Catégorie : Étiquette :

Description

Sociologie d’un quartier de Montpellier au XVe siècle : le quartier Sainte-Anne

Le quartier Sainte-Anne à Montpellier, c’est aujourd’hui un ensemble aux limites assez floues, tout autour de l’Église Sainte Anne. Au XVe siècle, c’est un espace précis « Le Seten Sta Anna », c’est-à-dire le septain Sainte Anne, car la partie de la ville située à l’intérieur de la « Commune Clôture » (le cœur de ville aujourd’hui) est divisée en sept paroisses qui servent par ailleurs de base pour l’établissement des déclarations en vue de l’impôt. Ce quartier est alors délimité par l’enceinte à l’Ouest (aujourd’hui le boulevard Ledru-Rollin), la rue del Peyrou et la rue del Petit Scel au Nord (aujourd’hui successivement : le haut de l’Avenue Foch, la Rue Eugène-Lisbonne, la Rue du Petit-Scel) la rue Draparia, au Nord-Est (aujourd’hui Rue Saint-Firmin) et la rue San Guillem, au Sud-Est (id. auj.)

Le quartier Sainte-Anne n’a été que très peu touché par les travaux d’urbanisme qui ont eu lieu depuis lors ; seuls le percement de l’Avenue Foch (« Rue Nationale » au XIXe) et la suppression de la courbe que faisait alors la rue Saint-Guilhem dans sa partie haute ont amputé deux îlots du quartier. Partout ailleurs, le plan est resté identique, et même quelques rues ont gardé leur nom d’origine (rue Valfère, rue Terral…) Il n’en est pas de même en revanche, pour les maisons, même s’il existe quelques vestiges de façades ici ou là (au n° 2 de la rue Terral, Claire voie).

Pour étudier la vie économique et la société du quartier nous avons utilisé comme sources, les compoix. Les compoix (du latin « compensus » peser avec, en même temps comparer) sont des registres contenant les déclarations des biens des propriétaires et leur estimation (manifests). A date fixe, sur ordre des consuls, les « caps d’hostal » « chef de maison » vont à la maison consulaire (hôtel de ville) faire leurs déclarations qui sont répertoriées dans les compoix du quartier où ils habitent. Après avoir été consignés, les biens sont estimés et allivrés, c’est-à-dire qu’on définit leur valeur imposable en livre cadastrale (lieura) et sous-multiples, le sou (sol) et le denier (11 = 20 s, 1 s = 12 d). Toutes ces opérations durent un an environ, mais il n’y a pas de périodicité dans l’élaboration des compoix. Chacun subit des mises à jour (annotations, corrections) jusqu’à ce qu’il ne soit plus utilisable, on le refait alors. Ainsi pour le septain Sainte-Anne au XVe siècle nous possédons les compoix de 1416 (le 1er du septain), de 1435 et de 1449 ; Les Compoix sont donc des documents fiscaux servant à la répartition de l’impôt un impôt direct et proportionnel à la fortune ; la taille « au sol et à la livre », taille réelle et non plus personnelle. Au XVe siècle les compoix sont la base, non seulement de l’assiette des tailles communales, mais aussi, et c’est récent (1404), de la répartition de la taille royale entre les diocèses du Languedoc et entre les diverses communautés du diocèse. En tant que documents fiscaux, les compoix n’échappent pas au problème de la fraude, que ce soit celle des déclarants ou celle des estimateurs désireux d’abaisser la quête part de la ville dans l’assiette diocésaine de l’impôt ; l’estimation des biens en livre cadastrale, sans équivalence réelle, ne permet que des comparaisons ; par ailleurs, nous avons repéré en 1449 un réajustement de l’estimation abaissant les côtes d’allivrement pour la majorité des biens et diminuant ainsi la pression fiscale ceci se répercute en aval sur les fortunes et nous en avons tenu compte. Enfin, les compoix ne font apparaître que les déclarants et non tous les habitants du quartier.

Les compoix donnent beaucoup de renseignements sur les biens eux-mêmes (leur nature, leur valeur, leur localisation) ce qui permet de connaître l’occupation du sol à Montpellier au XVe siècle. La ville intra-muros semble se composer d’une large majorité de bâtiments (entre 80 et 90 %) mais aussi d’une part non négligeable de cultures (entre 10 et 17 %) ; dans les faubourgs cette proportion est de 50/50 au début du siècle, puis de 10/90 en 1449, signe de l’insécurité ambiante qui fait que l’on a préféré se réfugier à l’abri de l’enceinte principale. Cette occupation de l’espace semble conforme à l’image de la ville pré-industrielle qui n’est pas uniquement urbaine puisqu’elle accueille dans ses murs de véritables « morceaux de campagne », et non des espaces verts sans caractère rural.

Les déclarants sont des cap d’hostal littéralement des « chefs de maison, de maisonnée », c’est-à-dire, les représentants d’une communauté essentiellement familiale, dont le volume peut varier. La majorité des déclarants sont des individus (entre 90 et 95 %). Parmi eux, la majorité sont des hommes (entre 85 et 95 %). Les femmes n’apparaissent que lorsqu’elles sont veuves ou célibataires. Elles ne sont pas des caps d’hostal « normaux », elles ne le sont que lorsque le représentant masculin (père, mari, tuteur…) fait défaut. Une minorité de déclarants est constituée par des groupes de personnes, le plus souvent des personnes de la même famille, groupes d’héritiers, enfants, sœurs, frères, couple, père et enfants, frère et sœur, oncle et nièce, gendre et beau-père, mère et fils, etc. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

5

Auteur(s)

Marie-Hélène PRIEUR

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf