Henri Pitot (1695-1771),
l’ascension du constructeur de l’aqueduc de Montpellier

* Ingénieur Génie civil

Cinquième enfant de la famille Pitot, Henri naît le 31 mai 1695 à Aramon, petite ville languedocienne bordée par le Rhône 1. Six jours après sa naissance, il est baptisé dans l’église paroissiale qui n’est qu’à deux pas de la maison familiale :

L’an ci-dessus [1695] et le cinquième de juin fut baptisé Henri Pitot, âgé de six jours, fils de M. Anthoine Pitot, bourgeois, et de demoiselle Jeanne de Juilhan, mariés. Son parrain M. Henry Juilhan, sa marraine demoiselle Marguerite de Martin, pour demoiselle Catherine de Maillian, femme de M. Jean Fouquet, conseiller du Roy, commissaire des inventaires de la ville et viguerie de Nismes 2.

Notre connaissance de l’enfance d’Henri Pitot aurait pu se limiter à ces lignes figurant sur le registre paroissial d’Aramon. Heureusement, un manuscrit autobiographique de vingt pages 3, corrigé de la main même de Pitot, mais s’arrêtant hélas en 1722, nous renseigne sur ses premières années à Aramon et ses débuts parisiens. Ce texte écrit sous la forme d’une Lettre de Mr. P**** à Madame de *** et datant vraisemblablement du milieu du XVIIIe siècle, donne plus particulièrement l’image que Pitot a voulu laisser transparaître de sa jeunesse. Ratte et Grandjean de Fouchy y puiseront pour rédiger leurs éloges funèbres 4.

Une famille bourgeoise

La famille paternelle d’Henri est originaire de Marguerittes, à proximité de Nîmes. De tradition très catholique, c’est sans doute à la suite des guerres de religion qu’elle a dû quitter ce village pour venir s’installer à Aramon où plusieurs Pitot occuperont la fonction de notaire royal. Le père d’Henri n’a pas suivi cette voie. Militaire, il a terminé sa carrière comme capitaine, avant de se retirer dans sa ville natale pour y mener une vie de bourgeois et d’exploitant agricole.

La mère d’Henri, Jeanne Juilhan, est issue d’un milieu bourgeois de Beaucaire car, dans l’acte de baptême d’Henri, il ne faut pas prendre la particule qui précède son nom comme un signe nobiliaire. Ratte et Grandjean de Fouchy n’hésiteront pourtant pas à indiquer dans leurs éloges que la mère de Pitot était native d’une famille noble de Beaucaire et que son père était écuyer. Ces assertions ne prouvent rien et faisaient partie d’une complaisance courante dans ce genre de circonstance. Pitot, dans sa lettre à Madame de ***, ne s’aventure pas sur ce terrain et se contente d’écrire qu’il est issu « d’une famille qui a prétendu depuis longtemps être noble » 5, en ajoutant toutefois qu’elle « fut distinguée dans le pays, puisque mon bisaïeul Denis Pitot épousa la sœur du seigneur d’Aramon et Jean Pitot, mon grand-père, épousa la nièce du même seigneur » 6. Affirmation flatteuse ! Lorsque Denis Pitot, son arrière-grand-père, avait épousé Françoise Sauvan, il n’était pas encore question de la fille du seigneur d’Aramon, mais seulement de celle d’un riche marchand, Jean Sauvan, trésorier de la communauté d’Aramon. L’anoblissement et la seigneurie ne viendront que plus tard, après que celui-ci ait acheté en 1634 une charge de secrétaire du roi pour son fils aîné, Jacques 7.

Des études désastreuses suivies d’une boulimie de lecture

Après le décès de sa mère, en 1707, Pitot est envoyé à Beaucaire au collège des pères de la Doctrine chrétienne. L’enseignement, comme d’ailleurs celui de la plupart des autres établissements, est essentiellement fondé sur la culture classique à base de grammaire, de latin et de grec. On n’y aborde que rarement la physique ; les mathématiques n’y sont pas particulièrement à l’honneur et les sciences naturelles totalement oubliées. Ce type d’études ne convient absolument pas au jeune Pitot qui se montre le plus mauvais élève qui soit. Rien n’y fait, ni les réprimandes de son père, ni celles de son grand-oncle chanoine. Les corrections et les châtiments corporels n’aboutissent qu’à le « révolter davantage contre l’étude » 8. Toute sa vie il gardera un mauvais souvenir de cet enseignement exclusivement littéraire et s’élèvera contre cette éducation fondée sur une culture gréco-latine.

Ratte résume en deux phrases la vie scolaire du futur académicien : « Son enfance fut marquée par un dégoût invincible pour l’étude et pour toute application. […] Il fallut l’abandonner à sa fainéantise » 9.

En 1712, devant cet échec, son père le fait entrer à l’école du régiment de Royal-Artillerie où son frère aîné, Jean-Denis, servait déjà en tant qu’officier. Installée à Grenoble, cette école formait des officiers d’artillerie et des cadets. Quelles que soient les matières étudiées, Henri ne se montre pas meilleur élève que lorsqu’il était chez les Doctrinaires. Comme il l’avoue lui-même, il mène à Grenoble « une vie de fainéant 10 » et d’après Ratte « une vie assez dissipée 11 ». (Fig. 1)

Henri Pitot (détail Coll. Privée Henri Coquebert de Neuville)
Fig. 1 - Henri Pitot (détail Coll. Privée Henri Coquebert de Neuville)

Quand Henri revient à Aramon, après huit mois passés chez les cadets, il se fait sérieusement sermonner par son père. Cette fois, les reproches se révèlent salutaires. Il prend enfin conscience de ses faiblesses et décide de modifier son comportement :

« Un jour, mon père me traita d’ignorant. Il avait bien raison, mais je fus si sensible à ce reproche que je me mis à lire tous les livres qui tombèrent sous ma main. Une histoire romaine d’un français un peu vieux ou gaulois, un vieux testament, un abrégé d’histoire de France 12, l’Histoire poétique du Père Gautruche 13, les Métamorphoses d’Ovide 14. Voilà, Madame, comment j’ai commencé à prendre goût pour la lecture. J’avais une mémoire très heureuse 15 ».

Il s’en suit une véritable boulimie de lectures plus ou moins disparates dans un premier temps, mais qui s’orientent rapidement vers les sciences et les mathématiques, en délaissant totalement la culture littéraire.

À la fin de 1713, Henri retourne à l’école d’artillerie avec la soif d’apprendre. Moins d’un an plus tard, la paix de Rastatt ayant mis fin à la guerre de Succession d’Espagne, Pitot quitte l’armée et revient dans sa ville natale. Il continue à dévorer tous les ouvrages qu’il peut se procurer. Après une brève escapade dans des traités d’anatomie, il se plonge dans des livres de mathématiques, de physique et de géographie 16. Il rédige également un petit mémoire sur les fortifications en s’inspirant de quelques livres spécialisés 17 qu’il avait trouvés. Un peu plus tard, grâce au recteur des Jésuites de Nîmes, il découvre l’art de la construction dans le Cours d’architecture de Blondel.

Disposant d’une excellente mémoire, Pitot tente de tirer le meilleur parti possible de ses lectures. Toujours dévoré par sa passion scientifique et voulant passer de la théorie à la pratique, il se lance dans l’astronomie. Avec des moyens sommaires, il construit du matériel d’observation ainsi que des cadrans solaires. Pour observer les astres, dessiner et calculer en toute sérénité, il s’enferme dans la tour qui surmonte la maison familiale. Cette tour existe toujours mais elle a été profondément remaniée. Le sol sur lequel il avait dessiné une méridienne a été refait et le mur qui supportait un cadran solaire de sa facture, a disparu.

Henri lit de nombreux livres, mais assimile-t-il correctement leur contenu ? Rien n’est moins sûr ! À l’exception du recteur des Jésuites de Nîmes, il n’a fréquenté personne qui soit en mesure d’apprécier son niveau de connaissance. Travaillant seul, sans aucun contrôle, il ne peut détecter ses vraisemblables lacunes. Un opportun voyage à Uzès lui permet de lever quelques doutes. Au cours de son séjour, il rencontre l’abbé Cabot, « un habile mathématicien » 18, qui entreprend de tester ses connaissances. La conclusion est heureuse, comme le confie Henri à sa correspondante :

« Je vous avoue, Madame, que je ne crois pas avoir jamais eu tant de crainte, l’étude et la solitude m’avaient rendu fort timide, joint au peu de confiance que j’avais en moi, mais je fus bientôt rassuré. Mr. l’abbé Cabot m’ayant fait quelques questions fut si satisfait de mes réponses qu’il avoua que je savais beaucoup plus de mathématiques que lui. Il prôna beaucoup mon petit savoir 19. »

À la suite de cet examen, l’abbé estime qu’Henri doit poursuivre son instruction à Paris, « où les talents qu’on voit éclore avec quelque distinction dans les provinces sont toujours sûrs de se perfectionner » 20. Rassuré, Pitot semble avoir trouvé sa voie. Il renonce à embrasser une carrière militaire comme deux de ses frères 21. Désormais, si l’on s’en rapporte à Ratte, « il regarda les mathématiques comme le fond de sa fortune » 22.

L’ascension parisienne sous le patronage de Réaumur et de l’abbé Bignon

En septembre 1718, son père ayant accepté la suggestion de l’abbé Cabot, Henri gagne Paris et devient l’élève de Réaumur à qui il a été vraisemblablement recommandé par la marquise d’Aramon, une lointaine parente. Réaumur commence par interroger son nouvel élève et décèle bien des lacunes. Pitot s’en montre étonné :

« Après avoir exposé à M. de Réaumur tout mon petit savoir, je fus bien surpris de tout ce qu’il me dit qu’il fallait apprendre encore. L’Application de l’Algèbre à la Géométrie de Guinée 23, l’Analyse démontrée du père Renaud 24, l’Analyse des infiniment petits de Mr. le Marquis de L’Hôpital, et ses sections coniques. Je n’avais jamais entendu parler de tous ces ouvrages, et je vis que j’avais beaucoup à étudier encore 25 ».

Rien de surprenant dans l’appréciation de Réaumur ! Jusqu’alors, la plupart des manuels dans lesquels Pitot avait étudié dataient d’une cinquantaine d’années. Pour ce qui concernait l’arithmétique et la géométrie élémentaire, cela n’avait que peu d’importance, mais il n’en était pas de même pour ce qui touchait la physique, la chimie, l’optique ou les nouvelles sciences mathématiques telles que le calcul différentiel ou les intégrales. (Fig. 2)

Tout en reprenant ses études sous le patronage de Réaumur, Pitot doit faire appel à diverses recommandations pour trouver de petits emplois. Au début de 1719, il effectue des levés du château et du parc du maréchal de Villeroy. Deux mois plus tard, il revient dans la capitale où il se voit confier l’inspection d’un bâtiment en construction dans le quartier de Saint-Sulpice. Il donne également des cours de mathématiques aux enfants de Gabriel, Contrôleur des Bâtiments du roi et Premier ingénieur des ponts et chaussées, qui lui fait obtenir une place d’inspecteur des ponts et chaussées et l’envoie surveiller les travaux du pont de L’Isle-Adam.

René Antoine de Réaumur (Source google)
Fig. 2 - René Antoine de Réaumur (Source google)

Cette affectation ne l’empêche pas de continuer à étudier sous la direction de Réaumur qui ne se contente pas de lui donner des cours mais s’occupe également de son avenir. Il le présente à l’abbé Bignon 26 qui le fait entrer à l’Observatoire de Paris pour qu’il se forme à l’astronomie sans pour cela abandonner son travail d’inspecteur. Quand le pont de L’Isle-Adam est terminé, Pitot est nommé à la surveillance « du grand chemin de Paris à Rouen, entre Mantes et Vernon ». Il s’installe à Bonnières, mais ne reste pas en permanence sur le chantier. Il se rend souvent à Paris pour rencontrer Réaumur et poursuivre ses travaux d’astronomie.

L’abbé Bignon continue à suivre la carrière de Pitot. Il le fait associer à la rédaction de La Connaissance des temps. Ce périodique qui donne les heures du lever et du coucher du soleil et de la lune, contient également de nombreuses tables permettant de connaître les heures des marées et la position des planètes. Pour les établir, Pitot utilise les Tables astronomiques de La Hire 27 rédigées en latin, ce qui complique sérieusement leur utilisation pour quelqu’un qui a refusé obstinément d’apprendre cette langue. « Ce fut pour lors, confesse-t-il, que j’eus un extrême regret de n’avoir pas suivi les études du collège et appris assez de latin » 28.

Pitot, tout en ayant une activité professionnelle débordante, rédige des petits traités de mathématiques qu’il adresse à l’Académie des sciences et aux revues scientifiques parisiennes. En 1721, il publie dans Le Journal des savants une Méthode pour mesurer des distances inaccessibles par un seul point de vue ou une seule station 29. En parallèle, il calcule la durée de l’éclipse de soleil qui doit se produire le 22 mai 1724. Les Almanachs l’avaient annoncée mais donnaient des résultats divergents. On se demandait si l’éclipse serait complète ou partielle dans le ciel de Paris. Pitot prévoit qu’elle sera totale et en donne les principales caractéristiques dans le Mercure de juillet 1723 30. L’avenir lui donnera raison.

En route pour l’Académie des sciences de Paris

Pitot travaillant désormais à l’Observatoire et écrivant quelques mémoires, commence à rêver d’une admission à l’Académie des sciences. Mais, pour y être reçu, il ne suffit pas d’être un bon scientifique ; il faut également de solides recommandations car la procédure passe par une élection. Les pensionnaires et associés de la classe concernée par une vacance désignent deux ou trois candidats dont les noms sont soumis au roi, à qui revient la décision ultime. Pour arriver à ses fins, Pitot pense pouvoir compter sur l’appui de Réaumur, de l’abbé Bignon et de Mairan 31. Cela ne se fera pourtant pas sans mal ! (Fig. 3)

A la fin 1722, deux places d’adjoint astronome viennent à se libérer et Mairan, directeur de l’Académie cette année-là, pense à Pitot pour l’une d’elles, l’autre étant déjà pressentie pour un protégé du chevalier de Louville. Finalement, Mairan se ravise et lui déconseille même de briguer le poste. Pitot écrit alors à Réaumur 32 pour lui faire part de l’attitude de Mairan et lui demander son appui. Rien n’y fait. Sa candidature n’est pas retenue.

Pitot est affecté par cet échec, mais, en 1723, par une sorte de compensation et malgré son inexpérience en chimie, il est nommé par Réaumur directeur du laboratoire de l’Académie tout nouvellement créé et bénéficie à ce titre d’une petite pension. Il conservera ce poste jusqu’à sa nomination comme pensionnaire de l’Académie, en 1733.

Jean Jacques Dortous de Mairan (Source google)
Fig. 3 - Jean Jacques Dortous de Mairan (Source google)

En décembre 1723, Pitot reprend espoir car une nouvelle place vient à se libérer. Le 14 décembre, nouvelle désillusion ! Le roi a porté son choix sur Maupertuis. En avril 1724, il essuie un nouveau revers, mais un mois plus tard, il est à nouveau sur les rangs pour remplacer M. de Beaufort qui vient de passer du rang d’adjoint à celui d’associé. Réaumur, qui en décembre 1723 avait appuyé Maupertuis, lui apporte cette fois son entier soutien et évite même que Le Monnier, qui pouvait se révéler un dangereux adversaire, fasse acte de candidature 33.

Le 27 mai 1724, le jour de l’élection, trois candidats sont en lice : Meynier, Gauger et Pitot. Le 14 juin, Fontenelle, le secrétaire perpétuel, lit une lettre de M. de Maurepas annonçant que « le Roi a choisi M. Pittot (sic) » 34. Trois jours après sa nomination, le nouvel adjoint mécanicien assiste à sa première séance.

Cette admission à l’Académie est une première étape dans l’ascension de ce mauvais élève, pour ne pas dire ce cancre, que son père qualifiait « d’ignorant » quelques années plus tôt.

L’ascension académique

Membre de l’Académie, Pitot n’aspire qu’à en gravir les échelons en passant du rang d’adjoint à celui d’associé puis de pensionnaire. Pour cela, il peut encore compter sur l’appui de Réaumur et de Bignon. En juillet 1727, alors qu’il faut désigner un associé mécanicien, un honoraire et un associé étranger, les deux hommes choisissent respectivement Pitot, Pelletier des Forts, contrôleur des finances et ministre d’État, et Ruysch, un anatomiste hollandais. Le vote de l’Académie ne fera qu’entériner leurs décisions bien que pour le poste d’associé mécanicien, comme l’indique le rapport de séance, deux noms aient été suggérés, l’abbé Camus et Pitot 35. De toute façon le choix du roi se porta sur les trois candidats proposés par l’abbé Bignon et Réaumur 36.

Étant associé, Pitot vise maintenant le poste de pensionnaire. Il ne lui reste plus qu’à attendre une opportunité. En mars 1733, une place de pensionnaire géomètre se libère par le passage de Lagny à la vétérance. Pour lui succéder, l’Académie propose trois noms : Pitot, Clairaut et Fontaines. Le 18 mars 1733, le comte de Maurepas, ministre d’État et président de l’assemblée, informe que sa majesté a retenu Pitot 37.

Entre son admission en 1724, et 1741, date à laquelle il revient en Languedoc prendre la direction du Canal Royal et des travaux publics, Pitot fournit à l’Académie vingt-cinq mémoires 38 portant sur les mathématiques, l’astronomie et la mécanique (procédés de construction et hydraulique). Les quatre traités 39 qu’il remettra après son installation à Montpellier, seront en rapport avec ses nouvelles fonctions et ne feront que reprendre les mémoires qu’il avait adressés à l’intendant ou aux États, et qu’il avait présentés sous une forme voisine à la Société royale des sciences de Montpellier.

Durant sa carrière académique, Pitot a été désigné 138 fois en tant que commissaire 40 pour se prononcer sur des communications ou des inventions envoyées de tout le royaume à l’attention de l’Académie. Les sujets examinés par Pitot sont très variés et touchent tous les domaines : mathématiques, moulins, pompes, astronomie, etc. À en croire Grandjean de Fouchy – particulièrement bien placé en tant que secrétaire perpétuel pour donner un avis éclairé – Pitot faisait partie des académiciens les plus sollicités.

L’Académie ne désigne pas des commissaires uniquement pour analyser les inventions et les divers dossiers qui lui sont présentés, mais également pour examiner les mémoires qui concourent annuellement pour le prix de l’Académie et pour en désigner les lauréats. Entre 1731 et 1741, par sept fois 41, Pitot fera partie des membres du jury.

La carrière de Pitot au sein de l’Académie a été « ordinaire » ; il n’en sera jamais directeur ou sous-directeur et ne participera à aucune des grandes aventures scientifiques qu’elle a patronnées (tracé de la Méridienne, mesures du rayon de la terre). Les mémoires qu’il a fournis sur les mathématiques, les procédés de construction et l’astronomie ont marqué son époque mais, pour la plupart, sont tombés dans l’oubli avec le temps. Pierre Humbert 42, spécialiste de l’histoire des sciences, concluait ainsi son analyse des travaux astronomiques de Pitot : « Dans tout cela, rien d’original : on est en face d’un personnage qui a une bonne connaissance de l’astronomie sphérique et de la gnomonique, et qui manie facilement le calcul : rien de plus » 43. Plus généralement, il considérait que le travail de Pitot, exception faite du tube qui porte son nom, était seulement « d’une honnête moyenne » 44, comme l’avait été celui de nombre de ses collègues académiciens des années 1720-1740, Clairaut et Maupertuis faisant exception.

Ce jugement est toutefois sévère. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque pour apprécier la valeur et l’utilité de ses publications. De son temps, Pitot était sinon célèbre, tout au moins reconnu et respecté. Ses travaux faisaient autorité. Les rédacteurs de L’Encyclopédie les avaient jugés suffisamment importants pour les citer et les reprendre en partie dans certains de leurs articles (trochoïde, cintre, fleuve, confluent, manœuvre des vaisseaux).

Sa Machine pour mesurer la vitesse des eaux courantes, qui n’avait pas trouvé de réelles applications de son vivant, a traversé les siècles. Dans tous les domaines où l’on a besoin de connaître les vitesses d’écoulement de fluide liquide ou gazeux, on trouve des tubes de Pitot. Une énumération exhaustive est impossible : aviation, génie climatique, ventilation, exploitation pétrolière, course automobile, etc.

Dans sa lettre à Madame de ***, Pitot estime qu’il doit sa réussite et ses connaissances à son autodidaxie :

« Vous me faites l’honneur de me dire que plusieurs personnes soutiennent qu’il est moralement impossible que je sois parvenu à apprendre cette science au point de me rendre capable d’y faire quelques découvertes et mériter d’être reçu de l’Académie (sic). Rien n’est plus vrai cependant. […] Il faut vous satisfaire et vous prouver qu’un jeune homme qui a de l’intelligence et une bonne volonté, n’a besoin que de bons livres pour apprendre toutes sortes de sciences même les différentes langues, le latin, le grec, l’anglais, l’italien, si vous en exceptez la prononciation.

On croit communément qu’un jeune homme qui n’a pas fait toutes ses classes, ou comme on dit ses études, est incapable de cultiver et pénétrer dans aucune science ; voilà, j’ose vous le dire, Madame, une de ces erreurs populaires qui tient encore de l’opinion ancienne que tout homme qui ne savait ni grec ni latin était un ignorant. Il y a cependant bien des ignorants qui ont fait toutes leurs classes.

Ceux qui se contentent d’avoir fait leur physique et leur philosophie au collège, ne sont ni physiciens, ni philosophes s’ils n’étudient pas par eux-mêmes, après avoir fait leurs classes et être sortis du collège 45. »

Les relations d’un académicien et d’un censeur royal

Pitot devenu académicien a élargi le cercle de ses relations et de ses protecteurs. Tous les académiciens honoraires qui siègent sur les bancs de l’Académie sont recrutés parmi les hauts personnages du royaume. Lors des séances, il fréquente ainsi le duc de Richelieu 46, le cardinal de Polignac, le marquis de Torcy, etc. La plupart n’ont pas de formation scientifique et ne doivent leur nomination qu’à leur situation, à l’exception du comte d’Onsenbray 47, responsable des postes, avec qui Pitot est particulièrement lié 48. Ses travaux de commissaire lui permettent également d’être en contact et de devenir un des protégés du futur maréchal de Saxe qui n’était encore que « le comte de Saxe ».

Pitot collabore avec Fréret pour ses travaux sur la Chronologie des Chinois et élabore avec Réaumur les premiers articles de la Description des Arts et Métiers. Il écrit également un livre intitulé : Théorie de la manœuvre des vaisseaux réduite en pratique. (Fig. 4) Il dédie cet ouvrage à Maurepas, ministre et secrétaire d’état à la marine, qui le fait diffuser dans tous les ports de France où il reçoit un accueil assez réservé. Les Anglais se montrent plus enthousiastes. Le livre est rapidement traduit et distribué à tous les officiers de l’amirauté.

Le succès Outre-Manche de son ouvrage sur les théories de la navigation, combiné avec ses travaux scientifiques sur la mécanique des fluides, encourage Pitot à demander son admission à la Société royale de Londres. Il y sera reçu le 13 novembre 1740, ce qui lui donnera encore une meilleure position dans le monde des sciences.

La théorie de la manœuvre des vaisseaux (Coll. Privée Bruno Coquebert de Neuville)
Fig. 4 - La théorie de la manœuvre des vaisseaux (Coll. Privée Bruno Coquebert de Neuville)

Aux environs de 1730, Pitot est nommé censeur royal pour les livres de mathématiques. Grâce aux Registres des privilèges et permissions simples de la Librairie 49 et aux Registres des livres d’impression étrangère présentés pour la permission de débiter 50 bien que certains titres ne figurent pas sur ces documents – nous avons connaissance de la plupart des livres qui ont été soumis à Pitot 51.

Pitot semble avoir été un censeur éclairé puisque seulement neuf des livres qu’il a contrôlés seront interdits de publication soit douze pour cent. Pour six autres, aucune décision ne figure sur le registre. Cette absence de mention est assez fréquente et indique simplement que la décision des autorités n’a pas été portée sur le registre. Même en imaginant que ces six livres aient été refusés (hypothèse improbable), on est certain que le pourcentage des ouvrages censurés par Pitot est inférieur à vingt pour cent et se situe en dessous de la moyenne observée 52.

Grâce à son poste de censeur, Pitot agrandit encore un peu plus le cercle de ses relations. Il est en contact avec les autres censeurs et surtout avec les directeurs successifs de la Librairie (les deux Chauvelin, Rouillé et Argenson). Il rencontre également des imprimeurs et des auteurs. C’est ainsi qu’entre 1736 et 1741, il croise l’univers de Voltaire qui vient de se découvrir une passion pour la physique et veut faire une incursion dans le domaine des sciences. De simple relation de travail au début, Pitot passe au rang d’ami. Pour créer un ton plus familier, Voltaire veut éviter d’achever ses lettres par les traditionnelles formules de politesse : « Sans aucune cérémonie, lui écrit-il, je vous prie de compter sur ma reconnaissance autant que sur mon estime et mon amitié ; il serait indigne de la philosophie d’aller barbouiller nos lettres d’un votre très humble, etc. » 53. Un an après le début de leur relation épistolaire, Voltaire qualifie Pitot de « philosophe » et commence la plupart de ces lettres par « Mon cher philosophe » 54 ou « Mon très cher et très éclairé philosophe » 55.

Pitot aide Voltaire à publier les Éléments de la philosophie de Newton, prend son parti dans ses querelles avec l’abbé Desfontaines, lui procure du matériel pour son cabinet de physique, lui fournit un laborantin pour l’aider dans ses expériences et lui rend bien d’autres services. Il correspond également avec Madame du Châtelet qu’il aide, entre autre, à résoudre des problèmes d’optique et à faire éditer ses Institutions Physiques.

Pitot semble peu payé de retour 56, mais l’honneur d’être considéré comme un ami de Voltaire et de Madame du Châtelet lui apporte certainement un complément d’aura dont il se satisfait.

Un changement de carrière

En 1740, à la demande des États du Languedoc, Pitot est chargé par l’Académie de participer à une expertise sur les conséquences de l’assèchement des marais du Bas-Languedoc. Cet événement va changer sa destinée et modifier le cours de sa carrière. Satisfaits de la manière dont il a rempli sa mission, les États lui proposent alors de prendre la direction du Canal Royal et des travaux publics de la sénéchaussée de Nîmes-Beaucaire. Quoiqu’intéressé, Pitot hésite quelque temps, regrettant de quitter Paris où il compte de solides relations et ne voulant pas perdre son statut d’académicien. Ayant obtenu l’assurance de pouvoir passer à la vétérance et encouragé par Aguesseau et le cardinal de Fleury, il accepte les postes proposés en janvier 1741. Pendant un an, il se partage entre Paris et le Languedoc. En juin 1742, il quitte définitivement la capitale et s’installe à Montpellier, siège de l’intendance et où se tient annuellement l’assemblée des États. Il est ainsi au plus près du pouvoir de la province.

Le territoire dont Pitot a la charge est très vaste puisqu’il comprend non seulement l’ancienne sénéchaussée de Beaucaire, mais également les bailliages du Velay, du Gévaudan et du Vivarais. En se référant aux départements actuels, il inclurait l’Ardèche, la Haute-Loire, la Lozère, le Gard et la partie nord-est de l’Hérault correspondant à l’ancien diocèse de Montpellier.

Pitot s’intègre remarquablement dans ses nouveaux postes. Sans transition, de théoricien il devient un excellent praticien. Pendant vingt ans, il sera un des hauts fonctionnaires des États du Languedoc, élaborant sans cesse des projets et en surveillant l’exécution.

Tout comme pour son œuvre académique, il n’est pas de mon propos de m’étendre sur les réalisations de Pitot en Languedoc, je me contenterai d’en faire une brève description 57 en m’attardant toutefois sur l’aqueduc de Montpellier – sans nul doute son œuvre majeure – qui met particulièrement en évidence ses qualités de constructeur.

Les travaux en Languedoc

Les États du Languedoc ont nommé Pitot, non seulement directeur des travaux publics, mais également directeur du Canal Royal. Ce dernier titre est mal adapté à la fonction. Pitot ne dirige nullement le canal. Son rôle se rapproche plutôt de celui d’un inspecteur, terme qu’il utilisera parfois pour se qualifier dans ses rapports. Il se limite à visiter annuellement le canal, à examiner les litiges ou conflits qu’il peut générer et à veiller à ce que les successeurs de Riquet le conservent en bon état de navigabilité. Il n’a sous ses ordres aucun subordonné et ne peut agir directement pour réparer ou moderniser le canal. Ces tâches incombent au véritable directeur qui est un salarié des propriétaires.

Pitot occupera son poste de directeur du canal pendant 22 ans. Durant cette période il ne se construit aucun ouvrage important ; l’essentiel des travaux porte sur de la maintenance et de l’entretien. La vérité fait mentir la jolie formule de Ratte : « Le canal, ce monument superbe du siècle de Louis XIV changea de face entre ses mains » 58. Pitot n’a pas vraiment marqué l’histoire du canal. Elle s’est écrite avant et après sa prise de fonction. Quand il arrive en 1741, les travaux de maintenance ont pris le pas sur les travaux de construction et, lorsqu’il quitte son poste en 1763, les grands aménagements n’ont pas encore débuté.

Si sa fonction de directeur du Canal Royal n’a pas été de premier plan, il n’en est pas de même de celle de directeur des travaux publics. Dans ce poste, il participe activement au développement de la province, la parcourant en tous sens et sachant toujours imposer une vision rationnelle et objective tant dans les tracés routiers que dans la construction des ouvrages d’art, l’assainissement des zones marécageuses et les protections contre les crues.

Pitot construit de nombreux ponts sur les grands chemins de sa sénéchaussée. Peu sont parvenus jusqu’à nous. Celui sur l’Eyrieu (Ardèche) a disparu emporté par des crues au cours du XIXe siècle. Des cinq arches du pont sur l’Ardèche, il n’en reste qu’une qui résiste tant bien que mal aux caprices de la rivière. Les jours sont peut-être comptés pour le pont de la Peyrade (entre Sète et Frontignan) qui tente de survivre aux campagnes successives d’aménagement de l’échangeur du même nom. Quant au pont sur le Gard, accolé à l’aqueduc romain, il est parfaitement conservé et, bien qu’un temps menacé de démolition, devrait continuer à traverser les siècles, protégé par la renommée de son illustre voisin. (Fig. 5) Un autre témoin subsistant de l’art de Pitot est le pont d’Ornaisons, qui, bien que situé hors de sa sénéchaussée, a été réalisé en grande partie sous son contrôle.

Le pont du Gard de Pitot (Coll. Privée de l’auteur)
Fig. 5 - Le pont du Gard de Pitot (Coll. Privée de l’auteur)

Pitot a sous sa responsabilité la construction et l’entretien des routes de première catégorie qui sont à la charge de la province dans les limites territoriales de sa sénéchaussée. Il a su les maintenir en bon état et ne s’est pas contenté d’être un bon exécutant mais s’est singularisé par une initiative intéressante : la pose des pierres milliaires sur le « grand chemin », entre Pont-Saint-Esprit et la croix de Bouzigues.

En sus de son travail routier pour la province, en 1749, Pitot s’est vu confier par Trudaine 59, le choix d’une route devant relier Alès au Puy, financée par le roi et le Languedoc. On hésite entre un tracé passant par le Gévaudan et un autre par le Vivarais. Malgré de nombreux groupes de pression qui préfèrent un passage par le Gévaudan, Pitot choisit le Vivarais. Les inspecteurs généraux, appelés par la suite à se prononcer sur cet itinéraire devant relier le Bas-Languedoc à l’Auvergne, valideront la solution envisagée par Pitot.

En 1740 et 1741, Pitot participe aux deux expertises pour l’assèchement des marais du Bas-Languedoc. Par la suite, à la demande de la province ou de l’intendance, il remet des rapports pour assécher des zones marécageuses et assainir les étangs littoraux. Faute d’une volonté politique, ses préconisations restent lettre morte. Il faut attendre le siècle suivant pour que soient mises en œuvre des dispositions voisines de celles qu’il avait envisagées.

Pitot, qui comme on le voit a déjà une lourde charge de travail, doit également lutter contre les crues des rivières et des fleuves languedociens. La plupart des villes et villages qui les bordent gardent en mémoire ses interventions. Il fait construire et réparer des digues à Roquemaure, Pont-Saint-Esprit, Aramon, Cardet ; à Alès, il fixe des limites, baptisées « lignes de Pitot », entre lesquelles il est interdit de construire ; il fait dégager des arches du pont Tibère à Sommières ; crée des reversoirs dans la basse plaine du Vidourle, etc.

Pitot n’imaginera jamais pouvoir domestiquer le Rhône, l’Ardèche, le Libron, le Vidourle ou le Gardon, mais il tentera de trouver les protections les plus adéquates et les plus économiques pour limiter les effets dévastateurs de leurs débordements. À la fin de sa carrière, quelque peu désabusé, il se demandera si cette lutte contre les éléments était bien utile et s’il ne valait pas mieux composer avec eux pour en tirer bénéfice.

Bien qu’étant salarié de la province, Pitot effectue de nombreux travaux pour des villes et des villages. Il construit des casernes à Ganges et en répare à Pont-Saint-Esprit ainsi qu’au Puy ; il remet en état l’adduction d’eau de Pont Saint-Esprit ; il réalise un aqueduc et une fontaine à Carcassonne, un amphithéâtre d’anatomie pour l’école de médecine de Montpellier, etc. Ce ne sont pas des chefs-d’œuvre d’architecture mais des ouvrages simples et fonctionnels, réalisés pour des communautés qui n’ont que peu de moyens financiers et renâclent à engager des travaux. Il en sera tout autre pour l’aqueduc de Montpellier !

Genèse de l’aqueduc de Montpellier sur un projet de Pitot

L’aqueduc de Montpellier est le dernier grand ouvrage réalisé par Pitot, c’est aussi le plus important et celui qui ale mieux assis sa réputation. À Carcassonne, il avait déjà eu l’occasion de réaliser un aqueduc, mais l’ouvrage trois fois moins long et trois fois moins cher, ne supporte pas la comparaison avec celui de Montpellier.

L’idée de doter Montpellier d’un aqueduc remontait au XIIIe siècle, mais rien n’avait été entrepris. En 1751, Saint-Priest qui vient d’arriver à Montpellier pour succéder à La Nain, se montre surpris qu’une telle ville ne dispose pas d’une alimentation pérenne en eau et soit à la merci de fontaines taries en période de sécheresse. Pour y remédier, il demande aux consuls de mettre en place un financement et charge Pitot de lui présenter un projet. Confiants dans les qualités de ce dernier, contrairement à ce qui avait été le cas pour les halles aux poissons et comme ce le sera plus tard pour la place du Peyrou, ni l’intendant ni les consuls n’envisagent de faire appel à un architecte parisien 60.

Il ne s’agit pas de développer ici l’histoire de l’aqueduc de Montpellier 61, mais juste de l’ébaucher et de mettre en avant les talents de constructeur de Pitot, liés à son sens pratique.

S’inspirant des anciens projets de Pascal 62 et Clapiès 63, Pitot va livrer un ouvrage qui fera sa renommée. Tout comme ses prédécesseurs, il capte les sources de Saint-Clément et du Boulidou, et fait aboutir l’aqueduc à l’extrémité en fer à cheval de la place royale du Peyrou, le point le plus élevé de la ville, ce qui permettra ultérieurement un écoulement gravitaire pour desservir fontaines et branchements particuliers.

À l’automne 1751, Pitot mesure le débit des sources, les nivelle et choisit le tracé qu’il estime le meilleur pour les amener jusqu’au Peyrou. Tout s’enchaîne rapidement. Le 5 janvier 1752, le conseil de ville dirigé par Massilian, maire de Montpellier, charge Pitot de fournir un devis. Le 11 avril, un arrêt royal autorise la construction de l’aqueduc, valide les financements envisagés et fixe les limites de l’utilisation des eaux de Saint-Clément. Suite à des modifications demandées par le conseil de ville, Pitot, en février 1753, établit un nouveau devis réputé intangible. Sur cette base, le 3 avril, les travaux sont adjugés pour un montant de 313 500 livres à Ricard et à ses quatre cautions : Étienne Guidais, Jean-Antoine Giral, Étienne Giral, tous trois architectes et entrepreneurs, et Jacques Chaliès, un ancien procureur au sénéchal et présidial de la ville. En même temps, le conseil de ville nomme Pitot directeur des travaux et Nogaret, architecte de la ville, est chargé de la surveillance quotidienne.

Le 13 juin 1753, accompagné de Reboul, le lieutenant de maire qui remplace Massilian malade, des consuls et de Pitot, l’intendant se rend à la source de Saint-Clément et pose la première pierre. En 1754, Cambacérès qui a succédé à Massilian, demande des modifications au projet. Pitot en propose également. Pour les finaliser, un marché complémentaire de 265 000 livres est passé avec les entrepreneurs.

L’aqueduc, un chantier bien pensé

Pour concevoir l’aqueduc, Pitot a repris les idées qui étaient déjà les siennes lors de sa prise de fonction à la tête des travaux publics.

Le plus court chemin n’est pas le moins onéreux. Que ce soit pour le pont du Gard, celui sur l’Eyrieu ou le pont d’Ornaisons, à chaque fois, Pitot a préféré allonger les routes d’accès pour réaliser des ponts plus courts et surtout plus faciles à fonder. Il en va de même pour l’aqueduc :

« Dans les ouvrages pour la conduite des eaux, il est rare que le plus court chemin soit le plus avantageux ou le moins dispendieux ; il faut éviter, autant qu’il est possible, les hauteurs et les bas-fonds, il faut soutenir la conduite à-peu-près à la hauteur de la source et chercher à-peu-près son niveau de pente à fleur de terrain, en faisant faire autant de contour à la conduite qu’il est nécessaire. C’est à quoi nous nous sommes principalement attachés ; c’est cette recherche du niveau de pente qui nous a donné le plus de soin et de peine, et qui nous a fait abandonner plusieurs fois des routes ou chemins qu’on nous avait indiqués 64. »

Alors que Clapiès avait choisi de réaliser deux tunnels de 1 000 toises (1 950 m) chacun pour se cantonner à une conduite de 5 556 toises (10 800 m), Pitot ne prévoit qu’un seul petit tunnel de 370 toises (720 m) mais au prix d’une conduite beaucoup plus longue puisqu’elle mesure 7 134 toises (13 900 m) de longueur. Il craint que les tunnels envisagés par Clapiès soient « presque intretable (sic) et ruineux » 65. L’avenir lui donnera raison car le seul souterrain qu’il avait prévu sera source de bien des complications et d’un important surcoût.

Pitot veut que les ouvrages soient simples et sans décorations superflues, appliquant ce qu’il avait déjà prôné pour le pont du Gard : « Les ouvrages les plus simples en architecture sont souvent les plus beaux » 66. Sur ce principe, les Arceaux ne portent qu’un modeste listel pour délimiter les étages, le bâtiment de captage de la grande source n’est qu’un quadrilatère sans ornementation et le château d’eau (Fig. 6) est de la même veine : un simple réservoir, entouré de murs en pierre de taille « terminés par un entablement orné de quelques moulures » 67. En avril 1761, sollicité pour remettre un nouveau plan du château d’eau, il propose un ouvrage (Fig. 7) bien différent de celui d’origine. Les dimensions sont plus importantes, les murs latéraux sont ornés de pilastres à bossage, la façade est agrémentée de sculptures d’allégories marines et les bassins de réception sont décorés de rocaille et animés par des jets d’eau. Bien que le plan dessiné par Nogaret et visé par Pitot, porte la mention ne variatur apposée par le subdélégué Coulomb, le projet ne verra pas le jour 68.

Premier projet pour le château d’eau du Peyrou. (Archives de la ville de Montpellier, ii772/A planche 11)
Fig. 6 - Premier projet pour le château d’eau du Peyrou. (Archives de la ville de Montpellier, ii772/A planche 11)
Deuxième projet pour le château d’eau du Peyrou. (Archives départementales de l’Hérault, Fi 1310)
Fig. 7 - Deuxième projet pour le château d’eau du Peyrou. (Archives départementales de l’Hérault, Fi 1310)

Il semble que Pitot ait été le premier à souhaiter que son château d’eau ne soit pas construit. Il craignait qu’il s’accordât mal avec les futurs aménagements de la place. Une lettre du syndic Joubert à son collègue Montferrier, datée du 11 mars 1765, confirme cette hypothèse : « Quand on a demandé un ordre à M. Pitot pour que les entrepreneurs achèvent de conduire la fontaine sur la place conformément au plan proposé, il a fait des difficultés d’y comprendre le réservoir et le bassin » 69. C’est à Giral que reviendra le soin d’établir les plans du château d’eau qui sera réalisé en même temps que la place du Peyrou.

Dans la mesure du possible, Pitot veut que les ouvrages soient faciles à construire afin d’éviter des malfaçons. La dénivelée entre les sources et le Peyrou autorisait une pente de 0,48/1 000, mais Pitot préfère la limiter à environ 0,29/1 000 (un quart de ligne par toise) pour bénéficier d’une réserve de « 8 pieds 5 pouces de pente (2,7 m), dont on pourra faire un très bon usage lors de la construction des ouvrages » 70. On reconnaît encore une fois son bon sens pratique car cette réserve permettra de corriger des erreurs et de faire face à d’éventuels allongements de la canalisation. La pente choisie facilite également les opérations de nivellement. Pour la tracer, il n’est nul besoin d’être un géomètre confirmé puisque « l’entrepreneur ou celui qui sera chargé de conduire les travaux, tirera et établira des lignes parfaitement de niveaux de 48 toises en 48 toises, en mettant le niveau au milieu des 48 toises ou de chaque station 71, et il baissera d’un pouce à chaque station » 72. Un demi-siècle plus tard, Poitevin qualifiera « d’ingénieuse » 73 cette méthode de nivellement particulièrement simple.

Pour franchir le bas-fond de la Merci, Pitot dessine d’abord un aqueduc à une rangée d’arcades (Fig. 8) avant de se raviser et de préférer passer à deux rangées superposées (Fig. 9), s’inspirant du pont du Gard. Outre une certaine monumentalité, cette nouvelle disposition permet de construire des arcs supérieurs de petite ouverture qui ne se déforment pas lors du décintrement, évitant l’apparition de fissures et des fuites qui en découlent.

Premier projet des Arceaux avec une seule rangée d’arcades.
Fig. 8 - Premier projet des Arceaux avec une seule rangée d’arcades. (Archives départementales de l’Hérault, C 7953/1)
Second projet des Arceaux avec deux rangées d’arcades et un raccordement à la place du Peyrou par un arc triomphal
Fig. 9 - Second projet des Arceaux avec deux rangées d’arcades et un
raccordement à la place du Peyrou par un arc triomphal (non réalisé et remplacé
par les trois arches construites ultérieurement par Giral).
(Archives départementales de l’Hérault, C 7953/2)

Giral, qui passera outre ces considérations pour réaliser les trois grands arcs qui joignent les Arceaux de Pitot au Peyrou, l’apprendra à ses dépens. Minée par des infiltrations, il faudra reconstruire l’arche centrale et, plus tard, étancher l’intérieur de la conduite avec des feuilles de plomb.

Pour construire ce que nous appelons les Arceaux, Pitot veut éviter que les entrepreneurs montent des échafaudages depuis le sol, procédé onéreux et sujet à tassement. Il préfère concevoir des piles un peu massives pour qu’en partie supérieure on puisse disposer de redans permettant d’appuyer les cintres. Cette disposition est toutefois discutable car pour l’élégance de l’ouvrage, il aurait été préférable de diminuer l’épaisseur des piles et de poser les cintres sur une corniche en encorbellement.

Pitot se montre non seulement un constructeur avisé mais également un bon architecte-urbaniste. Pour créer une agréable perspective, il décide d’aligner les Arceaux sur un axe passant par la statue de Louis XIV et la porte du Peyrou, alors que plusieurs autres tracés étaient envisagés (Fig. 10). Il a refusé une arrivée en biais sur le Peyrou, même si cette solution était moins onéreuse ; toutefois, afin de ne pas trop allonger l’ouvrage sur arcades et en limiter le coût, il a dû se résoudre à créer un angle obtus pour rejoindre au plus vite les collines de Celleneuve.

Les trois tracés envisagés pour la jonction de l’aqueduc à la place du Peyrou.
Fig. 10 - Les trois tracés envisagés pour la jonction de l’aqueduc à la place du Peyrou. (Archives de la ville de Montpellier, ii772/A planche 09 D)

Une réussite qui fait honneur à son concepteur

En cours de travaux, le chantier rencontre de nombreuses difficultés et donne lieu à de sévères affrontements. Pitot se heurte à Nogaret qui met en cause certaines de ses décisions, à Ricard qui ne veut pas accepter les modifications qu’il lui impose, et au conseil de ville, plus particulièrement à Cambacérès. Ce dernier lui reproche d’avoir sous-évalué son devis, d’avoir apporté des modifications qui enchérissent l’ouvrage et d’avoir trop souvent pris le parti des entrepreneurs lorsque ceux-ci s’opposaient à la ville ou demandaient des prix nouveaux. Chaque fois, Pitot, qui a un fort tempérament, fait face et développe des arguments pour justifier ses positions.

Pendant longtemps on a douté de la réussite de l’opération. Même en 1757, alors que le chantier est commencé depuis quatre ans, la ville compte encore des « incrédules ». C’est tout au moins ce que sous-entend Nogaret qui vient d’effectuer des nivellements commencés par Pitot :

« J’ai profité des premiers temps favorables pour faire cette opération dont le résultat a été parfaitement conforme à ce que nous avions déjà pensé. Ce premier succès m’a engagé à pousser le nivellement jusqu’au Peyrou et j’ai été bien flatté lorsque j’ai trouvé de la manière la plus précise le même point où doit arriver l’eau déterminé par Monsieur Pitot, de manière qu’il ne peut rester ni doute ni équivoque sur l’entière réussite de cette importante entreprise, ce qui a beaucoup encouragé les entrepreneurs qui étaient présents à cette opération, et édifiera les incrédules de notre ville 74 ».

Cinq ans plus tard, Monseigneur Dillon 75 prêtera lui aussi l’oreille à ces rumeurs alarmistes.

Mais en 1763, le succès ne fait plus de doute. La nouvelle est même arrivée jusqu’au roi. Pitot s’en félicite et en informe son neveu 76 :

« Je dois vous faire part d’une chose qui me fait honneur. C’est que j’ai appris de bonne part que le Roi a parlé depuis peu de temps, deux fois de moi ; la première à l’occasion d’un certificat que j’ai donné en faveur d’un gentilhomme du pays et la seconde à celle des ouvrages des fontaines de Montpellier. C’est Monseigneur le Prince de Beauvau 77, qui lui en a parlé, ayant visité ces ouvrages avec moi 78 ».)

L’arrivée de l’eau au Peyrou le 7 décembre 1765 fait taire tous les sceptiques. Les chroniques municipales gardent la trace de l’événement 79, et Pitot, dans un de ses courriers, se réjouit de l’accueil qui lui a été réservé :

« Nous sommes arrivés à Montpellier, Monsieur et cher neveu, fort heureusement ayant eu le plus beau temps du monde. […]. Tous nos bons voisins et amis ont été ravis de notre arrivée. M. l’Intendant 80 me dit qu’il était fort aise de mon arrivée parce que tout était prêt pour donner les eaux de la fontaine sur la place du Peyrou. En effet nous y allâmes avant-hier samedi à midi avec quantité d’autres messieurs et des dames et une foule de peuple immense, on tira des boëtes 81, il y avait une symphonie sur un arc de triomphe. D’un coup de marteau, M. l’Intendant ouvrit l’aqueduc, l’eau sortit en abondance et forma une cascade de huit pieds de hauteur.

Tout le monde m’a fait des compliments de félicitations et de remerciements. L’après-midi la symphonie vint devant notre porte et l’on y dansa beaucoup 82 ».

Pour immortaliser ce jour triomphal où l’eau coula pour la première fois au Peyrou, le 14 février 1766, les consuls demandent la pose d’une plaque de marbre portant leurs noms. Pitot et ses inspecteurs, tout comme les entrepreneurs, n’auront pas la chance de voir leurs noms gravés dans le marbre. L’anonyme qui dresse un portrait de la ville de Montpellier en 1768, compense ces omissions :

« L’entreprise avait de quoi effrayer, non à cause de la distance, mais par les grandes difficultés du trajet, dans un chemin mêlé à tout instant de montagnes, de précipices, de mines de sable, de caillou, d’argile, de terre glaise, en un mot de tout ce qui pouvait empêcher la réussite. Toutes ces difficultés furent levées par M. Pitot, chevalier de Saint-Michel, membre de l’Académie des Sciences, habitant de cette ville, ingénieur célèbre dans l’hydraulique et dont le nom et le mérite ne doivent jamais être oubliés. Il fit le nivellement et dressa le plan, qui fut très bien exécuté par Ricard, maçon très habile en son métier 83 ».

Même après l’arrivée de l’eau au Peyrou, Pitot continue à subir des désillusions. Alors qu’il espérait être récompensé pour ses travaux comme cela se pratiquait habituellement, il lui faudra patienter quatre ans. Bien qu’il ait fait intervenir Saint-Priest, le Maréchal de Richelieu 84 et Saint­Florentin 85, les consuls et Cambacérès ont longtemps fait la sourde oreille. Ce n’est que le 1er mars 1769 que le conseil de ville se décide à lui accorder une récompense. Quelques jours plus tard, l’intendant l’avise de cette bonne nouvelle tout en le complimentant :

« La conduite des eaux de la fontaine de Saint-Clément jusqu’au fer à cheval du Peyrou, dont vous avez eu la direction et qui a été exécutée sur vos plans, profils et nivellements, est un de ces ouvrages célèbres faits pour exciter l’admiration des voyageurs, pour mériter à celui qui a eu la plus grande part de justes éloges et lui assurer la reconnaissance de ces concitoyens. Le corps de ville a cru Monsieur devoir manifester publiquement la sienne et sur la proposition que M. de Cambacérès maire en a faite au conseil renforcé, non seulement il a voulu la consigner dans une délibération solennelle, mais encore y joindre comme un témoignage de cette gratitude, une pension viagère de mille livres, à compter du jour qu’on a cessé l’honoraire annuel de pareille somme 86 dont vous avez joui jusqu’à la réception de cet important ouvrage 87 ».

Il était temps ! Pitot mourra deux ans et demi plus tard.

La suite de l’ascension : anoblissement et cordon de Saint-Michel

Parallèlement à une carrière professionnelle bien remplie et réussie, comme nous venons de le constater, Pitot n’est pas oublié par les sociétés savantes. Déjà membre de la Royal society of London et de l’Académie des sciences qu’il fréquente toujours lorsqu’il se rend à Paris, aux environs de 1750, il est admis à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon 88 et, le 17 mai 1753, à la Société royale des sciences de Montpellier comme associé 89 ; poste qu’il quittera trois semaines plus tard pour passer à la vétérance 90.

Son appartenance à ces académies, fussent-elles de province comme ces deux dernières, lui donne une assise sociale et une notoriété intellectuelle supplémentaires. Lorsque certaines de ses décisions techniques sont contestées, il ne manque pas de faire référence à ses mémoires scientifiques et de rappeler qu’il appartient à plusieurs académies.

Pitot se flattait d’être issu « d’une famille qui a prétendu depuis longtemps être noble » 91 mais qui avait perdu son statut, ses titres justificatifs ayant disparu lors de l’incendie de leur maison par les protestants en 1570. La chose est plausible mais loin d’être avérée. Il est en revanche certain que si la famille Pitot ne possédait pas des preuves nobiliaires écrites et certifiées, elle n’avait pas pu être confirmée dans sa noblesse lors des enquêtes sur les faux nobles. Pitot appartient donc au troisième ordre, même si lui et ses proches vivent « noblement ». Il aspire à retrouver cette noblesse supposée perdue et entreprend des démarches dans ce sens.

Grâce à ses protecteurs à la cour dont Saint-Florentin 92, en mars 1748, il voit ses efforts récompensés. En reconnaissance de ses « talents » mis au service du royaume et d’une longue tradition familiale de « vie noble », il reçoit des lettres patentes d’anoblissement. Après une enquête diligentée pour s’assurer qu’il vit bien en bon catholique, les lettres patentes sont enregistrées au Parlement de Toulouse le 15 avril 1749, puis à la Cour des aides de Montpellier 93 le 28 février 1750.

Dorénavant, Pitot bénéficie de « tous les honneurs et prérogatives de la noblesse, qui, en se perpétuant dans ses descendants, sont aussi durables que doit l’être le souvenir de ses talents, avec faculté de porter pour armes d’azur à palmes d’argent passées en sautoir, accompagnées de quatre étoiles d’or, posées une en haut, une à chaque flanc et la quatrième à la pointe de l’écu, et un chef de gueules chargé d’un lion d’or, naissant en demi-corps » 94. Il peut, désormais, se présenter comme Henri Pitot, écuyer, seigneur de Launay et du Boulay, du nom de deux propriétés qui lui viennent de son épouse. Il n’utilisera que peu ces titres et n’abusera pas de l’usage de la particule, quoiqu’il aimât bien appeler son épouse, « Madame de Pitot ». Son fils René-Charles, devenu premier avocat général de la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, se fera appeler Pitot de Launay et sera toujours désigné comme tel.

En extrapolant quelque peu l’étude de Chaussinand­Nogaret 95, on peut estimer que Pitot faisait partie du cercle réduit des 600 ou 700 personnes qui, au cours du XVIIIe siècle, devaient leur anoblissement à leur réel « talent ».

À une époque où l’idéal nobiliaire était la norme de la réussite, on peut considérer que Pitot avait atteint son but. Il ne s’en contente pourtant pas et s’emploie à devenir membre d’un ordre royal. Après avoir fourni les « lettres de confirmation de noblesse et d’anoblissement en tant que besoin » et un justificatif des divers services qu’il a pu rendre au royaume et à la province, il est reçu chevalier de l’ordre de Saint-Michel, le 30 novembre 1754. À compter de cette date, sur ses armoiries, il fera figurer le grand cordon et la croix de Saint-Michel (Fig. 11).

L’honneur est insigne, puisque durant les cinquante-neuf ans du règne de Louis XV, il ne sera attribué qu’un peu plus de deux cents décorations de l’ordre de Saint Michel 96, la plupart pour le mérite civil, les militaires se retrouvant plutôt dans l’ordre de Saint-Louis.

En 1766, Pitot continue son ascension sociale par l’intermédiaire de son fils. Le 26 mars, il lui achète une charge d’avocat général à la Cour des comptes aides et finances de Montpellier 97. La somme à débourser est importante – 78 000 livres 98 auxquelles viennent s’ajouter 12 000 livres pour les droits d’entrée et de réception – mais l’honneur que le poste confère l’est en conséquence et rejaillit sur les parents du nouveau magistrat.

Armoiries de Pitot avec le grand cordon et la croix de Saint-Michel. (Coll. Privée de l’auteur)
Fig. 11 - Armoiries de Pitot avec le grand cordon et la croix de Saint-Michel. (Coll. Privée de l’auteur)

Une réussite qui transparaît dans sa vie privée

Le 25 mai 1735, dans un petit village du Perche, Les Ressuintes, Pitot avait épousé Marie-Léonine de Saballoua d’Harambure de Saint Martin. Âgée de 35 ans, elle était la fille de Jean de Saballoua, capitaine, et de Jeanne d’Harambure. On remarque que Pitot, suivant en cela le supposé exemple de ses ascendants, avait épousé une femme issue de la noblesse basque, ancienne qui plus est. Ils auront deux enfants dont l’aîné mourra en bas âge, à Montpellier, le 1er janvier 1744. Le second, René-Charles, fera une carrière à la Cour comme nous venons de le voir.

En arrivant à Montpellier en 1741, la famille Pitot s’installe près de la porte de Lattes, dans un faubourg rattaché au sixain Sainte-Foy et plus précisément dans « l’isle du sieur Perier ».

Pitot réside à Montpellier mais est souvent absent. Il se déplace en permanence d’un bout à l’autre de la province. Lorsque l’on lit ses rapports et ses courriers, on a toujours l’impression qu’il est en voyage, en revient ou s’apprête à repartir. On trouve peu de traces de sa vie montpelliéraine, si ce n’est qu’en septembre 1751, il entre dans la confrérie des pénitents blancs 99 et qu’en 1759, il fait partie des 198 familles montpelliéraines qui possèdent un domestique d’apparat 100, un laquais en l’occurrence. Signe évident d’une certaine réussite sociale !

À compter de 1755, il est très fatigué par ses longs déplacements et très souvent malade. Il doit fréquemment se faire remplacer dans son travail par ses adjoints. En novembre 1762, ne pouvant plus vraiment assurer son service, il se voit contraint de demander aux États de prendre sa retraite. Elle n’est toutefois que partielle puisqu’il conserve la direction des ponts sur l’Ardèche et l’Eyrieu et, bien sûr, celle de l’aqueduc de Montpellier qui est bien avancé mais loin d’être terminé. Il se partage dorénavant entre Montpellier et Aramon, où il est élu premier consul le 2 février 1770 101.

À Aramon, en une génération, la situation financière de la famille Pitot a bien évolué. Par exemple, en 1771, « noble Henri Pitot, chevalier du Roi » est capité pour 33 livres 102 alors que son père ne l’était que de 8 livres et 15 sols en 1742. De même en 1767, Henri Pitot, qui a quintuplé la valeur foncière des terres familiales, paie plus de 110 livres de taille 103 et est au quinzième rang des « taillables » tandis que son père, pointant aux environs du centième rang, ne payait que 20 livres 5 sols 10 deniers trente ans plus tôt.

Dans les toutes dernières années de sa vie, sa santé se dégradant, Pitot ne quitte plus Aramon. Il y meurt le 27 décembre 1771, à l’âge de 76 ans. Il est enterré le lendemain dans le caveau qu’il s’était fait construire dans l’église des Récollets. Sur le registre paroissial on peut lire :

« L’an 1771 et le 28 décembre, a été enterré dans l’église des R.R. Pères Récollets, messire Henry Pitot, chevalier de l’ordre du Roy, membre vétéran de l’Académie des Sciences de Paris, de la Société Royale de Londres, de celle de Lyon et Montpellier, censeur royal, et ancien directeur général du canal de jonction des mers et du Languedoc, habitant de cette ville, décédé hier à 6 heures du soir environ, âgé de 76 ans environ, après s’être confessé et avoir reçu le St Viatique et l’Extrême-onction.

Présents, François Fanchon et Simon Granier, illettrés. Vincent, curé. 104

Aucun titre, fonction ou distinction n’est oublié !

Conclusion : Un académicien ordinaire mais un grand bâtisseur

Pitot a été un brillant bâtisseur, tout à la fois concepteur, architecte et ingénieur. La réalisation de l’aqueduc de Montpellier fut le couronnement de sa carrière. Pourtant, véritable autodidacte, rien ne le prédisposait à réussir dans l’art de la construction. Si l’on s’en rapporte à sa petite autobiographie, sa seule approche de l’architecture s’était faite à travers un traité de Blondel prêté par le « père recteur des jésuites » de Nîmes. Réaumur ne lui avait été d’aucun secours dans cette discipline. Son expérience d’inspecteur des travaux publics était mince ; elle n’avait duré que quatre ans et remontait aux années 1720. Il est vrai qu’en 1726 il avait écrit un traité sur les cintres : De la force qu’il faut donner aux cintres dont on se sert dans la construction des grandes voûtes, des arches des ponts, etc. 105, mais ce n’était qu’un mémoire théorique.

Lorsqu’en 1741, il est nommé par les États à la tête des travaux publics, il n’y a aucune transition ; il passe brusquement du statut d’académicien à celui de directeur des travaux publics. On ne peut qu’admirer ses facultés d’assimilation et d’adaptation.

Pour qualifier le constructeur, les contemporains n’utilisent que des épithètes flatteuses. Pour Maître Moreau de Vorme, l’avocat de la ville de Montpellier, on reconnaît en Pitot un « homme savant et zélé, qui instruit ses concitoyens des anecdotes relatives à son objet, des recherches qu’il a faites, pour rendre son plan plus simple et moins coûteux » 106. Un homme d’affaire du prince de Soubise considère que pour les travaux de la digue de Roquemaure : « Le prince croit ne devoir pas s’attendre à un rapport contraire à ceux de M. Pitot, de qui la probité et la capacité sont généralement reconnues » 107. L’abbé d’Expilly présente Pitot comme un homme « recommandable par l’étendue de ses connaissances, surtout dans l’hydraulique » 108. De toute façon, au-delà des mots et des compliments, les ouvrages qu’il a construits sont la meilleure preuve de ses talents.

Pour conclure nous pouvons citer Joseph Bertrand (1822-1900), un polytechnicien surdoué, mathématicien et écrivain de l’histoire des sciences. Il considérait que « Pitot s’était instruit seul ; absolument rebelle dans son enfance aux études littéraires ». Il regrettait qu’il n’ait eu qu’une modeste carrière académique « sans donner à la science un notable accroissement » 109, mais il estimait que ses travaux en Languedoc en avaient fait « un ingénieur de premier ordre, dont les œuvres citées encore aujourd’hui sont montrées comme des modèles » 110. Plus proche de nous, Pierre Humbert, lui aussi remarquable historien des sciences, n’écrivait pas autre chose, comme nous l’avons vu précédemment.

Il est vrai que Pitot, l’autodidacte, fut un académicien « ordinaire », mais le tube qui porte son nom a fait singulièrement progresser la mécanique des fluides et n’est pas près de tomber dans l’oubli, tout comme ses travaux en Languedoc et l’aqueduc de Montpellier en particulier.

Bibliographie

— Anonyme, État et description de la ville de Montpellier, fait en 1768, Manuscrit de 426 pages in quarto découvert par le chanoine Léon Cassan et édité par Joseph Berthelé, Montpellier, Serre et Roumégous, 1909.

— Bertrand, Joseph, L’Académie des Sciences et les académiciens de 1666 à 1793, Paris, Hetzel, 1869.

— Birn, Raymond, préface de Roche (Daniel), La censure royale des livres dans la France des Lumières, Odile Jacob, 2007.

— Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIIIe siècle, de la Féodalité aux Lumières, Présentation d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Complexe, Paris, 2000.

— Clapies, Sur les manières de niveler, et de mesurer les eaux d’une source et en particulier sur la fontaine de S. Clément et les moyens de conduire cette fontaine à Montpellier, Montpellier, Honoré Pech, 1710.

— Desbordes, Michel, « Henri Pitot et l’aqueduc de Saint-Clément à Montpellier », conférence du 15 septembre 2007 au site du Pont du Gard.

— Desgenettes, Éloges des académiciens de Montpellier, Paris, Bossange et Masson, 1811.

— Estivals, Robert, La statistique bibliographique de la France sous la monarchie au XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1965.

— Expilly, Jean-Joseph, abbé, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, 6 volumes, Amsterdam, 1755-1766.

— Fauconpret, Benoit de, Les chevaliers de Saint-Michel, 1665-1790, le premier ordre de mérite civil. Patrice du Puy éditeur, 2007.

— Gabard, Louis, Henri Pitot, un académicien et constructeur au cœur du siècle des Lumières, Decoopman, 2015.

— Gabard (Louis), L’aqueduc de Montpellier, 7 décembre 1765 : l’eau coule au Peyrou, Decoopman, 2015.

— Grandjean de Fouchy, Jean-Paul, Éloge de M. Pitot à l’Académie Royale des Sciences de Paris, 1771.

— Grandmaison (Louis de), Essai d’armorial des artistes français (XVIe-XVIIe siècles), lettres de noblesse, preuves pour l’ordre de Saint-Michel, Paris, Honoré Champion, 1904.

— Humbert, Pierre, « la vie et l’œuvre d’Henri Pitot », in Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie, 1953.

— Humbert, Pierre, « L’œuvre mathématique d’Henri Pitot », in Revue d’histoire des sciences, n° 6, 1953.

— Lescure, Michel et Desbordes, Michel, « Henri Pitot, l’homme, l’ingénieur et ses inventions », conférence du 15 septembre 2007 au site du Pont du Gard.

— Pitot, Henri, Devis des ouvrages nécessaires pour conduire les eaux de la fontaine de St Clément dans la ville de Montpellier, Montpellier, Rochard, 1752.

— Pitot, Henri, La théorie de la manœuvre des vaisseaux réduite en pratique ou les principes et les règles pour naviguer le plus avantageusement qu’il est possible, Paris, Jombert, 1731.

— Poitevin, Jacques, Essai sur le climat de Montpellier, Paris, Marchant, an XI (1803).

— Torlais, Jean, Un esprit encyclopédique en dehors de l’Encyclopédie, Réaumur d’après des documents inédits, Paris, Desclée de Brouwer et Cie, 1936.

NOTES

1. Située aujourd’hui dans le département du Gard, elle faisait alors partie du diocèse d’Uzès et dépendait de la sénéchaussée de Nîmes-Beaucaire.

2. Arch. dép. Gard, 5 Mi 3 R4.

3. Le manuscrit en ma possession a vraisemblablement été mis dans le commerce par une branche issue d’un frère d’Henri Pitot. Ce dernier n’a pas eu de descendance directe. Son fils aîné mourra en bas-âge et son second fils mourra sans enfant.

4. Grandjean de Fouchy, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences de Paris, lira l’éloge funèbre de Pitot lors de la séance du 14 novembre 1772 et Ratte, secrétaire perpétuel de la Société royale des sciences de Montpellier, en fera de même à Montpellier le 12 décembre 1772. L’éloge de Ratte bien que prononcé après celui de Fouchy, a été rédigé antérieurement et servira de base à celui de son collègue parisien. Les archives départementales de l’Hérault conservent le brouillon de l’éloge écrit par Ratte (Arch. dép. Hérault, D 201, f° 147). Ce texte est plus intéressant que celui qui sera imprimé, ne serait-ce que pour ses ratures et la spontanéité de l’écriture. On y trouve également bon nombre de détails qui n’ont pas été repris dans la version définitive.

5. Pitot, Henri, Lettre de Mr. P**** à Madame de ***. Ms., Source personnelle.

6. Ibid.

7. Son fils, Jacques-Antoine, sera maintenu dans sa noblesse sur le fondement des « lettres d’honneur accordées à son père ».

8. Pitot, Henri, op. cit.

9. Ratte, Etienne-Hyacinthe, Brouillon de l’éloge de Pitot. Arch. dép. Hérault, D 201, f° 147, p. 2.

10. Pitot, Henri, op. cit.

11. Ratte, Etienne-Hyacinthe, op. cit., p. 2.

12. Mézerai, secrétaire perpétuel de l’Académie Française, avait écrit Extrait de l’histoire de France en 1673.

13. Gautruche (père), jésuite, auteur d’une Histoire poétique pour l’intelligence des poètes, parue en 1671.

14. Ovide, Métamorphoses, traduites par Ryer, 1702.

15. Pitot, Henri, op. cit.

16. Traduction des Éléments d’Euclide par Henrion puis Deschalles, Traité d’arithmétique de Le Gendre, Traité de physique de Rouhaut, Atlas de Delisle, etc.

17. Les Fortifications du chevalier Antoine de Ville, Les Travaux de Mars ou la fortification nouvelle tant régulière qu’irrégulière de Manesson, L’Ingénieur François et Les Méthodes de Vauban.

18. Pitot, Henri, op. cit.

19. Ibid.

20. Ratte, Etienne-Hyacinthe, op. cit., p. 10.

21. Jean-Denis sert en France dans l’armée régulière puis dans la milice comme capitaine. François entre au service de l’Espagne dans le régiment de Hainaut et meurt devant Oran.

22. Ratte, Etienne-Hyacinthe, op. cit., p. 9.

23. Application de l’algèbre à la géométrie par Guinée, (?-1718), académicien des sciences, imprimé aux frais de Monsieur de Montmort, 1719.

24. Analyse démontrée, ou la méthode de résoudre les problèmes de mathématiques par Reynaud, (1656-1728), publié en 1708. Reynaud était professeur de philosophie à Toulon et Pézenas puis de mathématiques à Angers.

25. Pitot, Henri, op. cit.

26. L’abbé Jean-Paul Bignon (1662-1743) fut prédicateur de Louis XIV et bibliothécaire du roi. Membre de l’Académie française, de l’Académie des Inscriptions et Médailles, et de l’Académie des Sciences. Il dirigea le Journal des Savants à partir de 1724. Cf. notice Wikipedia.

27. La Hire (Philippe de), 1640-1718, académicien des sciences, membre de l’Académie d’architecture, mathématicien et physicien à qui l’on doit des traités de mécanique et diverses tables astronomiques.

28. Pitot, Henri, op. cit., page 20. C’est la dernière phrase du manuscrit : Lettre de Mr. P **** à Madame de ***.

29. Pitot, Henri, « Méthodes pour mesurer des distances inaccessibles par un seul point de vue, ou une seule station […] », Journal des savants, Paris, Pierre Witte, 1721, p 411-413.

30. Pitot, Henri, « Calcul de l’éclipse du 22 may 1724 », Mercure, juillet 1723, p. 26-29. Ratte dans son Éloge funèbre date, à tort, cette publication de décembre 1722.

31. Jean-Jacques Dortous de Mairan, né à Béziers en 1678, entra à l’Académie des Sciences en 1719. Il fut l’un des fondateurs de l’Académie de sa ville natale en 1723.

32. Dossier Pitot, lettre de Pitot à Réaumur, 30 août 1722. Archives de l’Académie des sciences.

33. Billet de Réaumur à Le Monnier du 21 mai 1724, avec contreseing de le Monnier. Archives de l’Académie des sciences, Fonds Réaumur 68/4.

34. Procès-verbal des séances des 27 mai et 14 juin 1724. Archives de l’Académie des sciences.

35. Procès-verbal des séances des 19 juillet et 23 juillet 1727. Archives de l’Académie des sciences.

36. Pelletier des Forts, contrôleur des finances et ministre d’État, succédera à Mallezieu comme honoraire et Ruysch, un médecin-anatomiste hollandais, prendra la place d’associé étranger laissée vacante par Newton.

37. Procès-verbal des séances des 11 mars et 18 mars 1733. Archives de l’Académie des sciences.

38. Cf. annexe 1, « Communications présentées par Pitot à l’Académie royale des sciences de Paris », établie par L. Gabard et hébergée sur le site des éditions Decoopman : https://www.decoopman.com/histoire-regionale/170-henri-pitot.html.

39. Extrait des observations qui ont été faites dans le Bas-Languedoc, pendant les mois de mai et juin de l’année 1740, Mémoire sur les coupes ou les profils, les pentes du Canal Royal de Languedoc, Observations sur les causes des maladies mortelles qui règnent sur les côtes de la mer du Bas-Languedoc, Passage ou la navigation des barques du Rhône sous le pont Saint Esprit avec quelques remarques sur ce pont.

40. Cf. annexe 2, « Missions confiées à Pitot en tant que commissaire de l’Académie royale des sciences de Paris », établie par L. Gabard et hébergée sur le site des éditions Decoopman : https://www.decoopman.com/histoire-regionale/170-henri-pitot.html.

41. En 1731, 1733, 1735, 1739, 1740, et comme les prix de 1735 et 1739 ne seront pas été attribués, les mêmes sujets seront à nouveau proposés, en 1737 et 1741 en conservant les mêmes membres du jury.

42. Pierre Humbert fut titulaire de la chaire d’astronomie à la Faculté des sciences de Montpellier entre 1921 et 1953.

43. Humbert, Pierre, « L’œuvre mathématique d’Henri Pitot », Revue de l’histoire des sciences et de leurs applications, tome VI, octobre-décembre 1953, p 322-328.

44. Ibid.

45. Pitot, Henri, op. cit.

46. Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu, gouverneur militaire du Languedoc entre 1738 et 1755.

47. Louis Léon Pajot d’Ons-en-Bray, ou Comte d’Onsembray, avait développé, depuis l’hôtel de Villeroy, un service régulier de calèches postales reliant Paris à plusieurs pays étrangers.

48. Pour tenter de faire adopter par les capitaines la machine à mesurer la vitesse des eaux, qui servirait ainsi à mesurer la vitesse des bateaux, Pitot et d’Onsenbray avaient mis au point un inédit compteur de vitesse pour bateaux à base de flotteurs, de câbles, de poulies de rappel et de cadrans, qui se révélera trop fragile pour être embarqué. En 1739, d’Onsenbray écrira à l’intendant du Languedoc, Bernage, pour recommander Pitot et sa famille. (Arch. dép. Hérault, C 4857).

49. BnF, Ms 21996 : MF 9383, Ms 21997 : MF 9250.

50. BnF, Ms 21990 : MF 8306.

51. Cf. annexe 3, « Livres soumis à l’examen de Pitot », établie par L. Gabard et hébergée sur le site des éditions Decoopman : https://www.decoopman.com/histoire-regionale/170-henri-pitot.html.

52. Cf. Estivals, Robert, La statistique bibliographique de la France sous la monarchie au XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1965, p 302-312.

53. Lettre de Voltaire à Pitot, 20 juin 1737.

54. Lettres de Voltaire à Pitot, 18 mai 1738 et 2 janvier 1740.

55. Lettre de Voltaire à Pitot, juillet 1738.

56. À notre connaissance, il ne bénéficiera que d’un prêt de 800 livres de Voltaire et d’une indemnité de 700 livres de Madame du Châtelet.

57. Cf. Gabard, Louis, Henri Pitot, un académicien et constructeur au cœur du siècle des Lumières, Decoopman, 2015.

58. Ratte, Etienne-Hyacinthe, op. cit., p. 29.

59. Directeur du service des Ponts et Chaussées.

60. En 1744, la ville avait fait appel à Gabriel pour les plans des halles avant de les confier à Jean et Etienne Giral. De même en 1765, les États se sont tournés vers Soufflot et Franque pour les plans de la place du Peyrou avant de choisir Antoine Giral et Jacques Donnat.

61. Cf. Gabard, Louis, L’Aqueduc de Montpellier, 7 décembre 1765, l’eau coule au Peyrou, Decoopman, 2015.

62. Devis de Pascal, 30 avril 1676. Arch. mun. Montpellier, DD 5 bis.

63. Clapiès, Sur les manières de niveler et de mesurer les eaux d’une source, et en particulier sur la fontaine de St Clément, et les moyens de conduire cette fontaine à Montpellier, Montpellier, Honoré Pech, 1710.

64. Pitot, Henri, Devis des ouvrages nécessaires pour conduire les eaux de la fontaine de Saint-Clément dans la ville de Montpellier, Montpellier, Rochard, 1752, p. 3.

65. Pitot, Henri, op. cit., 1752, p. 4.

66. Rapport d’adjudication rédigé par Guilleminet, 1743, Arch. dép. Gard, C 12277.

67. Pitot, Henri, op. cit., 1752, p. 13.

68. Profil général du terrain du bas-fond depuis la vigne d’André jusqu’au fer à cheval du Peyrou, avec l’élévation des arches qui doivent porter l’aqueduc de la fontaine de St-Clément pour traverser le dit bas-fond. Ensemble le réservoir de dépôt et celui de distribution, le plan et profil en grand du dit réservoir de dépôt et des arches qui doivent porter l’aqueduc. Arch. dép. Hérault, Plan 1 FI 1310.

69. Lettre de Joubert à Montferrier, 11 mars 1765. Arch. dép. Hérault, C 7963.

70. Pitot, Henri, op. cit., 1752, p. 5.

71. Un pouce étant égal à 12 lignes, la pente est de 12 lignes pour 48 toises soit un quart de ligne pour une toise, comme Pitot l’avait indiqué plus haut dans son devis.

72. Pitot, Henri, op. cit., 1752, p. 5.

73. Poitevin, Jacques, Essai sur le climat de Montpellier, Paris, Marchant, an XI (1803), p. 23.

74. Lettre de Nogaret sans désignation du destinataire, 24 juin 1757. Arch. dép. Hérault, C 1109.

75. Archevêque de Narbonne et président des États.

76. Il s’agit d’Antoine Pitot, le fils de Jacques-Antoine, le frère d’Henri Pitot. Ayant terminé sa carrière militaire, il s’est retiré à Aramon où il s’occupe, entre autre, des propriétés que possède Henri Pitot dans cette ville.

77. Le prince de Beauvau, vient d’être nommé commandant en Languedoc.

78. Lettre de Pitot à son neveu, 28 avril 1763. Source privée.

79. Arch. mun. Montpellier, DD 3.

80. Il s’agit de Marie-Joseph Emmanuel Guignard de Saint-Priest qui depuis 1764 est associé comme intendant à son père, Jean-Emmanuel.

81. Boëte : « en terme d’artillerie, est un petit mortier de fer, haut de sept à huit pouces, qu’on charge de poudre jusqu’en haut, et qu’on bouche avec un fort tampon de bois pour le tirer dans les feux de réjouissances publiques, afin que le bruit s’en fasse ouïr plus loin ». Dictionnaire de Furetière, 1701.

82. Source privée, lettre de Pitot à son neveu Antoine du 9 déc. 1765.

83. Montpellier en 1768, d’après le manuscrit anonyme, intitulé : État et description de la ville de Montpellier, fait en 1768, Jos. Berthelé, Montpellier, Serre Roumégous, 1909, p. 127.

84. Lettre de Richelieu à Montferrier, 13 juillet [1765]. Arch. dép. Hérault, C 1107.

85. Louis Phélypeaux de Saint-Florentin, ministre d’État. Lettre de Pitot à Saint-Florentin, 17 juin 1767 et lettre de Saint-Florentin à Saint Priest, 27 juin 1767. Arch. dép. Hérault, C 1107.

86. En 1766, la ville avait cessé de lui payer ses honoraires annuels de 1 000 livres.

87. Lettre de Jean-Emmanuel Guignard de Saint-Priest à Pitot du 16 mars 1769. Arch. mun. Montpellier, DD 365, f° 50.

88. Dumas, Histoire de l’Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, tome 1, Lyon, Giberton et Brun, 1839, p. 354. On ne connaît pas la date exacte de la réception de Pitot car les registres annuels d’admission antérieurs à 1758 ont disparu. On trouve uniquement trace de son nom dans la liste récapitulative, comprenant 70 membres, établie lors de l’union des deux académies lyonnaises. Il y figure en tant qu’« associé ».

89. Dès le 31 mai 1741, Pitot avait assisté à des séances de la Société royale de Montpellier car cette académie ne faisant « qu’un seul et même corps » avec celle de Paris, ses statuts indiquaient : « Quand quelqu’un de l’Académie des Sciences se trouvera à Montpellier ou quelqu’un de la Société de Montpellier se trouvera à Paris, ils auront réciproquement entrée et séance dans leurs assemblées » (Articles I et XLII des Statuts de la Société Royale des Sciences de Montpellier). Pitot n’y sera toutefois admis officiellement que douze ans plus tard.

90. Rapports des 17 mai et 7 juin 1753. Arch. dép. Hérault, D 121.

91. Pitot, Henri, Lettre de Mr. P **** à Madame de *** Source personnelle.

92. Lettre de Pitot à Saint-Florentin, 14 juin 1767. Arch. dép. Hérault, C 1107.

93. Arch. dép. Hérault, 1 B 23036.

94. Grandmaison, Essai d’armorial des artistes français (XVIe-XVIIe siècles), lettres de noblesse, preuves pour l’ordre de Saint-Michel, tome 1, Paris, Honoré Champion, 1904, p. 35.

95. Cf. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIIIe siècle, de la Féodalité aux Lumières, présentation d’E. Le Roy Ladurie, Complexe, Paris, 2000, p. 55-56.

96. Chiffre tiré de la « liste des membres de l’ordre » in Fauconpret, Benoit de, Les chevaliers de Saint-Michel, 1665-1790, le premier ordre de mérite civil. Patrice du Puy éditeur, 2007, p. 162-181.

97. René-Charles Pitot prête serment devant la Cour le 27 mai 1766. Arch. dép. Hérault, 1 B 350, f° 62.

98. Arch. dép. Hérault, 2 E 59/79 f° 29.

99. Registre d’admission à la date du 15 septembre 1751. Arch. pénitents blancs de Montpellier.

100. État des domestiques, carrosses et chevaux. Arch. dép. Hérault, C 13241.

101. Délibérations consulaires, 1769-1774. Arch. mun. Aramon, BB 27.

102. Arch. dép. Gard, C 1591 et C 1508.

103. Rôles de la taille 1736-1767. Arch. mun. Aramon, CC 116.

104. Arch. dép. Gard, 5 E 12/2 et 5 Mi 3/6.

105. Histoire de l’Académie Royale des Sciences, année 1726, Paris, Durand, 1753, p. 216-236.

106. Moreau de Vorme, Mémoire pour les maires, consuls et viguiers de la ville de Montpellier, intimés contre Hilaire Ricard […], D’Houry, 1766, p. 23.

107. Arch. dép. Hérault, C 4616.

108. Expilly, Jean-Joseph, Le Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, tome 4, Amsterdam, 1766, p. 886.

109. Bertrand, Joseph, L’Académie des Sciences et les académiciens de 1666 à 1793, Paris, Hetzel, 1869, p. 322.

110. Ibid.