Une église du haut Moyen Âge à Psalmodi
(Saint-Laurent d’Aigouze, Gard)
et l’architecture préromane du Languedoc

* Traduction : d’Özlem-Gulin Dagoglu, révisée par la rédaction.
** Dr. Jenny H. Shaffer, New York University, Paul Mc Ghee Division New York, New York, U.S.A. jshaffer@nyc.rr.com

Le monastère de Saint-Pierre et Saint-Paul à Psalmodi (Saint-Laurent-d’Aigouze, Gard) a presque disparu vers le vingtième siècle. La célèbre abbaye médiévale, qui dominait une petite île sur un terrain marécageux, au nord d’Aigues-Mortes, a été sécularisée en 1537 et transformée en ferme, incendiée par les camisards en 1704 ; les ruines ont été utilisées par la suite comme matériaux de construction. Toutefois, une partie d’un mur d’environ vingt-sept mètres a été conservé, intégrée à la structure de la ferme qui occupe encore l’ancien site monastique (les eaux environnantes s’étant retirées vers la fin du dix-septième siècle). (fig. 1) Cet imposant vestige du monastère disparu a justifié à Psalmodi la tenue de plusieurs campagnes de fouilles archéologiques financées par le Collège Williams (Williamstown, Massachusetts, É.-U.) et réalisées de 1970 à 1989 sous la direction des historiens de l’art Whitney Stoddard et Brooks Stoddard 1. Tandis que les travaux ont rapidement démontré que le parement subsistant faisait partie du mur extérieur sud d’une immense église gothique inachevée entreprise vers 1200 2. Les fouilles réalisées entre 1973 et 1974 sous le dallage ont révélé les fondations d’une structure antérieure (fig. 2 et 3). Cette église de faibles dimensions – mutilée par l’édifice qui lui a succédé – est un rare témoignage de l’architecture religieuse du haut Moyen Âge en Languedoc 3.

Les fouilles de cette église antérieure ont révélé deux campagnes de construction distinctes, désignées par « église A » et « église B ». L’église A, de dimensions réduites, possédait des murs de fondation longs de seulement vingt-trois mètres 4 (fig. 4a). En élévation, la structure était formée d’une simple et courte nef, d’un transept saillant et d’une abside centrale flanquée de deux absidioles. Ces trois absides semi-circulaires ou, plus vraisemblablement, en fer a cheval, présentaient un chevet plat. L’archéologie suggère que l’église A a été endommagée et partiellement détruite par le feu. L’église B a été construite sur l’église A et a non seulement intégré la majeure partie de l’édifice antérieur, mais en a également réutilisé les matériaux (fig. 4b). En particulier, le transept et l’abside nord, ainsi que le mur de la nef méridionale de l’église A, ont été détruits et ensuite reconstruits. Le mur de la nef méridionale était bâti sur cinq assises de l’église primitive. Toutefois, le plan de l’église A a été modifié dans le bras nord du transept, élargi vers l’est, tandis que l’abside était remplacée par une petite absidiole bien marquée, contiguë à l’abside centrale.

Psalmodi, Mur sud de l’église gothique (cl. Brooks W. Stoddard).
Fig. 1 Psalmodi, Mur sud de l’église gothique (cl. Brooks W. Stoddard).
Psalmodi, Vue aérienne des fouilles (cl Brooks W. Stoddard).
Fig. 2 Psalmodi, Vue aérienne des fouilles (cl Brooks W. Stoddard).
Psalmodi, plan des fouilles (d’après J. Dodds, Archéologie médiévale, 1989, fig. 3, p. 37).
Fig. 3 Psalmodi, plan des fouilles
(d’après J. Dodds, Archéologie médiévale, 1989, fig. 3, p. 37).
Fig. 4 - 4 a) Psalmodi, église A / 4 b) Psalmodi, église B (d’après J. Dodds, Archéologie médiévale, 1989, fig. 10, p. 44).
Fig. 4 Fig. 4 - 4 a) Psalmodi, église A / 4 b) Psalmodi, église B
(d’après J. Dodds, Archéologie médiévale, 1989, fig. 10, p. 44).

La datation et la signification de l’église A – de laquelle dépend toute évaluation de l’église B – reposent sur l’interprétation des preuves archéologiques par rapport aux sources textuelles concernant l’histoire de Psalmodi du huitième au onzième siècle. Malgré la relative rareté de la documentation concernant Psalmodi avant l’époque gothique, les textes qui nous sont parvenus indiquent clairement l’existence et la vitalité du monastère à l’époque carolingienne. Les textes signalent une série de donations à Psalmodi vers la fin du huitième et le début du neuvième siècle, incluant le legs de terrain en 813 par Dadila, un noble Septimanien 5. Une charte de 815 de Louis le Pieux et une de 844 de Charles le Chauve fournissent davantage de preuves sur l’existence, le statut et les possessions de Psalmodi au neuvième siècle 6. Le document de 815 nomme abbé du monastère le « vénérable » Theodomirus et fournit ainsi une indication sur la vie intellectuelle de Psalmodi au début du neuvième siècle. Loué par le puissant évêque Jonas d’Orléans, l’abbé Theodomirus, qui a prétendument gouverné cent quarante moines à Psalmodi, a critiqué Claude de Turin, participant ainsi à la querelle des images qui agitait l’Empire carolingien au début du neuvième siècle 7. Une charte de 909 de Charles le Simple décrit la fuite des moines de Psalmodi qui trouveront refuge au prieuré de Saint-Julien à Cormillac, à la suite des raids sarrasins le long du littoral proche 8. Finalement, un fragment de texte de 1004 signale une assemblée sous l’abbé Warnarius à laquelle assistèrent un nombre imposant d’ecclésiastiques et de nobles locaux, dont l’abbé Giraldus de Saint-Gilles, les évêques Froterus de Nîmes et Aribaldus d’Uzès, Adélaïde de Provence et Guillaume de Toulouse, afin de célébrer le reaedificandum & reparandum Sancti Petri Psalmodii monasterium 9. Ce document fait également mention du retour des moines à Psalmodi après l’interruption de la vie monastique au dixième siècle.

Si l’on considère en termes de technique de construction et de formes individuelles – notamment, la forme particulière de l’abside – l’église A est facilement inscrite dans le cadre de l’architecture du haut Moyen Âge et de l’architecture du premier âge roman du sud de la France ainsi que du nord de l’Espagne, mais elle reste difficile, sinon impossible, à dater avec précision. Les techniques de maçonnerie utilisées dans les ruines de l’église A sont conformes à celles répandues dans la région ; cependant, étant donné que ces techniques furent employées pendant tout le haut Moyen âge et durant la période romane, leur présence à Psalmodi ne peut être considérée comme une base solide pour dater l’église A 10. De même, la forme de son abside, rectiligne à l’extérieur et circulaire (ou en fer a cheval), à l’intérieur, ne constitue pas non plus un élément fiable de datation. La forme absidiale était utilisée dans les régions voisines probablement dès la fin du huitième siècle, comme le suggèrent les fouilles de Caunes-Minervois, dans l’Aude 11. Quelques églises romanes provençales du Vaucluse, notamment Vaison-la-Romaine, Valcabrère et Vénasque, de la fin du dixième et du début du onzième siècle, présentent également cette forme spécifique (fig. 5).

Même si ces trois exemples provençaux ont été cités comme argument en faveur d’une datation tardive de l’église A (autour de l’an 1000 ou tout de suite après 12), non seulement la forme semi circulaire de l’abside n’est pas un phénomène exclusif du début de l’époque romane, mais ne prendre en considération que l’abside isole cette forme du reste de la structure dont elle fait intégralement partie.

Vaison-la-Romaine, cathédrale (d’aprés Dom Noël Deney, in J.-M. Rouquette, Provence romane. La Provence rhodanienne, p. 144).
Fig. 5 Vaison-la-Romaine, cathédrale (d’aprés Dom Noël Deney, in J.-M. Rouquette, Provence romane. La Provence rhodanienne, p. 144).

En effet, l’église A à Psalmodi n’a rien de commun, à part la forme de son abside, avec les églises auxquelles elle a été comparée. L’église A s’en distingue non seulement par sa fonction monastique, mais également par ses dimensions réduites et son plan très différent 13. Par ailleurs, la justification de la date du onzième siècle se concentre sur une seule source textuelle – la relation de la consécration de Psalmodi – pour ses fondements historiques et n’aborde pas les témoignages écrits concernant la vie monastique à cet endroit avant 909. Cet argument sous-entend qu’il n’y avait pas d’église à Psalmodi avant le onzième siècle, ce qui est démenti par ce corpus de preuves littéraire 14.

Tandis que l’abside de l’église A constitue une autre pièce du puzzle quant au développement de cette forme d’abside dans une vaste région durant le Moyen âge, la comparaison la plus convaincante prend en considération l’édifice dans son ensemble. En effet, contrairement aux indices ambigus fournis par sa technique de construction et la forme de son abside, le plan de l’église A l’identifie à une église carolingienne. Assurément, alors que sont nombreuses les preuves écrites d’une vie monastique intense dans le Languedoc carolingien – plus exactement désigné comme Septimanie à cette époque –, les preuves archéologiques et architecturales sont plus réduites. Une première date pour l’église A est fondée sur la relation formelle de l’édifice à une des rares structures reconnues pour cette époque, l’église carolingienne de Notre-Dame d’Aniane, connue grâce à un plan du dix-septième siècle exécuté avant sa destruction, ainsi que par les fouilles.

L’interprétation de l’église d’Aniane repose sur l’analyse. A. Jerrilynn Dodds, qui participait aux fouilles de Psalmodi, a proposé la période carolingienne en se basant sur la relation formelle de cette église avec celle d’Aniane, décrite par Brigitte Uhde-Stahl dans son article de 1980 15. Comme nous le savons, Uhde-Stahl, afin de restituer la structure découverte en fouille sous l’église principale dédiée au Sauveur (fig. 6), a travaillé à partir du plan d’Aniane de Robert Plouvier, daté de 1656, représentant le monastère avant sa destruction intégrale par les mauristes et sa reconstruction à partir de 1664. Elle a avancé que cette petite église – de vingt mètres de long seulement – à nef unique avec un transept saillant et trois absides était une église antérieure également dédiée au Sauveur, et qui avait toutefois subi des modifications ultérieures. En affirmant qu’il n’y a pas de sources écrites concernant la restauration complète de Saint-Sauveur d’Aniane entre la fondation du monastère et la reconstruction mauriste, Uhde-Stahl a associé cette modeste église à la structure documentée de 782, l’attribuant ainsi à Benoît d’Aniane. De plus, elle a suggéré que ce type de plan, courant dans la région, était comparable aux églises du dixième siècle de Saint-Genis-des-Fontaines (fig. 7) et Saint-André-de-Sorède, en Roussillon. Uhde-Stahl et Dodds ont toutes les deux inclus l’église Ade Psalmodi au sein de ce groupe, appuyant ainsi la théorie d’une typologie d’églises à nef unique avec un transept et trois absides en Septimanie carolingienne proposée par Uhde-Stahl.

Aniane, église carolingienne (d’aprés B.Uhde-Stahl in Zeitschrift für Kunstgeschichte, t. XLIII, 1980, fig. 5, p. 5).
Fig. 6 Aniane, église carolingienne (d’aprés B.Uhde-Stahl in Zeitschrift für Kunstgeschichte, t. XLIII, 1980, fig. 5, p. 5).
Saint-Genis-des-Fontaines (d’après S. Stym-Popper, « Saint-Genis-des-Fontaines ». Congrès archéologique de France, 1954, p. 201).
Fig. 7 Saint-Genis-des-Fontaines (d’après S. Stym-Popper, « Saint-Genis-des-Fontaines ». Congrès archéologique de France, 1954, p. 201).

Parmi les critiques affirmant qu’Uhde-Stahl avait restitué l’église d’une manière incorrecte et qu’elle l’avait un peu trop rapidement attribuée à l’époque carolingienne 16, figure le fait que les premières fouilles n’ont été réalisées qu’en 1991 dans les trois premières chapelles nord de l’église mauriste de Saint-Sauveur. Les conclusions en furent publiées en 1993 par Jean-Louis Bernard et Laurence Ollivier 17. Ces fouilles ont cependant confirmé le travail d’Uhde-Stahl sur deux points importants. Premièrement, elles ont corroboré sa restitution de l’église située sous celle de Saint-Sauveur. Deuxièmement, les preuves archéologiques ont appuyé l’attribution de cette structure à l’époque carolingienne et à la volonté de Benoît lui-même. Toutefois, la réflexion s’était alors fixée sur l’hypothèse d’Uhde-Stahl selon laquelle elle avait restitué l’église principale d’Aniane, soit Saint-Sauveur. Un certain nombre de chercheurs ont critiqué cette hypothèse et ont affirmé en contrepartie que l’église était plus probablement l’église auxiliaire d’Aniane 18, soit Notre-Dame. Honoré Bernard a écarté toute incertitude quant à l’identification de l’église avec Notre-Dame, quand il a reproduit dans un article la description de l’église avant sa destruction par les mauristes 19.

Cependant, la reconnaissance de l’église carolingienne d’Aniane en tant qu’église Notre-Dame, plutôt que comme église principale, ne l’empêche pas de pouvoir servir de point de comparaison pour la datation de l’église A de Psalmodi 20. Avec les églises monastiques similaires par leurs faibles dimensions et leur type de plan caractéristique, Notre-Dame d’Aniane peut soutenir une comparaison convaincante et complète avec l’église A de Psalmodi. L’attribution de l’église d’Aniane à l’époque carolingienne, en accord avec les preuves fournies par les textes témoignant du soutien impérial, des donations aristocratiques et de la présence à Psalmodi d’un abbé remarquable, d’envergure internationale, suggère que l’église A existait dès la fin du huitième siècle, en tout cas pas plus tard que le début du neuvième siècle ; en revanche l’église B date des environs de l’an 1000.

Selon Dodds, l’église A remonte nécessairement avant 909, soit la date documentée de l’abandon du site par les moines de Psalmodi 21. Cette affirmation est soutenue par la correspondance des éléments formels de l’église A avec l’église carolingienne reconnue d’Aniane, ainsi que par les donations enregistrées à Psalmodi à la fin du huitième et au début du neuvième siècle. Pour Dodds, une date avancée pour l’église A concorderait avec l’histoire turbulente de la Septimanie du haut Moyen Âge. La région, annexée au royaume carolingien par Pépin le Bref, est devenue une province stratégiquement équilibrée sur la limite sud de l’énorme empire en expansion de Charlemagne – empire qui a imposé une conformité monastique afin d’assurer son emprise.

Dodds a, par la suite, associé formellement et historiquement l’église B de Psalmodi à l’église de prieuré de Vaugines (du début du onzième siècle) (fig. 8). L’église prieurale avait été construite sur une terre donnée à Psalmodi, en 1004, par deux frères, Amic et Lambert 22. La partie orientale de l’église du onzième siècle de Vaugines dont il subsiste d’importants vestiges, rappelle les aspects formels des deux campagnes de construction de Psalmodi, évoquant d’une part l’église A par son abside centrale semi circulaire inscrite dans un chevet plat, et d’autre part l’église B par son vaste transept et ses absidioles latérales. D’après Dodds, Vaugines « voulait [refléter] dans un style plus régulier l’église qui a réellement existé à la maison mère monastique 23 ». Puisque la fondation, documentée en 1004, et la construction de Vaugines fournissent un indice convenable sur la fin de la deuxième campagne de Psalmodi à cette période, l’église B peut être associée à la consécration de 1004, identifiant cette structure comme la reconstruction de l’église A consacrée après le retour des moines de leur exil. Alors que ce scénario pour les églises A et B de Psalmodi concorde assez bien avec les preuves archéologiques et l’histoire du monastère telle la décrivent les textes, les interrogations persistent, concernant le lien entre le type de plan observé à Notre-Dame d’Aniane et à l’église A, par rapport au vaste champ de l’architecture carolingienne.

Vaugines, plan après 1004 (d’aprés Dom Noël Deney, in G. Barruol, Provence romane 2. La Haute-Provence, p. 90).
Fig. 8 Vaugines, plan après 1004 (d’aprés Dom Noël Deney, in G. Barruol, Provence romane 2. La Haute-Provence, p. 90).

Avec la réfutation de la thèse d’Uhde-Stahl, nous nous trouvons encore une fois dans l’incertitude en ce qui concerne Saint-Sauveur d’Aniane. Toutefois, même si nous devons exclure l’attribution à Saint-Sauveur par Uhde-Stahl de l’église carolingienne qu’elle a restitué, on ne saurait rejeter toutes ses observations. Ses conclusions (la reconstitution et la datation de l’église, son assimilation erronée de l’église à Saint-Sauveur) étaient intégrées à des études d’ensemble sur l’architecture du haut Moyen Âge qui, bien qu’appuyées sur une attribution incorrecte, continuent à faire naître des hypothèses crédibles au sein de ce vaste domaine. Étant donné l’intérêt porté de longue date par les chercheurs à la notion de réforme monastique sous Benoît et au rôle de l’architecture au sein de cette réforme, il n’est certainement pas surprenant de remarquer que les observations d’Uhde-Stahl ont été adoptées dans le cadre d’une vue d’ensemble. Les chercheurs ont étoffé la conception séduisante d’Uhde-Stahl concernant une typologie locale concentrée sur Aniane et l’ont également complété avec l’idée d’un déplacement vers le nord de ce type d’édifice sous l’impulsion de Benoît.

André Bonnery a associé l’église d’Aniane à celles de Psalmodi, Caunes-Minervois, Saint-Genis-des-Fontaines, Saint-André-de-Sorède et éventuellement d’autres, dont Lagrasse (Aude). Il a défini le point commun de ces édifices comme étant leurs petites dimensions, leurs transepts étroits, leurs nefs uniques et sans voûtes, leurs trois absides et particulièrement leurs techniques de construction 24. D’après Bonnery, l’église d’Inden, proche d’Aachen, fournit une preuve définitive de cette typologie monastique. L’église d’Inden, qui, comme l’église principale d’Aniane, était consacrée au Sauveur, a été entreprise peu après l’appel à Aachen de Benoît par Louis le Pieux, vers 814-815. L’église d’Aachen, consacrée vers 816-817 en présence du souverain et de Benoît, avait accueilli à la même époque le concile d’Inden réuni pour traiter de la question d’un monachisme uniforme au sein du royaume carolingien 25. Connue par les fouilles, la petite église avait une longueur totale de vingt-six mètres constituée d’un massif occidental tripartite, d’une courte nef avec collatéraux, d’un transept, et d’une importante abside centrale flanquée de deux absidioles. Inden diffère cependant d’Aniane par la présence de nefs latérales. Bonnery, suivant en cela l’importante étude consacrée à l’architecture carolingienne par Carol Heitz, a soutenu qu’Inden est devenu en son temps un modèle. Heitz a défini l’impact d’Inden essentiellement en termes d’échelle et de proportions, ainsi que par l’importance accordée à l’organisation modulaire. Les premiers exemples de cette influence auraient été Ligugé, la basilique d’Einhard à Steinbach et Seligenstadt, ainsi que Saint-Justin à Höchst 26.

Werner Jacobsen a tenter de combler les lacunes géographiques entre la Septimanie de Benoît et la zone centrale carolingienne du nord, en présentant les églises associées directement à Benoît et à l’église d’Aniane, telle qu’identifiée, restituée et datée par Uhde-Stahl, comme premier maillon et modèle des établissements fondés plus tard par Benoït 27. Il a comparé les édifices sur une base méthodologique, en notant leur faible envergure et le fait qu’ils présentaient des dimensions et des proportions similaires, avec une nef unique et un espace liturgique réservé à l’est. Il a également examiné le contexte politique et historique dans lequel ces églises étaient construites. L’église datant de 814-815 à Marmoutier (fig. 9) était le premier exemple d’exportation par Benoît de son propre style d’édifice septimanien. Benoît et quelques moines d’Aniane, avant de se déplacer vers le nord à Inden, avaient séjourné en 814 au monastère alsacien, devenu ainsi le premier centre officiel de sa réforme. De taille modeste (une longueur de vingt mètres seulement), l’église de Marmoutier, avec une courte nef, un transept et trois absides, présentait un plan similaire à celui d’Aniane. Jacobsen a défini l’église de Benoît à Inden, avec sa nef tronquée, son transept et ses trois absides, la présence de simples trumeaux plutôt que de colonnes et son absence de relique, à la fois comme apparentée à Aniane et comme l’antipode des édifices monumentaux associés à Charlemagne. Jacobsen voit dans l’ajout des nefs latérales de Marmoutier, peu après 815 (fig. 10), une preuve de l’évolution du plan d’Aniane vers Inden, Il a soutenu que ces premières églises, préparant le terrain pour Inden, avec leur plan similaire et leur mème patron, étaient les véritables édifices de la réforme monarchique, plutôt que ceux identifiés par Carol Heitz, témoignant d’un développement plus diffus et plus vague du type d’Inden suite au concile tenu dans ce mème lieu 28.

Marmoutier, l’église abbatiale vers 814-815 (d'après Fr. Petry et E. Kern, in Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, t. XX, 1977).
Fig. 9 Marmoutier, l’église abbatiale vers 814-815 (d'après Fr. Petry et E. Kern, in Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, t. XX, 1977).
Marmoutier, église abbatiale après 815 (d'après Fr. Petry et E. Kern, in Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, t. XX, 1977).
Fig. 10 Marmoutier, église abbatiale après 815 (d'après Fr. Petry et E. Kern, in Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, t. XX, 1977).

Les vestiges archéologiques et architecturaux du haut Moyen Âge, qui révèlent clairement les liens structurels existant entre l’église carolingienne découverte à Aniane et les églises nordiques de Benoît d’Aniane, bien documentées, ainsi que l’église A de Psalmodi, peuvent modifier les hypothèses sur Aniane, plus particulièrement celles concernant son église primitive qui aurait pu avoir des liens avec ces autres édifices. Tandis que plusieurs questions demeurent sans réponses, il est clair que le type architectural de Notre-Dame d’Aniane a revètu une certaine importance pour Benoît.et, par la suite, pour les autres bâtisseurs. Si nous n’essayons plus de rattacher ces églises aux intentions prédéterminées de Benoît, (la réforme monastique et l’architecture), la consécration de l’église carolingienne d’Aniane n’est pas capitale quant à la place de la typologie dans l’histoire de l’architecture carolingienne et septimanienne. La relation, manifestement indiquée, formellement et historiquement fondée, entre les modestes églises associées directement à Benoît, y compris l’église Notre-Dame d’Aniane, celles de Marmoutier et Inden, ainsi que les adjonctions de Marmoutier, est convaincante. Par  ailleurs, la preuve archéologique d’Aniane et l’historiographie de Psalmodi témoignent que l’église A fait bien partie de la courte liste des églises monastiques de la Septimanie carolingienne. Même si l’église peut être mise en relation avec les exemples carolingiens plus éloignés de Marmoutier, d’Inden et mème de Steinbach, ces édifices offrent un témoignage essentiel sur les circonstances extraordinaires de la migration de Benoît vers le nord et n’offrent qu’une preuve indirecte de la datation anticipée de Psalmodi 29.

L’église A de Psalmodi peut, cependant, renforcer l’hypothèse de la mise en place de cette typologie en Septimanie avant son exportation vers le nord. La possibilité que l’église A de Psalmodi ait été contemporaine de l’église d’Aniane, semble trouver une confirmation dans la Chronique d’Uzès. Ce texte (du quatorzième siècle) déclare brièvement qu’ « à l’année 783 de notre Seigneur, le prètre Corbilla a construit le monastère de Psalmodi selon les règles bénédictines 30 ». Dodds a utilisé cette information afin d’appuyer son attribution de l’église A à l’époque carolingienne. Selon lui, cette mention vient immédiatement après celle concernant la fondation d’Aniane par Benoît en 782, « suite à quoi tous les monastères de Gothie étaient construits 31 ». Le texte présente donc la fondation de Psalmodi comme postérieure à celle de Benoît à Aniane : l’Aniane de Benoît, fondée selon la règle bénédictine, est désignée comme le modèle de tous les monastères de Septimanie et, l’année suivante, le monastère septimanien de Psalmodi était établi conformément à la règle bénédictine.

Toutefois, le très grand espace de temps écoulé entre la rédaction de la Chronique d’Uzès, écrite au quatorzième siècle, et les premiers évènements dont elle fait mention permet difficilement d’en estimer la valeur réelle en tant que témoin des événements du huitième siècle ; cette source d’information spécifique – et séduisante – sur Psalmodi reste particulièrement difficile à saisir. La Chronique d’Uzès a longtemps été définie comme subordonnée à la Chronique d’Aniane – la description, par exemple, de la fondation d’Aniane par Benoît est tout à fait identique dans les deux textes 32. Néanmoins, la récente découverte par Walter Kettemann d’un commentaire secondaire dans le manuscrit de la Chronique de Moissac, qui fournit une affirmation étonnamment semblable à propos de Corbilla et Psalmodi, tend à confirmer l’existence antérieure du monastère 33. Il est certes tentant – étant donné cette preuve – voire justifié, de considérer l’église A comme datant de la fin du huitième siècle. Or même si, sans aucun doute, la mention concernant Psalmodi dans la Chronique d’Uzès œuvre essentiellement à renforcer une image d’Aniane, elle ne répond pas à la question de savoir quelle église était construite en premier, Notre-Dame d’Aniane ou l’église A de Psalmodi. Quoiqu’il en soit, le passage cité, en accord avec les données archéologiques, tend vers l’existence de ce type de plan partagé, exporté par la suite vers le nord par Benoît, et voit également dans l’abside de l’église A une forme spécifique qui aurait duré plus longtemps dans le milieu local que la fin du huitième siècle.

Toutefois, tandis que Notre Dame d’Aniane et l’église prieuriale de Vaugines fournissent une comparaison convaincante avec l’église A et l’église B, aucune n’éclaire l’élément inexpliqué de l’église antérieure de Psalmodi, cette structure assimilable à un massif située à la partie occidentale de l’église (fig. 3). Selon Brooks Stoddard, la datation de ce massif occidental reste problématique (la question étant de savoir s’il doit ètre considéré comme appartenant à l’église A ou à l’église B). Selon sa réflexion actuelle, fondée sur l’examen du mortier, il le date de l’époque de l’église B, c’est-à-dire des environs de l’an 1000 34. Stoddard note que les dimensions de la structure – qui, étant donné sa forme et son emplacement, semble ètre une sorte de tour – sont identiques à celles de la première travée de l’église de Saint-Guilhem-le-Désert. L’interprétation de cette information dépend non seulement de la datation de la structure occidentale de Psalmodi, mais également de l’histoire architecturale de Gellone.

Tandis que les débats sur la chronologie des églises successives de Saint-Guilhem-le-Désert, débats qui ont une longue histoire, vont certainement demeurer ouverts jusqu’à ce que les fouilles soient entreprises 35, la méticuleuse remise en cause par Richard Bavoillot-Laussade de la datation traditionnelle de l’église (pour lui Gellone I n’est pas une construction préromane des environs de l’an 1000, mais une église carolingienne des années 802-805, donc de l’époque du fondateur du monastère, Guillaume), nous propose une autre clef de la structure monastique septimanienne 36 (fig. 11). Il faut remarquer que Gellone I, tel que l’a reconstitué R. Bavoillot-Laussaude, ne présente pas, mis à part ses dimensions plutôt modestes, de lien avec le plan de Notre-Dame d’Aniane ou l’église A de Psalmodi, sauf la possible exception de sa partie occidentale 37. Bavoillot-Laussade restitue Gellone I avec ce qu’il nomme un « Westwerk » ou un « massif occidental » correspondant à la première travée de l’église actuelle. Il est en effet tentant de se demander si, étant donné les dimensions correspondantes, la structure de Gellone pourrait ètre mise en relation avec la structure occidentale de Psalmodi, et servir éventuellement de preuve pour une datation carolingienne plus récente pour le parti occidental de Psalmodi, ou de l’adoption par Psalmodi d’une tour occidentale dans l’église B à l’imitation de Gellone. Cet indice, quoique séduisant, demeure actuellement imprécis mais témoigne de la complexité de l’architecture carolingienne du Languedoc.

Plan idéal de Gellone I, 802-805 (d’après R. Bavoillot-Laussade in Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, t. XXIX. 1998, p. 190)
Fig. 11 Plan idéal de Gellone I, 802-805 (d’après R. Bavoillot-Laussade in Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, t. XXIX. 1998, p. 190)

Ce qui est certain, c’est que l’église A de Psalmodi peut s’inscrire, avec Notre-Dame d’Aniane et éventuellement Gellone I, au sein de ce qui apparaît comme l’époque idéale de la fondation du monachisme en Septimanie carolingienne. Le respect et la conservation des vestiges de l’église A dans l’église B de Psalmodi peuvent ètre expliqués en partie par le rôle que le passé carolingien a joué dans la région durant les siècles successifs. Comme l’a démontré Amy Remensnyder, les récits de fondation de bon nombre de monastères du sud de la France dans le haut Moyen Âge, période déjà obscure, n’étaient pas davantage éclairés dans les textes et les documents datés entre l’an 1000 environ et 1250. Ces sources révèlent, bien que la réalité soit difficile à percevoir, un profond enracinement dans un passé légendaire carolingien au sein duquel les souverains renommés, souvent Charlemagne lui-même, s’impliquaient dans la création et la vie des établissements monastiques 38. Sûrement, ces récits carolingiens, recherchés ou inventés, qui pouvaient, grâce à l’influence d’un passé idéalisé, attirer sur une fondation prestige, pouvoir et possessions, avaient une grande autorité dans une région où faisait défaut une figure dominante.

En effet, la Septimanie de l’ère carolingienne, frontière reculée aux avant-postes, attachée à un souverain lointain mais puissant par l’importance et la stratégie des fondations monastiques, n’existait plus. Les Capétiens, préoccupés par leurs propres priorités au nord, n’ont pas poursuivi la politique carolingienne de maintenir une présence visible dans le sud. Ainsi, ont-ils progressivement perdu leur pouvoir sur les territoires méridionaux, difficilement acquis au dixième siècle, quand la région et ses églises étaient passées sous le contrôle des diverses familles locales 39.

Toutefois, un remarquable document du douzième siècle indique que Psalmodi a entretenu et a même amplifié son origine carolingienne durant les siècles suivants. Une charte de Charlemagne datée de 791, qui est soit un faux, soit une copie altérée d’un document carolingien, réussit à intégrer un nombre impressionnant de personnes importantes et d’événements capitaux au sein d’un assemblage fondamentalement invraisemblable 40. Dans cette charte, Charlemagne ordonne à l’abbé Corbillian de reconstruire le monastère de Psalmodi que les moines avaient abandonné pour Cornillac à la suite de l’invasion sarrasine (nous savons que l’invasion sarrasine a été réelle mais pas avant le dixième siècle). Charlemagne réclame le soutien de l’archevêque de Narbonne Nibridius, proche de Benoît d’Aniane, et mentionne un certain Theodomirus, moine, comme étant son neveu. Le souverain cite également Psalmodi avec le monastère de Saint-Saturnin-de-Nodels et la tour de Matafère.

Selon A. Remensnyder, la charte – dont elle nie l’authenticité – était le moyen par lequel « Psalmodi avait récupéré Charlemagne 41 ». La charte de Charlemagne de 791 (un plagiat d’une copie altérée d’un document plus ancien) semble surtout fournir, à la fin du onzième siècle ou au début du douzième siècle, une vision d’un Psalmodi carolingien étroitement lié à Charlemagne et bénéficiant du privilège et de l’autorité impériaux. En revanche, la Chronique d’Uzès, plus tardive, répète ce qui a du ètre considéré, vers le quatorzième siècle, comme une très ancienne histoire monastique locale que renforçait la renommée de saint Benoît d’Aniane et son autorité sur la vie monastique, à l’encontre de l’autorité impériale.

Nous avons, certes, le témoignage séduisant des églises proches de Psalmodi, approximativement contemporaines des églises de Psalmodi et d’Aniane – et éventuellement de Gellone I – qui peuvent être considérées comme les témoins de l’expansion du monachisme dont le charismatique Benoît a été le promoteur. Cependant, nous devons exclure toute relation rigide de copie de modèle entre Aniane et Psalmodi, comme pour les églises, plus lointaines, du nord qui présentent cette typologie Ainsi que l’a affirmé J. Dodds, « une similitude locale, plus informelle, pour le plan d’Aniane » est probablement ce que nous observons à Psalmodi 42. La relation étroite entre les églises était le fruit évident du monachisme unique de la Septimanie. En effet, les constructeurs de l’église A de Psalmodi, comme Benoît et ses églises du nord, ont peut-être répondu en partie, par leur choix typologique, aux questions élémentaires telles que les besoins liturgiques. Le fait que nous soyons en mesure, actuellement, d’associer étroitement l’église A de Psalmodi à une seule autre structure locale contemporaine peut simplement découler de l’insuffisance des indices archéologiques.

Cependant, curieusement, les seuls autres édifices régionaux connus qui présentent des analogies incontestables avec Aniane et l’église A – soit Saint-Genis-des-Fontaines et Saint-André-de-Sorède – ne datent pas de l’époque carolingienne. Ces deux établissements monastiques ont, néanmoins, leurs racines dans la Septimanie carolingienne. Saint-Genis a été fondé aux environs de 819 par Sentimirus 43. Une charte de Lothaire, de 981, qui indique que le monastère avait été réédifié à la suite de sa destruction par les « païens », a confirmé les privilèges de l’établissement. En 1153, l’église était à nouveau rebâtie ; la nef était presque totalement reconstruite tandis que la partie orientale de l’édifice, de la fin du dixième siècle, avec son abside centrale flanquée d’absidioles et son transept saillant, était conservée. De même, une charte de Louis le Pieux fait état de la fondation de Saint-André, et l’église du début du douzième siècle, avec sa nef unique, son transept saillant et son abside centrale flanquée d’absidioles, conserve une grande partie de l’édifice antérieur du dixième siècle 44.

Saint-Genis et Saint-André relèvent clairement de la typologie observée à Aniane et à Psalmodi, mais elles sont plus importantes dans leurs proportions, comme on peut s’y attendre s’agissant des premières églises romanes. Toutefois, leur date du onzième siècle – soit au moins un siècle et demi après la construction d’Aniane et de Psalmodi – soulève la question de la nature de leur rapport à ces structures carolingiennes. Assurément, les circonstances de leur construction, éloignée dans le temps de la présence carolingienne en Septimanie, diffèrent grandement : Saint-Genis et Saint-André ne peuvent pas fournir d’indices architecturaux corroborant le développement monastique en Septimanie carolingienne documenté par les églises d’Aniane et de Psalmodi.

La question est ainsi de savoir si les reconstitutions de Saint-Genis et Saint-André s’inscrivent dans la continuité d’un style carolingien local, pour lequel nous n’avons pas actuellement d’indices probants, ou si elles démontrent un renouveau délibéré de ce plan particulier perçu, au dixième siècle, comme emblème d’un passé carolingien célébré. En effet, les églises beaucoup plus tardives de Saint-Genis et Saint-André peuvent révéler, en raison de leur fidélité au plan spécifique septimanien – encore visible à Aniane et dans les ruines de Psalmodi – le désir de projeter une représentation contemporaine de l’autorité et de la légitimité carolingienne dont ces établissements se sont déclarés les héritiers.

Les interrogations, qui entourent les vestiges prégothiques de Psalmodi, nous rappellent qu’il existe plus de questions que de réponses à l’égard de l’architecture du haut Moyen Âge en Languedoc et, par ailleurs, que l’interprétation des textes et des témoignages archéologiques peut varier et évoluer. Les futures fouilles des sites carolingiens du Languedoc vont sûrement faire croître et modifier nos connaissances de ces temps anciens. Les églises A et B de Psalmodi fournissent assurément un aperçu attrayant des réalités vivantes des monastères du haut Moyen Âge, ainsi que de leur appartenance à l’essor du monde monastique né en Septimanie, monde instable jusqu’à la renaissance des environs de l’an Mil, bâtie, au sens propre et figuré, sur ses origines carolingiennes.

Notes

   1.Les fouilles à Psalmodi auraient été impossibles sans l’intérèt et le soutien généreux des propriétaires actuels de la ferme où se trouvent les vestiges, d’abord M. Pierre Gau et, actuellement M. Jean-Louis Foncelle.
Les fouilles ont eu lieu chaque été pendant un mois à partir de 1970 jusqu’en 1989. Bien que les fouilles au site soient maintenant terminées, l’étude des structures et des objets découverts a été poursuivie sous la direction de Brooks Stoddard, Sebastian Heath, David Yoon, et Susan Dublin. Les archéologues estiment qu’avant l’achèvement de l’étude du site les fouilles prendront encore trois ans, à raison d’un mois de fouille chaque été. Yoon et Heath mettent à jour périodiquement un site internet avec des informations sur les fouilles : http:///www.psalmodi.org.
Sur les fouilles, voir J. Dodds, B. W. Stoddard, W. S. Stoddard, B. K. Young, and K. Carter-Young, “ L’ancienne abbaye de Psalmodi (Saint-Laurent-d’Aigouze, Gard) premier bilan des fouilles (1970–1988) ”, Archéologie médiévale, XIX (1989), 7–55. Pour une première étude de leurs travaux et un court récit de l’histoire tardive de Psalmodi, voir A. Borg, “ Psalmodi ”, Gesta, X (1971), 63-70.

   2.Whitney Stoddard a décrit l’église gothique dans le contexte de l’architecture romane et gothique à Languedoc et en Provence. Voir “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ”, 10-17.

   3.Pour une analyse de l’église précédente à Psalmodi, voir mon article, J. Shaffer, “ Psalmodi and the Architecture of Carolingian Septimania ”, Gesta XLIV (2005), 1-11. Cet article offre la base des arguments présentés dans le présent article.
Mes analyses s’inspirent des études de Jerrilyn Dodds : “ The Carolingian Abbey Church of Psalmodi : Formal History and Historical Context ”, Gesta, XXV (1986), 9-16 ; “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ”, 18-27 ; “ Carolingian Architecture in Southern France : Some Observations in Light of the Excavations at Psalmodi ”, Gesta, XVI (1977), 23–27; et “L’abbaye de Psalmodi, deux églises médiévales ”, Bulletin annuel de l’École antique de Nîmes, n.s., 8-9 (1973-74), 27-46.

   4.Ces évaluations des dimensions de l’église ne prennent pas en compte le côté ouest de l’église.

   5.Pour le don du terrain, voir C. Devic et J. Vaissette, Histoire générale de Languedoc avec notes et les pièces justificatives (Toulouse, 1872-93), II, Preuves, N°. 24-XVIII, 81-84. Dodds a également noté un don en 788 par Dalida au monastère (Archives départementales du Gard [Nîmes], H 147), et un autre en 780 par l’évèque de Sisteron de l’église de Sainte-Marie à Vols (Archives départementales du Gard [Nîmes], H 138, H 106, fol. 11r/v).

   6.Pour la charte de 815 commandé par Louis le Pieux, voir Vic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves N°. 38-XXVII, 106-107. Pour le diplôme de 844 de Charles le Chauve qui renforce les possessions du monastère, voir ibid., II, Preuves, N°. 122, 251-253.

   7.Voir Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc avec notes et les pièces justificatives, I, p. 935. Pour l’éloge par Theodomiris de Jonas, voir Jonas d’Orléans, De cultu imaginum, I, Migne, Patrologia Latina, CVI, p. 311. Apparemment Theodomirus a décrit la population de Psalmodi dans une lettre à Jonas. Voir Patrologia Latina, CIV, p. 1030, n. b

   8.Devic et Vaissette, Histoire génénerale de Languedoc avec notes et les pièces justificatives, V, Preuves, N°. 37-XXXVII, 127-130.

   9.Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti (Paris, 1707), IV, année 1004, N°. 59, 176.
Le texte fournit uniquement les noms des ecclésiastiques. Pour l’identification des personnages, voir E. Goiffon, “ Psalmodi ” Revue du Midi, XVIII (1895), 15.

 10.Dodds, “ The Carolingian Abbey at Psalmodi ” 12.
De nombreux articles sur l’église primitive par Dodds révèlent, au cours des années, le changement de ses idées sur la structure et sont essentiels si l’on cherche à comprendre l’historiographie de Psalmodi. Dodds a d’abord proposé en 1977 de dater l’église de l’époque carolingienne. Par la suite, elle a affiné ses arguments en 1986 et en 1989, en identifiant et séparant les deux phases de construction médiévales, et en s’appuyant sur une méthode rigoureuse pour proposer une datation relative, avec laquelle je suis généralement d’accord. Voir “ The Carolingian Abbey Church of Psalmodi ” ; “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ” ; et “ Carolingian Architecture in Southern France : Some Observations in Light of the Excavations at Psalmodi ”. Dans son article de 1977, ses arguments sur la datation des bâtiments se basaient sur plusieurs traits identifiants, par exemple une maçonnerie du type « petit appareil », un plan basilical, et, plus particulièrement, la forme des absides centrale et méridionale de l’église de Psalmodi, son plan en fer de cheval inscrit dans un chevet carré. Elle les comparait aux absides des églises des villes voisines de Vaison, de Valcabrère et de Vénasque, dont les absides ne sont pas précisément datées et qu’elle a défini comme provenant des modèles carolingiens de Terrassa. Afin de soutenir cette datation, Dodds s’est appuyée sur des documents mentionnant les dates des donations, avant de proposer pour l’église, comme la plus logique, la période de la fin du 8ème ou du 9ème siècle.
Contrairement à ses analyses méthodologiques, les exemples de Vaison, Valcabrère, et Vénasque sont généralement datés du 11ème siècle et ne sont pas attribués à l’époque carolingienne (Voir infra, note 12).
Dans un article précédent, Dodds a développé les mèmes arguments, en particulier la forme absidiale et la maçonnerie en petit appareil, en ajoutant Terrassa et les documents de la fin du 8ème et début 9ème siècle de Psalmodi pour proposer pour l’église A une attribution à l’époque wisigothique. Voir « L’abbaye de Psalmodi, deux églises médiévales ».
Marcel Durliat a résolument rejeté ces idées. En citant les témoignages des textes, comme le Chronicle of Uzès – Durliat a proposé une date de fondation à la fin du 8ème siècle pour église de Psalmodi. Voir M. Durliat, “ Les fouilles de Psalmodi ”, BMon, CXXXIV (1976), p. 246.

 11.Bonnery, “ églises abbatiales carolingiennes. Exemples du Languedoc-Roussillon ”, Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxà, XX (1989), 39-41.
Certes, les absides de plan quadrangulaire se retrouvent fréquemment dans la région, par exemple à la petite église préromane de Saint-Martin-des-Puits, dans l’Aude. Bonnery inscrit cette abside dans une typologie de petites églises toutes antérieures à la période romane.
Voir Bonnery, 43-44.

 12.Voir R. Saint-Jean, Le paysage monumental de la France autour de l’an mil, ed. X Barral I Altet (Paris, 1987), p. 418-419. Bien que Saint-Jean ait trouvé sensée la comparaison stylistique de l’église B et de Vaugine (voir ci-dessous), il n’acceptait pas tout à fait la date proposée par Dodds pour l’église A, en argumentant que la façade est de l’église ressemble davantage à celles de Vaison et de Vénasque. J. Thiébaut avait déjà avancé que les absides de Vaison, de Vénasque, et de Valcabrère, rectilignes à l’extérieur et semi circulaires, ou en fer à cheval, à l’intérieur, étaient la preuve que les vestiges de Psalmodi pouvaient ètre postérieurs à la convocation de 1004, mais avant la reconstruction de l’église vers 1200 – c’est-à-dire, au 11ème siècle. Voir J. Thiébaut, “ Une église carolingienne découverte à Psalmodi ? ”. Bulletin Monumental, CXXXVII (1979), p. 67. Cette note a été écrite en réponse à l’article écrit par Dodds en 1977. Thiébaut a mis en doute la comparaison par Dodds de Psalmodi, car il voyait les églises de Terrassa comme des exemples lointains et sans rapport. Il a, par contre, proposé que la juxtaposition des absides de Psalmodi avec celles de Vaison, de Valcabrère, et de Vénasque constituait une preuve d’une date tardive pour l’église A, comme ces trois comparaisons provençales sont largement datées au 11ème siècle. Il a cité les études de Deshoulières sur Valcabrère, Février sur Vénasque, et Rouquette sur Vaison. Voir F. Deshoulières, “ Valcabrère ”, Congrès archéologique de France, Toulouse, XCII (1929), p. 323-345; P.-A. Février, “ Vénasque ”, Congrès archéologique de France, Avignon et Comtat-Venaissin, CXXI (1963), p. 348_364. Pour une plus récente de Vaison, voir J.-M. Rouquette, Provence romane. La Provence rhodanienne (La-Pierre-qui-Vire, 1974), p. 139-154. Pour Vénasque, voir Guy Barruol, Provence romane 2. La haute Provence, p. 90-92. Pour une récente étude sur les églises de Terrassa, voir D. Ferran I Gómez and A. Moro I Garcia, “ Terrassa. El conjunt monumental de les esglésies de Sant Père ”, Museu Nacional d’Art de Catalunya, Catalunya a l’època carolingia. Art i cultura abans del romànic [segles IX X]. (Barcelona, 1999), 223-227 et 529-532.

 13.L’église cathédrale de Vaison, par exemple s’étend sur plus de 40 mètres en longueur, avec des collatéraux et sans transept saillant.

 14.La datation du 11ème siècle à l’église A ne comprend pas, par contre, l’église B. Voir ci-dessous.

 15.Je suis plus ou moins d’accord avec les arguments de Dodds sur les dates des églises A et B. Voir “ The Carolingian Abbey Church of Psalmodi : Formal History and Historical Context ” et “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ”. Pour Aniane, voir B. Uhde-Stahl, “ Ein unveröffentlicher Plan des mittelalterlichen Klosters Aniane ”, Zeitschrift für Kunstgeschichte, XLIII (1980), p. 1-10.

 16.En se basant sur les caractéristiques stylistiques des absides, Robert Saint-Jean restait sceptique quant à la comparaison par Dodds de l’église A de Psalmodi avec celle de l’église d’Aniane dont la restitution a été proposée par Uhde-Stalh, en notant que les absides d’Aniane n’étaient pas rectilignes à l’extérieur. Il doutait également de l’identification de l’église restituée à Aniane, avec celle de Benoît. Voir Saint-Jean, p. 418-419. Une fois l’article d’Uhde-Stahl traduit en français en 1989-1990, Marcel Durliat a indiqué que les spécialistes qui ont suivi ses arguments ont affirmé que l’église représentée sur le plan de 1656 pouvait relever effectivement d’une chronologie antérieure à celle acceptée. Durliat a également mis en doute la reconstruction de la façade est proposée par Uhde-Stahl. Voir M. Durliat, « Aniane et Saint-Guilhem-le-Désert dans Études sur l’Hérault » Bulletin monumental, CXLVIII (1990), p. 435. Pour la traduction de Uhde-Stahl en français, voir “ Un plan inédit du monastère médiéval d’Aniane ”, Études sur l’Hérault, n.s., 5-6 (1989-90), 45-49.

 17.J.-L. Bernard et L. Ollivier, “ Aniane (Hérault), découverte d’une église de l’abbaye 1991 ”, Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XXIV (1993), p. 149-155.

 18.Il y avait trois églises à Aniane. La première, Saint-Sauveur, fonctionnait très probablement comme église principale, la deuxième, Notre-Dame, et la troisième, l’église funéraire Saint-Jean-Baptiste. Bernard et Ollivier sont restés sceptiques quant à l’église découverte sous Saint-Sauveur datée de l’époque carolingienne en raison de la modestie de la structure fouillée, ce qu’ils trouvaient étonnant, car celle-ci ne possédait pas les dimensions caractéristiques de cette époque.
Ils ont également contesté la position d’Aniane et de Benoît dans l’histoire plus générale de l’architecture carolingienne, en se demandant, par exemple, si Aniane avait constitué nécessairement le prototype de l’église d’Inden, et si le centre de la réforme monachique a inévitablement été le seul point de départ pour une typologie architecturale. En conclusion, ces auteurs sont d’accord avec l’hypothèse de Richard Bavoillot-Laussade quant à l’église Saint-Sauveur qui se serait située plus au sud et pensent que l’édifice découvert est bien l’église carolingienne Notre-Dame. Bernard et Ollivier ne fournissent aucune référence et n’expliquent pas les arguments de R. Bavoillot-Laussade. Je n’ai jamais réussi à obtenir l’article de Bavoillot-Laussade, et je ne peux donc pas vérifier ses conclusions.
Dans un article de 1994 sur la reconstruction mauriste d’Aniane, Geneviève Durand a proposé que l’église représentée sur le plan de Plouvier ne soit pas Saint-Sauveur, mais l’église de Notre-Dame. Voir G. Durand, “ L’abbaye d’Aniane en Languedoc. Des Mauristes à l’établissement pénitentiaire ”, Archéologie du Midi médiéval, XII (1994), p. 151-154.
G. Durand mentionne un travail que je n’ai pas pu consulter, mais dont l’auteur, Laurent Schneider, accepte l’identification de l’église comme celle de Notre-Dame. Voir L. Schneider, “ Monastères, villages et peuplement en Languedoc central : les exemples d’Aniane et de Gellone (VIIIe-XIIe siècle) ” (Dissertation, Université d’Aix-en-Provence, 1996).
Walter Kettemann, dans son étude des textes relatifs à Benoît et Aniane, conclut que l’église restituée par Uhde-Stahl doit ètre Notre-Dame et non Saint-Sauveur. Il affirme qu’une mauvaise compréhension par ces auteurs d’une partie du texte des chapitres 17 et 18 de la Vie de Benoît par Ardon a eu pour résultat une interprétation erronée de l’architecture d’Aniane et de sa signification. Ses arguments suivent ceux de Werner Jacobsen qui, en acceptant la restitution d’Uhde-Stahl, a proposé l’hypothèse d’un ensemble d’églises lié directement à Benoît suivant la typologie de l’église d’Aniane. A propos de cette théorie, Kettemann soutient que Saint-Sauveur n’a pas pu présenter des dimensions réduites, car Ardon utilise le mot praegrandis pour décrire l’église principale d’Aniane.
Par contre, cette église aurait dû ètre immense, proche des églises du nord comme Saint-Riquier et Fulda. Il maintient d’ailleurs que le rôle d’Aniane comme modèle d’architecture monastique n’était pas une question d’adaptation simple des plans d’églises. Voir W. Kettemann, “ Subsidia anianensia. Uberlieferungs-und textgeschichtliche Untersuchungen zur Geschichte Witiza-Benedicts, seines Klosters Aniane und zur so genannte ‘ anianischen Reform ‘ ” (Dissertation, Gerhard-Mercator-Universität-Gesamthochschule Duisburg, 2000), p. 47-48.

 19.Bernard, “ D’Aniane à Brantôme. À propos de plans conserves aux Archives nationales ”, Études héraultaises, 28-29 (1997-1998), p. 67-69 et p. 76-77. Bernard cite l’article ambigu de Bavoillot-Laussaude. Voir R. Bavoillot-Laussade, “ Contribution aux recherches sur l’ancienne abbaye d’Aniane avant les Guerres de Religion ”, Histoire et Archéologie (1991-1992).

 20.Je propose, en l’état actuel des connaissances, que l’église fouillée à Psalmodi sous la structure gothique soit effectivement l’église principale de l’époque carolingienne. Psalmodi possédait également une église funéraire et auxiliaire dédiée à Notre-Dame, qu’on pense avoir été située au sud des églises fouillées.

 21.Dodds, “ The Carolingian Church at Psalmodi ”, p.15; et “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ”, p. 26.

 22.Pour Vaugines, voir G. Barruol, Provence romane 2. La Haute-Provence (La-Pierre-qui-Vire, 1977), p. 90.

 23.Dodds, “The Carolingian Abbey Church of Psalmodi,” p. 13.

 24.Voir Bonnery, p. 29-53. Selon cet auteur, ces églises, datées du 8ème au 10ème siècle, relèvent d’une typologie « selon l’esprit de Saint-Benoît d’Aniane ».

 25.Pour Inden, voir H. Kubach et A. Verbeek, Romanische Baukunst an Rhein und Maas. Katalog der vorromanischen und romanischen Denkmäler (Berlin, 1976), I, p. 634-638.

 26.Heitz, L’architecture religieuse carolingienne. Les formes et leurs fonctions (Paris, 1980), p.131-137.

 27.Heitz garde une notion idéalisée de l’impact stylistique d’Inden, qui fait penser aux arguments de Bonnery selon lesquels cette architecture est conçue « selon l’esprit de Saint Benoît d’Aniane ». Ses arguments sont complétés par la thèse plus concrète de Werner Jacobsen qui analyse les réformes monastiques et architecturales du début du 9ème siècle. Jacobsen propose que Louis le Pieux, écrasé par l’héritage de son père Charlemagne, ait invité un étranger du nom de Benoît, venue de Septimanie, afin de reformer la hiérarchie établie.
Suivant le jeu classique des oppositions, Jacobsen a noté une rupture au niveau de l’architecture, transformant des églises grandioses et de structures traditionnelles, comme Aachen, Mainz, Centula et Fulda, en églises monastiques plus simples, construites pendant le règne de Louis le Pieux et selon l’influence de Benoît d’Aniane. Ces églises, par contre, n’ont subi aucune influence de l’Antiquité classique. Voir W. Jacobsen, “ Benedikt von Aniane und die Architektur unter Ludwig dem Frommen zwischen 814 und 830 ”, Riforma religiosa e arti nell’epoca carolingia. Atti del XXIV Congresso Internazionale di Storia dell’Arte (1979), p. 15–23 ; “ Allgemeine Tendenzen im Kirchenbau unter Ludwig dem Frommen ”, Charlemagne’s Heir : New Perspectives on the Reign of Louis the Pious (814-840), ed. P. Goodman and R. Collins (Oxford, 1990), p. 640-654. Voir aussi ses “ Nouvelles recherches sur le Plan de Saint-Gall ”, Le rayonnement spirituel et culturel de l’abbaye de Saint-Gall, ed. C. Heitz, W. Vogler, and F. Heber-Suffrin (Paris, 2000), p. 11-17. Bonnery a cité l’article de Jacobsen de 1979 mais il n’a pas discuté les théories de ce dernier. Voir Bonnery, “ Églises abbatiales carolingiennes ”, p. 50, note 86.

 28.La reconstitution d’Aniane par Uhde-Stahl et les théories de Jacobsen sur les structures de réforme influencées par Aniane ont eu des conséquences pour les études menées ensuite par Heitz. Voir Heitz, “ Saint Benoît d’Aniane réformateur, bâtisseur ”, Études sur l’Hérault, n.s., 5-6 (1989-90), p. 35-44. Heitz a soutenu la reconstruction de Saint-Sauveur proposée par Uhde-Stahl, et a considéré l’influence d’Aniane sur l’architecture carolingienne dans les caractéristiques de « simplicité, clarté, intimité monastique, refus donc du monumental au profit d’un cadre plus raisonnablement humain » (p. 36). En définissant la notion d’un type architectural propre à la Septimanie et à la Marche d’Espagne, Heitz a proposé Psalmodi comme exemple (p. 36 et note 19).

 29.Jacobsen n’a pas intégré Psalmodi dans sa typologique qui trouve son départ à Aniane. Pourtant, les liens entre l’église A d’Aniane, et aussi l’église de 814-815 de Marmoutier, sont frappants. Jacobsen a cité en passant Psalmodi dans son index des églises à nefs tronquées. Il a cité les études de Dodds mais n’a pas proposé de date définitive pour l’église, en disant qu’il n’y avait aucune preuve certaine pour avancer une date pendant la période carolingienne. Il a d’ailleurs affirmé que les vestiges auraient pu ètre datés du retour des moines en 1004. Voir W. Jacobsen, Der Klosterplan von St. Gallen und die Karolingische Architektur : Entwicklung und Wandel von Form und Bedeutung im fränkischen Kirchenbau zwischen 751-840 (Berlin, 1992), p. 287-289. Certes, l’intérèt principal de Jacobsen n’était pas l’architecture septimanienne. La discussion autour de la diffusion du modèle d’Aniane considère pourtant l’énigmatique église d’Argelliers comme un exemple local du type de Septimanie pendant les années qui ont suivi la construction d’Aniane. Voir Jacobsen “ Allgemeine Tendenzen im Kirchenbau unter Ludwig dem Frommen ”, p. 646 ; et “ Nouvelles recherches sur le Plan de Saint-Gall ”, p. 16-17.
Jacobsen s’est servi de la datation des ruines d’Argelliers proposée par Marcel Durliat. Voir M. Durliat, “ Une construction de l’époque de Saint Benoît d’Aniane à Argelliers (Hérault) ”, Revue archéologique de Narbonnaise. I (1968), p. 233-247.
Bien que Durliat avance un argument stylistique pour dater cette église de l’époque carolingienne, on considère actuellement qu’elle été construite à la période paléochrétienne.

 30.“ Anno Domini DCCLXII, Corbilla presbiter in Psalmodio monasterium edificat secundum regulam S. Benedicti”. Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves, N°. 7, 27.
La Chronique d’Uzès présente des problèmes de chronologie, en particulier pour les dates données pour la fondation d’Aniane et de Psalmodi. Devic et Vaissette discutent les analyses de Ménard, qui avait daté la chronique du 13ème siècle dans une publication de 1760 publiée par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Ce dernier avait également proposé que les dates d’Aniane et de Psalmodi soient corrigées en 782 et 783 respectivement. Bien que Devic et Vaissette aient accepté ces changements de datation, ils ont également noté que le texte, selon Delisle, remonte en effet au 14ème siècle. Voir Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves, 7, note 1, p.23-24. Pour Ménard voir aussi : Dodds, “ the Carolingian Abbey Church of Psalmodi ”, p. 16, note 26.

 31.Dodds, “ The Carolingian Abbey Church of Psalmodi ”, p. 15 et “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ”, p. 26-27. Durliat considère aussi la Chronique d’Uzès comme la preuve de la première date concernant Psalmodi. Voir ci-dessus, note 10.
La note pour Aniane est la suivante : “ Anno Domini DCCLV [Pour Ménard il s’agit de 782, voir ci-dessus, note 30]. Eodem anno, Benedictus abbas, in loco, qui dicitur Anianum monasterium hedificat secundum regulam S. Benedicti, ad cujus exemplum per totam Gothiam monasteria construuntur ”. Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves, n° 7, 27.

 32.“ Anno Domini DCCLXII, Corbilla presbiter in Psalmodio monasterium edificat secundum regulam S. Benedicti”. Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves, N°. 7, p. 27. Devic et Vaissette ont souligné les rapports entre le Chronique d’Uzès et le Chronique d’Aniane. Voir Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, II, Preuves, No. 7, note 1, p. 23-24.
La note de 782 sur la fondation d’Aniane dans la Chronique d’Uzès est à mettre en parallèle avec celle de 782 dans la Chronique d’Aniane, sauf que dans cette dernière, Benoît est identifié sous son nom laïc. Cette dernière chronique décrite aussi l’agglomération carolingienne d’Aniane, en signalant qu’il existait une communauté de 300 moines ; elle est citée comme une ville “ d’après laquelle tous les monastères en Gothie et Aquitaine ont été construits ”. Le texte en latin est : “ Anno 782, anno 14 Caroli reges Benedictus abbas, qui vocatur Vitiche, in loco qui dicitur Anianum ex praecepto supradicte Regis Caroli monasterium aedificavit, in quo postea trecentos sub regimine suo monachos habuit, et per ipsius exemplum per totam Gothian et Aquitaniam monasteria construuntur ”. Voir Migne, PL, XCVIII, 1420, et Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, I, Preuves, Chroniques I, 9 et 18.

 33.Kettemann, p. 516, note 8. Le passage, en état fragmentaire, porte « In isto anno cabila psalmodio insula monasterium hedif […] secundum regu […] dicti. vixitque […] XXIII… ». Voir Ketteman, 512, numéro 11. En fin de compte, Kettemann considère la Chronique d’Uzès comme un texte indépendant des chroniques de Moissac et Aniane, mais considère que les deux textes proviennent d’une source carolingienne antérieure, maintenant perdue.

 34.Je remercie Brooks Stoddard pour sa grande générosité et son amabilité à l’occasion de toutes nos conversations sur Psalmodi. Il est clair que la façade ouest mérite davantage de recherche, et j’espère pouvoir examiner ultérieurement ce problème en détail.

 35.Pour un résumé de cette historiographie, voir Jean-Claude Richard, “ Introduction. État des questions. L’abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert et les bâtiments monastiques ”, Saint-Guilhem-le-Désert au Moyen Âge. Nouvelles contributions à la connaissance de l’abbaye de Gellone, (Millau, 1996), p. 11-13.

 36.Richard Bavoillot-Laussade, “ Les développements architecturaux de l’abbaye de Gellone ”, Saint-Guilhem-le-Désert au Moyen Âge, p. 23-93. Voir aussi Bavoillot-Laussade, “ Les avatars du corps de Guilhem et le culte du fondateur de Gellone ” Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XXIX (1998), p. 189-217.

 37.Bavoillot-Laussade relie Gellone I à l’architecture asturienne. Voir “ Les développements architecturaux de l’abbaye de Gellone ”, p. 32-33.

 38.Amy Remensnyder, Remembering Kings Past Remembering Kings Past: Monastic Foundation Legends in Medieval Southern France (Ithaca, NY), 1995.

 39.Pour une histoire de la région, voir A. R. Lewis, The Development of Southern French and Catalan Society, 718-1050 (Austin, 1965). Voir aussi les remarques précises de A. Remensnyder dans Remembering Kings Past, p. 9-11.

 40.MGH, Die Urkunden der Karolinger, I, Die Urkunden Pippins, Karlmanns und Karls des Grossen, E. Mühlbacher (Munich, 1906 ; réimpression 1979), n°. 303, p. 455-456. Mühlbacher et ses collaborateurs ont considéré ce document comme une contrefaçon médiévale, en affirmant que la date impériale de la charte n’était pas acceptable pour en faire un document du règne de Charlemagne. Ils l’ont attribué au 11ème ou 12ème siècle. A. Remensnyder a suivi les arguments de Mühlbacher. Voir A. Remensnyder, Remembering Kings Past, 48-49. É. Magnou-Nortier a aussi considéré le comme un faux. Voir É. Magnou-Nortier, La société laïque et l’église dans la province ecclésiastique de Narbonne (zone cispyrénéenne) de la fin du VIIIe à la fin du XIe siècle (Toulouse, 1974), p. 97. Di Pietro et G. Rivals ont aussi mis en doute l’authenticité du document et la validité de son contenu. Voir F. Em. Di Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes (Paris, 1849), p. 17-20, et G. Rivals, “ Psalmodi ”, Cahiers d’histoire et d’archéologie, VII (1937), p. 294-296.
Devic et Vaissette, par contre, et bien qu’ils n’aient pas reproduit le document, semblent avoir accepté la charte comme authentique, en disant simplement que Charlemagne a offert Saint-Saturnin-de Nodels et la tour de Matafère à Psalmodi. Voir Devic et Vaissette, Histoire générale de Languedoc, I, p. 393. Goiffon l’a aussi considéré comme un document authentique. Voir Goiffon, “ Psalmodi ”, p. 7.
W. Kettemann, dans ses hypothèses sur Corbilla et Psalmodi, constate qu’une certaine authenticité pourrait ètre accordée à ce texte grâce au document récemment découvert. Voir Kettemann, p. 516, note 8.
La charte, souvent citée mais très peu reproduite, joue un rôle assez déroutant dans les conclusions des fouilles de Psalmodi, Alan Borg, dans un premier article, l’utilise pour sa datation de la fondation de l’église, bien qu’il indique aussi qu’elle a été considérée comme une contrefaçon par Augustin Fliche. Voir A. Borg, “ Psalmodi ”, Gesta, X (1971), p. 64 et note 4.
Dodds a soutenu dans ses articles de 1977 et 1986 que les dons de Charlemagne constituaient la preuve de donations à Psalmodi au 8ème siècle, mais elle a reconnu en 1989 que cette source avait peut-ètre été modifiée au 12ème siècle. Voir Dodds, “ Carolingian Architecture in Southern France ”, p. 26 ; “ The Carolingian Abbey Church of Psalmodi ”, p. 14 ; et “ L’ancienne abbaye de Psalmodi ” p. 25 et note 23.

 41.Remensnyder, Remembering Kings Past, p. 49.

 42.Dodds, “The Carolingian Abbey Church of Psalmodi,” p. 15.

 43.Pour Saint-Genis-des-Fontaines, voir M. Durliat, Roussillon roman (La-Pierre-qui-Vire, 1958), p.77-78 ; et G. Gaillard, “ Saint-Genis-des-Fontaines ”, Congrès archéologique de France, Le Roussillon, CXII (1954), p. 199-207.

 44.Pour Saint-André-de-Sorède, voir Durliat, Roussillon roman, p. 79-80 ; et G. Gaillard, “ Saint-André-de-Sorède ”, Congrès archéologique de France, Le Roussillon, CXII (1954), p. 208-215.