Description
Note sur la découverte du trésor d’argenterie antique de Béziers
C’est une prospection de surface menée par deux archéologues amateurs de Béziers qui est à l’origine de l’une des découvertes archéologiques les plus spectaculaires effectuées en Languedoc-Roussillon au cours des vingt dernières années. En mai 1983, Mme Paule Combes recueillait en effet, sur l’habitat gallo-romain de Vaisseriès, au nord de Béziers, la partie centrale et plusieurs fragments de la bordure d’un grand plat décoré en argent, arraché du sol par la charrue. La Direction Régionale des Antiquités, aussitôt prévenue, localisait l’origine précise de ce plat dans la parcelle et pouvait alors entamer une fouille de sauvetage limitée. Celle-ci devait entraîner la mise au jour de deux autres plats en argent moins abîmés, et autoriser quelques observations sur l’environnement immédiat et les conditions d’enfouissement du trésor.
Il semble que ce dépôt nous soit parvenu tel qu’il a été enfoui dans l’Antiquité. Il consiste en trois plats d’argent, aussi remarquables par leur grande taille (diamètres respectifs 49,5 – 48,3 et 59,4 cm !) que par leur décor. L’étude que nous avons entreprise concerne donc autant l’aspect archéologique de la découverte que l’analyse de son iconographie. Sur le plan historique, on peut considérer que le trésor a été enfoui après le début du IVe siècle de notre ère, date probable de fabrication du plus grand plat. Or cette période ne correspond guère, pour autant que les textes ou l’archéologie nous l’apprennent, à une phase de bouleversement économique, politique ou militaire : aucun trésor monétaire contemporain ne semble avoir été découvert dans la région. On s’explique donc mal les circonstances précises qui ont pu amener le propriétaire de ces plats à les enfouir près d’une villa l’insécurité, quelle qu’en soit l’origine, demeure cependant l’explication la plus plausible.
C’est à cette cause inconnue que nous devons de pouvoir examiner aujourd’hui un ensemble d’argenterie sans équivalent dans toute la Gaule du sud. Si les provinces africaines, le nord de la France et surtout la Grande-Bretagne ont livré nombre de trésors de vaisselle du IVe s., on ne peut en effet citer aucun ensemble contemporain au sud de la Loire. La Narbonnaise, restée pour l’essentiel à l’écart des troubles du IIIe s., est d’ailleurs particulièrement pauvre en trésors d’argenterie antique, mis à part deux dépôts datés du dernier tiers du IIIe s. : Chatuzanges (Drôme), 6 pièces, et Thil (Haute-Garonne), qui comprend 7 vases. La nouvelle découverte de Béziers constitue donc un apport original, à la fois par sa situation géographique et par sa chronologie. Mais l’intérêt majeur de la trouvaille vient sans doute du décor des plats, source documentaire unique pour l’iconographie de la fin de l’Antiquité en Languedoc.
Les trois plats de Béziers sont diversement décorés : style et technique permettent de reconnaître trois origines différentes, et probablement aussi plusieurs périodes. Nous n’entrerons pas ici dans le détail de cette ornementation, dont l’étude est en cours, et dont la description demanderait à elle seule plusieurs pages. Il nous suffira d’esquisser ici dans ses grandes lignes les principales caractéristiques de chaque décor.
Le premier plat est, en apparence du moins, le plus classique de la série. Il présente en effet un médaillon central et une frise à décor bachique qui trouve de nombreux éléments de comparaisons dans l’argenterie traditionnellement attribuée aux IIe et IIIe s. Cette frise est composée de groupes de motifs (animaux, autels, arbres, petits enclos…) juxtaposés selon des ensembles que rythment douze têtes, généralement adossées à des autels, et dont la plupart peuvent être interprétées comme ayant un caractère dionysiaque (Satyres/Ménades). Mais sur une moitié de la circonférence se placent six têtes de divinités Hercule, Mercure, Sol, Luna, Bacchus et Neptune (les quatre premières se faisant face deux à deux). Comme le médaillon central représente lui aussi un sujet dionysiaque (bacchant ?) tournant le dos aux six divinités, l’introduction de cette séquence revêt l’importance particulière d’une étrangeté iconographique dans un contexte qui semble bien, par sa banalité, avoir perdu toute signification religieuse profonde. Les représentations à caractère dionysiaque sont en effet trop nombreuses dans le domaine de l’argenterie, en dehors de tout contexte religieux, pour avoir joué un autre rôle que celui de « référence culturelle », soulignant la connivence sociale des riches utilisateurs de cette vaisselle de prix. […]
Additional information
Année de publication | 1987 |
---|---|
Nombre de pages | 4 |
Auteur(s) | Annie-France LAURENS, Marie-Geneviève COLIN, Michel FEUGERE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |