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Description

Logistique et Ancien Régime :
les étapes du roi et de la province de Languedoc
aux XVIIIe et XIIIe siècles

Ces quelques lignes se veulent le compte rendu d’un travail entrepris naguère sous la direction du professeur A. Blanchard, et consacré à une institution à la fois militaire et fiscale de la monarchie française d’Ancien Régime : l’Étape. Il s’agissait, d’une part, d’évaluer les capacités d’organisation logistique des armées en marche, d’autre part, de juger des interactions liant l’État royal, ordonnateur et législateur, et les États provinciaux languedociens, contribuables et gestionnaires.

Quatre directions délimitent ce propos : la définition d’un terme, peu courant aujourd’hui dans son acception de jadis ; l’exposé des raisons, des sources et des influences historiographiques ayant soutenu l’investigation ; l’esquisse des contenus et conclusions de l’enquête ; l’ébauche des voies possibles de recherches ultérieures, complémentaires ou prospectives.

La définition du terme et de son champ d’application induit largement la démarche. Apparu au XVe siècle en langue française, le mot « étape » présente quatre significations. Il s’agit d’abord d’un lieu où l’on entrepose des vivres, objets d’échanges. Par extension, il devient la distance entre deux lieux où l’on « fait étape », soit 4 à 5 lieues aux XVIe et XVIIe siècles, et 6 à 7 à la fin de l’Ancien Régime. En un même temps, il désigne les vivres à distribuer aux troupes (« prendre l’étape ») : il est alors synonyme de « rations » de pain, viande, vin et fourrages, dont l’unité théorique reste identique de 1636 à la Révolution, à l’exception d’une modification de la composition du pain qui évolue à l’issue de querelles diététiques lors des vingt dernières années de la Monarchie. Enfin, essentiellement à partir de 1641, l’étape devient un impôt régulier, « l’Étape », au même titre que la Taille ou le Taillon dont les destinations initiales furent analogues.

Cette polysémie révèle ainsi « l’étape » comme une organisation globale, réunissant un nombre d’acteurs considérables : les troupes, circulant en petits groupes ou par régiments entiers ; leur encadrement disciplinaire (commissaires des guerres et commissaires à la conduite) et de service (officiers majors et bas officiers) ; les officiers de Robe, justice et police (Parlements, Présidiaux, Prévôtés…) et ceux de finances (Trésoriers de France, répartissant et organisant parfois les fournitures, officiers des Chambres des Comptes contrôlant les dépenses, Receveurs des Tailles à la base du système fisco-financier) ; les commissaires du roi et les grands officiers de la Couronne, les intendants d’armée puis de provinces et les gouverneurs, lieutenants généraux et commandants en chef; le monde des financiers, grands ou petits entrepreneurs (étapiers et fermiers généraux de l’étape, différents des munitionnaires des armées en campagne) qui avancent les fonds ou veillent aux approvisionnements ; les communautés enfin, villes, bourgs et villages, dont les consuls et échevins, mais encore les « notables habitants », les petits officiers (commissaires ou contrôleurs des revues, billets de logement, registres des routes…) sont chargés de la distribution des fournitures et de la répartition délicate des soldats entre les non-exempts de logement… En définitive, un monde de l’étape qui couvre une large part de la société « civile » et qui dépasse donc amplement le seul cadre « militaire » sans lequel, néanmoins, le système étapier perd sa raison d’être.

En effet, dans le domaine militaire, l’étape est une des solutions possibles (mais pas nécessairement la seule) pour ravitailler les troupes en marche à l’intérieur du royaume, en fixant par avance des lieux d’approvisionnement sur des voies de passage en principe relativement stables. Elle est ainsi un des éléments essentiels de la logistique aux armées qui, tout en prévenant l’indiscipline, permet la satisfaction du soldat et assure la tranquillité de l’habitant. Même si ce n’est pas toujours le cas, notamment au XVIIe siècle, elle demeure, sur le long terme, le moins mauvais des procédés expérimentés dans le domaine des mouvements intérieurs qui conduisent les troupes des quartiers d’hiver aux armées en campagne, des lieux de recrutement aux quartiers d’assemblées, des « fronts » aux hôpitaux…

Cette définition plurielle de « l’étape » rejoint alors les préoccupations de l’historien du monde militaire moderne dans sa vison la plus exhaustive, telle que l’a conçue le professeur Blanchard : non seulement une histoire de l’événement guerrier et de sa théorisation stratégique, mais encore de ses aspects institutionnels, sociaux, financiers et géographiques. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1994

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Dominique BILOGHI

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf