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Description

Mireille LAGET : Promis au Royaume :
Bibliographie des travaux de Mireille LAGET

Aux premières lueurs du jour de Pâques, Mireille LAGET nous a quittés. Nous l’avons appris, les uns après les autres, dans les heures et les jours qui ont suivi, nous laissant totalement démunis. Elle n’a pas été seulement pour nous une collaboratrice dont le concours valorisait notre revue, ni une collègue à la disponibilité peu commune, mais surtout une amie. Dès notre première rencontre, elle l’était naturellement devenue par sa présence intense et sa sérénité enjouée qui abolissaient, comme par enchantement, toutes les distances et toutes les réserves qui rendent d’ordinaire malaisées les relations humaines. Malgré ses innombrables tâches qui lui imposaient un emploi du temps toujours très serré, elle savait écouter comme personne, servie par son intelligence généreuse, à l’Université, aux Archives et dans les Bibliothèques, tout comme chez elle, dans cette maison tant aimée, au milieu des vignes à l’abri d’une terrasse dominant les rives de La Mosson face à Lavérune, l’une, sans aucun doute, des plus chaleureusement hospitalières de Montpellier : Utopie, voulue, conçue et vécue, toutes portes ouvertes selon un évangélisme, jamais prôné, mais réalisé pierre après pierre dans l’allégresse. Cette amie, une fois encore, nous aimons vous la faire lire pour que vous la réécoutiez et que vous la réentendiez aujourd’hui et encore demain…

Avant de devenir l’historienne reconnue de la naissance et de la petite enfance, Mireille Laget avait travaillé sur l’enseignement et les conditions de l’alphabétisation en Bas-Languedoc au lendemain de la Révocation, comme le prouvent les titres de ses premières publications parmi lesquels émerge son article sur « Les petites écoles en Languedoc au XVIIIe siècle ». Certes, pendant plusieurs années, elle n’avait plus écrit sur ces questions afin, avec sa générosité coutumière, de ne pas gêner des travaux parallèles. Mais elle n’avait jamais cessé d’y penser : comment aurait-elle pu se détacher de ce qui était une de ses raisons de vivre ? Elle était, nous le savons tous, passionnée d’enseignement. Brillante au Lycée, ses professeurs et ses camarades ne l’ont jamais oubliée, brillante à la Faculté, reçue à 22 ans à l’Agrégation d’Histoire, elle n’a jamais eu à l’esprit que ses activités pédagogiques ne se justifiaient que par un devoir professionnel, ni qu’elles pouvaient être un obstacle à la recherche. Elle menait tout de front. Sa vie n’apparaissait que comme une puissante et joyeuse symphonie. Ce n’est pas un hasard si elle a tenu pendant plusieurs années avec maestria les orgues de la chapelle des Dominicains. L’enseignement constituait une part irréductible d’elle-même : ses anciennes élèves du Lycée de Jeunes Filles de Béziers et du Mas de Tesse à Montpellier tout comme ses innombrables étudiants de l’Université Paul Valéry sont là, unanimes pour en témoigner. Un mois avant de disparaître, à bout de souffle, n’avait-elle pas tenu à faire encore cours, le visage creusé par la maladie, mais la pensée toujours aussi claire et ferme, et le cœur et l’esprit, comme ils l’avaient toujours été, à l’affût de découvrir, comme le lui avaient appris ses maîtres, Alphonse Dupront et Louis Dermigny, « le possible » de ses étudiants qu’elle avait regroupés tout autour d’elle pour cette rencontre, l’ultime ? N’avait-elle pas, sa thèse d’État une fois achevée, créé un enseignement de l’histoire de l’enfance et de l’éducation à l’époque moderne qui avait été immédiatement un succès ? Professeur dans l’âme, elle l’a été d’autant plus qu’elle était mère de six enfants qu’il fallut élever au moment où les fondements et les cadres traditionnels de l’éducation semblaient craquer. Elle n’avait pas attendu mai 1968 pour en avoir conscience. L’apparent échec des mouvements qui s’étaient alors manifestés, n’avait pas, non plus, arrêté sa réflexion sur la relation entretenue depuis des siècles par les sociétés et les types d’éducation qu’elles ont sécrétés, imposés et peu à peu défaits. Cette volonté de compréhension qui ne pouvait manquer de déboucher sur un thème beaucoup plus large, celui de la place dans ce domaine de la tradition et de la liberté soustend l’ouvrage dont vous allez pouvoir lire le chapitre central choisi pour notre revue par Michel Laget et ses enfants bien aimés, Claire, Anne, Marc, Emmanuel, Jean-Baptiste et David.

Dans ce beau livre dont elle a laissé la réécriture inachevée, Mireille Laget a voulu brosser une vaste fresque de l’Histoire de l’éducation principalement en France, depuis le XIIIe siècle (moment où les documents et les travaux deviennent plus abondants), jusqu’à nos jours. Renonçant à une présentation chronologique et à une description systématique des institutions pédagogiques, ce qui a été déjà plusieurs fois fait, elle a préféré ordonner sa vaste matière constituée au fil de sa triple expérience professionnelle, familiale et militante, selon un plan thématique afin de mieux mettre en valeur les articulations majeures entre les systèmes pédagogiques et les sociétés qui les définissent. Elle a voulu éclairer comment celles-ci cherchent « à préparer la faculté d’adaptation des enfants à leur fonctionnement », et plus largement encore, comment elles s’efforcent à insérer les futurs adultes qu’ils sont « dans une culture et à prolonger grâce à eux la cohésion du groupe et ses moyens d’existence ». D’où cette question fondamentale : Quels adultes cherchait-on à fabriquer, selon les horizons sociaux, avec quels outils et dans quels buts ? Son dessein est clair : « identifier les arguments d’éducation et leur permanence : « le travail, la cohésion familiale et bientôt l’intérêt national ». Les premiers chapitres sont alors consacrés à « l’espace de la famille », « potentiellement captatrice et directive » et au travail considéré comme une « raison de vivre ». Après avoir souligné les inévitables modulations qu’apportent au schéma général les stratégies propres à chaque groupe social (cf. le chapitre III, « A chacun son rang »), il est temps pour elle de montrer que l’éducation a été pendant longtemps enveloppée de références et d’exigences religieuses. En effet, d’une part « l’un des enjeux les plus forts de l’éducation en Occident fut la transmission » du Christianisme, et de l’autre, les forces qu’elle a alors utilisées, ont été d’autant plus opiniâtres qu’elles étaient convaincues qu’elles participaient à la lutte sans cesse recommencée entre les puissances du Bien et du Mal, entre celles de la Lumière et celles des Ténèbres ». Nous comprenons alors bien le titre du chapitre que nous allons lire « Promis au royaume ». Le livre dont nous souhaitons tous la publication la plus rapide possible, s’achève sur une présentation personnelle des courants intellectuels qui posèrent depuis la Renaissance jusqu’à nos jours (c’est-à-dire en gros d’Erasme à Freinet) les problèmes éducatifs en termes critiques (Chap. V, L’enfant et le projet humaniste) et sur le rôle croissant de l’État dont les réformes célèbres de Jules Ferry ne sont pas les seuls signes (Chap. VI, Une éducation d’État ?), avant de conclure sur une réflexion générale relative à la pertinence du recours à la tradition dans l’éducation. En choisissant ces pages qui sont les dernières qu’elle a relues avant son départ, il nous a semblé que nous étions respectueux des propres choix de Mireille Laget. [Henri MICHEL]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Henri MICHEL, Mireille LAGET

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf