Présentation de la publication
Les Cours martiales du régime de Vichy
(janvier-août 1944)
Résumé :
L’article met en évidence les circonstances dans lesquelles la Justice quelque peu malmenée à Montpellier a tenté d’assumer son rôle dans le climat de guerre civile à la fin de la seconde guerre mondiale Deux sortes de cours martiales furent instituées en 1944, celles créées par le régime de Vichy par la loi du 21 janvier 1944 et celles établies par les FFI à partir du 28 août jusqu’au 14 septembre. Elles furent remplacées par une Cour de Justice en fonction de l’ordonnance du Gouvernement provisoire de la République du 26 juin 1944. Elle eut pour mission de juger les actes de collaboration avec l’ennemi commis entre le 16 juin 1940 et la Libération. Elle fonctionna jusqu’en 1948.
Abstract:
The article points out the circumstances in which the somewhat-roughed up Justice tried to play its part, in the atmosphere of civil war, at the end of the 2nd world war. Two kinds of court martials were established in 1944, those which were created by the Vichy government with the law of the 21st of January of 1944, and those which were established by the FFI (French Internal Strenghs) from the 28th of august to the 14th of september. They both were reimplaced by a court of Law according to the ordinance of the interim governement of the republic of the 26th of June of 1944. Its mission was to judge the acts of collaboration with the ennemi that were committed between the 16th of June of 1940 and the Liberation. It worked until 1948.
Resumit :
L’article fa lum sus las circonstàncias amb lasqualas la Justίcia ensajèt d’assumir son ròtle dins l’ambient de guèrra civila al cap de la segonda guèrra mondiala. Doas menas de conselhs de guèrra foguèron instituidas en 1944, aquels creats per lo regim de Vichy amb la lei del 21 de genièr 1944, e aquels fargats per los FFI a partir del 28 de agost fins al 14 de setembre. Foguèron remplaçats per una Cort de Justίcia segon l’ordenança del govèrn provisòri de la Republica del 26 de junh 1944. La sieuna mission foguèt de jutjar los actes de collaboracion perpetrats entre lo 16 de junh 1940 e la Liberacion. Foncionèt fins a 1948.
Resumen :
El artículo destaca las circunstancias en las cuales la Justicia, un tanto maltratada en Montpellier, intentó asumir su papel en el clima de guerra civil al final de la Segunda Guerra Mundial. En 1944 se instituyeron dos tipos de tribunales de guerra, los que se crearon por el régimen de Vichy por la ley del 21 de enero de 1944 y los establecidos por la FFI del 28 de agosto al 14 de septiembre. Fueron reemplazados por un Tribunal de Justicia de acuerdo con la orden del Gobierno Provisional de la República del 26 de junio de 1944. Su misión era juzgar los actos de colaboración con el enemigo cometidos entre el 16 de junio de 1940 y la Liberación. Funcionó hasta 1948.
Auteur(s) : Christian Roche
Deux sortes de cours martiales furent instituées à Montpellier en 1944, celles créées par le régime de Vichy par la loi du 21 janvier 1944 et celles établies par les FFI à partir du 28 août jusqu’au 14 septembre. Elles furent remplacées par une Cour de Justice en fonction de l’ordonnance du Gouvernement provisoire de la République du 26 juin 1944. Elle eut pour mission de juger les actes de collaboration avec l’ennemi commis entre le 16 juin 1940 et la Libération. Elle fonctionna jusqu’en 1948.
Pour comprendre l’installation de ces juridictions d’exception, rappelons la situation politique qui prévalait en France depuis novembre 1942, date à laquelle l’armée allemande occupa l’ensemble du territoire à la suite du débarquement des forces anglo-américaines en Afrique du Nord auxquelles se joignirent les forces françaises lors du débarquement en Italie en 1943.
À partir de 1943, les actions de Résistance contre les troupes allemandes et leurs collaborateurs se multiplièrent. Pour y faire face, le régime de Vichy créa la Milice à partir du 30 janvier 1943. Cette police politique, force de maintien de l’ordre, supplétive de la Gestapo, était une création de Pierre Laval, chef du gouvernement. Mais le véritable responsable des opérations fut Joseph Darnand, ancien combattant des guerres de 1914-18 et de 1939-40 fondateur du Service d’ordre Légionnaire (le S.O.L) qui avait succédé en janvier 1942 à la Légion française des combattants (LFC) soutien de la politique du maréchal Pétain depuis le 10 juillet 1940.
Le S.O.L prônait le culte du chef, le rejet de la démocratie, l’anticommunisme et l’antisémitisme. Il exigeait de ses membres le serment de lutter contre la démocratie, « la lèpre juive » et la dissidence gaulliste. Il favorisait une campagne de délation et les légionnaires se livraient à des actions brutales contre les adversaires du régime.
Pierre Laval, en accord avec le maréchal Pétain, décida de créer, par la loi du 30 janvier 1943, la Milice française, qui absorba l’ancien Service d’Ordre légionnaire.
La Milice ne cachait pas son intention de favoriser l’émergence en France d’un État autoritaire de type fasciste. Elle inquiétait la population par sa pratique systématique de la violence, de la torture, des rafles, et d’exécutions sommaires. Elle n’eut jamais cependant plus de 35.000 membres. Le sixième couplet de son hymne, le Chant des Cohortes est explicite.
Les Cours martiales de Vichy dépendaient du Secrétariat général au Maintien de l’Ordre et pas de la Milice, bien que Joseph Darnand en fût le chef depuis le 1er janvier 1944. Il signait les renvois après transmission des dossiers par les autorités locales. Une équipe de trois chargés de mission, les examinait au préalable. Il s’agissait du commissaire Paul Ferlus, ancien commis des services civils de l’AOF, de Félix Bétaz ancien greffier à la Cour de Justice de Cayenne, et de Joseph Boiron, ancien juge suppléant à Lyon. Ils pouvaient jouer le rôle de procureur. Paul Ferlus siégea dans la cour martiale de Montpellier.
Les cours martiales se réunissaient dans des lieux différents des Cours de Justice, sans aucune publicité, avec trois juges anonymes. À Montpellier, la cour martiale se réunissait au siège de l’Intendance régionale de police, et l’intendant Pierre Marty rédigea lui-même les procès-verbaux des condamnations à mort jusqu’à sa mutation à Toulouse le 15 avril 1944.
La nouvelle des condamnations à mort était diffusée dans la presse après les exécutions. Celles-ci étaient confiées à des pelotons de 12 GMR commandés par un officier et un sous-officier.
Selon la loi du 20 janvier 1944, « tout individu arrêté en flagrant délit d’assassinat, ou de meurtre, de tentative d’assassinat, ou de meurtre commis au moyen d’armes et d’explosifs pour favoriser une activité terroriste » était présenté sans délais à l’intendant de police de la préfecture régionale du lieu de l’arrestation, qui le plaçait sous mandat de dépôt et prenait toutes dispositions utiles pour le traduire sur le champ devant la Cour martiale.
Aucune information n’était ouverte, l’application des lois sur l’instruction criminelle étant suspendue à l’égard des individus déférés en cour martiale. Les accusés n’étaient assistés d’aucun avocat. Si les conditions prévues par la présente loi étaient remplies et que la culpabilité était nettement définie, le condamné était passé par les armes immédiatement après la lecture de la sentence, sans aucun recours, ni appel, ni pourvoi en cassation, ni demande de grâce en principe.
Une fois l’arrêt notifié au directeur de la prison, l’officier commandant le peloton prenait en charge le condamné pour le mener sur le lieu de son exécution. Lorsque le décès était constaté par le médecin légiste, le commissaire de police s’assurait de l’enlèvement du corps par les pompes funèbres et de l’inhumation. [...]