Description
Montpellier en Languedoc-Roussillon La logique de la Capitale
Symbole d’une région et d’une ville décidées à « gagner ensemble », le Prao « Montpellier-Languedoc-Roussillon » est baptisé aux vins du terroir le Jeudi 13 Septembre dans le port de La Grande Motte. Quel paradoxe et quel raccourci étonnant que cette aventure dont, au dire de G. Frêche, maire de Montpellier, « l’enjeu n’est pas que sportif » : regard novateur vers la mer pour une région qui lui tourna longtemps le dos, association inattendue de la ville et de sa région, enfin baptême à La Grande Motte à la fois image implicite d’une richesse « parachutée » et modèle reconnu d’une « colonisation étrangère ». Le Languedoc des années 80 est-il donc si différent de celui jusqu’ici décrit ? Les transformations économiques, sociales, politiques qui l’ont affecté en 20 ans ont-elles à ce point modifié les structures régionales que la hiérarchie urbaine en eût elle-même enregistré les effets ? Le polycentrisme traditionnellement admis dans une région écartelée entre des pôles urbains concurrents mais solidement implantés sur leur territoire cèderait-il la place à un monocentrisme de fait reposant sur la suprématie de plus en plus affirmée de la capitale régionale ? Selon une enquête du quotidien régional Midi Libre publiée en mars 1984, 72 % des habitants du Languedoc-Roussillon estiment que Montpellier joue un rôle de capitale régionale ; mais près d’un habitant sur deux pense que la croissance de la capitale administrative constitue plus une gêne pour la région qu’un avantage (52 % des Catalans, 47 % des Lozériens, 41 % des Gardois et même 30 % des Héraultais). Le Languedoc n’en est pas à un paradoxe près : tiraillé sur ses marges, indépendantiste sur ses ailes roussillonnaise et gardoise, il s’identifie de plus en plus par son centre, sa capitale. Dans la version classique de l’économie dominante, la région naît de son centre, facteur d’unité et de rattachement, s’ordonne harmonieusement autour de sa capitale. Rien de tout cela en Languedoc sinon une atomisation de structures polarisées, Perpignan, Nîmes, Béziers et à un degré moindre Carcassonne, Narbonne, Alès, Bagnols, Mende, prétendant contrôler, à leur profit, une partie du territoire régional sans pour autant devenir des relais d’une capitale lointaine et étrangère. Cette structure pluricellulaire s’inscrit mal dans le modèle d’un réseau urbain hiérarchisé et placé sous la dépendance d’une capitale unique. Par ailleurs, le Languedoc-Roussillon est une région « extravertie », soumise à des forces centrifuges qui font que Lyon, Marseille, Toulouse, mordent largement sur ses marges. Le vignoble lui-même qui a longtemps entretenu le mythe de l’unité régionale est actuellement beaucoup plus dépendant des décisions de la Communauté européenne que des villes régionales dont il a pourtant fait la fortune.
Les fractures de l’espace languedocien sont profondes elles contiennent les germes d’un nouvel espace régional dont les différentes forces socio-politiques cherchent à définir l’identité à travers la production de nouvelles valeurs d’usage. L’aménagement touristique a lui aussi contribué à ce fractionnement de l’espace régional en renforçant les désarticulations du territoire, en diffusant un modèle culturel de consommation très vite assimilé comme modèle dominant. Alors se dresse la vision d’une capitale qui émerge en moins de trois décennies, d’abord d’une volonté administrative, puis de l’option de concentration qui reste le concept clé du mode de production dominant. Pour beaucoup, le dynamisme qui en assure la promotion l’éloigne de ses racines régionales, distend les rapports avec son espace géographique. Cette ville « taupinière du snobisme languedocien » (Jacques Durand) (1) qui « s’est brusquement éveillée dans une explosion et a subi la loi d’un monde en convulsions » (Max Rouquette) ne suscite chez Frédéric-Jacques Temple que nostalgie et regret : « le Clapas n’existe plus. Montpellier n’est plus montpelliéraine. Il est vrai qu’on l’a voulue Capitale ». La fonction de capitale « qui lui fait tourner la tête » (pour Robert Lafont : « la testa li vira un pauc de se sentir capitala regionala »), serait donc surimposée et non justifiée, presque incongrue pour le Languedoc. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1985 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Jean-Paul VOLLE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |