Description
Montpellier, hôtel Richer de Belleval
une maison médiévale et ses modifications
(milieu XIIIe-XIXe siècle)
Frédéric LOPPE * et
Bernard SOURNIA **
avec la collaboration de
Frédéric GUIBAL ***
* Docteur en Archéologie médiévale, chargé d’études, ALC Archéologie, 87 rue de Verdun, 11000 Carcassonne ;
chercheur associé laboratoire FRAMESPA, UMR 5136, Université du Mirail, Toulouse II et laboratoire Lattes-Montpellier, UMR 5140.
Je tiens à remercier F. Fiore, architecte du patrimoine, Montpellier (élévations) et J.-L. Vayssettes, SRA Occitanie.
** Historien de l’Architecture. Conservateur en Chef honoraire du Patrimoine.
*** Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale, UMR 7263, CNRS, Aix-Marseille Université,
Europôle Mediterranée de l’Arbois, Aix-en-Provence. Auteur des prélèvements et de l’étude dendrochronologique.
frederic.guibal@imbe.fr
Dans le cadre d’un projet de rénovation de l’Hôtel Richer de Belleval, la municipalité de Montpellier a demandé en juin 2015 la réalisation d’une expertise patrimoniale sur les éléments en élévation les plus anciens de la construction, à l’angle des rues du Vestiaire et du Puits des Esquilles. Avant travaux, des baies géminées double et quadruple étaient visibles, ultérieurement murées lors de la transformation en hôtel particulier dans le courant du XVIIe siècle. Des sondages localisés réalisés en façade et à l’intérieur (parements et plafonds des premier et second étages) ont révélé des planchers médiévaux de la seconde moitié du XIIIe siècle (dendrochronologie réalisée par F. Guibal) et des détails architecturaux jusqu’alors invisibles (lucarnes chanfreinées, baies trilobées en grande partie détruites).
Les observations confirment celles réalisées dans deux études de 2010, à savoir la présence d’une maison médiévale à façade étroite donnant sur la rue du Puits des Esquilles, pourvue de plusieurs séries de baies éclairant les salles des deux niveaux supérieurs (superficie totale : env. 105 m²). Il s’agit d’une maison « modulaire » relativement modeste qui devait posséder une boutique au rez-de-chaussée.
In June 2015, as part of the renovation project on the Hôtel Richer de Belleval, the Montpellier local council requested a heritage survey to be carried out on the oldest elevated parts of the building, situated at the angle of the Rue du Vestiaire and Rue du Puits des Esquilles. Before work started, the double and quadruple gemelled openings could be seen, that had later been walled-up during the conversion to a gentleman’s house (‘hotel particulier’) during the XVII cent. Localized tests on the frontage and on the inside (facings and first and second floor ceilings) showed medieval floors dating to the second half of the XIII cent. (dendrochronology carried out by F.Guibal), plus architectural details that had previously been invisible: chamfered dormer windows; largely destroyed tri-lobed windows.
These results confirmed those already obtained in two studies carried out in 2010, namely the presence of a medieval house with a narrow frontage, opening onto the Rue du Puits des Esquilles, equipped with several series of windows illuminating the rooms of the two upstairs levels (total surface area approx. 105m²). This was a relatively modest ‘modular’ house, that most probably had a shop on the ground-floor.
Dins l’encastre d’un projècte de renovacion de l’Ostal Richer de Belleval, la municipalitat de Montpelhièr, en junh 2015, comandét la realizacion d’una expertesa patrimoniala sus las partidas enauçadas las mas ancianas de la bastenda, al canton de las Carrièras del Vestiari e del Potz de las Esquilhas. Davant òbras, d’alandaments embessonats, dobles e quadruples, podián èsser vistes, emparedats ulteriorament al temps del cambiament en ostal particular dins lo cors del sègle XVII. D’escandalhatges efectuats ponch per ponch sus la faciada e en dedins (paraments e plafons de las primièras e segondas estanças) mostrèron de pondes medievals de la segonda mitat del sègle XIII (dendrocronologia realizada per F. Guibal) e de detalhs arquitecturals fins ara invisibles (fenestrons descarrats, alandaments trilobats en magèr part arroïnats).
Las observacions confirman las realizadas dins dos estudis de 2010, a saber l’existéncia d’un ostal medieval de faciada estrecha agachant la Carrièra del Potz de las Esquilhas, provesida de mai d’una tièra d’alandaments bailant lum a de salas dels dos nivèls sobeirans (espandida totala a l’entorn de 105 m2). S’agís d’un ostal “cambiadís” relativament modèst, que deviá èstre porgit d’un obrador al debàs..
Introduction
Morphogenèse de Montpellier : repères historiques
L’implantation géographique de Montpellier est relativement atypique puisque « le site s’étend sur trois collines : à l’ouest, le promontoire du Puy Arquinel (occupé depuis le XVIIIe siècle par la place du Peyrou) ; à l’est celui de Montpelliéret (mis à niveau avec la ville au XVIIe siècle et utilisé pour servir de socle à la citadelle) ; au centre la ville intra muros, sur une colline culminant à 50 m, limitée au nord par le ruisseau du Merdanson (Verdanson). Le report des courbes de niveau montre la plus forte déclivité de la partie nord et une pente plus douce vers le sud où s’opère le plus grand développement. Du haut de son « puech », la ville domine le réseau routier antique formé de la voie domitienne et du chemin du sel. La route de pèlerinage qui se substitue à une époque inconnue à la voie Domitia, utilise le vallon séparant la colline de Montpellier de celle de Montpelliéret ».
Aux XIe et XIIe siècles l’agglomération se développe donc à partir de plusieurs pôles : l’enclos ecclésial Saint-Firmin d’environ 60 m de diamètre, le secteur de la Condamine, celui du château Saint-Nicolas, puis celui du Peyron, à l’ouest, qui verra la construction d’un nouveau château au XIIe siècle, après la destruction du premier.
Dans les années 1130-1140 « une enceinte urbaine réunit, sous le contrôle du bourg castral, le noyau Saint-Firmin et le nouveau quartier Sainte-Croix où Guillaume VI a implanté son palais vers 1129 ».
En effet l’îlot comportant l’hôtel Richer de Belleval, implanté au point culminant du relief Montpelliérain (49 m NGF), se situe au niveau de la première enceinte montpelliéraine ou « mur vieux », construction contre laquelle Guilhem VI a fait édifier une maison et une chapelle sous le vocable de Sainte-Croix. Ainsi « l’analyse morphologique apporte de minces indices sur l’existence d’une première enceinte urbaine. Des alignements fossilisés dans le tissu urbain, sont nettement lisibles, à l’est de la Condamine et à proximité de la place actuelle de la Canourgue, au nord-ouest de la Ville. Par ailleurs de grandes parcelles possèdent des jardins en contrebas, signe d’un lotissement des fossés. Elles se situent près de la Condamine : du nord-est au sud-est, les hôtels Baudan de Varennes, Bachy du Cayla, des Trésoriers de France et de la Roche ; dans le quartier Sainte-Croix : hôtel d’Audessan ; à l’est de Saint-Firmin : les hôtels de Montcalm et des Trésoriers de la Bourse. Entre Saint-Firmin et la Condamine, le décrochement en baïonnette de la rue du Bras de Fer et du « plan » du Sauvage peut indiquer la présence d’une porte ».
La situation géographique ainsi que la présence d’une bourgeoisie émancipée et de négociants italiens vont permettre à l’agglomération de connaître un essor urbain et économique très important dès la seconde moitié du XIIe siècle. Plusieurs métiers majeurs apparaissent (changeurs, teinturiers, poivriers) et les marchands montpelliérains représentent le Languedoc aux foires de Champagne. Par ailleurs « l’université, avec l’enseignement du droit et de la médecine, donne déjà à cette ville sa particularité : un grand centre financier, carrefour des échanges entre Méditerranée et pays nordiques, doublée d’un centre intellectuel renommé ».
Pourtant « le quartier qui nous occupe ici reste manifestement en marge du secteur dominant : du moins n’y trouvons-nous pas trace archéologique de ces beaux ostals du patriciat négociant des XIIIe et XIVe siècles sur l’ossature desquels viendront s’édifier les grands hôtels particuliers de la noblesse de robe montpelliéraine de l’âge classique. Le quartier de la Canourgue apparaît à ce moment de l’évolution urbaine comme un quartier de valeur moyenne, à deux pas de la Juiverie : d’une meilleure qualité sociale que les quartiers bas, mais nettement plus faible, socialement, que le quartier des grands négociants du drap et du poivre qui occupent alors le dessus du panier. Les maisons médiévales dont nous retrouvons les vestiges dans le quartier, englobées dans des immeubles plus récents, sont contenues dans des limites parcellaires plutôt médiocres et appartiennent dans l’ensemble au type que nous avons défini ailleurs comme maisons élémentaires, maisons au plan en lanière, de cinq mètres tout au plus d’emprise de façade sur la rue et n’ayant qu’une pièce ou deux par niveau, avec parfois un petit espace libre, jardinet ou courette à l’arrière ».
Au début du XIIIe siècle Montpellier se dote d’une nouvelle enceinte qui protège plus de 45 hectares et au XIVe siècle environ 40 000 habitants sont répertoriés, ce qui en fait une des deux plus grandes cités du Languedoc méditerranéen avec Narbonne et une agglomération de premier ordre du monde occidental.
Toutefois la ville va peu à peu décliner après la guerre de Cent Ans, « perdant sa qualité de place marchande et bancaire et entrant dans une période de déclin économique et démographique durable ». Elle « change alors de statut puisque Capétiens puis Valois en font une ville d’autorité, la capitale administrative du Languedoc oriental ». […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2017 |
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Nombre de pages | 15 |
Auteur(s) | Bernard SOURNIA, Frédéric GUIBAL, Frédéric LOPPE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |