Description
L’exploitation salinière dans l’Hérault : le salin de Villeneuve-lès-Maguelone
Le travail dans un salin sur le littoral languedocien, suit un cycle annuel, répétitif et saisonnier. La finalité est la fabrication du sel qui, à partir d’un enchaînement d’opérations se réalise. « Les différentes réalisations locales de la technique utilisée forment des ensembles dans lesquels se mêlent, comme dans tous systèmes techniques des moyens d’action sur la matière (outils, dispositifs de contrôle du débit de l’eau, salines elles-mêmes), des enchaînements d’opérations (processus techniques) et des connaissances ». (P. Lemonnier, 1980, p. 35). Nous allons donc évoquer à partir du salin de Villeneuve-lès-Maguelone les différentes étapes nécessaires à cette technique de fabrication et les tâches des différentes catégories de personnel.
Les hommes du sel
Pour l’époque qui nous intéresse, c’est-à-dire celle comprise entre les années 1925 et 1950, la fabrication du sel ne s’est guère modifiée par rapport au XIXe siècle. Hormis des améliorations telles que l’installation de l’électricité qui a rendu plus opératoire le pompage des eaux à l’aide de rouets.
Mais le principe de base s’est maintenu, à savoir la circulation de l’eau sur une grande surface permettant une évaporation contrôlée, menant progressivement à la cristallisation. Un salin se présente donc comme « … une surface de terrain nivelée dont une partie est destinée à faire mouvoir ou jouer l’eau salée pour en obtenir l’évaporation et dont l’autre sert à la cristallisation ». (F. Vivarès, 1830, p. 11). La configuration d’un salin sur le littoral méditerranéen présente des traits permanents tels que le découpage de l’exploitation en divers bassins plus ou moins grands et de formes régulières : les partènements extérieurs et intérieurs, les pièces maîtresses et les tables salantes. Ceux-ci sont alimentés en eau par des rouets, le débit des eaux est régularisé par des martelières et des bugets permettent de faire rentrer ou évacuer les eaux d’une pièce à une autre, selon les besoins, les conditions météorologiques et notamment la pluie.
Un salin se présente donc comme un immense réservoir, car « L’industrie du sel est dévoreuse d’espaces. » (J.- C. Hocquet, 1985, p. 19) ; dans lequel l’eau ne cesse de « marcher », circuler, se mouvoir, avancer. Ceci est bien mis en évidence par le langage même des sauniers dont les expressions reflètent cet incessant mouvement des eaux indispensable à leur évaporation. Le rôle du maître d’œuvre, à savoir le saunier, en cet espace dominé par les eaux est d’en maîtriser le débit et surveiller le degré. Le saunier est le personnage central d’une exploitation salinière, du fait que sur lui repose l’étape fondamentale : la fabrication du sel par la marche des eaux. Il est donc au contact direct des éléments naturels et sert d’intermédiaire entre la nature et les besoins de l’homme et de la société. Son savoir souvent empirique qu’il développe grâce à un sens de l’observation, une bonne connaissance des événements climatiques, lui donne une maîtrise totale sur les opérations d’évaporations et de cristallisation.
Il s’occupe en un premier temps des eaux vertes qui tirées de l’étang de Vic, marque un degré très faible de 2 à 3°. Son rôle est de guider ces eaux jusqu’au point de saturation où elles déposeront leur sel. De vertes, elles sont alors qualifiées de vierges, car prêtes à être livrées à la phase de cristallisation. A 25°, elles déposent leur sel et deviennent alors des eaux-mères. Le saunier emprunte des mots du langage courant tels que : vierges, mères, pour rendre compte de la transformation des eaux selon le degré de salinité. La dénomination des eaux selon l’évolution du degré explicite cette opération de transformation, cette lente métamorphose des eaux qui en précipitant des sels variés au cours de l’évaporation, atteindront un point limite qui permettra le dépôt de chlorure de sodium. De vierge, l’eau devient mère, elle a atteint son seuil de saturation. Cela met sur un même plan au niveau du langage, les étapes de la transformation biologique qui mènent jusqu’à l’étape finale de la naissance. Le saunier, lorsqu’il décrit la lente maturation des eaux évoque un enfantement qu’il doit aider à bien mener jusqu’à son terme. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1994 |
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Nombre de pages | 8 |
Auteur(s) | Nadine BOUDOU |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |