Mémoire d'Oc n° 038
Mémoire d'Oc n° 038

Mémoire d'Oc n° 38 (février 1995)
Histoire d’eau dans la garrigue montpelliéraine.
Source de Grabels : L'eau pour un seul ou l'eau pour tous

79 pages – (1995)

Introduction

Nous sommes dans les dernières années du 17ème siècle ; il y a trois siècles, tout juste trois siècles.

Le grand chemin qui conduit de Montpellier au Château de Caravelles et au bois de Valène traverse Grabels ; il longe la muraille du village où il sert de Jeu de ballon ; plus loin, il passe devant le Portail qui est l’une des deux portes du lieu, celle qui donne accès à la rue Droite. Trois cents toises au-delà, le chemin franchit la Mosson sur un vieux pont de deux arches de trente-trois et vingt-huit pieds de largeur, séparées par une pile de neuf pieds de largeur ; à moins de cent toises avant le pont, on aperçoit à droite, au pied de la garrigue, une source importante ; un devis de travaux en donne la description : elle est « dans le grand chemin qui vient des villages de Combaillaux, Murles, Vailhauquès et autres lieux, à la distance de deux cent soixante-quatre toises ou environ du village ; elle est enfermée par deux petits murs couverts avec pierre de taille lesquels n’empêchent point les eaux de se perdre de tous côtés par les filtrations qu’il y a sous les murs et sous les rochers et graviers qui environnent cette fontaine. » L’eau s’écoule vers la Mosson toute proche, après avoir traversé le chemin par un aqueduc sous la terre ; c’est le « vallat de la font » (en français, le fossé de la source) ; il rejoint la rivière après avoir irrigué le jardin et fait tourner les meules du moulin à blé et du moulin à huile ; entre chemin et rivière, un mas s’étend avec ses dépendances : cour, jardin, galerie, paillère, étable, soue, pigeonnier ; la maison de maitre est très belle; le propriétaire Etienne de Massane la qualifie de château ; beaucoup de grabellois aussi, bien que son vrai nom en langue d’Oc soit « mas de la Font« . C’est au bord de ce « vallat de la font » que « las bugedièiras » de Grabels, les « lessiveuses« … comme on les appelle en français, exercent leur industrie deux ou trois jours par semaine.

La Cour des Comptes, Aydes et Finances de Montpellier, dans l’arrêt qu’elle a rendu en 1659, lors de l’établissement du compoix de la communauté de Grabels, avait ordonné que le nom de château figurant au compoix d’Etienne de Massane soit remplacé par le mot maison ; la rectification eut lieu ; elle est parfaitement visible sur le registre conservé dans les archives municipales de Grabels. Dans ce même article du compoix, il est fait état du « vallat de la fontaine« , mais la fontaine elle-même n’est pas mentionnée ; confirmation est donnée par l’énumération des confronts de la maison et de ses dépendances, où le compoix cite « aguial le chemin de la fontaine à Grabels », (l’aguial est le nom d’un vent et désigne le nord-est, comme le marin désigne le sud-est, le narbonnais le sud-ouest et le terral le nord-ouest) ; la fontaine située au-delà du chemin est bien à l’extérieur du domaine ; au surplus, elle est dans le chemin public, et, à ce titre appartient au seigneur du lieu.

Ce seigneur, c’est le Vénérable chapitre d e la cathédrale Saint-Pierre de Montpellier, succédant depuis 1536 au chanoine-vestiaire de Maguelonne dont l’office avait été supprimé lors de la translation du siège épiscopal de Maguelonne à Montpellier.

Depuis trois siècles, les possesseurs du mas de la Font abusivement appelé château jusqu’en 1755, puis les seigneurs de cette maison devenue réellement château jusqu’en 1789, puis leurs descendants ont tenté d’accaparer, soit la propriété de la source, soit la propriété de l’eau, soit son usage exclusif ou privilégié. L’histoire de Grabels est ainsi jalonnée de multiples conflits plus ou moins violents, plus ou moins feutrés, mais toujours prêts à ressurgir entre le village et le château.

« L’eau pour un seul ou l’eau pour tous » ; tel est l’objet de cette « Histoire d’eau dans la garrigue montpelliéraine ».

Contenu du numéro :

Source de Grabels

1) La convention de 1750 :
     Etienne de Massane et la « bugada »,
     Louis de Solas, la Communauté et le chapitre,
     La convention,
     Les modalités du partage de l’eau,
     La réalisation du devis.

2) D’une convention à l’autre :
     Combats contre l’aqueduc,
     Clés et serrures,
     Un maire énergique… pour rien,
     Un petit bourneau de terre cuite.

3) La convention de 1870 :
     L’adduction d’eau de 1869,
     Mémoire et délibération de décembre 1869,
     Rapport de l’architecte départemental,
     Vers une transaction,
     La convention.

Annexes :
     Tableau des mesures utilisées, glossaire.

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