Description
Les mutineries de 1917 dans les témoignages héraultais
*Professeure agrégée d’histoire, doctorante en histoire contemporaine, Université Paul Valéry-Montpellier 3, CRISES
Au printemps et à l’été 1917, sur le front franco-allemand, l’armée française est affectée par un puissant mouvement de désobéissance collective qui fait suite à des actions plus sporadiques. Qu’en disent les récits héraultais exhumés à l’occasion des commémorations du Centenaire, notamment ceux mis en ligne par les archives départementales ? Cet article de circonstances vise à les inventorier pour les transcrire. On constate alors que si, pour le moment, la parole des acteurs héraultais reste rare au regard des centaines de témoignages mis en ligne, elle n’en est pas pour autant muette et lève un voile sur la connaissance locale de multiples aspects de ces mutineries.
The Muntinies of 1917 according to witness accounts from Hérault
During the spring and summer of 1917, on the Franco-German front, the French army was disrupted by a powerful movement of collective disobedience following more sporadic actions. What can we discover from the online Herault departmental archives about this event, on the occasion of the Centenary commemorations? This article aims to identify and decipher them. Currently we can see that the statements from the Herault soldiers remain rare amongst the hundreds of testimonials that were uploaded. However, the situation is not totally voiceless and gives a glimpse of the local knowledge of many aspects of these mutinies.
Las motinariás de 1917 dins los testimoniatges d’Erau
Per la prima e per l’estiu de 1917, sus lo front francòalemand, l’armada francesa es tocada per un movement poderós de desobesissança collectiva que ven en seguida d’accions mas esporadicas. Que ne dison los racontes d’Erau desclapats a l’ocasion del Centenari, subretot aquels meses en linha per los Archius departamentals ? Aquel article, que se capita plan, ten per tòca de los inventoriar per los transcriure. Alara se pòt constatar que se, per lo moment, la paraula dels actors d’Erau demora escarsa cara als centenats de testimoniatges meses en linha, n’es pas, ça que la, muda e auça lo vèl sus la coneissença locala de multiples aspèctes d’aquelas motinariás.
Las motinerias de 1917 en los testimonios de los Heraulteses
Primavera y verano de 1917, en el frente franco-alemán, el ejército francés se vio afectado por un poderoso movimiento de desobediencia colectiva después de acciones más esporádicas. ¿Qué nos dicen los relatos históricos de Herault exhumados con motivo de las conmemoraciones del Centenario, y especialmente las publicaciones en línea por los archivos departamentales? Este artículo de circunstancias tiene como objetivo inventariarlos para su transcripción. Podemos ver que si, por el momento, la palabra de los actores Heraulteses sigue siendo rara con respeto a los cientos de testimonios publicados en línea, no es para todos callada y se levanta un velo sobre el conocimiento local de los múltiples aspectos de estos motines.
De l’extrême fin du mois d’avril à la fin du mois de juillet 1917, l’armée française est affectée par un vaste mouvement de désobéissance collective qui accompagne d’autres formes de protestations. Chaque jour, au moins une dizaine de régiments engagés sur le front connaissent sur l’arrière-front des manifestations de soldats qui refusent de se battre, réclament la paix, selon des expressions et des modalités très variées. Ces mutineries dans l’armée française – et au-delà – ont fait l’objet d’études conséquentes. André Loez, qui a récemment revisité cette question en utilisant les outils de la sociohistoire pour se placer au plus près des acteurs souligne qu’aujourd’hui encore, parmi les « deux seuls courts textes qui racontent l’expérience de l’intérieur d’une mutinerie » publiés, se trouve celui de Louis Barthas, le tonnelier du Minervois, mobilisé dans le 296e RI cantonné à Béziers dans lequel se trouvaient beaucoup d’Héraultais. Ce témoignage a par ailleurs démontré de façon implacable l’importance des écrits des soldats en tant que source d’informations factuelles aux côtés des sources militaires comme les JMO (Journal de marche des opérations) puisque dans la thèse de Guy Pedroncini, parue en 1967 qui était la première à faire des mutineries un objet d’étude, aucun régiment méridional, à l’exception du 143e RI de Carcassonne-Castelnaudary, n’était cité parmi ceux qui s’étaient révoltés ce qu’infirma le témoignage du caporal socialiste.
Dans le contexte singulier des opportunités créées par le Centenaire concernant l’accès inédit à de nouvelles sources privées, il devenait alors tentant de se pencher sur d’autres témoignages inédits d’Héraultais pour aussi éventuellement déterminer s’il existait une spécificité méridionale. Cette étude s’appuiera donc sur un corpus aussi précis que très limité de traces parvenues jusqu’à nous. Entre expériences, échos et silences, que disent ces écrits du « moi » et quels éclairages peuvent-ils apporter ?
Élaboration et présentation du corpus
Puisque toute source à la limite peut constituer « un témoignage », il s’agit d’abord de définir le concept. Ici, il s’agira de tout écrit ou récit personnel relatif à la guerre, dont les événements relatés ont été vécus par leurs auteurs et visent à documenter volontairement les évènements dans un souci de véracité, qu’ils soient donc, pour reprendre l’expression de Charlotte Lacoste, « porteurs de l’intention de témoigner de la part de l’auteur » dans l’espace public ou privé. Ont donc été retenues ici des Mémoires (Pierre Justin Bellet, Philomen Mioch, Jacques Victor Robert) rédigées plus ou moins longtemps après le conflit, des carnets de soldats (Pierre Caizergues, Jean Cros, Émile Jourdan) et des correspondances (Jean-Étienne Gout, Joseph Sigal).
Le deuxième critère utilisé pour l’élaboration du corpus a donc été celui du lien géographique des auteurs au département de l’Hérault. En plus de quelques bribes traquées dans la thèse de Jules Maurin, seuls les récits de Philomen Mioch et de Justin Pierre Bellet ont été publiés à une échelle départementale. Les autres sont conservés dans les fonds d’archives. Profitant des initiatives lancées à l’échelle nationale par la Mission du Centenaire et notamment du succès de la Grande Collecte organisée à partir de 2013-2014, le second vivier se trouve sur le site des archives départementales de l’Hérault qui ont mis en ligne de riches collections numérisées classées par auteur et par unités sous le titre « Guerre 1914-1918 ». Pour lancer la quête, ont donc été entrées les occurrences de recherche : « mutineries » et « mutin », « défaitisme », « révolte », « rébellion », « 1917 », « désertion » et « insoumission », puis ont été effectués quelques sondages aléatoires supplémentaires dans vingt-huit récits en privilégiant les régiments de fantassins, de génie et d’artilleurs. Il en est ressorti quatre récits (Jacques Victor Robert, Pierre Caizergues, Jean Cros et Émile Jourdan). Enfin se sont rajoutées la correspondance échangée par l’ouvrier Joseph Sigal avec son épouse Marie ainsi que les quatre lettres envoyées à sa sœur par le capitaine au long cours, Jean Étienne Gout, qui forment deux lots privés déposés aux archives municipales d’Agde. C’est dire si la collecte a été limitée mais elle n’a pas été totalement vaine, d’autant qu’il apparaît qu’en 1917, beaucoup de correspondances se sont déjà arrêtées pour diverses raisons : le soldat a été tué ou a été réformé ou encore hospitalisé, le fonds est en partie incomplet, le témoignage s’arrête sans raison explicitée. Mais on constate également que de nombreux soldats héraultais sont à ces dates en permission, peut-être non sans raison, en formation, ou en Orient, front pour lequel où ne trouve d’ailleurs aucune trace héraultaise de récit des mutineries mais où les Héraultais ont été très nombreux à être envoyés. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2019 |
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Nombre de pages | 11 |
Auteur(s) | Christine DELPOUS-DARNIGE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |