, 1733.

17. MICHEL, 1977, https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1977_num_89_132_1676.

18. Marié en 1762 à Jeanne TUDESQ, fille de Louis, médecin issu de la faculté de Montpellier et ex-consul maire de Sète dont la famille fait partie des protestants de Bouzigues.

19. En 1788, M. JAUBERTHON, médecin du comte d’Artois, pratique sur les deux bras du prince, suivant la méthode des piqûres, l’insertion du levain variolique. Ce levain a été pris sur les boutons varioleux et en pleine suppuration d’un enfant de six ans https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41265434t, (consulté le 6 novembre 2020.

20. AD 34, C 4834, archives de SETE, 1759-1786. En complément de cette note : Michel TUDESQ, traité de l’insertion de la petite vérole, J.-F. Picot, Montpellier, 1787, 162 p.

21. Henri-Marie HUSSON est né à Reims le 25 mai 1772. Docteur en médecine en 1799, il est nommé en 1800 secrétaire de « la société des souscripteurs… », puis du comité central de la vaccine.

22. BAZIN, 2001, pp. 749-765.

23. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb425799899.

24. Archives privées Frédéric Mazeran (par la suite : F.M.) – Lettre du préfet de l’Hérault du 29 août 1810 adressée aux médecins.

25. Le Véridique de Montpellier, Journal administratif, judiciaire, littéraire… du département de l’Hérault (1803-1823 ?).

26. Archives privées F.M.

27. HAGUENOT, 1900, p. 1-51.

28. Archives privées F.M. – Acte notarié du 26 septembre 1803, (3 vendémiaire de l’an douze) – d’Eugene-Pascal Péridier et Jean-Jacques Massal, notaires à Montpellier : « Marie-André et Marguerite Beaumevieille propriétaires du domaine de la Serre terroir de Saint-Thibéry, en vertu de l’aliénation à eux faite par le citoyen Gabriel-Aphrodise Beaumevieille, père et beau-père, propriétaire foncier, domicilié à Saint-Thibéry suivant acte du 30 nivôse de l’an XI (20 janvier 1803) ».

29. Congestion cérébrale.

30. DONNADIEU, 1989, p. 134.

31. ALBERGE, 1971, p. 23 : « Le premier recensement sur décret de la convention du 1er août 1793 indique que cet hôpital comprend 3 médecins, Dix chirurgiens et 6 pharmaciens… douze d’entre eux ont moins de 30 ans et 6 moins de 20 ans. Onze sont de l’Hérault dont 5 de Pézenas. HAGUENOT, ALAZAR, huit sont encore étudiants ! En ces temps d’épidémie, la mort ne les épargne pas : 14 morts entre 19 janvier 1794 et 23 novembre 1795 ».

32. Archives privées F.M. – lettre du 5 nivôse de l’an V (25 décembre 1796) qui indique la présence d’une chambre qu’il a déjà occupée – Malgré nos nombreuses recherches nous n’avons pas pu retrouver l’identité précise de ce personnage souvent cité dans les archives de Marie-André Haguenot. Dans sa correspondance, il semble proche des républicains dits « raisonnables » selon une de ses expressions.

33. Archives privées F.M.

34. Renaud FAGET, « L’affaire Louchard » ou la doctrine judiciaire de la guerre, Annales historiques de la Révolution Française, n°2, 2010. https://journals.openedition.org/ahrf/11643, (Consulté le 26 octobre 2020).

35. Le philosophe Brissot laisse entendre clairement que la propriété, c’est le vol, et que donc le vol est légitime pour rééquilibrer l’injustice initiale qu’a sanctionnée la reconnaissance par la loi du droit de propriété au riche. Chef de file des « Brissotins », il défend le fédéralisme, Pierre Vergniaud fut également un acteur important de la Révolution, proche de Brissot. Ils furent guillotinés le 31 octobre 1793.

36. HAGUENOT, 1900, p. 43.

37. Archives privées F.M. – lettre du « citoyen » Quinot du 26 ventôse an II (16 mars 1794).

38. ALBERGE, 1971, p. 21 – « 1795 – La fièvre jaune, fléau des armées en campagne, est responsable de la quasi-totalité des décès ».

39. Archives privées F.M. – Lettre du 21 octobre 1795 qui relève la présence de Marie-André Haguenot à l’hôpital de Figuères, en Catalogne.

40. Archives privées F.M. – Courrier officiel de l’armée des Pyrénées Orientales dont l’entête est : « Liberté, Égalité, Vigilance, Activité, Humanité », daté du 28 vendémiaire de l’an III. Roussillon est inspecteur des hôpitaux et médecin chef de l’armée.

41. Il figure sur la liste des médecins établie le 12 mai 1795 (cf. ALBERGE, 1971). Cet hôpital occupe l’ancien couvent des cordeliers.

42. HAGUENOT, 1900, p. 45.

43. Archives privées F.M. – Gabriel Aphrodise Beaumevieille avait fait l’acquisition de ce domaine en 1791 auprès du Seigneur d’Adissan, Mirman, et il devait encore une partie importante du prix d’achat… qui sera réglée par Marie-André Haguenot. (cf. acte notarié du 3 vendémiaire de l’an 12).

44. Archives privées F.M. Cf. manuscrit probablement terminé en 1805, si l’on tient compte des observations mentionnées.

45. Archives privées F.M., archives de la famille Haguenot.

46. AD34 1N/1- délibérations du Conseil général du 7 floréal de l’an XIII.

47. Archives privées F.M.

48. Il observe chez plus de cent jeunes enfants une poussée des dents au cours de l’effet de la vaccine.

49. La petite vérole naturelle est celle que l’on attrape en dehors de celle, atténuée, provoquée par la vaccine.

50. C’est ainsi qu’est dénommée l’action du vaccin sur l’organisme.

51. Archives privées FM.

52. Archives privées FM.

53. Archives privées FM.

54. Archives privées FM.

55. HAGUENOT, 1900, p. 46.

56. Archives privées F.M. – La correspondance de Quinot relève la belle prestance physique de Marie-André Haguenot.

ANNEXES

La découverte de Jenner, vite connue en France par la traduction de son livre, et les campagnes de vaccination qui furent ordonnées par le gouvernement du Directoire, suscitèrent dans les premières années du XIXe siècle une abondante production littéraire et artistique. Les deux œuvres présentées ici 1 illustrent bien le succès remporté par cette révolution thérapeutique. La première est un poème didactique dû à un jeune auteur de 28 ans, Alexandre Soumet, qui remporta ainsi le concours lancé en 1814 par l’Académie Française sur le thème de « la découverte de la vaccine » 2. Quant à la seconde, il s’agit d’une toile de Louis-Léopold Boilly, intitulée « L’inoculation » (1807). Ce peintre de genre connu pour sa vision méticuleuse de la vie quotidienne sous la Révolution et l’Empire s’empare d’une scène en passe de devenir courante dans la vie des familles.

Parmi tous ces mortels, dont l’effort secourable
Cherchait à triompher de l’hydre inexorable
3,
Un modeste rival des Barthès, des Halley4,
Vivait obscurément dans les champs de Barcley.

Jenner était son nom… L’aube à peine éveillée
Le retrouvait pensif sous l’épaisse feuillée,
Et le voyait ravir leurs végétaux puissants
5
Aux vastes près, séjour des troupeaux mugissants.

Ami de l’homme, ami de la sagesse antique,
Jenner étudiait le monstre asiatique
6,
Et souvent propageait, armé d’un fer aigu,
Cet art que de Timone emprunta Montaigu
7.

Les pasteurs, habitants de ces beaux pâturages,
Du fléau qu’il combat ignoraient les outrages :
Il médite… Il les voit, sous le chaume abrités,

Presser entre leurs doigts les tributs argentés
De la blanche génisse, et se plaindre comme elle
D’un mal qui se déploie autour de sa mamelle
8.

C’en est fait, confident de la faveur des cieux
Il recueille à genoux le venin précieux.

Londre en a reconnu la rapide énergie :
Du Tage à la Neva les disciples d’Hygie
9,
S’étonnent, et d’un art, né parmi ses rivaux,
La France, la première, applaudit les travaux.

Elle veut toutefois que la prudence humaine
Interroge longtemps l’utile phénomène ;
Elle ordonne en tous lieux qu’aux regards du savoir
Des épreuves sans nombre attestent son pouvoir ;
Du sage de Barclay médite les oracles,
Et ne veut croire au dieu qu’à force de miracles.

L’inoculation contre la variole à Paris (1807), par Louis-Léopold Boilly (1761-1845) (Coll. particulière)
Fig. 6 L’inoculation contre la variole à Paris (1807), par Louis-Léopold Boilly (1761-1845) (Coll. particulière)

NOTES

[Les notes explicatives figurent dans l’édition du poème parue dans
Le Magasin encyclopédique, Paris, 1815, t. III, p. 295-298].

1. Elles m’ont été signalées par Guy Laurans.

2. MARQUER, Bertrand (éd.), Savants et écrivains : portraits croisés dans la France du XIXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2015, pp 41-43. Disponible sur internet : https://books.openedition.org/apu/17338.

3. La petite vérole.

4. Paul-Joseph Barthez (1734-1806) était sans doute le plus fameux médecin français vers 1800. Edmond Halley (1656-1742) était un célèbre savant britannique du XVIIIe siècle.

5. Il cueillait des plantes médicinales.

6. La petite vérole était réputée venir d’Asie.

7. L’inoculation, enseignée à milady Montaigu par Timone, médecin de Constantinople [n.d.].

8. Jenner observa que, dans les grandes inoculations ordonnées par le gouvernement anglais, plusieurs individus résistaient à l’épreuve de la petite vérole, parce qu’ils avaient déjà contracté une maladie particulière aux vaches de la commune de Barcley [n.d.].

9. Hygie : déesse de la santé. Disciples d’Hygie : les médecins.

REVERS DES COURRIERS AVEC ADRESSES ET ÉTAT DES FONCTIONS
DE MARIE-ANDRÉ HAGUENOT
ENTRE L’AN II ET L’AN VII

Archives privées F.M. - Marie-André Haguenot
Fig. 7 Archives privées F.M. - Marie-André Haguenot