Les débuts du pouvoir de Constantin d’après un nouveau milliaire aux limites des cités de Nîmes et de Béziers
Les débuts du pouvoir de Constantin d’après un nouveau milliaire
aux limites des cités de Nîmes et de Béziers
En 1999 a été découvert dans une étable du domaine de Cazeneuve, au village de Lauret (canton de Claret, département de l’Hérault), un milliaire qui se trouvait hors de tout contexte archéologique. Le Musée archéologique Henri-Prades le recueillit à Lattes, en assura la restauration, avant de le restituer au domaine dont il provenait. Un moulage est actuellement déposé à Loupian (canton de Mèze, département de l’Hérault), ce qui s’explique par les diverses phases de l’histoire de la découverte, comme nous le verrons plus loin. Ce nouveau document a déjà été brièvement signalé 1.
E s’agit d’un milliaire de forme cylindrique, mentionnant Constantin. Il est incomplet tant dans la partie supérieure que dans la partie inférieure. La hauteur conservée est de 0,64 m. ; le diamètre est de 0,28 m. On rappellera que le diamètre du milliaire de Galère, qui provient des environs de Castelnau-le-Lez 2, est de 30 cm. environ.
Le champ épigraphique a été toutefois conservé presque dans sa totalité. Quelques lettres de la première ligne ont souffert à cause de la cassure. Mais les rapprochements que l’on fera avec les milliaires de Constantin qui datent de la même période n’autorisent pas à supposer, par exemple, qu’aurait disparu la dénomination initiale de D(ominus) n(oster). Comme nous le verrons plus loin, dans la région qui correspond au territoire de la cité de Nîmes il s’ajoute à un milliaire des environs de Montpellier, adressé au même empereur, qui est mentionné par Hirschfeld puis, plus rapidement, par E. Bonnet au début du XXe siècle, mais dont la trace était perdue avant même le recensement du Corpus inscriptionum Latinarum et de l’Histoire générale de Languedoc 3.
On lit ainsi la nouvelle inscription (Fig. 1, 2, 3, 4) :
FL V • L
CONSTANTINO
NOB • CAESARI
M•P L
Le texte est inscrit en belles lettres capitales, de forme régulière, mais légèrement décroissantes d’une ligne à l’autre. À plusieurs reprises certaines lettres sont de dimensions plus petites. L. 1 : le V, conservé, mesure 6,5 cm. ; L. 2 : 5,5 à 6 cm., mais les deux O dans le mot CONSTANTINO sont de 4cm. ; de plus la lettre I (3 cm.) semble avoir été ajouté entre N et T ; L. 3 : 5 à 5,5 cm., mais le O a aussi 4 cm. ; L. 5 : 4,5 à 5,5 cm., mais la lettre L a 6,5 cm. Des points séparatifs ont été disposés entre les mots et abréviations, mais d’une façon irrégulière et parfois même arbitraire. À la ligne 1, on attendrait un point après les deux premières lettres ; à la ligne 4 on en attendrait un autre entre la deuxième et la troisième lettre.
Plus étonnante, l’élision qui apparaît dans le second mot de la ligne 1, et l’insertion d’un point entre les deux lettres qui sont V et L. On développera ainsi le texte :
Fl(avio) V(a)l(erio)
Constantino
nob(ilissimo) Caesari
m(illia) p(assuum) (quinquaginta).
« A Flavius Valerius Constantinus, très noble César ; cinquante mille pas. »
Le milliaire a été élevé au nom de Constantin, Flavius Valerius Constantinus. On ne peut pas s’appuyer sur les anomalies de gravure de la première ligne pour chercher un autre personnage de la dynastie constantinienne, car Constantin II, fils et successeur de Constantin, s’appelait officiellement Fl(avius) Claudius Constantinus 4. Il est raisonnable de retrouver la dénomination de Constantin le Grand, même s’il faut constater l’existence d’une curiosité de gravure du second élément qu’elle comportait, le gentilice Valerius. Le texte est simple, sans adjonction d’élément élogieux, ni d’élément généalogique.
L’intérêt de ce nouveau document, qui vient s’ajouter aux quatre milliaires de la période tétrarchique et post-tétrarchique (284-311) déjà connus dans le territoire de la cité antique de Nîmes 5, est double il s’agit de l’intérêt pour l’histoire politique de la période, mais aussi de l’intérêt pour l’étude des limites administratives des cités à l’époque romaine.
Cette dernière question surgit lors du commentaire de la dernière ligne, celle qui concerne l’indication des distances. On lit de façon claire le chiffre du cinquantième mille, qui marquait la distance par rapport au caput viae. II ne s’agit pas, comme il arrive souvent sur des documents comparables, d’une distance mesurée à partir de Narbonne: en effet, dans la partie du Languedoc romain, entre Narbonne et Nîmes, sur les milliaires de l’époque d’Auguste et de la période julio-claudienne, l’indication des distances était comptée depuis Narbonne, la capitale de la province 6 : par exemple, le milliaire d’Auroux, actuellement à Saint-Aunés, portait l’indication de63 milles 7. Mais plus tard cette indication de distance se marque par rapport au chef-lieu de cité dans le territoire de laquelle le milliaire avait été érigé, en sorte que disparut toute référence à Narbonne comme caput viae. Le changement put se produire sous Antonin le Pieux (138-161). En tout cas il est bien attesté à l’époque tétrarchique par le milliaire de Galère provenant de Castelnau-le-Lez, récemment restauré, revu et réinterprété 8. Grâce aux restaurations qui on été effectuées, ce document, qui se place entre 293 et 305, puisque Galère était seulement nobilissimus Caesar aux côtés de Dioclétien et de Maximien Hercule, a pu livrer une indication plus exacte de sa distance par rapport au caput viae, mentionné explicitement. Les dernières lignes posaient des problèmes de lecture. Cazalis de Fondouce, en publiant l’inscription ne les affrontait pas 9. Après lui, dans son édition 10 Hirschfeld optait pour la lecture du chiffre [L]XI ; ce savant lisait ainsi : /X1 ; puis il commentait, après avoir envisagé plusieurs possibilités de résolution : « debuit esse LXI ». Par la suite, I. König, après avoir revu le document et être revenu sur les difficultés de lecture des dernières lignes, adoptait la solution admise par son prédécesseur, en précisant qu’il s’agissait d’une distance toujours comptée depuis Narbonne 11. n suggérait de lire à la ligne 7 le nom de N(arbo) M(artius), abrégé par le graveur, puis il précisait dans le commentaire « Distanz : LXI Meile von Narbonne ». Récemment, s’il avait hésité sur la restitution du chiffre de la distance, G. Walser n’avait pas véritablement remis en question le point de vue de son prédécesseur, en se contentant d’ajouter un point d’interrogation qui portait plus sur l’établissement de la distance que sur le point de départ du compte de celle-ci 12.
Or la restauration du document a fait apparaître nettement l’indication numérale : m(illia) p(assuum) / XXXI. La question du caput viae se posait donc de façon d’une façon différente. Par rapport à la position de Castelnau-le-Lez / Sextantio 13, le seul caput viae placé à la distance indiquée était Nîmes, chef-lieu d’une cité dont l’existence avait été maintenue à l’époque tétrarchique, au sein de la province de Narbonnaise Première. C’est ce qu’indiquait, de plus, au dessus de l’indication de distance, la gravure des deux lettres N et O, qui autorisaient le développement a N(emaus)o 14. Toutes ces indications concordent. Les itinéraires antiques placent Sextantio à quinze milles d’Ambrussum et à trente milles de Nîmes. Le trente-et-unième mille se trouvait au-delà de la station, à partir de Nîmes, ce qui s’accorde avec la position de la découverte, dans le lit du Lez, c’est-à-dire à la sortie de l’étape en direction de Béziers, en franchissant la rivière. Quant au trentième mille, il devait se trouver pour sa part à l’approche de la station, du côté oriental. En venant du chef-lieu, on passait devant cette borne avant d’accéder à l’étape. On peut ainsi accorder les données fournies par les itinéraires antiques et celles qui se déduisent de l’emplacement de ce milliaire.
Comme on va le voir, c’est avec ces acquis que s’accordent aussi les données fournies par le nouveau milliaire. Mais il convient au préalable de bien établir quelle est sa provenance exacte. On a vu en effet que la découverte n’était pas accompagnée d’un quelconque contexte archéologique. On pourrait aussi s’étonner que la provenance établie en premier lieu conduisît à postuler l’existence d’un réseau routier de première importance passant dans le territoire de Lauret ou dans ses environs. Or rien, dans l’état actuel de nos connaissances sur les voies antiques ne semble indiquer l’existence d’une voie majeure dans ce secteur 15. L’éventualité d’un déplacement prend ainsi forme, surtout si l’on retient que la même famille possédait au début du XXe siècle le domaine de Cazeneuve à Lauret et le domaine de Cambelliers sur le territoire de la commune de Loupian (canton de Mèze, département de l’Hérault) 16. Cette hypothèse d’un déplacement apporterait une solution heureuse, car elle place le lieu dont proviendrait le nouveau document à un km environ de la voie Domitienne, celle qui, tant à l’époque d’Auguste qu’aux époques postérieures, reçut un bornage régulier et fut l’objet de réfections constantes. C’est d’ailleurs cette route majeure dans l’histoire de la province de Narbonnaise qui concentre l’épigraphie routière du IIIe siècle et du IVe siècle. Lui attribuer sur ce fondement, même par hypothèse, le nouveau milliaire provenant du village de Lauret n’est pas hasardeux. Ce document entre ainsi dans un contexte clairement défini il retrouve sur ce parcours routier non seulement le milliaire de Galère déjà examiné, mais encore un milliaire de Dioclétien et un milliaire de Maximin Daia, enfin un autre milliaire de Constantin qui a été aussi cité précédemment, bref plusieurs documents datant d’une période circonscrite à peu d’années (284-313 de la façon la plus large) 17.
La provenance du milliaire l’établirait donc dans le territoire de Loupian, Mais il s’agit plus d’un lieu de conservation après sa découverte que d’une provenance précise, car les biens de son premier détenteur étaient répartis dans trois villages limitrophes, Loupian, Poussan et Bouzigues. La distance de cinquante milles par rapport à Nîmes, soit 74 kms environ, le positionne approximativement à Loupian ou a proximité de ce village. Mais comme nous sommes sur une limite de cité, la question devient plus complexe et son intérêt s’accroît. Les itinéraires antiques placent la station de Forum Domitii, qui est la plus proche à l’Est de Loupian, à 45 milles de Nîmes, Ambrussum se trouvant à quinze milles, et Sextantio à trente milles respectivement 18. Mais, comme on l’a vu plus haut, le positionnement de la borne du trente-et-unième mille, à l’Ouest du franchissement du Lez, indique que le trentième mille se trouvait de l’autre côté du cours de ce fleuve côtier, à l’approche de Sextantio, en venant de Nîmes, donc à l’Est de la station routière. Il faut aborder de la même façon le positionnement du milliaire par rapport à Forum Domitii. Le quarante-cinquième mille devait se trouver aussi à l’approche de la station, en venant de Nîmes et de Sextantio. Les cinq milles supplémentaires, soit 7,4 kilomètres environ, correspondent au passage de la station, à la rencontre du quarante-sixième mille une fois que la station avait été franchie, puis à la poursuite du cheminement vers l’Ouest. On sait que c’est auprès du village de Montbazin qu’il convient de placer 19 la station de Forum Domitii. Elle a été localisée à peu de distance à l’Est du village actuel. C’est donc un peu plus loin encore, à l’Est de ce village, que devait se trouver le quarante-cinquième mille. Ainsi, à partir de ce point, qui pour l’instant n’est que virtuellement défini, il fallait franchir l’actuelle agglomération de Montbazin, achever de parcourir le territoire de cette commune, puis parcourir le territoire de la commune voisine de Poussan, avant de parvenir dans le territoire de Loupian, si l’on voulait atteindre le cinquantième mille dans la cité de Nîmes en direction de Béziers et de Narbonne 20.
Sur le territoire de Poussan et de Loupian la via Domitia franchissait une zone de collines qui vient fermer à l’Ouest la dépression de Gigean-Montbazin 21. Ce sont les modestes hauteurs de la Montagne de la Mourre qui viennent s’abaisser jusqu’aux abords de l’étang de Thau, avec leurs garrigues sauvages que l’on trouve encore jusqu’aux abords du village de Bouzigues 22 (Fig. 5).
Une prospection a été menée aux limites des communes de Poussan et de Loupian, traversées d’Est en Ouest par la voie Domitienne. Le domaine de Camberlliers, dont il é été question précédemment, s’étend précisément dans ce secteur (Fig. 6). Au nord-est du village de Loupian, entre ce village et le village voisin de Poussan, les calcaires jurassiques gris-beige (kimmedirgien supérieur) et marneux (kimméridgien inférieur) composent l’extrémité méridionale des collines de la Mourre, de direction nord-sud, qui descendent jusqu’au bord de l’étang de Thau. Les plissements, formés durant l’orogénèse pyrénéenne, culminent entre 206 m. (Pioch de Madame) et 105 m. d’altitude (Pioch de la Languette). Ils s’avancent en coin jusqu’à Bouzigues sur la rive nord-est de l’étang de Thau, entre deux plaines humides celle de Loupian à l’ouest, celle de Poussan à l’est. Ces dernières sont constituées de terrains plus récents des périodes miocène et pliocène.
Suivre la voie Domitienne sur le territoire de la commune de Poussan est aisé. Dans la plaine, c’est d’abord une étroite route goudronnée encaissé entre les vignes (Fig. 7). Elle se transforme ensuite en un chemin rocailleux bordé de chênes verts lorsqu’elle aborde les pentes orientales des dernières collines de la Mourre, lorsque cette chaîne de collines vient mourir au contact de l’étang de Thau (Fig. 6). Sur les premiers reliefs, dès que l’on a quitté la plaine, le franchissement de la combe de Cayla s’effectue par un remblai (Fig. 8). Ornières creusées dans la roche et gros blocs de calcaire taillés, apparemment en place sur les bas-côtés, sont encore visibles à cet endroit, mais ils restent d’âge indéterminé. Puis la direction de la voie se perd à l’entrée de la Commune de Loupian et du domaine de Cambelliers, aujourd’hui en friches (Fig. 9). Son tracé devient alors largement hypothétique. Ici, la végétation est basse, caractéristique des terroirs abandonnés (chênes kermès, chicorées sauvages, chardons, genêts d’Espagne…). Parfois, quelques chênes verts et des bosquets de pins d’Alep constituent une végétation plus haute. L’examen attentif de la retombée occidentale des collines de la Mourre n’a livré aucun vestige de la voie. Puis, à l’Est de Loupian, dans une dépression drainée par le ruisseau de Vayrac, des travaux de mise en valeur agricole avaient révélé des aménagements sous la forme de gros blocs en calcaire coquillier soigneusement appareillés. Leur chronologie est incertaine et ils paraissent liés au franchissement de ce secteur humide (Fig. 10). L’examen de quelques gros blocs épars, actuellement visibles, ne peut apporter aucune précision supplémentaire.
La distance qui correspondrait aux cinq milles (7,4 kilomètres) séparant la borne milliaire de la station de Forum Domitii permet d’envisager que l’emplacement originel de la borne se trouverait dans la zone correspondant à la limite des villages de Poussan et de Loupian, là où se trouve bien concentrée la majeure partie des terres du domaine de Cambelliers.
C’est là aussi que l’on s’accorde à placer les limites de la cité de Nîmes et de la cité de Béziers, à partir de celles données plus tard aux évêchés d’Agde et de Maguelone 23. Mais il est vrai qu’il s’agit d’une évolution très complexe qui se déroula durant l’Antiquité tardive. C’est alors que l’évêché d’Agde fut découpé dans celui de Béziers. Cette cité avait absorbé durant le Haut-Empire les petites cités de droit latin qui étaient enclavées dans son territoire Cessero, les Piscenae, et vraisemblablement aussi Agde elle-même, si l’on peut envisager que cette agglomération d’origine massaliète conserva un statut civique à l’époque impériale 24. Mais lorsque l’évêché d’Agde fut constitué, vers la seconde moitié du Ve siècle ou au début du VIe siècle, le territoire qui lui fut attribué ne correspondait plus nécessairement à celui de la petite cité de droit latin : pourquoi retrouver exactement les limites anciennes, puisqu’elles pouvaient paraître obsolètes ? L’apparition de cet évêché était acquise en 506 après J.-C. lorsque se tint dans cette ville un concile présidé par Césaire d’Arles. L’évêque d’Agde alors mentionné s’appelait Sophronius.
Mais on a envisagé que l’existence d’un évêché aurait été de peu antérieure à l’épiscopat de ce personnage et on lui a même trouvé un prédécesseur en la personne de Beticus. On a donc estimé que la création de l’évêché pouvait remonter à la seconde moitié du Ve siècle 25. Quant à l’évêché de Maguelone, découpé dans la partie occidentale de la cité de Nîmes, son existence est attestée bien plus tard, en 589, par la mention de Boétius parmi les signataires du concile de Tolède. Mais il aurait pu être constitué un peu avant cette date 26. Faute de mieux on place sa création au VIe siècle. Il existe donc un décalage dans l’apparition des deux diocèses.
Les paroisses de Bouzigues et de Loupian étaient intégrées dans le territoire de l’évêché d’Agde 28. En raisonnant de façon régressive on doit les attribuer au territoire de la cité de Béziers dans sa configuration la plus large. Mais le territoire de Poussan et celui de Balaruc, qui ne connaissent pas les interventions de l’évêque d’Agde, sont dans le diocèse de Maguelone, et suivant le même raisonnement régressif, dans la cité de Nîmes, ce qui était admis en général 29. Ainsi les reliefs constitués par les dernières hauteurs de la montagne de la Mourre ont servi de frontière aux diocèses d’Agde et de Maguelone/Montpellier, comme l’attestent de nombreuses cartes, manuscrites ou gravées, du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle 30 (Fig. 11, 12, 13). Les cartes des diocèses, comme la découverte de la borne milliaire, confortent et précisent cette reconstruction des limites des évêchés, conformément aux conclusions proposées depuis longtemps par M. Clavel. On peut donc considérer que les collines de la Mourre matérialisaient les confins des deux cités de Béziers et de Nîmes, lorsque dans l’Antiquité tardive elles eurent englobé les territoires de petites communautés civiques qui avaient pu survivre pendant quelque temps durant le Haut-Empire, avant de séparer les diocèses d’Agde et de Maguelone.
Il est intéressant que le nouveau milliaire de Loupian vienne par sa provenance vraisemblable confirmer ce point de vue, et permettre dans ce secteur d’établir l’adéquation des limites des cités antiques et des limites des circonscriptions ecclésiastiques. En effet, plutôt que de bornages continus, comme à l’époque augustéenne ou à l’époque claudienne, il semble que plus tard beaucoup d’opérations comparables se limitaient à marquer l’environnement immédiat des villes chefs-lieux, les points de passage spécifiques et les limites de territoires, points d’entrée comme de sortie et points de passage d’une cité à une autre. On pourra estimer que la borne milliaire mise au jour à Lauret, mais conservée initialement à Loupian parce qu’elle provenait de ce lieu ou d’un lieu voisin, se trouvait en limite du territoire de la cité de Nîmes, et qu’elle marquait le passage à la cité de Béziers. Même si on peut proposer de l’appeler milliaire de Loupian, il ne provient pas nécessairement du territoire de cette commune, paroisse du diocèse d’Agde limitrophe du diocèse de Maguelone. Il est plutôt le bien commun des deux villages voisins de Loupian et de Poussan, dont les limites correspondaient approximativement à celles qui séparaient les diocèses d’Agde et de Maguelone, et par delà les cités de Béziers et de Nîmes.
L’autre intérêt de ce document nouveau, qu’il partage directement avec une autre inscription de la via Domitia, déjà connue, concerne l’histoire politique de l’Occident romain. En effet, le texte qui a été gravé se rapporte aux premiers temps du règne de Constantin. Ce prince, fils de Constance Chlore, avait été écarté de la transmission du pouvoir impérial lorsque Dioclétien et Maximien se retirèrent dans la vie privée en 305, laissant l’autorité supérieure à Constance et à Galère, et plaçant à leurs côtés, mais en position subordonnée deux nouveaux Césars, Sévère et Maximin Daia 31. Cette situation avait pu paraître une offense aux enfants de Maximien Hercule (Maxence) et de Constance Chlore (Constantin), exclus de l’exercice du pouvoir, quoique fils de membres du collège impérial. Aussi, lorsque le 25 juillet 306 Constance mourut, son fils Constantin fut acclamé par les soldats à York (Eburacum), ce qui créait une situation contradictoire non seulement avec l’organisation nouvelle, entérinée par Dioclétien avant son abdication, mais avec l’esprit du système tétrarchique, destiné à préserver l’empire de l’usurpation et de la discorde politique. Galère, devenu le plus ancien des détenteurs du pouvoir, fit contre mauvaise fortune bon cœur et consentit à l’entrée de Constantin dans le collège impérial, mais seulement comme César, à la dernière position. Le nouveau prince était placé hiérarchiquement à la suite de Maximin Daia, tandis que Sévère était promu au rang d’Auguste la concordia avait été sauvée, au moins en apparence. L’épigraphie routière en Gaule apporte un témoignage de cet effort de restauration de l’unité du collège impérial dans une concorde de façade, en présentant l’ensemble du collège tétrarchique dans sa nouvelle composition. On le trouve à proximité des Alpes. Alors que sur deux milliaires distincts, mais qu’il faut rapprocher dans leur conception, avaient été cités, entre l’abdication de Dioclétien (1er mai 305) et la mort de Constance (25 juillet 306), les membres du collège tétrarchique du moment, avec des associations de princes qui concernaient soit l’Occident (Constance Auguste et Sévère César) 32, soit l’Orient (Galère Auguste et Maximin Daia César) 33, on trouve, à Annemasse, un milliaire qui associe, dans l’ordre protocolaire le plus strict les membres du nouveau collège tétrarchique que dont Galère avait dû s’accommoder après la mort de Constance : Galère et Sévère Augustes, Maximin Daia et Constantin Césars 34. La rédaction de ce milliaire peut révéler chez Constantin le souci de montrer du respect pour la nouvelle forme qu’avait prise la répartition des responsabilités suprêmes, une fois que le coup de force dont il bénéficiait avait été reconnu par Galère. On peut interpréter ces documents comme des témoignages de prudence politique, visant à conforter une situation acquise d’une façon peu orthodoxe, à démontrer un respect scrupuleux d’une solution qui faisait du jeune prince non un usurpateur mais un détenteur légitime du pouvoir impérial, et à conforter une position qui était fragile a priori.
Mais, quasiment en même temps, on apprend par d’autres documents, épigraphiques comme les milliaires, littéraires comme les panégyriques latins, que Constantin tentait par tous les moyens de consolider sa position et de se donner des marges d’autonomie face aux princes qui pouvaient se considérer comme ses supérieurs. Le développement des troubles politiques liés à la prise de pouvoir de Maxence à Rome, à la fin d’octobre 306, puis le retour aux affaires de Maximien Hercule, le père de ce dernier, offraient l’occasion de conduire un jeu personnel, à peu de mois de distance de l’élévation au pouvoir 35. Le contrôle des parties de l’empire que Constance Chlore avait directement administrées visait à établir de fait une autorité personnelle sur de larges parties du territoire romain et à rendre la position acquise presque inexpugnable. Le contrôle par Constantin des diocèses d’Occident, diocèse des Gaules, diocèse des Espagnes, est une des questions qui a suscité des discussions parmi les historiens. Quel était le territoire qui fit acte d’obédience au prince nouvellement acclamé ? Quelle était la zone qu’il contrôlait, surtout si l’on tient compte que peu après le coup de force des soldats de son père, l’acclamant imperator, se produisit à Rome, à la fin d’octobre 306, un coup d’état identique, mais au bénéfice de Maxence, le fils de Maximien Hercule, et qu’entre les deux pouvoirs voisins une compétition se produisit vraisemblablement afin de mettre la main sur le plus grand nombre de provinces, c’est-à-dire sur les plus grandes ressources.
En effet, si Constantin voulait disposer des territoires sur lesquels l’autorité de Constance, quoique indivisible en théorie, s’exerçait plus particulièrement, et s’il voulait peser de façon décisive sur les décisions générales ressortissant à l’autorité de Galère, il lui fallait disposer non seulement des Gaules mais aussi des provinces ibériques. Or l’épicentre de sa prise de pouvoir se trouvait en Bretagne, puis se déplaça à Trèves, la grande résidence impériale dans l’Occident romain. La Gaule méridionale, et plus largement encore les provinces ibériques, étaient des régions périphériques.
C’est pourquoi on a estimé longtemps que la péninsule ibérique avait pu lui échapper au profit de Maxence, dont le pouvoir s’était établi à Rome puis en Italie 36. Toutefois une meilleure connaissance des ateliers monétaires a permis de retirer aux partisans de cette mainmise de Maxence sur la péninsule ibérique le seul argument dont ils disposaient l’atelier qui frappa des monnaies pour Maxence n’était pas l’atelier de Tarragone, mais l’atelier de Ticinum (Pavie) 37. En même temps apparaissait un témoignage incontestable de la mainmise de Constantin sur l’ensemble des provinces ibériques, grâce à un nouveau milliaire mentionnant ce prince comme fils de Constance divinisé et petit-fils de Maximien Hercule 38. Mais ce nouveau texte, qui appartient à l’année 307, celle qui vit le retour sur scène de Maximien Hercule, s’il suffit à notre avis à démontrer que dès l’acclamation de Constantin les provinces ibériques se rallièrent à lui, demeure un peu à distance de l’événement qui se produisit le 25 juillet 306. En revanche, le texte du milliaire de Loupian apporte un témoignage plus proche de l’élévation au pouvoir. Nous nous trouvons dans la première phase du règne de Constantin, lorsqu’il ne se prévalait que du titre de nobilissimus Caesar, celui qui lui avait été reconnu par Galère. Mais en même temps, ce nouveau document montre que très rapidement le nouveau prince eut le souci de bien établir sa mainmise sur la Gaule méridionale, assurant à son autorité, une pleine maîtrise des provinces méditerranéennes. Il ne manque pas d’intérêt pour mieux analyser la politique de Constantin.
Il peut ainsi être joint à quelques documents déjà connus qui montrent combien s’élargit bien vite son autorité.
Le milliaire de Loupian est à rapprocher d’un milliaire provenant de Cruas, érigé à l’initiative de la cité d’Alba des Helviens, sur la rive droite du Rhône 39. C’est cette rive du fleuve qu’empruntait une voie déjà remise en état à l’époque d’Antonin le Pieux. Le texte, très voisin de celui du nouveau document, met toutefois aussi clairement en évidence le rôle du chef-lieu de la cité comme caput viae : D(omino) n(ostro) / Flav(io) Val(erio) / Constan/tino nob(ilissimo) / Caes(ari) Alb(a) / m(illia) p(assuum) (quattuordecim). Mais c’est surtout avec un autre milliaire, connu depuis longtemps, récemment republié, provenant de Saint-Hippolyte (canton de Rivesaltes) dans le département des Pyrénées-Orientales 40 qu’il faut examiner le nouveau document routier qui est venu à notre connaissance. Le texte est quasiment identique à celui du milliaire de Loupian : Flav(io) / Val(erio) / Const/antin/o nob(ilissimo) / Caes(ari).
Ces textes se renforcent mutuellement, montrant le soin qu’eut Constantin, dès qu’il prit le pouvoir de se faire reconnaître sans réserve par toutes les provinces du diocèse des Gaules, y compris les plus méridionales. Le jalonnement des routes de la vallée du Rhône, puis de la via Domitia montre le ralliement au nouveau pouvoir des cités de Narbonnaise, mais aussi, – et plus peut-être -, le souci des responsables du nouveau pouvoir qui apparaissait en Occident de lui donner l’assise territoriale la plus large 41. Au-delà de la via Domitia il y avait sans aucun doute ses prolongements ibériques 42. L’ébauche de série que forment les deux milliaires de Loupian et de Saint-Hippolyte dès les premiers temps du règne de Constantin annonce la mention de ce prince sur les milliaires de la péninsule ibérique. Mais cette dernière est de quelques mois ou d’un an postérieure, puisque l’on doit dater le milliaire de Hutar d’Albanchez de la période s’étendant entre la fin 307 et la fin 308 43. Ce milliaire des limites méridionales de la Citérieure est contemporain en revanche du milliaire mis au jour dans les environs immédiats de Montpellier, que l’on a évoqué plus haut 44. Mais actuellement il a disparu et le texte n’est connu que dans sa partie initiale. Néanmoins la restitution d’ensemble proposée par G. Walser est satisfaisante. Elle le fait entrer dans une série de milliaires dans le texte desquels Constantin non seulement maintient la relation à Constance divinisé, mais encore ajoute de façon très explicite la relation à Maximien Hercule. De plus il se qualifie d’Auguste. C’est une nouvelle étape dans l’affirmation de sa position. Il est intéressant d’observer que sur la via Domitia, dans la cité de Nîmes, ces variations du jeu politique aient été prises en compte, et qu’ainsi le maillage des témoignages se densifie constamment. On peut donc aussi raisonnablement espérer la mise au jour en péninsule ibérique d’un témoignage qui, prolongeant les indications fournies par les milliaires de Loupian et de Saint-Hippolyte, établira le synchronisme le plus net dans la prise de possession par le nouveau pouvoir de toutes les provinces de l’Occident romain.
Tels sont les intérêts de ce nouveau document routier provenant de Gaule méridionale. Il ne peut s’expliquer que si l’on admet que le rôle des cités, dans le développement de la politique routière, a quelque peu changé par rapport aux débuts de l’époque impériale. Rédigé au datif, et donc s’apparentant à un hommage au(x) souverain(s) du moment, ce nouveau document apporte un peu plus toutefois. S’il contribue à revenir sur la difficile question des limites de cités, il éclaire aussi les développements de la vie politique au début du IVe siècle. Ce faisant, il permet de relier l’histoire de la via Domitia à un cadre plus général, celui de l’Occident romain. La grande route qui traversait le Languedoc oriental, alors Narbonnaise Première, avait des prolongements en péninsule ibérique. Les impulsions politiques que l’on décelait dans les travaux de bornage dont les cités avaient la charge avaient durant ces années leur origine plus au Nord, semblant partir de Trèves. Elles se prolongeaient aussi vers la péninsule ibérique, comme le montrent le texte d’autres bornes milliaires. Les grandes routes impériales, dont faisait partie la via Domitia, apparaissaient ainsi comme des structures essentielles de la vie politique, servant de vecteur non seulement à la transmission des nouvelles, mais encore offrant aux pouvoirs, établis ou émergents, les moyens de s’affirmer.
Notes
1. Voir la notice de Chr. Landes, dans M. Lugand et I. Bermond (dir.), Agde et le Bassin de Thau. 3412, Carte archéologique de la Gaule (CAG), Paris, 2001, p. 266-268, notice 143 Loupian), n° 31*, avec fig. 325-326. Situation dans le cache général de la commune : p. 240, fig. 274. Mais, comme nous le verrons plus loin, c’est une indication de conservation du document, qui permet seulement d’évoquer une provenance approximative.
2. Voir ci-dessous n. 8.
3. Voir ci-dessous n. 44. Ce milliaire est aussi considéré comme perdu par P. Cazalis de Fondouce, « Bornes milliaires du département de l’Hérault », Mémoires de la société archéologique de Montpellier, 6, 1871, p. 602-603 : « Millin donne le dessin d’une colonne milliaire qui se trouvait, de, son temps (1811), dans le jardin de. M. Riban, aux environs de Montpellier. Herzog reproduit le texte de Millin, mais sans avoir lui-même vu la pierre, qui n’est plus depuis longtemps au jardin Riban, appartenant aujourdh’ui à M. N. Polge. On ne sait ce qu’elle est devenue ».
4. PLRE, I, Constantinus 2 ; D. Kienast, Römische Kaisertabelle. Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie, Darmstadt, 1990, p. 305.
5. Milliaire de Dioclétien : CIL, XII, 3161=5623 = HGL, XV, 179 = I. König, Die Meilensteine der Gallia Narbonensis (Itinera romana, 3), Berlin, 1970, p. 245-246, n° 204 = CIL, XVII, 2, 242 ; milliaire de Galère César : ci-dessous n. 8 ; milliaire de Maximin Daia César : CIL, XII, 5624 = HGL, 181 = I. König, Meilensteine, p. 246-247, n° 205 = CIL, XVII, 2, 243 ; milliaire de Constantin : ci-dessous n. 44.
6. Ce fait a été observé depuis longtemps : E. Bonnet, Antiquités et monuments du département de l’Hérault, Montpellier, 1905 (réimpression, Marseille, 1980), p. 92. En revanche entre Nîmes et le Rhône les distances étaient marquées depuis cette ville: CIL, XVII, 2, 227 (Tibère ; à Manduel), CIL, XVII, 2, 229 (Tibère; à Pont-de-Cart), etc.
7. CIL, XII, 5657 = HGL, XV, 132 = I. König, Meilensteine, p. 264, n° 239 = CIL, XVII, 2, 277.
8. B. François et Chr. Landes, « Révision d’une borne milliaire dédiée à Galère sur la Via Domitia (Castelnau-le-Lez, Hérault) » Gallia, 17, 1990, p. 265-269 (d’où AE, 1990, 675).
9. P. Cazalis de Fondouce, « Bornes milliaires du département de l’Hérault », p. 603. HGL, XV, 180, offre un texte abusivement corrigé.
10. CIL, XII, 5663.
11. I. König, Meilensteine, p. 268-269, n° 245.
12. CIL, XVII, 2, 283.
13. Sur Sextantio, on se référera à la synthèse récente de G. Barruol, dans J.-L. Fiches, Les agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, I, Lattes, 2002 (Monographies d’archéologie méditerranéenne, 13), p. 469-482 ; P. 475, le milliaire de Galère est intégré à l’étude du franchissement du Lez par la voie Domitienne.
14. Voir sur ce point B. François et Chr. Landes, « Révision d’un milliaire », p. 268.
15. Vue rapide par E. Bonnet, Carte archéologique, p. 55-58 ; déjà Id., Antiquités et monuments du département de l’Hérault, p. 84117. Étant donnée la distance marquée sur la pierre, il est impossible de rattacher la localisation à Lauret avec l’une quelconque des voies secondaires qui parcouraient la cité de Nîmes.
16. À la fin du XIXe siècle, l’épouse du propriétaire de l’écurie dans laquelle fut découverte la borne milliaire, Joseph Lapeyssonnie, possédait elle-même un domaine de 125 ha dans le terroir de Loupian, sis à proximité du passage de la voie Domitienne. Claire Pêcheur-Lapeyssonie hérite du domaine de Cambelliers en 1904. Cette propriété de 125 ha appartenait à son oncle, Antoine Pêcheur. Mais si le centre du domaine se trouvait sur le territoire de la commune de Loupian, les 125 ha de biens étaient répartis, à proximité de la voie Domitienne, dans les communes de Loupian, Poussan et Bouzigues, dont les territoires sont contigus. Quant au domaine de Cazeneuve, à Lauret, lieu où la borne a été découverte, il a été vendu à Frédéric Pêcheur, frère d’Antoine, en 1895. Puis il passe dans les mains de Joseph Lapeyssonie, son gendre, négociant en bois. Après une faillite retentissante, la famille Pêcheur-Lapeyssonie vend tous les biens qu’elle possédait dans la région de l’étang de Thau et s’installe définitivement à Cazeneuve, où elle s’éteint en 1949. Nous remercions vivement Mme Anne Leenhardt de nous avoir averti de la découverte fortuite de la borne, de nous avoir permis de l’étudier et de nous avoir renseigné sur l’histoire des domaines de Cazeneuve et de Cambelliers dans deux lettres des 7 et 12 décembre 1999 (archives du Musée de Lattes, n° 10925).
17. Voir ci-dessus n. 5.
18. État de la question dans CIL, XII, p. 666 et CIL, XVII, 2, p. 76- 77. Voir aussi G. Barruol, « Présentation de la via Domitia», dans G. Castellvi, J.-P. Comps, J. Kotarba et A. Pezin (dir.), Voies romaines du Rhône à l’Èbre : via Domitia et via Augusta (Documents d’archéologie française, 61), Paris, 1997, p. 16-20.
19. Voir la synthèse de M. Lugand, dans J.-L. Fiches, Les agglomérations gallo-romaines, I, p. 399-408. L’établissement gallo-romain se trouve à moins d’un kilomètre à l’Est du village actuel (voir fig. 3, p. 401).Voir aussi Id., Agde et le bassin de Thau, CAG 34/2, p. 308311, notice 165, n° 5.
20. Sur ces villages, voir les notices dans M. Lugand et I. Bermond, Agde et le bassin de Thau, CAG 34/2, p. 240-268 (avec fig. 325-326), p. 306-322, p. 344-351. Mise en perspective archéologique de la partie occidentale, autour de Mèze, par I. Bermond et Chr. Pellecuer, « Recherches sur l’occupation du sol dans la région de l’étang de Thau (Hérault) : apport à l’étude des villae et des campagnes de Narbonnaise », RAN, 30, 1997, p. 63-83, plus particulièrement p. 71-83 sur l’environnement de la villa des Prés-Bas à Loupian.
21. Le cadre naturel est bien décrit par P. Ambert, « Géologie et géomorphologie des pays de Thau et de la basse vallée de l’Hérault », dans M. Lugand et I. Bermond (dir.), Agde et le bassin de Thau, CAG 34/2, p. 48-50 (avec fig. 3-4).
22. Description du trajet par J. Lafforgue, G. Castellvi et J.-P. Comps, dans G. Castellvi, J.-P. Comnps, J. Kotarba et A. Pezin (dir.), Voies romaines, p. 24-25 avec cartes p. 30-31.
23. La tradition savante fixa longtemps cette frontière sur le cours de l’Hérault (elle est présentée dans M. Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, p. 221), mais elle ne prenait pas suffisamment en compte la complexité des territoires antiques et les possibilités de regroupement des cités dans l’Antiquité tardive. En revanche, C. Jullian situait la frontière à Montbazin : C. Jullian, Histoire de la Gaule, VI, Paris, 1920, p. 347 n. 1. M. Clavel, ibid., p. 225 avec fig. 13, la place un peu à l’Ouest de Balaruc-les-Bains, agglomération qui, pour sa part, se trouvait dans la cité de Nîmes.
24. M. Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine », dans Cité et territoire II (IIe colloque européen, Béziers, 1997), Besançon, 1998, p. 211-212.
25. A. Castaldo, L’église d’Agde (Xe-XIIIe siècle), Paris, 1970, p. 3 M. Chalon, dans G. Cholvy, Montpellier (Histoire des diocèses de France, 4), Paris, 1976, p. 14-15.
26. Sur l’antériorité de la création de l’évêché d’Agde par rapport à l’évêché de Maguelone, J.-R. Palanque, « Les évêchés du Languedoc oriental à l’époque wisigothique (462-725) », Bull. de littérature ecclésiastique, 73, 1972, p. 160-161.
27. [Appel manquant] M. Chalon, ibid., p. 15-16.
28. Sur les liens de Loupian et de Bouzigues, deux paroisses limitrophes sur les confins qui nous concernent, avec le siège agathois, voir A. Castaldo, L’église d’Agde, p. 81-84, à propos de la bulle du pape Honorius III, du 25 novembre 1216, et de l’accord de l’évêque d’Agde Tédise avec Amaury, duc de Narbonne, comte de Toulouse, de Béziers et de Carcassonne, seigneur de Montfort, du 3 septembre 1219. On se référera aussi aux cartes du diocèse qui se trouvent en fin de l’ouvrage. Voir aussi dans M. Lugand et I. Bermond, Agde et le bassin de Thau, (7AG 3412, p. 103, fig. 29.
29. Voir par exemple J.-L. Fiches, dans R. Huard (dir.), Histoire de Nîmes, Aix-en-Provence, 1982, p. 80 ; plus récemment, J.-L. Fiches, « Volques Arécomiques et cité de Nîmes : évolution des idées, évolution des territoires », dans D. Garcia – Fr. Verdin (dir.), Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Paris, 2002, p. 119-128, partie. p. 120-121.
30. Fr. Pellicer, Cartes, plans, paysages et jardins du Languedoc méditerranéen, XVIIe-XIXe siècles, catalogue d’exposition 2003/2004, Montpellier, Musée languedocien. On mentionnera la « Carte particulière du diocèse de Montpellier» par Jean Cavalier, 1641, burin, inv. 2’16, p. 9 ; la carte intitulée « Le Diocèse de Montpellier» par Hubert Jaillot, 1706, eau-forte et burin, inv. 1’65. Voir aussi la « Carte du Languedoc … avec les confins des Païs et Provinces voizines », lI 1648, Paris, BnF (cartes et plans Ge C 6680).
31. W. Seston, Dioclétien et la Tétrarchie, Paris, 1946, p. 248-257.
32. CIL, XII, 5535 = CIL, XVII, 2, 139 = Fr. Bertrandy, dans B. Rémy (dir.), Inscriptions latines de Haute-Savoie (ILHS), Annecy, 1995, p. 141, n° 115. Présentation groupée de l’ensemble du collège tétrarchique sur un milliaire d’Antibes : I. König, Meilensteine, p. 133, n° 21 = CIL, XVII, 2, 21 = ILN Antibes, 140.
33. CIL, XII, 5517 = CIL, XVII, 2, 107 = ILHS, 116. La datation proposée dans cette dernière publication (« entre le 1er mai 305 et l’été 310 qui Vit l’auto-proclamation de Maximin Daia au rang d’Auguste ») est acceptable en théorie. Mais comme nous sommes éloignés du monde danubien et des provinces orientales, le rapprochement avec la forme adoptée sur le milliaire précédent, indique que l’on a choisi, lors du bornage de la voie, de présenter sous cette forme particulière les membres du collège tétrarchique.
34. CIL, XII, 5516 = I. König, Meilensteine, p. 185, n° 100 = CIL, XVII, 2, 106 = ILHS, 117. Un autre document : CIL, XII, 5527 = CIL, XVII, 2, 123. On ajoutera à ces textes, dans une autre partie de l’Occident romain, mais plus liée à l’Italie, une inscription de Cuicul. Elle serait dans une zone relevant plus directement de l’autorité de Sévère, élevé depuis peu au rang d’Auguste : ILAlg., II, 3, 7866. Voir aussi : C. Lepelley, « Notes sur sept inscriptions africaines du Bas-Empire », ZPE, 43, 1981, p. 185-186, d’où AE, 1982, 963.
35. On suivra le déroulement des événements à l’aide de T. D. Barnes, The New Empire of Diocletian and Constantine, Cambridge Ma.)-Londres, 1982, p. 5-6 ; voir aussi M. Christol, L’empire romain du IIIe siècle, Histoire politique (192-325 après J-C.), Paris, 1997, p. 215-227.
36. Exposé de la question par M. Christol et P. Sillières, « Constantin et la péninsule ibérique : à propos d’un nouveau milliaire », REA, 82, 1980, p. 75-76. Le fondement de la thèse à présent dépassée, mais défendue à plusieurs reprises par J. Maurice, repose sur la conviction que la ville de Tarragone disposait d’un atelier monétaire dont la production reflétait les aléas de la vie politique impériale. On estime à présent que cet atelier monétaire est en réalité l’atelier de Ticinum (Pavie), établi en Italie septentrionale : voir n. suiv. Néanmoins ce postulat a longtemps permis de soutenir que les provinces du diocèse des Espagnes, après avoir été sous l’autorité de Maximien Hercule, puis de Sévère, puis de Maxence, ne seraient passé sous l’autorité de Constantin qu’au printemps de l’année 309. Voir par exemple J. Maurice, « Le diocèse des Espagnes de 293 à 309 », dans Mémoires de la société nationale des Antiquaires de France, 7e s., 4, 1903,p. 137-152.
37. P. Bastien, « Le pseudo-atelier monétaire de Tarragone », Latomus, 35, 1979, p. 90-109 M. Christol et P. Sillières, « Constantin et la péninsule ibérique», p. 76.
38. Il s’agit du milliaire de Hutar (Albanchez, prov. de Jaen) à l’extrémité méridionale de la Citérieure, mis au jour par P. Sillières et commenté par M. Christol et P. Sillières, « Constantin et la péninsule ibérique », p. 73-73 (d’où AE, 1981, 520, puis AR, 1983, 607) = P. Sillières, Les voies de communication de l’Hispanie méridionale, Paris, 1990, p. 159-160, n° 103.
39. CIL, XII, 5566 = HGL, XV, 1914 = I. König, Meilensteine, p. 212-213, n° 140 = CIL, XVII, 2, 178.
40. CIL, XII, 5670 = HGL, XV, 1302 = I. König, Meilensteine, p. 276-277, n° 258 = CIL, XVII, 2, 296 = G. Castellvi, J.-P. Comps et A. Pezin, dans G. Castellvi, J.-P. Comps, J. Kotarba et J. Pezin, Voies romaines du Rhône à l’Èbre via Domitia et via Augusta, Paris 1997 (Documents d’archéologie française, 61), p. 78, avec fig. 35-36, (d’où, AE, 1997, 1080). La datation de « fin 307 à la fin 310 » est un peu trop large, si l’on admet que le formulaire des milliaires varia de la même façon dans tout le domaine constantinien. Il faut tenir compte qu’à partir du courant de 307, bien avant la fin de l’année, le formulaire change, par la mention de Constance divinisé puis s’ajouta la référence à Maximien Hercule. Sur ces variations, M. Christol et P. Sillières, « Constantin et la péninsule ibérique », p. 73-74.
41. Une étape d’approfondissement de la mainmise du nouveau pouvoir, qui s’accompagne d’une expression plus autonome de l’autorité de Constantin grâce à l’ajout des titres Imperator Caesar, apparaît aussi un peu plus tard, mais toujours avant la fin de l’année 307. Les textes de ces milliaires insistent aussi sur la filiation de Constantin par rapport à Constance divinisé (Divi Constantii filius). Cette nouvelle étape est marquée par quatre milliaires de Gaule méridionale : celui d’Orange (CIL, XII, 5556 = I. König, Meilensteine, p. 205, n° 129 = CIL, XVII, 2, 167), celui de Saint-Rémy-de-Provence (H. Rolland, « Un nouveau milliaire de l’itinéraire de Peutinger », CRAI, 1962, p. 76-79 = AF, 1963, 95 = I. König, Meilensteine, p. 175-176, n° 88 = CIL, XVII, 2, 88), celui de Pont-de-Labaume chez les Helviens, sur la route d’Alba Vers l’Aquitaine (CIL, XII, 5584 = HGL, XV, 1893 = I. König, Meilensteine, p. 219-220, n° 152 = CIL, XVII, 2, 190), et celui du Musée Saint-Raymond de Toulouse (CIL, XII, 5673 = HGL, XV, 1344 = I. König, Meilensteine, p. 281-282, n° 262 = CIL, XVII, 2, 300). Un cinquième texte apparaît sur un pilier carré, provenant de Saint-Michel-d’Euzet dans le Gard (cité de Nîmes) : CIL, XII, 5881 = HGL, XV, 2068 mais il n’a pas été considéré comme un milliaire. Dans la Novempopulanie voisine, le milliaire de Castelnau-Magnoac revêt une importance comparable: M. Labrousse, « Un milliaire, inédit de Constantin à Castelnau-Magnoac (Hautes-Pyrénées) », Pallas, 4, 1956, p. 66-86 = CIL, XVII, 2, 372. IL s’agit vraisemblablement du témoignage d’un raccord à la grande voie de piémont qui, à partir de Saint-Bertrand-de-Comminges, donnait accès à un passage transpyrénéen vers Caesaraugusta : P. Sillières, « Voies de communication et réseau urbain en Aquitaine romaine », dans Villes et agglomérations urbaines antiques du Sud-Ouest de la Gaule. Histoire et Archéologie (deuxième congrès Aquitania, Bordeaux, 13-15 septembre 1990), Bordeaux, 1992 (Supplément 6 à Aquitania), p. 434 et carte p. 435 Chr. Rico, Pyrénées romaines. Essai sur un pays de frontière (IIIe siècle av. J-C.-IVe siècle ap. J-C.), Madrid, 1997, p. 199-200, 206-212, 218-219.
42. On fera entrer dans cette perspective le milliaire qui provient du Summus Pyrenaeus lui-même, mais sa datation demeure incertaine, car il est actuellement très incomplet : G. Castellvi, J.-P. Comps et A. Pezin, dans G. Castellvi, J.-P. Comps, J. Kotarba et J. Pezin, Voies romaines du Rhône à l’Èbre, p. 82-85 (avec fig. 48-50) (d’où AE, 1997, 1083).
43. Datation dans M. Christol et P. Sillières, « Constantin et la péninsule ibérique », p. 74. La date, de la conférence de Carnuntum (novembre 308) nous paraît une, limite à ne pas franchir, car cet épisode marque la mise en place d’un modus vivendi entre Constantin et Galère, dont Maximien Hercule fit les frais. Certes il fut fragile, car Constantin ne fut jamais satisfait du sort qui lui avait été réservé, ainsi qu’à Maximin Daia. Mais jamais il ne se hasarda à rompre avec Galère.
44. Voir déjà ci-dessus n. 2. CIL, XII, 5662 = HGL, XV, 182 = I. König, Meilensteine, p. 267-268, n° 244 = CIL, XVII, 2, 282 ; E. Bonnet, Antiquités et monuments du département de l’Hérault, p. 95. « Quant au milliaire de Constantin trouvé aux environs de Montpellier, il est aujourd’hui perdu ». Id., Carte archéologique de la Gaule romaine, X (Forma Orbis Romani), Paris, 1946, p. 7, n° 20, et p. 56.