Punk, Métal… Rockers extrêmes en Languedoc

* Diplômée d’Ethnologie, musicienne

[ Texte intégral ]

En 2016, le Centre d’études supérieures de la Renaissance (Université François Rabelais de Tours) lance le projet de recherches PIND : Punk Is Not Dead, consacré à l’histoire de la scène punk en France de 1976 à 2016. Ce projet donne lieu à l’organisation de 2 colloques parisiens en juin et novembre 2016 à la Goutte d’Or et à la Cité de la Musique sur le thème : « la scène punk en France, 40 ans d’histoire (1976-2016) ». En 2013, une exposition itinérante retraçant l’histoire visuelle du mouvement punk, « Europunk », parcourt l’Europe (Rome, Genève, Paris). En mars 2016, sort le film de Lucile Chaufour East Punk Memories sur le mouvement punk en Europe de l’Est.

Un peu partout, le concept de Do It Yourself1 ressurgit aussi bien dans les clubs underground que dans les pages de magazines féminins. On se souvient également du scandale lié à l’intervention des Pussy Riot dans une église orthodoxe de Russie suivie de leur arrestation en 2012. En 2010, Shaun Jefford signe un documentaire sur le punk rock chinois en période de Jeux Olympiques : Beijing Punk. Sam Dunn réalise également une série de documentaires sur la musique metal, entre 2005 et 2014. En France, à Clisson, c’est le Hell Fest avec son audience de 150 000 personnes sur 3 jours de festival, qui crée la polémique régulièrement depuis 15 ans, avec les nombreuses attaques de ses détracteurs : l’archevêque de Nantes, Philippe de Villiers ou Christine Boutin (présidente du Parti Démocrate-Chrétien), qui considèrent ce festival comme un rassemblement « sataniste ». D’autres festivals de musique rock extrême éclosent ou perdurent depuis longtemps à travers l’Europe (le Wacken festival en Allemagne existe depuis 1990 et accueille en moyenne 80 000 personnes chaque année). A travers le monde, par bribes ou brefs éclats, les punks montrent le bout de leur crête, les hard-rockers ponctuent les faits divers, et il semble que la culture du rock extrême née dans les années 70 perdure depuis lors. De ce fait, elle pique l’intérêt des anthropologues, musicologues et autres chercheurs. Cet article vient s’intéresser à ce mouvement dans son ensemble, mais surtout à sa déclinaison en région. Qu’en est-il de cette « culture de la mort » 2 ? Sous quelle(s) forme(s) a-t-elle évolué ? Comment est-elle représentée dans notre région ? Qui sont les rockers locaux ? De quoi se compose l’underground héraultais ?

Le point de vue que je poserai sur cet état des lieux est à la fois ethnologique du fait de ma formation universitaire, mais c’est aussi celui d’une musicienne sur d’autres musiciens, et d’un milieu artistique que je pratique (le jazz et le théâtre) sur un milieu musical que je découvre (le metal et le punk).

Au cours des 20 dernières années, j’ai côtoyé de nombreux musiciens, comédiens et artistes de la région. Ayant démarré ma carrière artistique par la musique, je me suis orientée plus tard vers les arts de la rue et le théâtre, alors à la recherche de « collectifs », d’une vie de troupe qui faisait défaut chez les musiciens que je connaissais. A la recherche aussi de relations artistiques durables et de projets ambitieux, dépassant les frontières nationales. La plupart des groupes auxquels je participai jusque-là n’avaient qu’une durée de vie limitée et un champ d’action très local. Seuls les quelques groupes jouissant d’une belle notoriété pouvaient prétendre à de longues tournées.

Dans le théâtre et les arts de la rue, les choses semblaient plus simples : des artistes mieux préparés à mettre les mains dans le cambouis en cas de besoin sur la route, et des réseaux plus solidaires. La notion de collectif était plus courante. Les tournées internationales devenaient possibles. Les compagnies semblaient plus durables.

Ce constat et cette vision ségrégative des disciplines artistiques se sont atténués lorsque je rencontrai les membres d’Anticlockwise, groupe de punk-rock montpelliérain. Ils rentraient d’une tournée de 2 mois à travers l’Europe. Tout avait été autofinancé. Le groupe avait parcouru de nombreuses villes et joué aussi bien dans des bars locaux que de grandes salles de concert ou des lieux autogérés et des squats en Allemagne, Hongrie, Belgique, Suisse… Le public était au rendez-vous. Leur prochaine tournée devait avoir lieu au Québec. Les années précédentes, ils étaient partis jouer en Chine et au Mexique pour des tournées d’un ou deux mois à chaque fois. Parmi les membres du groupe, certains se sont associés avec une dizaine d’amis pour ouvrir un lieu de concert dédié au rock alternatif sur la commune du Crès. Le Kjbi, petit local associatif propose un ou deux concerts par semaine, et se transforme en salle de répétition le reste du temps. Les flyers du printemps 2017 annoncent des groupes locaux, mais aussi 2 groupes du Canada, un groupe de Moscou, un autre du Brésil et enfin un finlandais. (Fig. 1)

Soir de concert dans la salle du Kjbi
Fig. 1 - Soir de concert dans la salle du Kjbi. (collection privée Benji)

Je constatai alors que loin de l’industrie de la musique et des circuits subventionnés, des groupes locaux avaient bel et bien réussi à faire vivre leur musique à un niveau international de manière efficace et collective. La méthode « rock n’ roll » méritait selon moi d’être observée.

Cet article ne prétend pas entrer en profondeur ni s’inscrire dans les grands débats de l’anthropologie des musiques populaires, tels que les questions sur les genres ou les styles musicaux, leur porosité et leur métissage, leur économie… mais s’appuiera sur ces thématiques pour faire un état des lieux d’une réalité locale.

Il s’agit donc d’un article ethnographique basé sur plusieurs éléments d’enquête :

  • une observation participante effectuée dans les principaux lieux de diffusion des musiques du rock alternatif dans le département de l’Hérault, de Montpellier à Béziers et plus en arrière vers Pézenas et les Hauts-Cantons.
  • des entretiens semi-directifs ou informels avec quelques représentants de cette culture :
  • Jean-Michel Poisson, dit Spi, chanteur et harmoniciste de plusieurs groupes, dont OTH, Les Naufragés, La Gaudriole
  • Les membres du Kjbi (et des groupes Anticlockwise, Kamizol, All Borders Kill),
  • François Pinchon, dit Fyfy, directeur de la TAF 3, lieu principal de diffusion du rock extrême en région,
  • Mumu et RatBoy, musiciens dans plusieurs groupes locaux : Tados, Solidagités, La Bande à Kaader, La Meute, et organisateurs de la « Fuck Féria » de Béziers pendant plus de 10 ans,
  • Les membres du groupe de punk ska occitan Goulamas’K, installés à Puisserguier,
  • Une bibliographie et une collecte de documents variés (iconographie, sites webs, fanzines…).

Genres et sous-genres

Mon enquête commence donc au Kjbi, sur la commune du Crès, lors d’une soirée concert où quatre groupes sont à l’affiche. La soirée tournera autour de groupes « street punk », « fast hardcore », « oi » et « metal ». La musique est l’élément fédérateur de ce lieu, mais je peine à définir les contours du genre. Les appellations fleurissent sur les flyers et d’une soirée à l’autre, les groupes sont présentés avec leur nom suivi du genre musical qu’ils pratiquent et de leur ville ou leur pays d’origine. Quand j’interroge quelques-uns des 12 membres de l’association qui gèrent le lieu sur l’appellation que l’on pourrait donner à la culture qu’ils promeuvent ici, plusieurs réponses tombent :

« punk », « rock », « rock alternatif », « DIY* », « underground », « rock extrême ». Difficile de se mettre d’accord sur les termes, d’autant que chacun est connoté différemment. Le terme « punk » englobe une philosophie, une histoire, des courants politiques plus explicites que le terme « alternatif » qui s’oppose de manière plus générique au courant dominant du « grand capital » et de la culture mainstream. Le « DIY » est avant tout un mode de fonctionnement, un terme plus pragmatique prônant l’action. Quant au « rock extrême », il ne qualifie que la musique dans sa globalité, sans idéologie sous-jacente. Et en effet, il ne s’agit pas de programmer un seul style de musique, mais une grande famille musicale divisée en de nombreux sous-genres. Rien que la programmation du printemps propose de nombreux concerts aux appellations variées : Baseball Punk, Stoner, Doom, Thrash, Black Metal, Ska…

J’ai tenté de dresser une liste aussi large que possible des sous genres représentés dans cette grande famille que je nommerai « rock extrême », et d’en comprendre les aspérités.

Comme le décrit Sam Dunn dans son documentaire Metal, voyage au cœur de la bête (2006), le rock extrême nait en 1986 et s’inspire du rock des années 70 et des groupes tels que Deep Purple, Led Zeppelin, MC5, Jimi Hendrix, Black Sabbath. Trois grands sous-ensembles peuvent être repérés : le metal, le punk et le hardcore.

  • Le Metal : issu des premiers groupes de Hardrock des années 70, ce rock se durcit encore par la suite et rassemble les notions de puissance, de transgression et de virtuosité. Les groupes de metal s’inspirent également du blues de l’Amérique sudiste et de la musique classique sombre que l’on peut trouver chez Wagner ou Beethoven en cherchant un son amplifié et distordu, plus rapide et plus violent, une énergie pure.
  • Le Punk, né en 1976 en Grande-Bretagne et aux USA, continue d’exister autour d’une musique minimaliste (voire simpliste), énergique et engagée.
  • Le Hardcore, la « ligne dure », né aux USA plus récemment (milieu des années 80), se répand de plus en plus et devient aujourd’hui le courant dominant de la mouvance rock extrême. On retient ici avant tout l’idée de puissance et de haute qualité du son.

Chaque genre se décline en sous-genres par l’addition d’adjectifs qui viennent donner une couleur supplémentaire au genre qu’ils qualifient. Ainsi, le metal se décline en Death metal, Black metal, Thrash metal, Heavy metal, Doom metal, Power metal, Glam metal, metal progressif, Industrial metal, Stoner metal, Goth metal, Nu metal…

Le punk peut devenir Street punk, Metal punk, Garage punk, Cold punk, Punk musette. Se classent aussi dans cette catégorie, le Oi, le Ska, le Crust qui lui-même peut se décliner en Death crust ou Dark crust.

Idem pour le Hardcore qui devient parfois Deathcore, Metalcore, Thrashcore, Skatecore, Post Hardcore, Grindcore.

Il existe également d’autres genres que je n’ai pas réussi à classer : le Sludge, le Surf, le Noise, l’Emo, le Grunge, le Rockabilly, le Psycho, le Straight age.

Lorsque je cherche des explications auprès des membres du Kjbi, certains bottent en touche, se perdant eux-mêmes un peu dans toutes ces appellations. Ils me renvoient vers les plus éclairés qui me donnent quelques explications :

  • « Le Crust, c’est le hardcore des squats », ce qui signifie un hardcore bricolé, de moins bonne facture.
  • « Le Black n’crust, par exemple, c’est du black metal avec une mentalité punk, une disto sur la basse, le chant à fond et un code vestimentaire uniquement composé de noir ».
  • « Le Punk ou le Oi signifient qu’on a une batterie sur 4 temps, des paroles revendicatives et un look punk : T-shirt déchiré, crête ».
  • « Le Thrash est un heavy metal plus rapide, la musique est plus violente, comme le Grind, avec une batterie à fond et très rapide. »
  • « Le Dark metal rassemble des rockers habillés en noir, à tendance sataniste (du moins dans les paroles) ».
  • « Le Rockabilly évoque un retour nostalgique aux premières années du rock, mais plus musclé. Idem pour le Psycho ou le Surf. Les fans s’habillent avec des vieux jeans et des Creepers (chaussures à semelles compensées). »
  • « Le Noise, le post punk ou le rock indus métissent le rock et la musique électronique. Les rythmes peuvent être plus variés. »
  • « Le Sludge, c’est un peu comme le doom, c’est du metal lent, avec un gros son, une grosse basse et une musique un peu hypnotique. Mais le doom alterne avec du grind. Le stoner se classe aussi dans cette mouvance. »
  • « Le Straight age concerne plus le mode de vie des gens que leur musique à proprement parler, même s’ils font du hardcore en général. Il s’agit de s’inscrire dans une démarche éthique radicale de vie saine : nourriture vegan, pas d’alcool, de drogue ou de cigarettes. »

Impossible de classer la musique en fonction des groupes reconnus, puisque la plupart d’entre eux se sont baladés dans les sous-genres d’un album à l’autre. Et d’ailleurs certains groupes jouent avec les appellations : le Kjbi accueille en mai 2017 le groupe Brewed in Belgium originaire de Belgique et qui annonce jouer du « Beercore » (rythme de la bière), clin d’œil à leur origine et au nom du groupe.

La question des genres a largement été étudiée par de nombreux chercheurs. Certains relèvent d’autres classifications que celle donnée ci-dessus. Stacy Thompson 4 parle des différentes « scènes » dans sa classification du rock extrême dans l’histoire, telles que la scène newyorkaise (1974-1976), la scène anglaise (1976­1978), la scène Hardcore californienne (1978-1982), la scène Hardcore de Washington DC (1979-1985), la scène Hardcore de New York (1986-1989), la scène Riot Grrrl (depuis 1991), la scène pop-punk de Berkeley (1990­1995).

Pour John Encarnacao 5, « les genres eux-mêmes sont des constructions pratiques, mais se sont toujours heurtés aux frontières. Chaque étiquette générique cherche à définir des orthodoxies d’authenticité comme marqueurs de style musical. Funk, hip hop, Rebeticos, le tri – quelle que soit l’étiquette utilisée – implique un prototype d’expression musicale et une référence d’artistes et d’œuvres classiques. »

Très souvent cette référence se trouve dans un album. Les termes sont inventés par un groupe à un moment donné et définit le son propre à l’un de leurs disques. En découlent de nombreux dérivés, copies, versions édulcorées, reprises et groupes qui réutilisent le style en question les années suivantes.

Quand je pose la question de l’utilité des genres aux personnes que je rencontre, je m’aperçois de la difficulté pour nombre d’entre elles de se repérer dans cette nébuleuse : Spi avoue méconnaître toutes ces classifications et s’être plus intéressé aux frontières extérieures du genre, et au métissage des musiques (chants de marins et musique bretonne mêlés au rock des Naufragés, musique traditionnelle occitane dans La Gaudriole…). Ce cas est, malgré son succès, assez marginal. Peut-être d’ailleurs le succès viendrait-il de là…

Les Goulamas’K tirent également leur épingle du jeu en proposant un rock occitan, fusion de styles entre musiques traditionnelles locales et ska.

Fyfy, en tant que programmateur de la TAF regrette les « guerres de chapelles. Pour les puristes punk, on est trop commerciaux, pour les puristes du noise, on n’est pas assez noise… »

Au Kjbi, c’est Max, président de l’association qui est repéré (et reconnu pour cela par les autres membres de l’équipe) comme le plus à même de m’éclairer sur les sous-genres du rock extrême.

Comme l’écrit Silvia Martinez Garcia 6, « L’importance donnée à ces « classifications » par les musiciens et les amateurs ainsi que la véhémence avec laquelle ils en parlent – c’est notamment le cas des fans du heavy metal – nous amènent à penser qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple stratégie de classification marchande opportuniste, conditionnée par des nécessités stratégiques de distribution. De plus, il est fondamental de comprendre que les genres constituent un élément important dans l’appréhension et l’appropriation de la musique. Les genres permettent aux différents acteurs – musiciens, audience, médiateurs – un champ ouvert à la négociation. Par exemple, dans le cas des fans de heavy, la complexe taxinomie des sous-genres qui s’élabore autour du répertoire est souvent utilisée pour évaluer et démontrer le niveau de connaissance que chacun possède de la musique. (…) Il est même fréquent d’observer que les positions et les statuts des individus au sein d’un groupe varient en fonction de leur capacité à exposer des nuances érudites et de larges connaissances quantitatives sur les albums, les groupes, les producteurs… »

Elle ajoute également : « « l’étiquette » du genre et de son contenu est constamment l’objet de débats entre les amateurs, les musiciens, les maisons de disques et les critiques. Quels groupes, quels thèmes, quelles sonorités appartiennent alors au genre ? Ce débat est si vif que la phrase « ce n’est pas du heavy metal » par laquelle on exclut un groupe, un disque ou une chanson, est le commentaire le plus lapidaire qui puisse être formulé. »

Les nombreux groupes héraultais se retrouvent dans toute cette complexité de genres et sous-genres, et les appellations figurent sur le territoire local à l’image de ce que l’on peut trouver au niveau international. Cependant, on peut noter que l’empreinte du punk est majoritaire dans la région.

Il est impossible de faire une liste exhaustive des groupes de rock locaux de ces 20 dernières années, tant les petits groupes éphémères sont difficiles à repérer. Mais voici une liste des plus connus, des plus dynamiques en terme de diffusion, ou de ceux qui ont duré le plus longtemps. Lorsque ce n’est pas précisé, les groupes viennent de Montpellier ou alentours :

PUNK

Les Sheriff – Kamizol – Les molards – Anticlockwise –Gilbert et ses problèmes – Les sales majestés – Los Fastidios (oi) – Angry Sometimes – Solidagité (punk occitan, Béziers) – Vacarme (oi) – Les vieilles putes – Les ovules destroy – La bande à Kaader (Béziers) – Tados (occitan) – Mortal pinard (Clermont-l’Héraultt) – Out of school activities – Goulamas’k (ska occitan) – Kirkipete (punk musette) – Hippycore (St-Thibéry) – Bad Case – Rouge qui tache (punk musette) – Leptik ficus – Prohiber (punk) – Rachid et les ratons – Otaké – Tulaviok – Moshpig (grind) – Les pertes blanches – Jad.

METAL

How it works (Béziers) – Hegemon – Franckie IV fingers – Zoldier Noise (thrash) – Hypnose – Mud Weiser (Stoner) – Born to brass (fanfare metal, Sète) – Ciguë (indus) – Eyeless (neo metal, studio à Mireval) – Moshpit (indus) – öFö Am (Stoner) – Verdun (sludge) – Reptilicus (thrash).

ROCKABILLY

Reverend Knockers – Sonic Angels – Little green fairy – Atomic rotors – Les Vierges – Les Meteors.

AUTRES

Pay Day (noise) – Marvin (noise) – Feral (crust) – OTH (rock français) – Les Naufragés (rock français) – Les Boukakes (Rock oriental).

Comme le montre cette liste, la majorité des groupes locaux s’inscrit plus dans la mouvance punk que metal et les représentants du mouvement hardcore sont quasi inexistants. Montpellier a effectivement un passé plutôt punk, d’ailleurs reconnu à travers la France, contrairement à Besançon, par exemple, ville emblématique de la scène hardcore. Mais certains groupes sortent également du lot de par leur originalité de fusion, parmi lesquels plusieurs ont gagné une belle notoriété : OTH (rock Français), les Naufragés (Rock et chants de marins), les Boukakes (Rock oriental), les Shériffs. (Fig. 2)

Affiche d’OTH lors de la sortie de l’album Sur des charbons ardents, 1986
Fig. 2 - Affiche d’OTH lors de la sortie de l’album Sur des charbons ardents, 1986. (collection privée DIKENEK).

D’autres se remarquent par le métissage avec la tradition occitane. C’est le cas des Goulamas’K, de Tados, et de Solidagités. La Gaudriole a également métissé le rock aux musiques traditionnelles dansées. (Fig. 3 et 4)

Les Goulamas’K en concert au festival Convivencia 2015, en Arles
Fig. 3 - Les Goulamas’K en concert au festival Convivencia 2015, en Arles
(collection privée Goulamas’K).

La plupart des groupes précédemment cités s’inscrivent donc dans la mouvance punk et produisent une musique empreinte de cette esthétique particulière. Il s’agit bien entendu avant tout de guitares saturées, de batteries musclées avec la possibilité de la double-pédale sur la grosse caisse, de basses puissantes (voire distordues) et de voix criées.

Flyer d’un concert de Tados, Solidagité et La Bande à Kaader du 4 mars 2016, à Sedan
Fig. 4 - Flyer d’un concert de Tados, Solidagité et La Bande à Kaader du 4 mars 2016, à Sedan
(Collection privée Rat boy).

Look, style et visuel

Avant de revenir à la musique même, et à la définition de son esthétique commune, j’ai voulu observer plus attentivement l’esthétique visuelle du milieu du rock extrême : les styles vestimentaires, les visuels de diffusions (flyers, affiches, fanzines, pochettes d’album…). En effet, il s’agit de ce que l’on voit à la première approche des fans de rock, ou du premier contact avec les groupes de par leur communication graphique, en arrivant sur les lieux de concerts, dans les bacs des disquaires, ou sur les affiches en ville. La couleur essentielle est le noir. D’après Sam Dunn 7 et selon les recherches autour de la symbolique des couleurs telles que celles effectuées par Michel Pastoureau 8, il représente aussi bien le diable que la liberté, et le côté caché, underground. Le look des rockers se compose de jeans noirs, de cuir, de T-shirts des groupes qu’ils écoutent, de boutons chromés, de tatouages. Les crêtes punk sont plus rares qu’en 1977, mais se voient encore dans les festivals et les concerts importants pour lesquels les porteurs de crêtes ont investi plus de temps de préparation. D’autres ont le crâne rasé (style Hardcore). Les « metaleux » ont plutôt les cheveux longs. Benji du Kjbi me donne quelques explications supplémentaires : « les amateurs de punk et de Oi portent des T-shirt déchirés, des crêtes. Le code vestimentaire du crust, du metal (surtout du dark metal) est le noir. Les fans de psycho, rockabilly, surf mettent plutôt des vieux jeans et des creepers (chaussures à hautes semelles) ».

Beaucoup de visuels tournent autour de représentations de la mort : des mutilations de corps, des têtes de mort. Ce que l’on nomme à partir des années 70 le Shock Rock vient cataloguer tous les groupes définis par leur image publique et leur visuel et non plus par leur musique. Une nouvelle classification pour les groupes de rock extrême provient donc de leur communication visuelle. Dans cette perspective l’on trouve des groupes tels que Kiss, Wasp, Arthur Brown, Alice Cooper, Screemin Jay Hawkins, Marilyn Manson… Les têtes de mort, le maquillage et les costumes démoniaques se développent sur scène. Le groupe Canibal Corpse produit des pochettes d’albums qui font souvent polémique et les obligent à apposer le logo « parental advisory explicit content » sur leur jaquette. Le groupe Anticlockwise dessine lui-même ses pochettes (le guitariste est également tatoueur). (Fig. 5)

Pochette de l’album Out Of Time du groupe Anticlockwise
Fig. 5 - Pochette de l’album Out Of Time du groupe Anticlockwise (Collection privée Benji).

Les affiches, visuels, flyers, pochettes de disques ont aussi leur propre style. Ils sont souvent édités en noir et blanc et même s’ils sont élaborés par ordinateur, ont un côté « fait-main ». Ainsi le Kjbi diffuse un flyer mensuel en format A5, entièrement noir et blanc. Les affiches de la TAF sont plus élaborées (plusieurs couleurs) mais la dominante reste le noir et les bandeaux sont tous écrits en blanc sur fond noir. (Fig. 6 et 7)

Flyer de la programmation du Kjbi d’Avril-Mai 2017
Fig. 6 - Flyer de la programmation du Kjbi d’Avril-Mai 2017 (Collection privée Benji).
Affiche signée Matt Konture pour le festival rock du 22 juin 1990
Fig. 7 - Affiche signée Matt Konture pour le festival rock du 22 juin 1990 (collection privée Dikenek).

Le mouvement du rock extrême utilise également une communication particulière depuis ses débuts dans les années 70, par le biais des fanzines. Ces magazines hebdomadaires, mensuels ou bi-mensuels sont rédigés et édités bénévolement par des amateurs de la culture rock, la plupart du temps gratuits et faits main (collages, pochoirs, machine à écrire et photocopieuse). Certains fanzines ont eu une grande notoriété internationale dans l’histoire du rock. La Fanzinothèque de Poitiers en répertorie de nombreux à travers les âges et les pays. Le fanzine vise à diffuser la culture underground en traitant diverses informations : programmation, sujets de fond, actualité…

Dans l’Hérault, plusieurs artistes et fanzines existent ou ont existé au cours des dernières années. Un représentant de cette culture ayant acquis une certaine notoriété est Matt Konture, auteur de Bandes dessinées underground. Il vit à Montpellier et est également musicien (groupe de rock Courge). Autre artiste plasticien de la culture rock : Nils Bertho (galerie « le Mat »). On trouve également dans la région plusieurs fanzines tels que le collectif En Traits Libres, metalorgie, razibus, licence H, Church, Modes et travelo… Ces fanzines sont édités et distribués dans les lieux dédiés (TAF, Kjbi, Up and Down…) en petite quantité. On trouve à plus grande échelle Le Tafeur Magazine ou Mama Sound qui annoncent les concerts en région et dans le grand sud (de Marseille à Toulouse). L’association Rock-K13 édite également un fanzine annonçant les activités à venir et relatant des événements survenus. Aujourd’hui, les fanzines laissent peu à peu la place aux webzines et les formats papiers tendent à disparaître. De nombreux sites et blogs sur la culture underground font leur apparition sur Internet. Les groupes et les lieux de concerts effectuent leur communication en ligne. On trouve malgré tout encore des fanzines « à l’ancienne » en Languedoc, tels que Licence H. (Fig. 8)

Licence H : Couverture de Fanzine édité à Montpellier en 2017
Fig. 8 - Licence H : Couverture de Fanzine édité à Montpellier en 2017 (Collection privée Mondine).

Pour revenir à la musique, John Encarnacao écrit : « On n’exigeait pas de la musique qui était sensée conserver l’esprit du Punk Rock, qu’elle sonne comme les Sex Pistols ou les Clash. Cette musique « post-punk » continuait l’aspect même du punk dont l’ambition avait été de subvertir ou de défaire les conventions de la musique populaire du courant dominant, plus que de les remplacer par un nouvel ensemble de conventions qui appartiendrait au genre Punk. » 9

Le punk à ses débuts invitait quiconque le souhaitait et était en mesure d’enchaîner trois accords de guitare à monter un groupe. Cette recherche du minimalisme, en contestation avec les grosses productions des labels de la musique mainstream continue d’un côté à se répandre. Le son recherché par les groupes punk est un son âpre, brut, parfois qualifié de « lo-fi », (en opposition à la hi-fi) lorsque les mauvaises conditions d’enregistrements sont volontaires. Les rythmes sont basiques, binaires et ne demandent pas de virtuosité, mais représentent une belle déflagration d’énergie, avec la saturation des guitares et des textes engagés. Pour autant, les musiciens de punk languedociens sont issus de différents types de formation. Tous ne sont pas autodidactes et les anciens élèves de conservatoire côtoient facilement les béotiens sur scène. Les musiciens de metal sont souvent plus virtuoses et s’inscrivent dans la mouvance des guitar-heroes. Je croise lors de mon enquête des diplômés de l’université en musicologie, comme par exemple le bassiste d’Hypnose. Les punks ont au contraire tendance à dénigrer le star system et les phénomènes de leadership. Malgré tout, ce mélange des aptitudes montre une certaine ouverture d’esprit de la part des musiciens.

Les voix ont évolué depuis l’avènement du punk. L’utilisation de la voix pour des cris, grognements, hurlements, rugissements sauvages ou monstrueux est courante dans ce type de musique. Marcus Erbe écrit à ce sujet : « Les élocutions vocales entendues dans le metal extrême provoquent des notions de monstruosité et de possession démoniaque à presque toutes les personnes qui entrent en contact pour la première fois avec cette musique. » 10 Il situe l’origine de la recherche de ces timbres de voix, chez les pionniers du rock, aux voix rauques et cassées, que l’on trouve chez Cab Calloway, Louis Armstrong, Little Richard, Janis Joplin, Robert Plant ou Screamin Jay Howkins. Egalement dans la contestation de la normalisation des voix par les médias de masse et l’industrie de la musique. Il compare également cet usage particulier des cordes vocales aux voix des monstres du cinéma et des jeux vidéo : les aliens, les voix des corps mutilés, les êtres mi-hommes mi-bêtes… Mais alors que le cinéma use d’effets spéciaux (harmoniseurs, vocoders, modulateurs…), les chanteurs de metal n’ont que leurs cordes vocales simplement amplifiées : « les chanteurs extrêmes s’efforcent de transmettre des sentiments de rage, de brutalité, d’intensité, d’agressivité ou de puissance et pour cela, ils développent des stratégies individuelles. Il est crucial de garder à l’esprit que la majorité des chanteurs de metal et de hardcore extrême sont autodidactes. La plupart d’entre eux ont démarré leur apprentissage en écoutant attentivement leur chanteur préféré et en essayant d’imiter leur voix, ce qui les a aidés à développer un ressenti basique sur ce qui était bon techniquement et ce qu’il valait mieux éviter. » 11

Ce type de voix se retrouve dans les groupes originaires de la région. C’est le cas par exemple de Moshpig ou de Zoldier Noiz, deux groupes montpelliérains respectivement de grind et de thrash dont les chanteurs utilisent ces techniques de voix saturées.

Mais l’usage de ce timbre de voix empêche parfois l’auditeur de comprendre les paroles et le sens des chansons. Le punk et le rock français ont souvent préféré l’usage de voix plus classiques en privilégiant ainsi la place du texte.

Dans le même ouvrage précédemment cité, Mika Elovaara écrit : « Les fans aussi bien que les artistes considèrent la mélodie et le rythme comme étant beaucoup plus important et significatif que les paroles. » 12

Les paroles des groupes de rock extrême tournent généralement autour de quelques thèmes phares : dans le metal, il s’agit surtout de la nature, l’époque prémoderne, préchrétienne, la mythologie viking, les événements historiques, le fantastique, le retour aux sources, l’opposition à la culture dominante monothéiste, les femmes, le fantastique.

Les punks parlent de thèmes plus terre à terre : la vie quotidienne, le style de vie punk, les faits divers, la drogue, l’amour, et écrivent également des chansons à tendance politique, revendicative, reprenant des concepts anarchistes ou d’extrême gauche, tels que le prolétariat, la lutte des classes, l’anti-fascisme.

Parmi les groupes en région, nous retrouvons ces thèmes dans les textes qui apparaissent presque toujours sur les pochettes des disques distribués. Ainsi, Otaké chante dans l’album Tous Coupables, « juste une chanson punk » qui décrit l’esprit brut et direct du mouvement :

« Voici 3 minutes complètement dédicacées à tous les déglingos :
balancer 3 accords sur une guitare désaccordée aux amateurs de pogo
c’est pas moi, c’est ma sueur, que tu sens de l’intérieur, un vrai chauffe-eau
relancer la vapeur et faire chauffer les moteurs avant le grand saut
juste une chanson punk pour dire rien du tout
juste une chanson punk pour marquer le coup
juste une chanson punk, c’est comme ça puis c’est tout… »

Les Molards, dans Des sourires et des armes dénoncent avec leurs chansons La guerre sociale, Dernier cri, Triste sélectif, Théogonie… divers thèmes tels que la peine de mort, le pouvoir des médias, le patronat, le fanatisme, et terminent leur album par un appel à l’action avec Et si ça leur suffit :

« Et si ça leur suffit de vivre comme des cons citoyens, congénitaux vénaux
Et si ça leur suffit d’être toujours pris pour des cons laissés pour ce qu’ils sont
Tous ces partis corrompus, j’en suis par revenu
Ces affaires si faciles à faire qu’ils réagissent même plus
Réveillez-vous, déchainez-vous tous
Relevez-vous, unissez-vous… »

Le rock extrême est le plus souvent chanté en anglais. Quelques groupes célèbres originaires d’Europe du Nord chantent également en Finnois ou Suédois. On trouve aussi un courant de metal en langue espagnole (qu’on peut entendre en Espagne mais aussi en Amérique Latine).

Gerôme Guibert se pose la question du choix de la langue dans le rock en France 13. Il s’intéresse notamment au cas des Little Rabbits, groupe originaire de la Loire-Atlantique ayant démarré sa carrière en Anglais, puis s’étant tourné vers le Français par la suite : « Dans le rock, les groupes référents étant la plupart du temps des célébrités du monde anglo-saxons, l’utilisation de l’Anglais dans les enregistrements commercialisés est souvent justifié comme allant de soi en début de carrière. » « Les sonorités des mots anglais vont avec les sons qu’il y a : une batterie, des basses, des guitares. Ça sonne forcément avec l’Anglais puisque c’est né aux États Unis. Une guitare flamenco ça sonne espagnol. » (Little Rabbits, 1991). Il explique qu’après la vague punk de 1977, et la question posée sur la pertinence d’un rock typiquement français, les médias et l’industrie du disque se sont accordés sur l’impossibilité d’un rock français, Téléphone et Trust semblant constituer l’exception qui confirme la règle. Après le changement politique de 1981, l’explosion des radios libres et la parole donnée aux musiques les plus diverses sont porteuses d’un élan de créativité. Ainsi de nombreux groupes émergent dans le punk français, tels que Les Béruriers Noirs, Ludwig Von 88, Les VRP, Les Garçons Bouchers. « Se servant du Français dans un but revendicatif ou parodique, ils respectent les préceptes punk de simplicité et de spontanéité en utilisant leur langue maternelle. ». Dans l’Hérault, cette vague de punk français est représentée très tôt par OTH qui écrit tous ses textes en Français.

C’est aussi cette seconde génération du rock alternatif qui va remettre au goût du jour des instruments bannis du rock dans les années 70, tels que l’accordéon ou l’harmonica. Les Naufragés vont ainsi rencontrer un grand succès avec leur chanson L’harmonica :

« Dans mon sac de matelot, J’ai mis tout ce que j’avais de plus beau Souvenirs de tous pays, Bouteilles de rhum et de whisky Une montre qui ne marche pas, Ma pipe et mon tabac J’y ai mis l’harmonica, Qu’j’avais acheté à Malaga. Refrain : Avec mon harmonica Je souffle, la voilà L’harmonica, l’harmonica Pour la gigue et la polka Ecoutez çà les gars Faut faire de l’harmonica. »

Spi m’explique lors de notre entretien que l’arrivée de l’accordéon dans les Naufragés a suscité de nombreuses réactions, face aux guitaristes tout puissants, d’autant plus que l’accordéoniste était une femme. Pour autant, la chanson l’harmonica est devenue intemporelle.

Plus récemment, on rencontre des groupes qui font usage de plusieurs langues dans leurs compositions. Hypnose par exemple écrit des chansons en Français, en Anglais ou en Espagnol.

Tío parle des civilisations oubliées, thème cher à la musique metal :

¿Tío, cuanto tiempo contaron los hombres? ¿Quedaron sueltos? Tío, olvídame. Ahora más que nunca estaré respirando. Afuera nosotros contando historias de pueblos olvidados. ¿Cuantas horas más faltan para que alguien llame a mi nombre? ¿Dónde quedará escondido lo que fuimos? ¿Lo que recordamos? ¿Cuantos quedarán de la masa que somos? ¿Qué desierto olvidado? Ahora ya no queda más de nosotros en este cielo nublado… »

Un Rock occitan

Mais l’on voit apparaître, depuis peu, quelques groupes de rock occitan. Je me suis attardée sur ces cas, qui sont typiques de notre région, puisqu’ils expriment une originalité dans leur usage d’une langue locale et leur revendication régionaliste. Je n’ai répertorié que 4 groupes de rock occitan installés dans l’Hérault : Goulamas’K, Tados, Solidagités, Croska. Il en existe d’autres, plus nombreux, à Toulouse ou à Pau (Brassens’ not dead, Goya to fedos…) que je n’évoquerai pas ici. Parmi les groupes locaux, j’ai pu m’entretenir avec des représentants de 3 d’entre eux : Tados, Solidagités et Goulamas’K.

Rat Boy qui fait partie des deux premiers, m’explique lors de notre entrevue que l’usage de l’Occitan dans ses chansons est venu d’un besoin d’ancrage sur le territoire dans lequel il vit. « Sans racines, pas de fleurs » me dit-il lorsque nous nous rencontrons. Résidant dans le Biterrois, il a été souvent en relation avec des groupes catalans (scènes partagées, échanges de programmation…) dont les revendications régionalistes sont beaucoup plus fortes dans le mouvement punk qu’en France, globalement. La proximité de la Catalogne a peut-être disséminé ses ardeurs auprès des artistes d’ici. Rat Boy souhaite faire perdurer la culture locale et la transmettre dans un sentiment d’ouverture d’esprit, et en réaction aux occitanistes d’extrême-droite. Il le fait par l’usage de cette langue dans sa musique (le groupe Solidagités reprend un morceau traditionnel occitan avec la chanson Angélique Up Stark dans son dernier album), mais aussi à un niveau personnel (son fils est scolarisé en calandrette). Le logo du groupe représente d’ailleurs un mélange de la Croix occitane et de la Croix du Chaos 14. (Fig. 9)

Logo du groupe de punk occitan Solidagité
Fig. 9 - Logo du groupe de punk occitan Solidagité
(Collection privée Rat Boy).

Le groupe Goulamas’K est créé un peu plus tôt, en 1994 (au départ Goulamas), par Fred qui arrive de Barcelone à Puisserguier, près de Béziers. Le groupe deviendra Goulamas’K un peu plus tard (Ska pour la musique K pour kommando). Actuellement, le groupe se compose de musiciens Français, Catalans, Écossais, Occitans. Le mélange des cultures est au cœur de leur projet. Ils chantent dans les 4 langues et mêlent également des instruments de musique traditionnels tels que les grailles et la cornemuse catalanes, le bouzouki irlandais, le sac de gemec 15, des cuivres, des hautbois languedociens et les instruments du rock (guitare, basse, batterie). Sur scène, ils portent également des costumes traditionnels (kilt écossais, kilt fabriqué avec du tissu catalan, couleurs rouge et noire, béret…). Leur but est de mêler le punk militant, à l’ambiance festive et familiale locale. Ainsi, le groupe prend part à la vie locale du village en organisant plusieurs événements annuels, tels que la fête des vendanges, ou le concours de soupe. Leur présence a même contribué à redynamiser la vie de la commune et à attirer de nouveaux habitants.

Spi, après son expérience avec OTH et les Naufragés a également monté un groupe de rock-trad : La Gaudriole. Après avoir découvert la fête de la Saint Blaise à Saint-Martial (dans le sud des Cévennes) et rencontré un joueur de vielle, il s’est passionné pour les danses traditionnelles occitanes et a pénétré dans un milieu de passionnés (« sans doute plus que dans le rock, et sans star system » me dit-il). Il tente alors d’amener le public Rock vers cette culture. La Gaudriole est un groupe de musique traditionnelle fusion. Une chanson est chantée en Occitan par le guitariste originaire de la région (et, me dit-il, plus légitime que lui, qui vient de Bretagne). Le groupe a été bien accueilli malgré quelques critiques dans le milieu traditionnel les trouvant trop « bruyants », mais l’ambition d’amener les rockers vers le trad’ a été un échec. Il travaille actuellement à la création d’un nouveau groupe qui serait un mélange des Naufragés et de la Gaudriole (musiciens issus des deux précédentes formations), avec de nombreux instruments traditionnels (fifres, grailles, vielle, violons, cuivres). Parmi les projets musicaux : la reprise d’un morceau du XIIIe siècle.

Tous les groupes précités s’exportent largement et facilement en France et en Europe (Solidagités a par exemple effectué une tournée au Mexique en 2012) contrairement aux musiques occitanes plus classiques, ainsi que nous l’explique Élisabeth Cestor de l’EHESS 16. Elle écrit : « Les chanteurs en langue d’oc peinent à faire reconnaître et diffuser leur musique, contrairement aux musiciens bretons, basques, ou corses. Les représentations dévalorisantes dont souffre la création contemporaine en langue d’oc auprès du grand public ne se rencontrent pas d’une manière aussi prononcée dans d’autres régions. Deux raisons majeures doivent être avancées : l’évolution de l’usage de la langue d’oc et l’histoire de la création musicale dans cette langue. » Elle explique que les labels occitans des années 60 ont peu à peu disparu, « aucun des chanteurs ne recevant de bénéfices » (tout était réinvesti dans la production, et il n’existait aucune politique éditoriale). De plus, « avoir des ambitions parisiennes était vécu comme une trahison ». Ainsi, l’ensemble des artistes qui ont réussi : Fabulous Troubadours, Massilia Sound Système, Dupain, ont « cherché à adapter le système de fonctionnement du milieu musical à (ses) leurs exigences. »

Ainsi, il semble que le rock ne souffre pas des mêmes difficultés à exister ou à s’exporter, mais on peut penser que le modèle économique choisi soit aussi très différent de l’économie musicale des autres musiques populaires.

Une Économie alternative

Contrairement à ce que Dominique Sagot-Duvauroux écrit dans un article de 2005 : « Les scènes de musiques amplifiées (…) subissent notamment la fameuse loi de Baumol qui stipule que, compte tenu de l’impossibilité de réaliser des gains de productivité dans le spectacle vivant, les entreprises de ce secteur connaissent une pression permanente à la croissance de leurs coûts. Cette pression se trouve renforcée par deux facteurs. D’une part, les lieux de musiques actuelles doivent se mettre aux normes juridiques (sociales et fiscales) du secteur et sont conduits à renoncer progressivement au bénévolat. D’autre part, les tourneurs ont conscience des moyens nouveaux dont disposent les lieux labellisés et ajustent leurs prix en conséquence » 17, mes rencontres et entrevues montrent que la culture rock extrême repose sur un système économique alternatif, loin de la production musicale des grands labels et circuits de distribution.

Le bénévolat est au contraire omniprésent et constitutif de cette culture, y compris chez les musiciens qui acceptent de jouer pour pas ou peu d’argent, même après 20 ans de carrière (ou faudrait-il dire plutôt de pratique). Parmi les personnes interviewées au cours de mes recherches, plusieurs inscrivent l’économie du punk dans la mouvance DIY (Do It yourself). Ce terme inventé à la fin des années 60 a immédiatement été adopté par le mouvement punk et l’est toujours aujourd’hui. L’expression pourrait être traduite par « système D », avec quelques subtilités à ajouter : il s’agit avant tout de promouvoir la créativité, le fait d’être acteur de ses loisirs (et plus globalement de sa vie) et non plus un simple consommateur, le fait aussi de partager gratuitement ses créations, via les réseaux et plateformes d’échanges de savoirs (musiques, applications informatiques, créations libres de droit). Aussi bien Goulamas’k, OTH à ses débuts, que les groupes de punk « purs » tels qu’Anticlockwise ou les Molards ont lancé leur projet seuls, sans administrateur, label, ni distribution, mais en s’appuyant sur le réseau « punk ». L’économie de la musique rock extrême prend sa source dans une volonté politique de créer une alternative. Fred, de Goulamas’k m’explique la teneur du logo du groupe, un poing levé qui représente la force de mener un projet politique musical. (Fig. 10)

Logo du groupe Goulamas’K
Fig. 10 - Logo du groupe Goulamas’K
(Collection privée Goulamas’K).

Spi me raconte les débuts d’OTH qui répétait au « local », (garage montpelliérain transformé en salle de concert) en semaine et y jouait les week-ends dès 1975­1976 en autoproduction, avant d’être signé par un label et un tourneur et de basculer dans l’économie musicale plus conventionnelle. Il continue à travailler en autoproduction grâce au studio d’enregistrement qu’il s’est constitué chez lui. La notion d’autonomie reste ainsi importante.

Au Kjbi, les membres des groupes Anticlockwise, All Borders Kill ou Zoldier Noiz sont tous également à la fois musiciens, producteurs, tourneurs, graphistes, éditeurs de leurs albums, de leurs concerts, de leurs tournées. Aucun intermédiaire, administrateur ou manager n’interfère sur la gestion de la vie des groupes. Toutes les ressources nécessaires à leur développement proviennent du vaste réseau « underground » (littéralement « souterrain », signifiant alternatif, loin de la logique capitaliste et consumériste) auquel ils sont rattachés. Ce réseau a d’ailleurs une dimension internationale et à la manière des diasporas, la solidarité est un levier de son organisation économique. Ainsi, un ami électronicien réparera du matériel en panne pour tel groupe, un technicien assurera la sonorisation d’un concert dans telle salle, un autre dépannera une roue pour un camion en tournée ayant crevé à une escale… les échanges ont lieu la plupart du temps sans argent.

Force est de constater que ce réseau fonctionne également très loin du circuit de l’intermittence et des cachets de représentation. La plupart des musiciens du rock extrême ont un travail alimentaire en parallèle de leur activité musicale. Je n’ai recensé que peu de groupes au régime d’intermittents, dont certains le sont devenus seulement après 20 ans de « bricolage ». Parmi eux, on trouve par exemple les Naufragés, la Gaudriole (ou plus généralement les nouveaux groupes associés à Spi), Goulamas’k (depuis peu), Hypnose, les Shériffs (irrégulièrement).

Les nombreuses autres formations jouent donc sur la base du défraiement et ne perçoivent que très peu d’argent lors des concerts. C’est la même chose pour les groupes originaires de l’étranger, qui, sauf pour les grosses têtes d’affiches (de hardcore notamment), fonctionnent lors de tournées au long cours sur la base du défraiement lors de chaque concert. Cela permet bien entendu aux lieux d’accueil de programmer de nombreux groupes de musique dans une économie légère. La plupart des groupes qui jouent dans le milieu rock extrême sont composés de 2 à 6 musiciens maximum. Les grandes formations sont très rares, du fait notamment de cette économie alternative.

Le Kjbi par exemple, fonctionne intégralement sur la base du bénévolat d’une dizaine de personnes associées depuis 2015 et ouvert aux adhérents uniquement. Les membres de cette équipe sont pratiquement tous musiciens et viennent répéter dans cette salle régulièrement. Plusieurs concerts sont organisés chaque mois, souvent rassemblant 3 ou 4 groupes, pour un prix d’entrée ne dépassant pas les 10€ (5€ la plupart du temps) et un bas tarif de boissons. Les membres de cette équipe ont tous l’expérience d’organisation d’événements hors du système légal (squats, festivals sauvages…) et donc hors administration. La création de cette association les a donc obligés à mettre le local aux normes et à rentrer dans un cadre administré pour pouvoir accueillir du public. C’est là encore sur la base du bénévolat et de la « récup’ » que les travaux de mises aux normes ont été effectués. L’association paie un loyer pour ce local et si les recettes effectuées lors des concerts ne suffisent pas à défrayer les groupes et à payer ce loyer, ce sont les membres de l’association qui partagent cette charge. La salle est relativement petite, elle ne peut pas accueillir plus de 100 personnes, mais de nombreux groupes s’y sont déjà produits, notamment des groupes de notoriété internationale tels que Moscow Death Brigade. Chaque membre de l’association est en relation avec des musiciens locaux ou étrangers et participe à la programmation, en fonction des appels, des tournées de groupes « amis », des envies et possibilités de chacun. Les tâches de gestion courante se répartissent de manière très fluide entre les membres : une réunion par mois pour la répartition des fonctions sur les concerts à venir et un turnover sur les tâches nécessaires : accueil des groupes / catering (restauration des artistes), sonorisation, gestion des entrées, gestion du bar, ménage… Malgré la structure traditionnelle de l’association (3 membres au bureau dont un président), celle-ci fonctionne de manière très horizontale, à l’image de la philosophie punk, sans leader.

Le rock extrême, autrement appelé « rock alternatif » donne donc une couleur à l’esthétique promue, mais aussi à la manière de la promouvoir. Le terme alternatif signifie en effet aussi le fait de proposer une alternative, un autre fonctionnement que celui du système commercial dominant. Ainsi, les lieux dédiés au rock alternatif s’inscrivent-ils dans une démarche particulière qui influe sur l’accueil du public : celui-ci se veut ouvert, amical (le tutoiement est de rigueur) et les billets d’entrée s’il y en a, ne doivent pas être trop onéreux (compter entre 5 et 10 €pour des soirées programmant entre 2 et 5 groupes), la bière n’est pas chère (2€ pour les associations contre en moyenne 2,80€ dans les bars montpelliérains ou 3€ à 3,50€ pour les bars diffusant des concerts), les groupes accueillis ont la possibilité de dormir et de se restaurer sur place ou au domicile des organisateurs. Ceci est important du fait de l’internationalisation du réseau du rock extrême. De nombreux groupes se déplacent lors de longues tournées souvent effectuées à travers plusieurs pays, notamment en Europe. L’économie alternative s’appuie donc sur un réseau d’acteurs situés dans le monde entier. Ce réseau est très dynamique en Europe, Amérique du Nord et du Sud, mais il s’étend également en Asie (Chine, Inde, Indonésie…), ou au Maghreb. Malgré l’aspect underground et « fait maison » des salles dédiées au rock ou des associations organisatrices d’événements, qui se créent sans publicité ni battage d’information localement, elles se font connaître très rapidement au sein du réseau rock. Le Kjbi par exemple, ouvert seulement en 2015 accueille depuis ses débuts des groupes du monde entier qui ont souhaité faire escale à Montpellier lors d’une de leurs tournées. Il en est de même pour la TAF qui présente une programmation très internationale tout au long de l’année.

Ainsi, des groupes peuvent-ils parcourir toute l’Europe de salle en salle, recevant le gîte et le couvert à chaque concert, ainsi que de quoi remettre du gasoil dans le camion pour repartir jusqu’à la prochaine étape. Ces réseaux sont très denses en Suisse, en Allemagne, à Barcelone, zones où les squats sont nombreux et les acteurs du rock extrême plus dynamiques. En France, et on le voit à l’échelle de notre département, c’est essentiellement la culture des bars qui prédomine et l’ambiance et la logique économique sont différentes.

Craig O’Hara résume le système économique alternatif de ce milieu dans son livre La philosophie du punk : « La grande affaire de la scène punk rock, c’est la mise en œuvre d’un processus visant à produire des mutations de conscience, à infléchir des dispositions et, en suscitant la coopération, en mettant en commun les ressources et en plaçant l’indépendance au principe de l’action, à créer des expériences collectives inédites qui se présentent comme autant d’espaces où peuvent se déployer des pratiques artistiques et des modes de vie partiellement affranchis des tutelles extérieures. » 18

Cependant, il est vrai que la musique rock extrême est également diffusée dans d’autres types de lieux qui n’échappent pas à la règle citée par Dominique Sagot-Duvauroux. J’ai recensé plusieurs lieux dédiés au rock extrême en région et observé leur fonctionnement du point de vue économique ou rencontré leur responsable. Le plus important est la TAF (Tout à Fond), situé à Saint Jean de Védas, ouvert en 1996. Cette association compte aujourd’hui 8 500 adhérents, 9 salariés, et organise entre 100 et 120 concerts par an, ce qui la place au troisième rang des associations de l’agglomération montpelliéraine de par sa fréquentation (après les associations de football et de rugby). Ce lieu a été créé sur la base du volontariat et de l’investissement de quelques amis musiciens de Montpellier désireux de faire vivre leur culture. La mise aux normes des locaux a coûté dix ans de travaux à ces bénévoles qui en échange bénéficient de locaux de répétition de qualité. On y trouve également une salle de concert, un studio d’enregistrement (qui a notamment vu passer Poppa Chubi pour Harmonia Mundi, ou les W Dead Cats). Fify, le directeur de l’établissement m’explique : « Malgré nos nombreux adhérents, la première subvention n’est arrivée qu’en 2010. Nous sommes très peu suivis par les institutions. Le milieu rock est mal perçu dans la région. Il y a beaucoup d’a priori, mais aussi beaucoup de clivages internes. On ne réussit pas à se rassembler. Ici, l’engouement des jeunes pour le rock est ignoré par les institutions qui investissent sur l’électro. L’héritage du rock, c’est ça : depuis 20 ans, on gère la galère. Pur, dur et fauché, c’est ce qu’on est. ». Aujourd’hui, la TAF fonctionne essentiellement avec du bénévolat (40 bénévoles sur chaque concert + 25 rédacteurs pour le Taffeur), du mécénat d’entreprise européen (Nicollin, Ampeg, Volvo, Converse…) et des partenariats noués souvent en dehors de la région (écoles de musique, entreprises locales, communes et SMAC 19 en France :

Pau, Marseille, Tarbes, ou à l’étranger : Palerme, Liban, Colombie…) pour l’organisation d’événements. La reconnaissance de son expertise dans le domaine de l’événementiel rock est mieux perçue à l’extérieur. Il a donc fallu ouvrir la gestion du site en dehors du réseau rock, ce qui suscite parfois des réactions critiques dans le milieu punk local. Fify se défend : « Les groupes punk qui marchent coûtent chers et se vendent aussi. Tous les groupes, même les plus petits ont leur merchandising. C’est la même démarche de vendre un CD 10€ ou de faire venir Rammstein pour 80 000€. On n’est pas plus des vendus que ceux qui vendent leur CD ou achètent un T-shirt Exploited à 25€. Sans pactiser avec le grand capital, on n’existe pas. Ethiquement, c’est sûr, on préfèrerait avoir des subventions de la DRAC. » (Fig. 11 et 12)

Merchandising : pochette d’une compilation de groupes languedociens éditée par la TAF en 1991
Fig. 11 - Merchandising : pochette d’une compilation de groupes languedociens éditée par la TAF en 1991 (collection privée Dikenek).
Merchandising : patch (bande de tissu destinée à être cousue sur un jean) à l’effigie du groupe Tados
Fig. 12 - Merchandising : patch (bande de tissu destinée à être cousue sur un jean) à l’effigie du groupe Tados (collection privée Rat Boy).

Des lieux de diffusion

Dominique Sagot-Duvauroux dans son article déjà cité, répertorie quatre types de stratégies des lieux de diffusion pour réussir à boucler leur budget, à savoir l’augmentation du prix des concerts, la programmation de groupes peu coûteux, la programmation de têtes d’affiches certaines d’attirer un nombreux public, ou l’augmentation des subventions.

Fyfy m’explique lors de notre entretien que la question d’un changement de gestion à la TAF s’est posée à un moment où un bar dédié au rock extrême (le Mojomatic) était en fonctionnement dans le centre-ville montpelliérain. Les deux établissements, bien qu’amis, programmaient les mêmes groupes, et organisaient des événements au même moment, ce qui les mettait souvent en concurrence. La décision de la TAF a été de passer à une programmation plus coûteuse, mais de plus grande renommée et de laisser au Mojomatic la programmation de groupes locaux ou de moindre envergure. Malgré tout, les prix des concerts restent relativement bas (rarement au-dessus de 20€) et accessibles, toujours dans un esprit rock. (Fig. 13)

Flyer du 29 avril 2011 : soirée punk au Mojomatic
Fig. 13 - Flyer du 29 avril 2011 : soirée punk au Mojomatic (collection privée Dikenek).

Dans une autre logique, plus commerciale encore, des bars musicaux situés en centre-ville de Montpellier ne proposent également que du rock extrême : le Black Sheep (Bd Louis Blanc), le Black Out (quartier St Roch), Fig. 12. Merchandising : patch (bande de tissu destinée à être cousue sur un jean) à l’effigie du groupe Tados (collection privée Rat Boy). l’Up And Down (rue du Pila St Gely). Montpellier en a connu d’autres dans le passé qui ont fermé depuis : le Mojomatic (fermé en 2013), le Psychodrome (fermé en 2000), la Tragedia dell Arte (fermée en 2004). Ces bars programment également des groupes de rock extrême, sans cachets d’intermittence et souvent juste défrayés. Le prix des entrées reste bas, mais les tarifs des boissons sont inscrits dans une économie de profit et non pas alternative comme le permettent les gestions associatives.

D’autres associations que la TAF ou le Kjbi ont géré des lieux à Montpellier dans le passé : le Méchante Bête (local associatif dédié à la musique noise), le Subsonic (créé en 1991, désormais seulement local de répétition et studio), le Boskop (fermé en 1995)… (Fig. 14)

Pochette d’une compilation éditée par le Subsonic en 2003
Fig. 14 - Pochette d’une compilation éditée par le Subsonic en 2003 (collection privée Dikenek).

Ailleurs dans le département, plusieurs bars ou salles de spectacles accueillent des groupes de rock extrême ponctuellement, parmi d’autres sortes de musique au sein de leur programmation. C’est le cas des SMAC Victoire 2 (St Jean de Védas), le Sonambule à Gignac, la Cigalière à Sérignan ; ce sont des associations telles que l’Atelier du Nord (local associatif à Figuerolles, quartier cosmopolite de Montpellier), l’Entre2pots (association sétoise) ; et des bars : Concept bar, le Barbu, le Social et Chez Maryse et Lulu (Sète), le Bacchus (Villeveyrac), et plus anciennement le Blue up et le Bouche à oreille (Montpellier) ; ou des squats (lieux autogérés) de la région : ancienne cimenterie de Montpellier, les Mines d’Anduze, la Bobine à La Grand-Combes, le cinéma Royal occupé à Montpellier… (Fig. 15 et 16)

Affiche de concert organisé au bar de Villeveyrac « le Bacchus » en juillet 2012
Fig. 15 - Affiche de concert organisé au bar de Villeveyrac « le Bacchus » en juillet 2012
(collection privée Dikenek).
Affiche de concert organisé au Concept bar à Sète en février 2013
Fig. 16 - Affiche de concert organisé au Concept bar à Sète en février 2013 (collection privée Dikenek).
Fanzine Rock K13. Couverture du fanzine Rock K13 (novembre 2016) diffusé depuis Clermont-l’Hérault.
Fig. 17 - Fanzine Rock K13. Couverture du fanzine Rock K13 (novembre 2016) diffusé depuis Clermont-l’Hérault.

Le milieu rural héraultais, moins équipé en lieux de diffusion et sans salles dédiées, connait une dynamique rock plus associative. Plusieurs associations investissent les salles des fêtes communales de l’arrière-pays : ainsi l’association Rock K13 organise régulièrement des concerts dans le Clermontais, dont le festival Metalloween à Paulhan, et publie son fanzine. Les Punks dodus organisent des événements autour de Gignac. L’association des Joyeux Loufoques organise plusieurs fois par an des concerts à la Gare du Nord de Pézenas (mise à disposition par la mairie), souvent suivant la formule de 4 ou 5 concerts le dimanche après-midi. Plus loin, l’association Pourvu xa dure agit à Carsan, dans le Gard. (Fig. 17)

Fuck Féria à Béziers

Un événement organisé sous forme de festival pendant 10 ans à Béziers et jusqu’à 2011 mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de la Fuck Féria organisée par Mumu et des membres du réseau punk héraultais, à partir de 2001. Mumu me raconte ce rendez-vous annuel lors d’une rencontre chez elle à Lespignan.

La « fuck féria » est née en 2001, après deux ans de tenue d’une bodega punk, « la bodega’s been mental » entre 1999 et 2001. À l’époque la municipalité autorise ses habitants à ouvrir des bodegas temporaires à domicile pendant les férias. Mumu qui vit en centre-ville et possède un garage, en tient donc une, accompagnée d’un fanzine qui couvre l’événement. Elle crée une association. En 2001, elle déménage et l’ouverture de bodegas devient administrativement difficile. Le projet d’une « Fuck Féria » naît, et Mumu fait le choix d’ouvrir une bodega off et d’organiser les concerts punk sous le pont canal, donc sur un espace quelque peu excentré. Le réseau se met en marche, et pour le projet, elle se fait prêter du matériel, une sono. Les amis techniciens ou bricoleurs donnent la main et construisent un bar, assurent la logistique de l’événement. Deux groupes par soir sont programmés gratuitement pendant les 4 jours de féria. Le bar reste ouvert 24h sur 24. Entre 2003 et 2005, l’événement a pris de l’ampleur et accueille un large public. Malgré le pacifisme des soirées et le fait que le festival n’ait jamais rencontré de problème d’aucune sorte, l’installation se fait toujours à la dernière minute et très rapidement, pour ne pas être empêchée par la police, qui une fois la féria démarrée est trop mobilisée pour interdire l’événement. Pourtant, en 2008, l’effet surprise ne fonctionne pas et l’accès au pont canal est bloqué par la police. La « fuck féria » est alors déplacée au bord de l’A9 cette année-là. L’événement n’en est pas moins réussi. Les deux dernières éditions auront lieu à nouveau sous le pont canal. Au cours de ces 10 ans, un fanzine a été tenu afin de garder en mémoire images et déroulement des événements. Un dernier numéro commémoratif des 10 ans est sorti la dernière année, avec des illustrations de toutes les éditions précédentes. Depuis l’arrêt du festival, la culture rock extrême a un peu disparu du Biterrois. Les rockeurs locaux programment parfois quelques concerts à la Maison de la vie associative de Béziers, ou au théâtre du Minotaure, mais de manière très sporadique. (Fig. 18, 19 et 20)

Flyer annonçant la fuck féria de 2001 (collection privée Dikenek).
Fig. 18 - Flyer annonçant la fuck féria de 2001 (collection privée Dikenek).
Has Been Zine : Couverture du fanzine de la fuck féria. Édition spéciale des 10 ans
Fig. 19 - Has Been Zine : Couverture du fanzine de la fuck féria. Édition spéciale des 10 ans
(collection privée Mumu).
Photos de la fuck féria publiée dans le has been zine (collection privée Mumu).
Fig. 20 - Photos de la fuck féria publiée dans le has been zine (collection privée Mumu).

Plusieurs associations de motards sont également présentes sur le département, dont les plus connues sont les Hells Angels ou les Bandidos. Ils organisent des événements musicaux ponctuellement chaque année à travers le département et sont également constitués en réseau international. Malgré les similitudes musicales avec les réseaux de punk et rock extrême, les réseaux de motards sont très différents et beaucoup plus opaques. J’ai exclu ces groupes de mon champ de recherche et n’indique leur présence ici que pour information, parce qu’ils ont été mentionnés par les rockeurs que j’ai pu rencontrer.

Underground vs Mainstream

Les différences de fonctionnement reflètent les guerres de chapelle dont me parlait Fify, lorsqu’il expliquait que le mouvement avait des difficultés à s’unir. Ces différences de gestion jouent un rôle important dans le monde du rock extrême. Pete Dale 20 oppose le punk mainstream (commercial, à succès) au Punk underground (artisanal, alternatif), aussi bien du point de vue esthétique qu’économique ou idéologique :

« La scène punk underground, alors, est une chose dont la majorité des gens n’ont pas conscience ; par définition, elle n’est connue que par un petit nombre. Au sein même du discours de ce milieu, cependant, parler du punk underground comme étant diamétralement opposé au mainstream est normal. Nécessairement donc, cette opposition diamétrale est en quelque sorte conditionnée par ce à quoi elle s’oppose. Ce point général (essentiellement hegelien) a été noté par David Brackett : « il est toujours important de se rappeler la nature relationnelle du mainstream : un concept de mainstream dépend du concept aussi fort des marges » – l’un ne va pas sans l’autre ».

Il écrit également :

  • La musique punk mainstream suit des motifs musicaux familiers pour des raisons commerciales ; le punk underground dérange les conventions et fournit une « marge culturelle » et de ce fait est en soi non commerciale.
  • La musique punk mainstream est relayée par des gros labels, le punk underground est géré et maintenu dans un réseau indépendant.
  • Le punk mainstream est hiérarchisé dans le sens où il reproduit le type de compétitivité de l’industrie de la musique conventionnelle des systèmes rock et pop ; le punk underground clame l’absence de héros et de leaders.
  • Les groupes de punk mainstream ont atteint des compétences musicales leur permettant de vendre des disques suffisamment pour leur permettre d’être considérés comme « mainstream » ; les groupes de punk underground se vantent souvent de la « non commercialité » de leur musique « difficile » et revendiquent de jouer de manière « non professionnelle » ou très « lo-fi » pour les consommateurs de musique mainstream.
  • Les groupes de punk mainstream se contentent de célébrer le radicalisme et la politisation ; le punk underground articule ses idées politiques extrêmes avec l’action, dont des performances, parfois à grande échelle.

Il est possible de reproduire cette dichotomie à l’échelle de notre région, en opposant d’un côté, les bars, les SMAC ou la TAF lorsqu’elle organise des événements de punk mainstream, et de l’autre côté, le Kjbi, la TAF lorsqu’elle programme de petits groupes, ou les associations rurales pour le punk underground.

Ces différents types de gestion ont été répertoriés par Dominique Sagot-Duvauroux et classifiés selon quatre types de salles de musiques actuelles (SMAC). Elle répertorie :

  • L’association affinitaire, créée par un groupe d’amis bénévoles autour d’un type de musique, a un rôle identitaire essentiel dans le secteur et participent activement à la fonction de découverte et d’innovation. L’auteur se pose la question de leur pérennité et des accusations de concurrence déloyale dont elles sont parfois accusées par d’autres types de structures respectant les normes. Elles se financent grâce à la billetterie, le bar et les produits dérivés. Le Kjbi entre dans cette catégorie et n’a pour le moment que 3 ans d’existence.
  • L’association équilibriste prolonge l’association affinitaire, avec la nécessité d’une professionnalisation. Elle navigue entre différentes logiques institutionnelles, commerciales, artistiques ou sociales parfois difficiles à concilier. La solution passe par l’adoption d’une économie de projet où chaque initiative doit trouver son propre équilibre budgétaire. Les financements sont très diversifiés et souvent non pérennes. Ce type de gestion correspond à la TAF qui oscille entre sponsors, subventions, débit de boissons, billetterie et vente de produits dérivés et qui organise plusieurs festivals chaque année, en relation avec des territoires variés (Montpellier, Sète, Pau, Tarbes…). La TAF a réussi à s’inscrire dans le paysage local depuis plus de 20 ans.
  • La petite entreprise de service public reçoit des financements stables et met en œuvre une politique d’action culturelle émanant des différentes collectivités publiques. Ce type de structure dépend des objectifs de politique publique locaux mais a plus de chances d’être pérenne. On pourrait classer ici des salles telles que le Sonambule à Gignac qui pour la première fois en mai 2017 a programmé le groupe de metal Hypnose.
  • L’entreprise alternative indépendante des logiques purement commerciales autant que des logiques institutionnelles tout en ayant un fonctionnement professionnel assurant une rémunération convenable aux artistes. On trouve peu de structures de ce genre dans la région (Association La Grange aux Causses-de-la-Selle par exemple) mais elles ne programment pas de rock extrême.

Selon cette classification, on voit donc que le rock extrême n’utilise généralement pas (du moins en région) l’ensemble des circuits existants (et répertoriés ici) pour sa diffusion mais seulement les plus alternatifs. La classification de Dominique Sagot-Duvauroux ne prend pas en considération les bars qui sont pourtant un vecteur important de la diffusion de la musique rock extrême dans l’Hérault. Le choix de l’économie alternative s’explique en partie du fait des catégories sociales représentées dans le public de ce genre musical. Historiquement, et dans les pays anglo-saxons (USA, UK) ou est née cette musique, les origines des artistes et de leurs fans sont modestes. Beaucoup de groupes de punk ou de metal ont émergé dans les régions industrielles ou les banlieues urbaines. En France, et dans notre département héraultais, il m’a été difficile d’observer les origines socio-économiques des amateurs de rock extrême. Elles semblent très variées et j’ai pu rencontrer des personnes de tous âges, (Fify de la TAF me confirme que son public est très intergénérationnel) et issues de milieux très divers. Beaucoup des membres actifs des associations, groupes et lieux de diffusion que j’ai rencontrés travaillent parallèlement à leur activité militante, dans le domaine du spectacle, souvent en tant que techniciens, ou dans des entreprises dérivées (prestation scéniques, réparation électronique, montages de structures…). D’autres occupent des fonctions de saisonniers agricoles, d’entrepreneurs, de salariés ou d’intérimaires dans l’artisanat ou le BTP. Les niveaux d’études des représentants de la culture rock en région sont également très variés, y compris en ce qui concerne la musique. Beaucoup sont autodidactes, mais plusieurs sortent d’écoles de musique, du conservatoire ou du département musicologie d’une université. Dans les autres domaines professionnels, on trouve également des travailleurs diplômés, d’autres pas, ceci en proportion à peu près égale, au juger. Les origines culturelles sont aussi assez représentatives de la diversité française. On trouve aussi bien des amateurs de metal chez les Français de souche que chez des Français d’origines étrangères. Les groupes Les Boukakes ou Hills and Pills le montrent avec leur rock oriental, chanté en français et en arabe. On trouve des punks d’origine maghrébine ou sud-américaine dans la région. J’en ai moins vu d’origine subsaharienne.

Le choix d’une économie alternative relève également de l’engagement politique des membres de la communauté de rock extrême. En effet, il est possible de dire qu’au-delà d’un genre musical, on peut beaucoup plus globalement parler de culture et de milieu quand on parle de punk ou de metal.

Le Punk Rock comme culture et comme politique

Nous l’avons vu, les notions de collectif, de réseau et de solidarité constituent un élément important du fonctionnement des structures punk rock. Les musiciens que j’ai rencontrés aussi bien que les membres des associations de promotion de cette musique sont tous passionnés et ont le sentiment d’appartenir à un milieu et un style de vie qu’on pourrait comparer à un microcosme social, dont les membres ont parfois des attitudes tribales, éloignées du monde extérieur. Malgré l’étendue internationale du réseau, on ressent une grande cohésion, et une fratrie maillée quand on pénètre dans ce milieu. Pour autant, cet univers et ses membres sont très ouverts. L’accueil qui m’y a été fait en est la preuve. Il est peu probable que des jazzmen eussent accueilli un rockeur aussi facilement que lorsque j’ai mis les pieds la première fois au Kjbi. Toutes les personnes sollicitées pour cet article ont répondu positivement très rapidement et m’ont livré leur point de vue et leurs analyses sur cette culture en répondant sans sourciller à des questions parfois naïves. Aussi bien le Kjbi que la Taf, la fuck féria ou les associations rurales font reposer leur fonctionnement sur une organisation collective efficace et durable, horizontale, sans leadership, mais sans faire disparaître les individualités, ni la liberté de chacun au sein du groupe.

Les éditions l’Entretemps (installées à Montpellier) spécialisées dans la recherche théâtrale et scénique ont édité en 2014 un ouvrage collectif sous la direction de Raphaëlle Doyon et Guy Freixe intitulé Les collectifs dans les arts vivants depuis 1980. Les réflexions des divers auteurs regroupés ici portent sur le monde du théâtre, de la danse et des arts de la rue, mais nous permettent d’avoir des points de comparaison sur les enjeux et problématiques soulevés autour de la notion de collectif. Cette notion développée dans les années 60 avec une première vague de mises en collectifs théâtraux, a vu une seconde vague se développer dans les années 90.

La première raison référencée par ces auteurs de l’organisation en collectifs dans le monde du théâtre, tient à l’intérêt économique de se fédérer. Ainsi, Bérénice Hamidi-Kim écrit-elle : « Opter pour le collectif aujourd’hui est un choix en partie contraint par une double crise, économique et idéologique ressentie par les acteurs du spectacle vivant, qui explique la recherche de modes d’organisation alternatifs, misant sur la mutualisation et sur des formes de viabilité économique empruntant à d’autres secteurs (l’ESS) et se voulant porteurs de nouvelles valeurs (le DD culturel notamment). » 21

Suivent ensuite la mise en commun de compétences, sans hiérarchie, et la volonté politique d’explorer par la pratique artistique elle-même de nouveaux rapports aux autres et au monde. Pour une part, ces collectifs renouent donc avec une tradition historique de groupes d’acteurs et d’auteurs désirant ou amenés à prendre en charge par eux-mêmes leur destin artistique. Il s’agit également de remettre en question la toute-puissance du metteur en scène. Pour Baptiste Pizzinat, « il s’agit au fond d’une tentative d’incarner la société que l’on souhaite créer » 22. « Il existe parfois le plus souvent même un(e) meneur(se) toujours comédien(ne) par ailleurs, qui tranche et prend les décisions finales, mais son nom, moins répandu que celui de la compagnie, est loin de laisser dans l’anonymat les autres membres du collectif. » (Raphaëlle Doyon).

Le renouveau des collectifs dans le monde du théâtre semble évoquer une recherche idéologique que les rockeurs et punks ont effectuée il y a 40 ans déjà et n’ont jamais abandonnée depuis. Si l’on regarde l’organisation du Kjbi, ou des Joyeux Loufoques (Pézenas), on voit que l’horizontalité des rapports entre membres va de soi, que les enjeux de pouvoirs ont été dépassés dès le début et que la hiérarchie est inexistante.

Alors que le noyau des collectifs de théâtre comporte fréquemment au moins une personne dont la compétence centrale relève de l’administration ou de la production et de la diffusion des projets artistiques, tous se partagent cette tâche à tour de rôle ou en fonction des événements dans les associations de rock extrême. C’est la même chose si l’on regarde la création et l’écriture musicale dans de nombreux groupes : Anticlockwise comme tant d’autres composent leur musique collectivement.

Plus le milieu est alternatif, plus la notion de collectif semble aller de soi. La TAF, qui compte 9 salariés dépend d’une organisation plus verticale, avec son directeur et sa chargée d’administration dont les places dans l’organisation sont centrales.

Spi évoque lors de notre rencontre les difficultés de composer à plusieurs dans le groupe OTH. Sa nouvelle formation dans laquelle il prend en charge l’écriture et la composition des morceaux lui procure beaucoup plus de satisfaction.

« L’appartenance à un groupe a souvent été comprise comme conduisant dans un premier temps à une dépersonnalisation. Dans les communautés théâtrales des décennies précédentes, il existe des seuils d’appartenance au groupe, seul une certaine ancienneté donnant accès à l’individuation. » (Raphaëlle Doyon). Marcu Borja parle du communautarisme des années 60 qui se serait transformé en collaborativisme dans les années 90 23. Malgré l’ancienneté des mouvements punk (1976), la question de la perte de l’individualité ne semble pas se poser, la liberté individuelle et l’indépendance étant au cœur de la philosophie punk. Ainsi, je retrouve parmi les membres du public des concerts punk, des artistes croisés dans le milieu du cirque et des arts de la rue ou des musiques traditionnelles (world music). L’appartenance au milieu punk n’exclut pas celle à d’autres mondes artistiques, et les frontières sont perméables. Nous ne sommes pas dans un communautarisme exclusif/excluant, mais au-delà du simple collaborativisme pragmatique. Le punk, le metal et le rock extrême ont réagi au mouvement rock des années 70, et aux guitare-héros en prônant une culture d’anti-héros, d’anti-égo et d’anti-leadership. Alors que les collectifs de théâtre s’interrogent sur le comment être ensemble en restant singuliers ou le comment être singulier sans écraser l’ensemble, les collectifs dans le rock extrême fonctionnent de manière instinctive et très fluide. Le phénomène émergent des nouveaux collectifs de théâtre, militants de l’altermondialisme, de la lutte contre l’immobilisme et le modèle dominant du tout économique, de penser autrement les relations de pouvoir, est pratiqué par le milieu punk depuis déjà quatre décennies.

Raphaëlle Doyon signale aussi un élément important dans la constitution des collectifs de théâtre qui diffère totalement de celle des collectifs de rock : « Les collectifs de théâtre appartiennent à une certaine élite socio­culturelle, la reconnaissance dont ils jouissent et les lieux dans lesquels ils se produisent le disent : ce ne sont pas des marginaux. Ils revendiquent le refus d’un système qui a fini par les reconnaître. L’anti-élitisme se trouve ailleurs, dans leur manière de créer ensemble. » Le mouvement punk, au contraire, est complètement marginalisé. Guy Freixe nous dit dans ce même ouvrage : « Le système institutionnel, relayé par les médias, a toujours voulu repérer un nom, identifier un visage, mettre en avant un parcours singulier. Il faut qu’il y ait une tête, un chef, une signature derrière tout projet collectif. Cette personnalisation de l’artiste est le reflet d’une société privilégiant le geste unique et original du créateur. » S’inscrire dans un fonctionnement collectif et horizontal est donc un acte transgressif.

Et la philosophie punk s’inscrit dans bien d’autres transgressions, à lire Craig O’Hara dans son ouvrage Philosophie punk. Selon lui, cette philosophie correspond avant tout à une recherche de liberté, au désir de suivre ses propres décisions, de refuser l’influence de la société, de défendre ses convictions, d’être soi-même, de refuser la superficialité.

Dans son documentaire Metal, voyage au cœur de la bête, Sam Dunn nous dit que les fans de heavy metal sont inconditionnels à vie de cette musique, et qu’ils ont la sensation d’appartenir à un phénomène contestataire qui les dépasse. La notion de Do It Yourself n’est pas uniquement économique, mais signale un goût pour l’action, la pratique, le passage à l’acte dans la vie quotidienne. La notion de marginalité est aussi importante. Les textes des chansons traitent de sujets marginaux (toxicomanie, mœurs, mode de vie…), les vêtements marginalisent les acteurs du mouvement (crêtes, tatouages, piercing…).

Il a été difficile de donner un nom au phénomène traité ici. J’ai choisi de le nommer rock extrême, pour le différencier du rock plus ancien et plus traditionnel des années 50 et 60, mais aussi pour ne pas le nommer « punk », terme que j’avais préalablement choisi. Or, les premières personnes rencontrées au cours de mon enquête, à savoir les membres du Kjbi ne souhaitaient pas se définir comme punk. Le terme leur semblait galvaudé, connoté négativement et ne correspondant pas à leur véritable identité. Rock alternatif, underground ou DIY leur semblait plus approprié, mais chacun proposait une expression différente.

Il est vrai que le terme punk rebute de nombreuses personnes tant il évoque certains stéréotypes. Sam Dunn explique que le blues dont le rock extrême s’est inspiré, se joue sur une gamme pentatonique comprenant une quinte diminuée. Cet intervalle était appelé au Moyen-âge, l’intervalle du diable (diabolus in musica) joué pour invoquer Satan, et interdit par l’Eglise. Les musiciens de metal ont depuis, notamment aux États-Unis, été accusés de nombreuses fois de jouer une musique sataniste, diabolique, de pousser les jeunes auditeurs au suicide. En 1984, les Twisted Sisters ont été accusées par des associations de parents, des organisations religieuses et des groupes de conservateurs puritains (la femme d’Al Gore porta elle-même plainte) de pousser les adolescents américains au suicide. Les accusateurs avaient une représentation des rockers très négative, préjugeant de leurs faibles compétences intellectuelles, et furent surpris lorsque les musiciens surent se défendre en procès, clamant leur droit d’expression et plaidant contre la censure. Les accusations de satanisme sont très éloignées de la réalité. Les musiciens de metal font au contraire une sorte de caricature du satanisme dans leurs chansons et utilisent l’esthétique des Donjons et Dragons avec de l’humour et une bonne dose de provocation. Sam Dunn note tout de même quelques dérives en Norvège et dans les pays scandinaves où des musiciens de metal ont été emprisonnés après avoir incendié des églises dans les années 90. Ces cas sont anecdotiques et culturellement situés, ayant eu lieu dans des pays très croyants dans lesquels de nombreux habitants nourrissaient un fort ressentiment à l’égard du Christianisme. Aucune condamnation n’a jamais été répertoriée ailleurs.

En France, le Hell fest, festival de musiques extrêmes organisé chaque année à Clisson en Loire-Atlantique, a lui aussi fait face aux accusations de la confédération des associations catholiques (CNAFC) de porter atteinte aux intérêts spirituels, moraux et matériels des familles, et d’avoir des agissements ou des messages qui pourraient attenter aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales ou pourraient être considérés comme incitatifs à la violence. Philippe de Villiers et Christine Boutin accusaient également Ségolène Royal de porter son soutien à un festival sataniste. Le Hell Fest a finalement gagné son procès et n’aura pas alors à fournir les textes et paroles des chansons de tous les artistes programmés lors du festival. En fait, le rock extrême semble célébrer ce qui fait peur : la mort, ou une représentation de la mort.

Les amateurs de metal et de punk semblent se défouler sans limite lors des concerts et rassemblements, le volume de la musique renvoie un sentiment de puissance et une énorme énergie, mais, pour les amateurs de cette musique, il ne s’agit de rien de plus qu’un exutoire pour évacuer le stress quotidien et se sentir vivants.

Bien au contraire, les valeurs du milieu du rock extrême se situent dans la tolérance et la solidarité. En effet, on trouve dans ce réseau des notions importantes de solidarité qui se concrétisent dans des actions de différents ordres. En Languedoc, en 2003, 27 groupes de punk emmenés par un membre du groupe Arrache Moumoute (Toulouse) enregistrent au profit d’un projet humanitaire en Afrique. Parmi eux, de nombreux groupes régionaux : Hippycore, Gilbert et ses problèmes, Kamizol, Anticlockwise, Ovules destroy. Autre exemple, en 2016 et 2017, des collectes de soutien aux migrants sont organisées par les membres des associations de rock extrême. Les rockers s’inscrivent donc dans leur environnement et prennent une part active aux projets de solidarité. (Fig. 21)

Fig. 21 - Couverture de la Compilation Punk Humanitaire enregistrée par 27 groupes dont plusieurs groupes héraultais en 2011 (collection privée Dikenek).
Fig. 21 - Couverture de la Compilation Punk Humanitaire enregistrée par 27 groupes dont plusieurs groupes héraultais en 2011 (collection privée Dikenek).

Un élément important de cette culture punk tient aussi au mouvement « antifa » (dérivé du terme antifasciste). « Le diminutif “antifa”, né dans les années 80, est communément employé pour désigner un ensemble de groupes de militants radicaux opposés au FN et aux groupes d’extrême droite radicale (type Jeunesses Nationales, Bloc Identitaire, Troisième Voie…) » 24. Ces groupes agissent sur le terrain et interviennent physiquement contre les groupes repérés de nationalistes actifs. Ils prônent l’action directe mais agissent également de plus en plus sur internet via des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux (surveillance et dénonciation des dérives d’extrême­droite). Ces mouvements très actifs en région parisienne existent aussi dans notre département. Il ne s’agit pas d’un mouvement organisé à l’échelle nationale (ni même à l’échelle locale) comme l’étaient les mouvements antifascistes des années 30, mais de nombreux punks et skinheads revendiquent leur appartenance à cette idée d’antifascisme radical en s’inscrivant dans une mouvance libertaire, autonome, anarchiste ou trotskiste. De nombreux groupes utilisent le terme Antifa dans leurs chansons, comme c’est le cas de Solidagités.

Les punks antifa héraultais surveillent les actions des membres de la Ligue du Midi ainsi que des groupes de skin néonazis et agissent en contrepoint quand ils le jugent nécessaire. Je n’ai pas recensé de groupes de rock d’extrême droite en Languedoc lors de mon enquête, mais il en existe plusieurs en France, qui se revendiquent ouvertement appartenir à une mouvance nationaliste, raciste, fasciste ou néo-nazie. Les groupes tels que Faction Brune, Haïs et fiers, Nettoyage Ethnik (originaires respectivement d’Aix en Provence, de Marseille et des Hauts de France) en font partie. La plupart des groupes d’extrême droite jouent du Oi, ce qui ne leur cède pas l’exclusivité de ce style musical. La Ligue du midi se présente sur son site internet (liguedumidi.com) comme « un mouvement de large rassemblement identitaire, patriote et citoyen » 25.

De nombreux membres de la communauté punk se sentent investis de la mission de contrer les actions de la Ligue du midi qui attaque les locaux libertaires (l’association Barricades, dans le centre-ville de Montpellier, ou l’ancien squat la Cimenterie à Castelnau-le-Lez ont plusieurs fois été vandalisés par des membres de la Ligue du midi). Des échauffourées ont lieu régulièrement. Plusieurs groupes de punk occitans sont très actifs et revendicatifs sur ce terrain et prônent la régionalisation des cultures comme une ouverture d’esprit à l’inverse du réactionnisme de la Ligue. Ainsi, les groupes la Bande à Kaader, Tados, Solidagité, Goulamas’K s’inscrivent-ils dans la mouvance antifa. (Fig. 22)

Mouvement antifa occitan : autocollant distribué ou vendu lors de concerts et festivals punk en Languedoc.
Fig. 22 - Mouvement antifa occitan : autocollant distribué ou vendu
lors de concerts et festivals punk en Languedoc.

L’ouverture d’esprit et l’idée de tolérance présentes dans le milieu du rock extrême se manifestent également par la présence féminine, aussi bien sur scène que dans l’organisation ou le public (plus importante que sur la scène jazz). Le rock extrême a démarré dans les années 70 en étant un milieu très masculin, véhiculant une image de force, de virilité, de violence, imposant un gros volume sonore, à l’image de héros masculins en tenue de cuir moulant. Cette musique s’adressait à la classe ouvrière masculine et selon Sam Dunn, on ne comptait que 10 % de femmes dans l’auditoire du rock extrême aux USA dans ces années-là.

Par la suite, le glam metal (hommes déguisés en filles et provocations sur l’identité sexuelle), le punk (avec sa philosophie beaucoup plus libertaire et soucieuse de protéger les minorités), l’influence de Los Angeles et de l’originalité de Sunset Boulevard vont permettre au mouvement de s’ouvrir davantage aux femmes. Elles entrent dans le mouvement d’abord en tant que groupies, puis comme musiciennes et partagent finalement la scène avec les hommes. Plusieurs chantent également comme les hommes, avec force, puissance, et en usant de voix monstrueuses telles qu’évoquées plus haut dans l’article. La scène internationale du rock extrême compte actuellement de nombreuses femmes célèbres, telles que Girlschool. Doro Pesch. Kitti (sisters Lander), Arch Enemy… Notre région n’échappe pas à la règle et on trouve également une importante mixité dans les groupes locaux. Ainsi, la batterie de Reptilicus est-elle assurée par une fille ; les groupes Kirkipete, Les pertes blanches, Jad, Ovule Destroy ou Les vieilles putes sont menés par des filles chanteuses et instrumentistes ; les bassistes des groupes Anticlockwise ou Angry sometimes sont également dans des femmes. (Fig. 23)

La Bande à Kaader : des filles sur scène (collection privée BAK).
Fig. 23 - La Bande à Kaader : des filles sur scène (collection privée BAK).

Fyfy de la TAF constate également qu’il y a beaucoup plus de femmes dans le public qu’au démarrage de son activité et déclare même lors de notre entrevue : « Il n’y a plus que des meufs ! On fait moins peur, par rapport à ça. »

Je conclurai mon article sur un dernier constat qui me semble évocateur de la philosophie du mouvement rock extrême et qui détonne dans un climat ambiant de frénésie consommatrice et de zapping à tout va : de nombreux groupes ont une durée de vie remarquable.

Aussi bien à l’échelle internationale (où l’on voit de vieux groupes des années 70 toujours programmés sur les grandes scènes de festivals) que localement, beaucoup de groupes de punk et de rock extrême existent depuis plus de 20 ans et ce, en dépit de la maigreur des contreparties financières des concerts. En région, des groupes tels que Kamizol, Les Molards, Hippycore, Tados, Anticlockwise, Marvin, Gilbert et ses problèmes, Goulamas’K, Les Naufragés, Les Sales Majestés, les Shériffs, Féral, Sonic Angels, Les Vierges…. existent depuis plus de 20 ans. Cette pérennité, même si elle implique parfois un turnover des membres des groupes, montre une certaine authenticité dans les orientations des musiciens, une grande conviction et, d’une certaine manière, un engagement sincère. Les punks semblent solides, inébranlables, permanents. Ainsi, la culture punk aura traversé les 40 dernières années, l’ombre, de manière underground, mais tout à fait vivante et active. Je constate également que de nombreux couples se sont formés dans ce milieu et que les engagements de la vie privée semblent également plus durables qu’ailleurs. Les statistiques mériteraient d’être vérifiées, mais j’ai pu au cours de mon enquête croiser de nombreux couples installés ensemble depuis plus de 20 ans (parfois alors âgés seulement de 40 ou 45 ans), et ce malgré les conditions de vie instables liées aux aléas des tournées, ou à la précarité économique. Ce phénomène semble assez anachronique dans une époque où le couple fait également partie des éléments consommables.

Extraits musicaux, disponibles à l’écoute sur YouTube (consultés en juillet 2017)

Les Naufragés :
L’harmonica, https://www.youtube.com/watch?v=CP-gdUjV_Yw

Goulamas’K : (rock occitan du Biterrois)
Les diables de la garrigue, https://www.youtube.com/watch?v=3qzu6jxSZZY
Gardarem la terra, https://www.youtube.com/watch?v=xAx0Dqo4L30

Tados : (Punk Béziers)
La honte, https://www.youtube.com/watch?v=dNi4ZVsB2go

Anticlockwise : (Punk Montpellier)
Break the barrier, https://www.youtube.com/watch?v=w8J6bALxuVc

Hypnose : (Metal Montpellier)
Tio, https://www.youtube.com/watch?v=2jW8eAprYeA

Les Molards : (Punk Montpellier)
Et si ça leur suffit, https://www.youtube.com/watch?v=iRHvXREdsmI

Otake : (punk Montpellier)
Guérizon, https://www.youtube.com/watch?v=-vxIiNWviEM

OTH : (Rock Montpellier)
Sous le soleil du midi, https://www.youtube.com/watch?v=iAPNQrvproE

Kirkipete : (Punk Musette – Hauts cantons)
Tango, https://www.youtube.com/watch?v=dvXw6jv0OaM

Atomic Rotors : (psychobilly – Montpellier)
Lost desire, https://www.youtube.com/watch?v=q69Inc9lMaM

Marvin : (Noise Montpellier)
Hangover the top, https://www.youtube.com/watch?v=UpS816G-XL4

NOTES

1. Do It Yourself ! : « Fais-le toi-même ! », mot d’ordre majeur des années 70 qui touchait tous les domaines de la vie quotidienne. Condensé en DIY dans le monde punk.

2. Terme employé par Christine Boutin en 2010.

3. Tout à Fond, association créée en 1996 pour promouvoir les musiques rock sous toutes leurs formes (Rock n’ roll, Punk, Garage, Metal, Psychobilly…). Elle gère la Secret Place, salle de concerts, de répétition et d’enregistrement installée à Saint Jean de Védas et y organise environ 150 concerts par an.

4. Thompson, Stacy, Punk productions, Suny Press, 2004.

5. Encarnacao, John, Punk aesthetics and new folk, Ed. Ashgate, 2013 : « Genres themselves are constructions of convenient, but always vexed boundaries. Any generic label seeks to define orthodoxies of authenticity as markers of musical style. Funk, hip hop, rebetika, serialism – whatever label is applied implies a prototype of musical expression and a canon of « classic » works and artists.« 

6. Martinez Garcia, Silvia, « La production de genres : analyses depuis les périphéries du heavy metal », Volume ! Revue des musiques populaires, n° 5-2, 2006.

7. Film documentaire Metal, au cœur de la bête.

8. Michel Pastoureau, Noir : Histoire d’une couleur, Le Seuil, 2008.

9. Encarnacao, John, op. cit. : « The music which was held to retain the spirit of punk rock was not required to sound at all like the sex pistols or the clash. This « post-punk » music continued that aspect of punk itself whose ambition had been to subvert or undo the conventions of the popular music mainstream, rather than replacing them with a new set of conventions belonging to a punk genre.« 

10. Erbe, Marcus, « By demons be driven? Scanning “monstrous” voices », in: Eric James Abbey and Colin Helb (eds), Hardcore, punk and other junk, aggressive sounds in contemporary music, Lexington Books, 2014. « The vocal utterances heard in extreme metal bring about notions of monstrosity and demonic possession with almost all people who come in contact with this kind of music for the first time.« 

11. Ibid. : « Extreme vocalists strive to convey feelings of rage, brutality, intensity, aggression or power for that, they develop individual strategies. It is crucial to keep in mind that the majority of extreme metal and hardcore vocalists are self-taught. Most of them start their autodidactic training by listening closely to their favorite singers and trying to irritate their vocals, which does seem to help with developing a basic feel for what is technically right and what should best be avoided.« 

12. Elovaara, Mika, « Am I evil? The meaning of Metal lyrics to its fans », in Eric James Abbey and Colin Helb (eds), op. cit. : « fans and artists alike consider melody and rythm far more important and meaningful that lyrics« .

13. Guibert, Gérôme, « Chantez-vous en français ou en anglais ? », Volume ! Revue des musiques populaires, n° 2-2, 2003.

14. Inventée par Michael Moorcock, écrivain de science-fiction et d’heroic fantasy, le symbole est une étoile à 8 branches à connotation magique. Elle est adoptée dans les années 70 par la culture punk.

15. Instrument traditionnel catalan de la famille des cornemuses.

16. Cestor, Elisabeth, « Minorités actives dans le milieu musical régional », Volume ! La revue des musiques populaires, n° 4-2, 2005.

17. Sagot-Duvauroux, Dominique, « Quel modèle économique pour les scènes de musiques actuelles ? », Volume ! Revue des musiques populaires, n° 4-2, 2005.

18. O’Hara, Craig, La philosophie du punk Histoire d’une révolte culturelle, Rytrut Editions, 2003, 2e édition 2005.

19. Scène de Musiques Actuelles : programme et label créé par le Ministère de la Culture en 1998 regroupant environ 150 lieux musicaux de petite et moyenne capacité, dédiés aux musiques actuelles.

20. Dale, Pete, Anyone can do it : Empowerment, tradition and the punk underground, Ed. Ashgate, Oxford Brookes University, 2012. « The underground punk scene, then, is something which a majority of people would be unaware of; by definition, it is known to only a few. Within the scene’s own discourse, meanwhile, to speak of the punk underground as the diametric opposite of the mainstream is normal. Necessarily, therefore, this diametric opposition is to some extent conditioned by the thing that it opposes. This general (essentially Hegelian) point has been hinted at by David Brackett: ‘It is always important to remember the relational nature of the mainstream: a concept of the mainstream depends on an equally strong concept of the “margins” – one cannot exist without the other. »
« Mainstream punk music follows familiar patterns of musical content for commercial reasons; underground punk disturbs convention and provides a « cultural edge » and therefore is inherently uncommercial. Mainstream punk music is released by major labels, underground punk has been instigated and maintained as an independant network. Mainstream punk is hierarchical in the sense that it replicates the kind of competitiveness of the music industry’s conventionnal rock and pop systems; undeground punk calls for no heroes and leaders Mainstream punk bands have achieved enough musical competence to atain record sales sufficient to allow them to be described as « mainstream » ; underground punk bands often pride themselves on the very « uncommerciality » of their « difficult » music and may seem as if they cannot play or sound « unprofessionnal » or too « lo­fi » to the mainstream music consumer Mainstream punk bands merely festive at radicalism and policization; underground punk articulates extreem political views with action, within performance and sometimes more broadely ».

21. Hamidi-Kim, Bérénice, « Vous avez dit collectif ? Les 3/8 et la bande de Villeréal et d’ailleurs : autogestion civique vs affinités esthétiques et affectives », in Raphaëlle Doyon et Guy Freixe (éds), Les collectifs dans les arts vivants depuis 1980, Editions L’Entretemps, 2014. ESS : Économie sociale et solidaire. DD culturel : Développement durable culturel.

22. Pizzinat, Baptiste, « Le collectif artistique par gros temps », in Raphaëlle Doyon et Guy Freixe (éds), op. cit.

23. Borja, Marcus, « Du collectif au collaboratif : parcours de l’écriture scénique plurielle entre France et Brésil », in Raphaëlle Doyon et Guy Freixe (éds), op. cit.

24. Les Inrocks du 25 juin 2013.

25. « Fière de ses racines, elle additionne les héritages culturels et historiques de nos identités, qu’elles soient locales, régionales, nationales ou européennes et nous sommes fiers d’être Cévenols, Rouergats, Toulousains, Camarguais, Pieds noirs, Catalans, Occitans, mais également Français et Européens. La Ligue représente et défend les Français « de souche » contre les mondialistes, les spoliés contre les spéculateurs, les travailleurs contre les multinationales, l’Europe des Patries contre celle des technocrates de Bruxelles. Face à l’islamisation de nos terres, nous sommes entrés en Résistance. » in https://liguedumidi.com/qui-sommes-nous/.