L’exécution de quatre habitants de Fanjeaux : un cas d’épuration sauvage en août 1944

L’exécution de quatre habitants de Fanjeaux :
Un cas d’épuration sauvage en août 1944

* Historien, enseignant

[ Texte intégral ]

Le 26 août 1944, au moment de la Libération du département de l’Aude par la Résistance, un événement tragique va marquer durablement le village de Fanjeaux : l’exécution sommaire de quatre de ses habitants à proximité du village de Lauraguel. C’est encore avec émotion que ceux qui ont connu ce drame en parlent, cela semble rester comme une page sombre et incompréhensible de l’histoire de ce village.

Jusqu’au moment de la Libération, le village de Fanjeaux avait connu une certaine tranquillité durant l’Occupation. Certains, comme sur tout le territoire français, avaient vu en Pétain et son régime le moyen de surmonter la défaite de 1940 et se sont investis, parfois par idéologie et inconscience, dans les mouvements issus de ce régime. C’est ainsi que dans le village de Fanjeaux l’engagement de quatre hommes dans les mouvements collaborationnistes les mènera à un destin tragique au moment de la Libération. Il s’agit de René Gayde, Henri Lugagne, Gabriel Mas et Jacques Perrutel.

Des hommes engagés dans les mouvements pétainistes

René Gayde est né à Fanjeaux en 1919, son père étant mort durant la première guerre mondiale il est déclaré pupille de la Nation. En 1939 il est sergent-pilote dans l’Armée de l’air. Après l’armistice, il demande sa radiation de l’armée en accord avec sa hiérarchie afin de ne pas partir hors de France, il veut rester près de sa mère qui vient de perdre sa fille âgée d’une vingtaine d’années. Il se marie en 1943. En août 1944 il habite Toulouse, sa femme est enceinte d’un garçon.

Henri Lugagne est né en 1912. Il est issu d’une famille de six enfants. Il se marie en décembre 1941, il aura deux enfants. Il vit dans la demeure bourgeoise et familiale d’En Castel située à Fanjeaux. Il s’occupe de la propriété. En 1939, il effectue son devoir militaire. Lorsqu’il se trouve sur le front d’Alsace lors de la débâcle, avec un camarade il fait sauter un pont afin de ralentir l’armée allemande. Pour ce fait il sera décoré de la Croix de guerre.

Gabriel Mas est né en 1912 dans la commune de Saint-Gervais-sur-Mare dans l’Hérault. Il fait ses études dans un collège catholique à Ardouane où il rencontre Jacques Perrutel. Il va ensuite à la Faculté de Pharmacie de Montpellier puis finit ses études à Toulouse où il obtient son diplôme en 1939. Il se marie en 1937 avec Suzanne Brustier, médecin depuis 1935. Cette dernière s’installe à Fanjeaux en 1936, c’est Jacques Perrutel qui l’informe qu’il n’y a pas de médecin ni de pharmacie dans le village. A l’automne 1939 Mas est mobilisé en tant que pharmacien. Peu après, en décembre, il ouvre une pharmacie à Fanjeaux. En août 1944 il est père de quatre filles.

Jacques Perrutel est né en 1911 à Castelnaudary. Il a cinq ans quand ses parents sont mutés à Gaja-la-Selve (Aude). Sa mère travaille comme receveuse des Postes et son père est percepteur. Après ses études il travaille comme clerc de notaire chez Me Séguier de Fanjeaux. Il se marie le 1er septembre 1939 le jour de la déclaration de guerre. Il est mobilisé et est envoyé au service d’Intendance d’Avignon.

Henri Lugagne (coll. privée).
Fig. 1 - Henri Lugagne (coll. privée).

L’amitié entre Mas, Lugagne, Perrutel et Julien Rigaud, fils du cafetier du village, semble les éloigner des soucis de l’Occupation. Il est vrai que tout « sourit » à ces quatre camarades. Pleins d’entrain, ils mettent en place les Compagnons de France, mouvement pétainiste, dans la région de Fanjeaux. Henri Lugagne en est le chef local 1 et des réunions ont lieu chez Gabriel Mas. Ils organisent dans ce cadre, pour la jeunesse des environs, des compétitions sportives et des représentations théâtrales. Ce mouvement national sera dissous en janvier 1944. En 1941, Henri Lugagne devient un des vice-présidents du Comité Communal de la Légion de Fanjeaux qui a cette année-là déjà 110 membres actifs 2, effectif très important pour ce village. Jacques Perrutel en fait partie. Gabriel Mas, quant à lui, est vice-président du Comité Communal des « Amis de la Légion » de Fanjeaux dont Julien Rigaud est un des membres. Dans un document de la Légion, non daté, intitulé « Organisation de la Propagande, délégué technique à la propagande, Coordination des Services », Gabriel Mas est noté comme délégué cantonal. Henri Lugagne, après la démission de J. Loubès, est nommé le 14 décembre 1943 président (par intérim) chef communal (et cantonal) de la Légion de Fanjeaux. Il le restera jusqu’à la Libération. Il ressort des nombreux documents de la section communale de la Légion de Fanjeaux qu’Henri Lugagne a montré visiblement peu de zèle dans ses fonctions. Il faut noter que depuis sa création, cette section semble avoir connu des difficultés de discipline envers les ordres de la hiérarchie. Ainsi, le 19 juillet 1941, les membres du bureau et des Amis de la Légion de Fanjeaux proposent leur démission en soutien de leur président communal. Parmi eux se trouvent René Gayde, Julien Rigaud, Gabriel Mas et Henri Lugagne. Sur le document, les vingt signataires écrivent : « Les membres du bureau de la Légion, et des Amis de la Légion, se solidarisant avec leur Président Mr Béziac donnent leur démission ». Le 31 juillet 1941, dans un courrier adressé au chef communal de Fanjeaux, le président départemental de la Légion écrit : « Je vous prescris donc de reprendre en mains votre section en n’ayant en vue que la stricte application des consignes légionnaires et l’intérêt supérieur du Pays ». Deux présidents communaux vont ainsi démissionner. Le dernier envoie un courrier à Henri Lugagne deux jours avant de proposer sa démission. Il y écrit : « Par ailleurs le malaise qui existait au sein de la Légion à mon arrivée, ne s’est pas dissipé. (…) Les quelques réunions que nous avons données n’ont pas abouti, la dernière est un échec complet ». (Fig. 1)

En 1942, Jean Loubès, originaire de Fanjeaux et ancien militaire, organise une réunion au sujet du Service d’Ordre de la Légion (S.O.L.). Elle a lieu au café Rigaud. Julien Rigaud et ses camarades Gabriel, Henri et Jacques y assistent et se font inscrire 3, comme d’autres habitants, à ce mouvement de collaboration avec semble-t-il plus ou moins de conviction. La sœur de Jacques Perrutel, Marie Gardès, écrit dans ses Mémoires 4 : « Ils ne font pas de politique, mais ils ont le tort d’aller assister en cette époque troublée à une réunion donnée par les Anciens Combattants. Ceux-ci changent d’appellation et deviennent des S.O.L. Assistant à la réunion, on les inscrit tous y compris Julien Rigaud, le tenancier du café où se faisait la réunion. (…) Être inscrit ne les engageait à rien pensaient-ils ? Mais après l’occupation par les Allemands, le gouvernement de Vichy a transformé les S.O.L. en milice. Beaucoup et en particulier, celui qui les avait fait inscrire se sont délivrés, mais nos cinq malheureux inconscients n’ont pas bougé ». Le père d’une des futures victimes rapportera les dires de son fils : « J’ai été S.O.L. comme beaucoup d’autres car j’ai cru qu’il était de mon devoir d’obéir au Maréchal » 5. Le S.O.L. sera dissout plus tard et remplacé par la Milice. A cette occasion beaucoup des membres du S.O.L. se retirent de ces organisations dont la tournure devient de plus en plus collaborationniste. Ce n’est cependant pas le cas pour Gabriel, Jacques, Henri et Julien qui se retrouvent sur les listes de la Milice 6, peut-être sans le vouloir 7. Une liste qui se trouvait à la mairie répertoriant apparemment les noms des inscrits, fut pour Joseph Blaché, maire de Fanjeaux après la guerre, à l’origine de cet engrenage dramatique. Notons que Jean Loubès, l’un des organisateurs de la réunion du S.O.L. au village, mais qui quittera plus tard cette organisation, deviendra aussi maire de Fanjeaux dans l’après-guerre.

Leur participation à cette réunion publique du S.O.L. a pu susciter des soupçons légitimes de résistants locaux. René Gayde quant à lui travaillait à Toulouse dans l’administration de Vichy comme inspecteur au Service du Travail obligatoire. André Coste, membre des FTP et un des acteurs principaux des futures arrestations, dit à ce propos 8 : « A cette époque-là nous n’avons pas été sans connaître et sans être renseigné sur les éléments douteux qui avaient eu une certaine activité dans la région de Fanjeaux. C’est ainsi que nous avons surveillé de près l’activité des nommés Mas, Lugagne, Perrutel et Gayde, ce dernier sa principale activité ayant eu lieu à Toulouse où il était surnommé le « marchand d’esclaves » ». Connaissaient-ils, lui et d’autres, des activités précises de collaborations auxquelles les quatre hommes auraient participé ? Les enquêtes de police judiciaire effectuées en 1945 n’ont rien trouvé.

Que sait-on sur l’appartenance de Lugagne, Mas, Perrutel et Rigaud à la Milice ? On a vu que leurs noms apparaissaient sur une liste 9, non datée, comme membres de la Milice de Castelnaudary. En mars et mai 1944, les noms de Mas, Lugagne et Perrutel se trouvent aussi inscrits sur la liste des francs-gardes de la Milice. Les deux derniers reçurent en mai 1944 des ordres de réquisition comme francs-gardes de la Milice auxquels ils n’auraient pas répondu.

De plus, Jacques Perrutel est réquisitionné par les Allemands comme « portefaix » à Carcassonne. Sa sœur, Marie Gardès, écrit à ce sujet : « il avait été appelé avec tous les clercs de notaire du coin pour aller décharger des wagons en gare de Carcassonne et de Castelnaudary, volontairement il a laissé tomber une grosse caisse sur son pied et il a pu rentrer chez lui puisque inutile au travail ». Des rumeurs apparaissent pourtant dans le village de Fanjeaux. Elise Perrutel, sa femme, raconte : « En juin 1944, mon mari est appelé par les Allemands pour travailler à Carcassonne, comme portefaix. On l’accuse, dans notre village, Fanjeaux, d’être engagé dans la Milice. C’est faux. Une certaine nuit, on dessine sur le mur de l’école, où nous logeons, l’insigne de la Milice. Il n’y prend pas garde, m’assurant qu’il n’était point milicien, que c’est une plaisanterie ». D’autres insignes de la Milice sont dessinés sur le café Rigaud, un ancien maquisard précise que les auteurs de ces dessins sont des résistants du village 10. Appartenaient-ils réellement à la Milice ? Henri Lugagne, Gabriel Mas et Jacques Perrutel n’ont jamais caché leur appartenance au S.O.L. tout comme leur famille, ils ont par contre toujours démenti leur appartenance à la Milice. Aucune adhésion volontaire à la Milice n’a été trouvée signée à leurs noms aux Archives départementales de l’Aude. En 1945 la Préfecture lève les mises sous séquestre des biens de Henri Lugagne et Gabriel Mas car déclarés chacun « inconnu à Castelnaudary » 11 par la Commission départementale de Contrôle Épuration et Sélection de l’Aude. Est-il possible que leurs noms apparaissent sur les listes de la Milice sans leur consentement ? La réponse est affirmative. En effet, lors de la création de la Milice, les anciens membres du S.O.L. entraient d’office à ce nouveau mouvement. La justice a d’ailleurs elle-même souligné l’appartenance de certains d’entre eux au S.O.L. mais jamais à la Milice. (Fig. 2)

Arrêté du Préfet de l’Aude – 26 janvier 1945
Fig. 2 - Arrêté du Préfet de l’Aude – 26 janvier 1945

Le maquis de Gaja-la-Selve

Le contexte historique et l’émergence d’un maquis F.T.P. 12 « indépendant » 13 local dit de « Gaja-la-Selve » va bouleverser la vie apparemment paisible de la région de Fanjeaux. Créé en mars 1944, le maquis de Gaja-la-Selve trouve un abri dans la forêt du même nom. Il est commandé par le lieutenant Pierre Cambours, dit Coulon, originaire de Gaja-la-Selve, qui est secondé par Henri Nouvel, originaire de Fanjeaux. Pierre Cambours est chauffeur de tramway à Toulouse. Il avait travaillé à une époque comme métayer chez le beau-frère de Jacques Perrutel. André Coste, fils du boulanger de Fanjeaux, ancien policier et membre F.F.I. va se rapprocher de ce maquis avant d’y être intégré. Au moment de la Libération, l’effectif s’élève à plus d’une centaine de personnes 14. Les activités de ce maquis se résument en « sabotages, destructions des centres de transit et des lignes ferroviaires fonctionnant pour le compte des allemands, combat contre les détachements ennemis et grande attaque décisive des troupes allemandes lors de la libération du Département de l’Aude (incorporé au 81ème RI) » 15. Au printemps 1944, Henri Nouvel 16 raconte que ce maquis fait « un travail d’intimidation et d’agitation s’étendant sur une partie du département, laissant supposer une troupe beaucoup plus nombreuse. Plusieurs actions énergiques, soit auprès de la gendarmerie, soit dans les localités, amenèrent la milice à entreprendre l’attaque de Gaja-la-Selve où elle pensait trouver des maquisards ». Les maquisards prévenus ont eu le temps de se mettre en lieu sûr. La présence de ce maquis n’est visiblement pas bien acceptée par la population locale, d’une part du fait des nombreuses réquisitions effectuées sur les habitants et d’autre part par la méfiance à l’égard de certains de ses dirigeants 17. Le 16 août 1944, quatre hommes armés 18 du maquis de Gaja-la-Selve réquisitionnent la pharmacie de Gabriel Mas ; ce dernier précise aux gendarmes peu après que la « marchandise ne m’a pas été payée. Il m’a été délivré un reçu que je vous remets », et il ajoute « Quant à leur signalement j’ai simplement remarqué que l’un d’entre eux était grand, teint brun et vêtu d’un veston de cuir » 19. Visiblement ces maquisards n’ont rien à reprocher à Gabriel Mas puisqu’ils lui ont remis un reçu afin qu’il puisse se faire rembourser plus tard par les résistants. Le pharmacien n’a d’ailleurs pas révélé l’identité précise des maquisards qui sont venus le réquisitionner alors qu’il est fort possible qu’il les connaissait. Le cafetier Julien Rigaud a lui aussi été réquisitionné par ce maquis. Lors de cette réquisition le chef du détachement aurait dit : « Tu sais qui nous sommes et nous savons qui tu es, alors pas de blagues » 20.

Première et deuxième arrestations

Fin août 1944, la Libération de l’Aude s’opère. De nombreuses exactions sont commises par des soldats allemands (viols, exécutions, déportations…). A Limoux, plusieurs miliciens sont exécutés sur la place publique. Durant cette période, le maquis de Gaja-la-Selve reste indépendant et par conséquent incontrôlable par les autorités de la Résistance du département. L’atmosphère de nervosité, de fanatisme, voire d’hystérie de certains, et cela ajouté aux exécutions de résistants dans la région, va engendrer un déchaînement de haine et le drame à venir.

Le 23 août s’opère la première arrestation. André Coste accompagné de Joseph Sabatier, lieutenant F.F.I. de Carcassonne, et de quelques hommes armés, viennent arrêter à Fanjeaux Gabriel Mas, Henri Lugagne, Jacques Perrutel, Julien Rigaud et René Gayde. Ce dernier se trouve avec sa femme enceinte chez ses parents au domaine de la Leude, à Fanjeaux. André Coste raconte 21 : « La libération arrive. Les ordres sont donnés d’arrêter immédiatement et sans délai les miliciens et agents ennemis. C’est ainsi que je me suis présenté au nom des FFI et entièrement d’accord avec les chefs de Carcassonne, en compagnie du commandant Froli, chef des groupes urbains de Carcassonne, du lieutenant Sabatier Joseph des FFI et de plusieurs soldats FFI au domicile des sieurs Gayde, Mas et Perrutel, Lugagne étant absent n’a pu être amené. Nous les avons invités à nous suivre à Carcassonne où leur déclaration a été prise pendant la nuit. Ils ont été relâchés le lendemain et ont rejoint leur domicile respectif ». Ces propos sont en contradiction avec ce que rapporteront Mathilde Lugagne et Suzanne Mas à leur retour de l’Etat-Major de la Résistance de Carcassonne. André Coste précise l’absence d’Henri Lugagne, or celui-ci était bien présent et a été interrogé par le lieutenant F.F.I. Joseph Sabatier 22. Dans ses Mémoires, André Coste passe sous silence ces arrestations alors qu’il s’agit pour quatre d’entre eux de camarades d’enfance de son âge.

Que leur reprochait-on ? Lors de l’arrestation d’Henri Lugagne, Mathilde Lugagne qui est présente ce jour-là, rapporte dans une de ses lettres 23 : « Comme nous demandions à des jeunes gens pourquoi on prenait mon mari et ces quatre hommes, ils répondirent que des chefs de la Résistance – dont le Dr Delteil (!) – de Carcassonne, avaient été tués le matin et qu’on allait arrêter beaucoup de gens ». Or, le docteur Delteil était bien en vie. D’autres accusations ont circulé pour justifier ces arrestations, mais aucune n’est vraisemblable. Gabriel, Jacques, Henri et Julien étaient appréciés par la population de Fanjeaux où ils demeuraient. Pourtant leur activité dans la Légion était connue de tous. Il est vrai qu’ils se sont tenus à l’écart des mouvements de Résistance, comme la grande majorité de la population française. Mais des témoignages ont circulé ultérieurement, à leur décharge. Julien Rigaud, par exemple, qui avait vu plusieurs membres du maquis de Gaja se réunir dans son café, n’en avait dénoncés aucun. Jacques Perrutel, de son côté, fut un jour témoin qu’un jardinier du village utilisait son domicile pour faire passer des personnes à la frontière ; il restera silencieux à ce sujet. Henri Lugagne, reconnu pour être serviable, a permis à certaines personnes de ne pas aller au S.T.O. en Allemagne. Après la Libération, plusieurs habitants de Fanjeaux décrivent 24 Lugagne comme un homme dont les activités étaient bien éloignées de celui d’un collaborationniste. Ainsi Henri Castel, ancien cadre de l’Armée de l’air et ancien membre de l’Armée secrète, déclare « ne connaître de la part de feu Henri Lugagne Henri, aucune action blâmable allant à l’encontre des activités de la Résistance. J’ajouterai au surplus que Monsieur Lugagne Henri était d’une bonté charitable, doué d’une conscience dont la droiture et les scrupules étaient hors d’atteinte par les tentations d’une époque particulièrement difficile et qu’il paraissait jouir de l’estime générale ». Jules Marquier quant à lui certifie que « Henri Lugagne savait très bien que j’avais chez moi mes fils, ainsi que quelques jeunes gens réfractaires au S.T.O Il a même entendu chez moi l’émission de la radio de Londres en langue française, interdite à ce moment-là, sans jamais nous avoir causé d’ennui à ce sujet ». Citons enfin Joséphine Planques qui atteste que « en février 1944 un prisonnier évadé Maury Léon recherché par la gendarmerie allemande était réfugié chez nous.

Ayant toute confiance en Monsieur Henri Lugagne nous l’avions mis au courant, lui seul, pour qu’il nous aide à la cacher si c’était nécessaire ». Quant à Gabriel Mas, sans faire d’actions d’éclats, il écoutait simplement, comme de nombreux français, « radio Londres » chez son voisin et ami Joseph Blaché, instituteur à la retraite, qui sera membre en août 1944 du Comité de Libération de Fanjeaux, dont il deviendra le maire lors des élections qui suivirent. Concernant les activités de René Gayde, l’enquêteur de la police judiciaire conclura en 1945 son rapport 25 ainsi : « Je n’ai pu recueillir que peu de renseignements sur son activité antinationale. La rumeur publique l’accusait à Fanjeaux d’avoir appartenu à la LVF et à la gestapo sous le couvert de son activité professionnelle. Mais il aurait fallu vérifier à Toulouse le bien-fondé de ces accusations. D’une façon générale il ne semble pas que l’activité antinationale de ces 4 individus ait été très grande à Fanjeaux. Mais il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un petit village entouré de maquisards, où l’activité provocatrice des 4 susnommés devait conduire fatalement un jour ou l’autre à une justice expéditive ». (Fig. 3)

La région de Fanjeaux (photo aérienne IGN).
Fig. 3 - La région de Fanjeaux (photo aérienne IGN).

Mas, Perrutel, Rigaud et Gayde sont donc arrêtés, amenés d’abord à la gendarmerie de Fanjeaux puis à l’État-Major de la Résistance de Carcassonne. Dès leur arrivée à l’État-Major, Gabriel Mas est reconnu immédiatement par le docteur Delteil, un chef de la Résistance 26, qui le fait libérer et l’hébergera dans sa clinique durant la nuit du 23 au 24 août. Henri Lugagne restera quant à lui à Fanjeaux à la demande du lieutenant F.F.I. Joseph Sabatier qui est venu l’arrêter et qui déclarera lors de l’enquête de la Police judicaire : « J’ai personnellement interrogé Lugagne me rendant compte qu’il s’agissait d’un brave type probablement non coupable de trahison, je l’ai laissé en liberté en lui recommandant de se tenir à notre disposition ». Après l’arrestation, le jour même, rencontrant Mathilde Lugagne et Suzanne Mas, ce lieutenant déclare que « tout cela n’était qu’une erreur » 27. Le 24 août, René Gayde, Jacques Perrutel et Julien Rigaud, sont libérés et innocentés par l’État-Major de la Résistance de Carcassonne. Elise Perrutel, la femme de Jacques, rapporte 28 : « (…) ils rentraient à Fanjeaux par leurs propres moyens et très contents, bien sûr, de prouver aux yeux de tous leur innocence. Car leur arrestation avait jeté un voile de suspicion. Comme je lui demande des explications, il ne fait que répéter dans un cauchemar : « les salauds » ». Entre temps madame Gayde, la mère de René, informe le docteur Combes de Villasavary, résistant, qu’elle connaît. Ce dernier, furieux de cette arrestation, écrira un mot destiné à son confrère le docteur Delteil, vice-président du comité médical de Libération de l’Aude se trouvant à l’État-Major de Carcassonne, dans lequel il aurait écrit 29, en parlant de André Coste à l’origine de cette affaire : « C’est l’un des nôtres, il aura des comptes à rendre ! ».

Ils pensent alors être à l’abri de tous nouveaux ennuis. Pourtant, ils ne se doutent pas qu’ils sont en train de vivre leurs dernières heures 30. En effet, le vendredi 25 août en fin d’après-midi, un petit groupe du maquis de Gaja-la-Selve, commandé par Henri Nouvel et accompagné du brigadier de gendarmerie de Fanjeaux Fabre, vient arrêter manu militari de nouveau les cinq hommes. Ils trouvent sur Jacques Perrutel l’ordre de réquisition comme franc-garde auquel il n’avait pas répondu. Ils sont amenés en camion dans la forêt de Cahuzac, près de Gaja-la-Selve. Ils y passeront la nuit dormant dans le camion et surveillés par des maquisards armés. Le samedi 26 au matin ils sont amenés, toujours en camion, en passant près de Fanjeaux, à Lauraguel où se trouve positionné le reste du maquis, en particulier son chef Pierre Cambours. Arrivés à Lauraguel, les cinq prisonniers sont conduits dans le bâtiment, occupé de force, où se trouvent la mairie et l’école du village. Le président du comité local de Libération et maire du village, Francis Berniès, agent de liaison F.F.I. dans le principal maquis de l’Aude, est tenu à l’écart – malgré plusieurs interventions – ainsi que la population. Parallèlement, Suzanne Mas et Mathilde Lugagne se rendent à l’État-Major de Carcassonne. Les plus hauts responsables départementaux de la Résistance les rassurent et confirment que leurs maris ne font l’objet d’aucun mandat d’arrestation et qu’ils n’ont rien à craindre puisque déjà innocentés. Au même moment à Lauraguel, chaque prisonnier est interrogé séparément. Plus tard Julien Rigaud dira qu’aucun fait précis ne lui a été reproché. La décision est prise de les exécuter, sauf Rigaud qui sera libéré, car apparenté à Pierre Cambours 31.

La Résistance audoise devant une exécution sauvage

A la tombée de la nuit, un petit groupe de maquisards armés de mitraillettes conduit à pied les quatre prisonniers restants à quelques centaines de mètres du village et là, à l’orée d’un bois, à proximité d’une ferme, tout en continuant de marcher, ils sont lâchement exécutés dans le dos, sans peloton d’exécution. Les maquisards interdisent ensuite, en menaçant les habitants, d’enterrer les corps qui sont laissés sur place. Le lendemain cependant, Francis Berniès outrepasse cet interdit et, pour des raisons en particulier de santé publique, fait enterrer les corps dans la fosse commune du cimetière du village. (Fig. 4)

Fosse commune du cimetière de Lauraguel (coll. privée).
Fig. 4 - Fosse commune du cimetière de Lauraguel (coll. privée).

De peur que les familles des quatre victimes, qui ont appris le massacre durant la journée du 27, fassent transférer les corps à Fanjeaux, des maquisards se positionnent dans un camion près du village de Fanjeaux, prêts à intervenir 32. Le père d’une des victimes rapporte qu’au matin du 28 août, alors que la nouvelle de l’exécution n’est pas encore arrivée à Fanjeaux, Suzanne Mas et Mathilde Lugagne « se dirigent vers Carcassonne. Elles voient le Docteur Delteil, chef de la Résistance. Etonnement, stupeur, le docteur Delteil va chez le Commandant Georges, chef des F.F.I., (elles) les accompagnent à la Préfecture, aux services de la Police et devinent une appréhension générale sur les visages rencontrés et à travers les conciliabules : « alors nous ne sommes plus les maîtres chez nous ! »» 33, exprimant ainsi toute sa consternation devant un acte qui semble illégitime car ces victimes avaient été innocentées par l’État-Major de la Résistance de l’Aude. Pour justifier cette exécution, Pierre Cambours dira simplement que « les nécessités du combat et de la protection des arrières des armées l’ont contraint à exécuter Henri Lugagne et ses trois compagnons » 34. Pour éviter de tels abus, des Cours martiales sont instituées dans tous les territoires français libérés. Dans l’Aude, ironie du sort, elle sera décrétée le 26 août 1944. A Gaja-la-Selve, Pierre Cambours fait positionner un maquisard près de la maison des parents Perrutel afin de dissuader les habitants du village de venir leur apporter leur soutien en ces moments tragiques 35.

Les familles des victimes, et tout particulièrement les quatre veuves, se sont efforcées avec courage et conviction d’obtenir que justice soit faite sur cette affaire. Malheureusement le contexte historique a fait qu’il était alors impossible de juger de tels actes. Dans le rapport d’enquête de la police judiciaire daté du 15 décembre 1945, le commissaire de police écrit que « il ne semble pas à l’heure actuelle qu’il faille entreprendre de réhabilitation en faveur de : Gayde, Mas, Perrutel et Lugagne. Dans l’intérêt même de la société, il semble nécessaire de laisser au temps le soin d’apaiser les esprits trop tendus d’un côté comme de l’autre ». Pourtant la même année, Joseph Blaché, membre du Comité de Libération de Fanjeaux, rapporte à Suzanne Mas les propos tenus par le commissaire spécial de Carcassonne : « J’ai eu, hier, la visite du Commissaire Spécial de Carcassonne. Nous avons longuement causé. Il m’a communiqué la requête que vous avez adressée au Ministre de l’Intérieur. L’affaire prend bonne tournure. Il m’a encore demandé de vous conseiller d’envoyer une requête pareille à la première au Ministre de la Justice. Mais dans cette dernière ne pas mentionner l’indemnité demandée. Le Commissaire estime que cette indemnité est dérisoire et que vous devriez la fixer à un million pour chaque enfant » 36. L’impossibilité d’un jugement sera par ailleurs spécifiée officiellement par un refus d’informer pour assassinat en 1946 de la part de la justice militaire, seule compétente 37. Quelles démarches pouvaient alors entreprendre les familles ? Une demande de pension pour les veuves et leurs enfants était possible. Toutes ces demandes ont abouti à une enquête judiciaire et à divers procès aux conclusions contradictoires. Ainsi le 2 mars 1951, le Tribunal des Pensions de l’Aude reconnaît que « le sieur Henri Lugagne n’était pas en état d’indignité nationale au jour de son décès ; reconnaître qu’il a été victime d’une exécution sommaire consommée par erreur ». Cette décision sera remise en cause par la Cour d’Appel de Montpellier le 8 novembre 1951 confirmée par la Cour de Cassation le 4 février 1953. Elise Perrutel de son côté fait intervenir l’abbé Albert Gau, ancien résistant et député de l’Aude (1945-1956). Celui-ci adressera plusieurs courriers au ministre des anciens combattants et victimes de guerre. Ainsi, le 4 mai 1951, il écrit : « Étant membre du Comité Départemental de Libération, je ne suis pas suspect de collaboration. Je connais le fait de Monsieur Jacques Perrutel qui a été lâchement assassiné sans jugement, avec Monsieur Lugagne. Madame veuve Lugagne a fait appel de la décision du Ministère et a obtenu satisfaction. Je vous demande donc d’éviter à Madame Perrutel la même démarche inutile, étant donné qu’elle est dans son droit, je vous le certifie. Je vous demande de prendre ma lettre en considération et de demander à vos Services d’éviter des paperasses inutiles quand il s’agit d’un cas aussi juste que celui de Madame Perrutel ». Au final, seule Geneviève Gayde a obtenu gain de cause pour elle et son fils – déclaré pupille de la Nation 38 – grâce à l’intervention du général de Gaulle 39 et au fait qu’elle n’habitait pas dans l’Aude. Les officiers du maquis, Pierre Cambours et André Coste, lors de leurs auditions en 1945 dans le cadre de l’enquête judiciaire, n’ont su apporter aucun fait de collaboration, la justice se contentant de quelques déclarations pourtant visiblement contradictoires, et surtout ne donnant aucune raison à cette tuerie.

La presse a fait écho de ce drame à travers quelques articles 40. Le 26 août 1994, Marie-France Perrutel, fille de Jacques, fait paraître un carnet dans le journal Le Monde : « Il y a cinquante ans, le 26 août 1944, Jacques Perrutel, 33 ans, était lâchement assassiné par des voisins jaloux, dans un bois de Lauraguel, victime innocente de la loi sur l’impunité ». Quelques jours plus tard, le 30 août, le Midi Libre consacre un article sur cette exécution : « Discret dans le flot du dithyrambe de la Libération, un carnet apparu dans les colonnes du quotidien Le Monde du 26 août dernier, a attiré notre attention. (…) On ignore les circonstances de ce drame, devinant, seule certitude, qu’il est lié à l’épuration expéditive qui s’appliqua aveuglément durant cette période, et échappa au contrôle des authentiques résistants, ombrant peut-être leur rayonnement. Bien sûr, à Lauraguel, les anciens se souviennent de ce soir du 26 août 1944 où cet homme fut emmené là et abattu sommairement. (…) A Fanjeaux (…) c’est un souvenir blessé qui subsiste. Les hommes parlent de cet épisode et racontent leur effarement, leur peine. Lorsqu’on prononce quatre noms, dont celui de Perrutel, c’est la dague du passé qui perce le présent, « ça a été ressenti comme une vraie catastrophe dans le village, raconte un adjoint au maire. Jacques Perrutel n’avait fait de mal à personne. Perrutel avait rejoint la Légion, comme d’autres, au début. Ensuite il y est resté, bêtement. Ce qui s’est passé tient de la rivalité (…) ce qu’ils ont commis n’est qu’une vengeance qui a pris le prétexte de l’épuration. (…) ». Un autre Fanjuvéen confirme les faits. « Cette affaire a été ressentie très douloureusement au village. (…). Du jour au lendemain, on s’est retrouvé avec dix orphelins… », se souvient cet ancien résistant, regrettant de ne pas avoir été là ce funeste jour. Pour expliquer comment une telle haine a pu s’abattre sur ces hommes, apparemment ni plus ni moins coupables que beaucoup d’autres, il évoque « l’excitation des F.T.P. de la Piège » et rappelle cette bestialité ivre : « Ils les ont fusillés et ont exigé que personne ne vienne récupérer les corps. Leurs dépouilles sont restées plusieurs jours dans les bois… » ». A la suite de cet article, Francis Cassignol, qui était alors maire de Fanjeaux, proposa d’inscrire les noms des victimes sur le monument aux morts du village. Son sentiment sur ce drame ne fait alors que refléter celui de la population de Fanjeaux pour qui les quatre exécutés sont des « martyrs », victimes de jalousie et de règlement de compte. A Gaja-la-Selve, par contre, cette affaire est passée étrangement sous silence. Il est surprenant d’ailleurs que cette exécution ne soit relatée dans aucune des Mémoires 41 écrites par plusieurs membres du maquis ou André Coste, pourtant un des principaux acteurs qui ont mené à cette exécution.

Il faut savoir que l’Épuration en France à la fin de la seconde guerre mondiale a entraîné, d’après les estimations des historiens, près de 10 000 exécutions, sommaires ou non 42. Dans les campagnes, les exactions opérées par des maquisards, souvent de la dernière heure, sont nombreuses, en particulier dans le sud-ouest de la France où certains voulaient instituer une République « rouge ».

Malgré les nombreuses démarches des veuves désespérées, la Justice n’a pas su apporter de réponses satisfaisantes et donner une conclusion à ce drame. On peut comprendre que dans ces circonstances, auxquelles il faut ajouter les menaces émanant de maquisards, le deuil des familles a dû être difficile.

Les recherches sur cette affaire, qui ont duré près de trois ans 43, n’offrent pas de réponses définitives aux raisons qui ont abouti à cette tragédie. Le seul fait que les zones d’ombres ne se soient pas éclaircies tend de toute évidence à montrer qu’il s’agit plus d’un règlement de compte (politique, idéologique, jalousie…) que d’une justice moralement et historiquement compréhensible. L’absence de faits pouvant prouver la culpabilité de ces quatre hommes ne les innocente pas définitivement mais fait planer un réel doute quant aux intentions des commanditaires de cette exécution. On ne peut en effet qu’être interpellé par le fait que la deuxième arrestation ait été faite alors que les combats pour la libération du département de l’Aude n’étaient pas terminés et que de fait, la priorité était à l’action militaire et non à l’arrestation d’individus ne représentant pas un danger pour la Résistance. Le père d’une des victimes écrira dans ses Mémoires : « Puisque ceux qui étaient venus les arrêter, croyaient avoir affaire à de dangereux malfaiteurs : qui les avait prévenus, qui les avait renseignés, qui les avait dépeints ainsi ? – Qui fou de rage en voyant leur mise en liberté par la justice régulière, s’était hâté de les livrer à une justice sauvage, irrégulière et expéditive pour qu’ils soient vite abattus ? ». Francis Cassignol, ancien maire de Fanjeaux, écrira en 2011 un article paru sur ce drame 44 : « Malgré le fait que je n’avais que 6 mois à l’époque du drame, ma vie d’enfant a été marqué par cette affaire car ma famille, comme toutes les familles du village avaient été traumatisées par cet accès de violence aveugle et forcément ce sujet devait dans les années 40 et 50 revenir souvent dans les conversations. Pour passer du stade du « non dit », ou du « pas tout à fait exprimé », il me semble qu’il est temps aujourd’hui, parce qu’après notre génération, il ne restera plus personne qui ait directement ou indirectement la mémoire de cette période, de parler de ce triste épisode. (…) étant allé à la rencontre des familles fanjuvéennes, présentes dans le village à l’époque du drame, j’ai trouvé dans la quasi-totalité de ces familles, la volonté de parler de cette tragédie pour exorciser un « vieux démon » et rappeler que les quatre jeunes gens disparus étaient considérés dans le village comme de « braves » gens serviables et actifs ne méritant en aucune façon le sort injuste et terrible qui fut le leur, parce que eux-mêmes ne haïssaient personne ».

Pour conclure il suffit de citer le chef du maquis, Pierre Cambours lui-même, qui, répondant après l’exécution à un autre chef de maquis, a affirmé que Jacques Perrutel n’avait rien à se reprocher, aveu qui met en doute toutes les accusations qui avaient été portées contre les « victimes » et fait vraisemblablement des quatre exécutés de simples et malheureuses « victimes » de l’Histoire et de la folie des hommes.

BIBLIOGRAPHIE

Allaux, Julien, La seconde guerre mondiale dans l’Aude, Sapin d’Or, 1986.

Bourdrel, Philippe, L’Épuration sauvage 1944-45, Perrin, 2002.

Gillieth, Pierre, L’Epuration ou la fin d’un monde, Pardès, 2007, ouvrage qui, pour certains historiens, est trop indulgent pour l’extrême-droite collaborationniste.

Maury, Lucien, La Résistance Audoise, Comité d’histoire de la Résistance du département de l’Aude, 1980.

Archives :

— Archives départementales de l’Aude, de l’Hérault et de Haute-Garonne.

— Archives communales de Fanjeaux et de Lauraguel.

— Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives – Service historique de la Défense.

— Archives privées.

NOTES

1. Documents de la Section communale de la Légion de Fanjeaux (Archives privées).

2. Un document de cette Section daté de mai 1942 note 76 cotisations pour l’année 1941 (Archives privées).

3. D’après les témoignages de plusieurs membres des familles des victimes. Audition d’enquête en juin 1945 (Archives départementales de l’Hérault, cote 57W70).

4. Élise Perrutel, Mémoires (Archives privées).

5. Élise Perrutel, Mémoires (Archives privées).

6. Liste nominative des membres de la milice de l’Aude (Archives Départementales de l’Aude, côte 3 J 1520). Lors de la création de la Milice, les anciens membres du S.O.L. entraient d’office à ce nouveau mouvement.

7. C’est ce que précise en particulier Marie Gardès (sœur de Jacques Perrutel) dans ses Mémoires (Archives privées). D’autre part un arrêté du Préfet de l’Aude daté du 26 janvier 1945, levant sous séquestre les biens de Gabriel Mas, pour le motif que « l’intéressé est inconnu à Castelnaudary », et ceci « sur proposition de la Commission départementale de Contrôle, Epuration et Sélection de l’Aude » (AD de l’Aude, 102W138).

8. Audition enquête de la Police judicaire en 1945 (Archives départementales de l’Hérault, cote 57W70).

9. Liste nominative des membres de la milice de l’Aude (Archives Départementales de l’Aude, cote 3 J 1520).

10. Témoignage d’un ancien membre du maquis de Gaja-la-Selve (recueilli en 2007).

11. Archives privées.

12. Camp Cathala-Compagnie FTP 4309 d’après Lucien Maury (La Résistance Audoise). Les maquis F.T.P. constituent le mouvement de Résistance créé par le Parti communiste français. Comme beaucoup de maquis F.T.P., en particulier du Sud-ouest de la France, le maquis de Gaja-la-Selve était constitué de combattants espagnols.

13. Le père d’une des victimes rapportera dans ses Mémoires les propos tenus le jour de l’exécution lorsque Mathilde Lugagne et Suzanne Mas se sont rendues à l’État-Major de la Résistance de Carcassonne : « Ceux-ci confirment que l’ordre d’arrestation n’est pas venu de Carcassonne. Ils donnent l’assurance que normalement les prisonniers devraient être amenés à Carcassonne ou Limoux (…). Toutefois, quand elles leur ont appris que l’arrestation avait été faite par les F.T.P. de Gaja-la-Selve, le docteur Cannac (un des responsable de la résistance du département) notamment a répondu : « c’est ennuyeux car c’est un corps franc indépendant » » (Archives privées). Ceci est à rapprocher du fait que le jour de l’arrestation le maire de Gaja-la-Selve, résistant F.F.I., a été tenu à l’écart, et qu’après l’exécution, ce maquis a refusé d’appliquer les ordres donnés par l’État-Major puis le Préfet de l’Aude.

14. L’effectif donné dans les ouvrages de Julien Allaux (La deuxième guerre mondiale dans l’Aude) et Lucien Maury (La Résistance Audoise) est d’une soixantaine de personnes. Un document des Archives du Service historique de la Défense note un effectif de 109 hommes et cadres officiers. Ce document précise la date d’origine et de fin des services de ce maquis : du 1er janvier 1944 au 21 août 1944. (Ce document nous a été envoyé par courrier sans précision de la cote).

15. Archives du Service historique de la Défense.

16. Témoignage relaté dans l’ouvrage La Résistance Audoise de Lucien Maury.

17. D’après de nombreux témoignages (articles de journaux, témoignages directs durant les recherches). Le père d’une victime écrira plus tard au sujet de la deuxième arrestation du 25 août : « Malgré le désir de rester confiants, ces arrestations faites dans de telles conditions par des gens appartenant à un « mauvais maquis » selon l’expression qui avait généralement cours à ce moment-là, avaient suscité de vives inquiétudes (…) » (Archives privées). Même du côté des maquis FTP, Cambours semble bien avoir suscité des réserves. Dans son témoignage recueilli sur le site du maquis Jean Robert et Faïta, Pierre Lardenois, qui fut commissaire aux opérations FTP, déclare : « Nous avons ainsi formé le maquis de Gaja la Selve où fut mis en place comme chef Pierre Cambours dit Coulon, je dois dire que le personnage ne me plaisait pas », en pensant peut-être à l’exécution de Lauraguel. Cf http://maquisftp-jeanrobert-faita.org/maquis/paroles/julian-pierre-lantenois/.

18. Compte rendu de la gendarmerie de Fanjeaux (Archives départementales de l’Aude, cote MW2641).

19. Compte rendu de la gendarmerie de Fanjeaux (Archives départementales de l’Aude, cote MW2641).

20. Témoignage d’un ancien membre du maquis de Gaja-la-Selve originaire de Fanjeaux (témoignage recueilli en 2007).

21. Audition de l’enquête de la police judiciaire en 1945 (Archives départementales de l’Hérault, cote 57W70).

22. Audition de l’enquête de la police judiciaire en 1945 (Archives départementales de l’Hérault, cote 57W70).

23. Archives privées.

24. Attestations recueillies par la famille Lugagne destinées vraisemblablement à être utilisées pour les procédures judiciaires (Archives privées).

25. Archives départementales de l’Hérault (cote 57W70).

26. Le docteur Delteil est, durant l’Occupation, directeur de la Clinique du Bastion à Carcassonne.

27. Mémoires d’Antoine Ser, beau-père d’Henri Lugagne (Archives privées).

28. Mémoires d’Élise Perrutel.

29. Témoignage de Geneviève Gayde (2008).

30. La chronologie des événements des 25 et 26 août a été établie à partir des auditions d’enquête judiciaire (Archives départementales de l’Hérault), Mémoires écrits par les proches des victimes, témoignages recueillis directement lors des recherches (d’un ancien membre du maquis, d’habitants de Gaja-la-Selve présents ce jour-là).

31. Julien Rigaud apprend l’exécution de ses camarades à son retour à Fanjeaux le 27 août (Audition d’enquête). Traumatisé par cette affaire, il restera cependant à Fanjeaux avec sa femme et ses quatre enfants. Il reprendra ses activités au café familial. Il meurt en 1960.

32. Dans sa requête auprès du Général de Gaulle, Geneviève Gayde écrit : « Sur les instances des familles, le Comité de Libération de Carcassonne donne toutes les autorisations demandées mais elles sont contrecarrées par les maquis. Quinze jours après le crime, le maire de Lauraguel autorise la mise en bière, faite secrètement par les familles. Les femmes des victimes ont fait en temps utile des démarches auprès du docteur Delteil, chef de la résistance à Carcassonne. Elles n’ont pas trouvé auprès des FFI l’appui et le secours qu’eux seuls pouvaient leur apporter, parce qu’ils se sentaient dépassés par les communistes ».

33. Mémoires d’Antoine Ser (Archives privées). Ceci est aussi relaté dans un courrier d’une des veuves adressé au juge d’instruction de Carcassonne (Archives départementales de l’Hérault).

34. Audition de l’enquête de Police judiciaire (1945).

35. Mémoire d’Elise Perrutel.

36. Archives privées.

37. Dépôt central d’archives de la justice militaire (Division des affaires pénales militaires). Courrier envoyé le 27 août 2007 sans cote précisée.

38. Décision datée du 20 novembre 1952 du Tribunal de Première Instance de Toulouse. Dans les attendus, il est écrit que : « le sieur Gayde René a péri, victime civile de la Guerre, à Lauraguel (Aude), le 26 août 1944 ». (Jugement : Archives privées/Requête : Archives départementales de Haute-Garonne cote 5419W283).

39. Archives privées.

40. Article intitulé « Le massacre de Lauraguel » paru le 26 août 1949 dans le journal Paroles françaises ; mention en septembre 1949 de cette exécution comme « Assassinats le 26 août 1944 » dans le journal Écrits de Paris, puis le mardi 30 août 1994 dans le Midi Libre (article écrit par le journaliste Daniel Ciccia). Notons que Paroles françaises et Écrits de Paris étaient deux périodiques d’extrême-droite.

41. Archives privées.

42. Chiffres donnés par Philippe Bourdrel, L’épuration sauvage 1944-45, édition Perrin, 2002.

43. Étude menée entre 2006 et 2009. Document de recherche de plus de 300 pages déposé aux Archives départementales de l’Aude et de l’Hérault (côte 11 F 383). Lors de ces recherches, plus d’une centaine de témoins directs ou indirects de cette affaire ont été interrogés.

44. Bulletin municipal de Fanjeaux n°47, mai 2011.