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Description
Marije Stoelwinder : La « porte océane » d’un monde intérieur
* Professeur agrégé h.c., docteur en sociologie
P. 181 à 198
De nombreux artistes, d’origine extérieure au département de l’Hérault, se sont installés dans la vallée du Salagou afin d’y exercer leur activité créatrice, tout en adoptant une manière de vivre ce territoire qui mérite d’être mieux connue. L’Hérault est une terre d’accueil aux multiples facettes et participe à la mise en lumière des rêves de vie qu’elle suscite.
Le parcours artistique de Marije Stoelwinder est l’illustration d’une intégration originale, source d’un regard nouveau sur l’art pictural. Elle a participé aux activités du « Village des Arts et Métiers », situé sur la commune d’Octon, haut lieu culturel du Pays Cœur d’Hérault. Cet article explore sa manière de penser et de peindre les méandres de son imaginaire du « vivant ».
Mots clés : Art pictural, anthropologie, rêve, imaginaire, thérianthropie.à
Numerous artists from outside the Hérault department have settled in the Salagou valley to carry out creative activities, whilst adopting a way of life commensurate with this area which deserves to be known. Hérault is a welcoming county with multiple facets and contributes to emphasising the dreams of those who are inspired by it.
Marije Stoelwinder’s artistic journey is the illustration of an original integration, the source of a new look at pictorial art. She participated in the activities of the “Village des Arts et Métiers”, located in the village of Octon, a cultural hotspot in the Pays Cœur d’Hérault. This article explores her way of thinking and painting the twists and turns of her ‘living’ imagery.
Key words: Pictorial art, anthropology, dreams, imagination, therianthropy.
Nombre d’artistas, d’origina exteriora al departament d’Erau, se son installats dins la val del Salagou per tal d’i exercir lors activitats creatrises, en adoptant una faiçon de viure aquel territòri que merita d’èsser mai coneguda. Erau es una tèrra d’acuèlh de las multiplas facietas e participa a esclairar los sòmis de vida que suscita.
Lo trajècte artistic de Marije Stoelwinder es l’illustracion d’una integracion originala, font d’un agach novèl sus l’art pictural. Ela a participat a las activitats del « Vilatge de las Arts e Mestièrs », situat sus la comuna d’Octon, naut luòc cultural del País Còr d’Erau. Aquel article explòra sa faiçon de pensar e de pintrar los meandres de son imaginari del « vivent ».
Noms-claus : Art picturala, antropologia, sòmi, imaginari, thérianthropie.
Marije Stoelwinder est une artiste-peintre, implantée dans le village de Brenas sur le Grand Site du Salagou 1, qui cultive sa différence au cœur de la perception du « moi », au sens freudien du terme 2. Émotion créatrice qui construit tout à la fois, au fil du parcours sur la toile, une évasion hors de la réalité humaine quotidienne et un ancrage dans l’unicité symbolique du vivant.
Ce lien crée un langage polysensoriel où domine ce qui se « sent » au double sens psychologique et physique. La « porte océane 3 » est alors le passage obligé d’une transition vers un autre « soi-même » jusqu’alors ignoré, voire occulté… L’imaginaire développé par l’artiste, dans ses longs moments de solitude, se formalise dans la création de scènes thérianthropiques 4 ou transréalistes 5, donnant sens à une histoire de vie particulière, riche d’une sensualité tout à la fois subtile et complexe.
Si l’action créatrice trouve son origine dans la sensibilité émotionnelle de l’artiste, on ne peut en saisir la nature « sans la mettre en perspective avec une situation concrète dans un ensemble culturel et social qui en commande la signification, la valeur et les formes » 6.
La « porte océane » ouvre alors, au regard extérieur, l’accès à un imaginaire qui ne peut laisser indifférent, car il interroge chacun sur le sens de ce qu’il n’a pas su voir de l’œuvre exposée. Cette incertitude interprétative captive l’attention de l’amateur d’art et le conduit à une relecture de ses propres modes de pensée…
Après une première approche d’ensemble, l’œuvre de Marije Stoelwinder suscite une interrogation sur le sens à donner aux titres utilisés 7.Ils se résument parfois à la recherche d’une simple sonorité, donnant « une vibration » à la toile, tel ce simple « Bzzz », ou bien à la sollicitation imaginaire de l’odorat dans « Primitive snif » ! Plus que la couleur, ce sont les sujets représentés qui donnent un équilibre visuel à l’ensemble à partir d’un élément qui focalise le regard et l’imagination. Cependant, pour l’amateur d’art, l’interprétation de chaque œuvre exige du temps et fait appel à une culture artistique particulière, étayée par une approche anthropologique, teintée de l’identité frisonne de l’artiste 8 et de quelques appels à la mythologie. Toutefois, cette description n’occulte point la perception première de l’observateur dont l’artiste recherche en premier lieu l’étonnement, voire la perplexité ou « une simple rigolade ».
Marije n’aime pas parler de ses tableaux et laisse aux regards extérieurs la libre expression de leurs émotions et interprétations. Ses œuvres constituent tout d’abord un langage et une manière de communiquer l’intimité de ses pensées. Nous y percevons une très forte intensité émotionnelle et, dans le même temps, un besoin d’apaisement, voire d’un réconfort structurant. Pour illustrer cette interprétation, citons deux tableaux qui en offrent une image concrète :
Tout d’abord le tableau « Dufstuf » 9 (figure 1) dont on peut imaginer la puissance d’une projection de lave vers le ciel qui prend, au cours de sa trajectoire, la forme d’un monstre préhistorique. Ce dernier est indéfinissable. On peut seulement en décrire une gueule largement ouverte, menaçante ou hilare, l’œil mi-clos, des membres fluides s’écoulant d’un corps rouge vif. Détail surprenant, un petit personnage est accroupi sur la lèvre supérieure de cette chimère 10. Au premier plan, deux grands chênes créent l’illusion d’enfanter cet être extraordinaire.
A l’opposé, « Autoportrait avec toi » (figure 2), illustre un maquillage des yeux placé sous le regard symbolique de son compagnon, François Alysse 11. Cette œuvre met en valeur les yeux bleus de l’artiste et un tableau en cours de réalisation. Ce dernier a une importance interprétative, car il représente un poisson « couronné » dans son élément liquide. Est-ce une intuition de rêveuse ?
Informations complémentaires
Auteur | Christian GUIRAUD |
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Année de publication | 2023 |
Nombre de pages | 18 |