Description
Louis-Xavier de Ricard et Verlaine (avec une lettre inédite de Ricard)
A Jean-Louis Debauve collectionneur érudit, ami des chercheurs
On ne sait où, ni quand, ni comment Verlaine a fait la connaissance de Louis-Xavier de Ricard, jeune auteur des Chants de l’aube, recueil de poèmes publiés par Poulet-Malassis en 1862, si jeune en effet que lorsqu’il voulut fonder l’année suivante son premier journal, La Revue du Progrès, il dut faire appel à un camarade majeur, Adolphe Racot, pour en être le gérant afin de se conformer aux lois sur la presse. C’est dans cette revue positiviste que Verlaine fit ses débuts littéraires en publiant son sonnet « Monsieur Prudhomme » (août 1863), recueilli dans Poèmes saturniens.
Ricard, condamné en mai 1864 pour une publication sans autorisation, fit trois mois de prison à Sainte-Pélagie, d’août à octobre. Il ne renia jamais son attachement aux idées de Quinet, Michelet et Proudhon, mais sans doute grâce à l’influence de Catulle Mendès (ils furent voisins de palier, mais la date de leur rencontre n’est pas connue) l’hostilité envers Gautier, Leconte de Lisle, Banville et Baudelaire, exprimée dans la Revue du Progrès, fut transformée en admiration. Préparant un deuxième recueil de poésies en 1865, il fut amené par un ami de Verlaine chez Alphonse Lemerre dont la maison d’édition était à peine établie. A la même époque, il projetait de fonder un nouveau journal, cette fois-ci littéraire, dont le premier numéro paraîtra le 2 novembre 1865. La première trace qu’on possède de cette tentative se trouve précisément dans le brouillon d’une lettre de Verlaine à Ricard datée du 31 août :
Cet Art est-il toujours en bonne voie de copie… et d’abonnements ? Pour ce qui est de moi, je m’occupe activement de l’un et de l’autre objet. Mon article B. d’Aurevilly avance et vous pouvez déjà compter sur deux abonnements dans ce pays sans préjudice de trois ou de quatre que je mitonne. Vous voyez qu’on pense à vous. Je mène ici la plus arcadienne vie du monde. J’ai renoncé à la chasse comme trop fatigante eu égard au peu de temps que j’ai. Je me promène 4 heures par jour dans les bois « sourds », et les prés « verts », bois la bière du Nord le plus possible, sans faire tort pour cela aux vins de Bourgogne, par esprit d’équité, et finalement travaille point mal : dix vers par jour en moyenne, sans compter la prose et la correspondance. Il va sans dire que je relis quelque dizaine de lois par jour Hypatie, Le Réveil d’Hélias, Apollonie et le Poème de la Femme, histoire de me préserver de toutes résonances pauvres et gargouillades lamartiniennes, ce qui est un. J’en suis à la moitié, du Ramayana. Par Zuydra, que c’est beau, et comme ça vous dégotte la Bible, l’Évangile, Pères de l’Église, etc. Avez-vous enfin trouvé un nom d’école ? […]. Avez-vous enfin fini de corriger vos épreuves et l’apparition de votre volume est-elle prévue pour les 1ers jours d’octobre ?
Ainsi trouve-t-on Verlaine imbu de textes des plus orthodoxes pour un futur Parnassien qui écrira le credo du mouvement dans l’« Épilogue » des Poèmes saturniens. Il est intéressant de relever dans sa lettre la phrase « Avez-vous enfin trouvé un nom d’école ? » vu l’insistance de Mendès à revendiquer que c’est lui qui a transformé les « Impassibles » en Parnassiens et le fait que Ricard maintenait en 1900 que le Parnasse n’avait pas été une école.
L’Art, sous la direction de Ricard, publia parmi d’autres, Leconte de Lisle, Dierx, Verlaine (deux poèmes, deux articles sur Barbey d’Aurevilly, trois sur Baudelaire), Coppée et Mendès, et ne dura que dix numéros. Sur la suggestion de Mendès, le journal fut transformé en un recueil publié en fascicules intitulé Le Parnasse contemporain Recueil de vers nouveaux dont le cher Catulle se considérait le maître. Voyant les Parnassiens ridiculisés par Barbey d’Aurevilly dans ses « Trente-sept Médaillonnets du Parnasse contemporain » (Le Nain jaune, 7 novembre 1866), parodiés ensuite par un petit groupe qui comprenait Arène, Delvau et Daudet, Ricard riposta avec verve contre Daudet (« Le poète Myosotis ») dans La Gazette rimée du 29 février 1867. Puis, le mois suivant, il fit le point de toute cette polémique autour du Parnasse dans Les Coulisses parisiennes. Ricard et Verlaine parurent dans Le Parnasse contemporain de 1869 (mais ne furent pas admis au Troisième de 1876).
Toujours aussi entreprenant, toujours aussi opposé au Second empire, Ricard lança Le Patriote français le 7 juillet 1870. Dans l’avant-dernier numéro du 11 juillet, le nom de Verlaine avec le titre « La bonne chanson », figure bien au sommaire, mais c’est tout. Évoquant leur camaraderie, Verlaine fut amené à écrire en 1884 : « … c’était entre Ricard et votre serviteur en ces jours-là républicain […] un assaut toujours loyal, quelquefois bruyant, de paradoxes révolutionnaires ». Tous les deux optèrent pour la Commune. Le résultat fut que Ricard dut s’enfuir auprès de Quinet en Suisse; Verlaine, lui, perdit son emploi à l’hôtel de ville, avant d’abandonner femme et enfant en quittant Paris avec Rimbaud en juillet 1872. Quatorze ans plus tard, malade, sans ressources, le poète entra à l’hôpital d’où il composait des notices biographiques pour son éditeur Léon Vanier tout en travaillant à ses recueils poétiques. Ainsi écrivit-il, le 24 août 1886, à son éditeur : […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1998 |
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Nombre de pages | 9 |
Auteur(s) | Michaël PAKENHAM |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |