Les archives des Consuls de mer et de la Bourse commune des marchands de Montpellier
Les archives des Consuls de mer
et de la Bourse commune des marchands de Montpellier
Un fonds passionnant pour l’histoire économique de la ville
* Attaché de conservation du Patrimoine, chef du service Archives anciennes et privées
aux Archives départementales de
l’Hérault
P. 127 à 134
En 2016, les Archives départementales de l’Hérault ont repris le classement et la description du fonds dit « de juridiction consulaire » de Montpellier (sous-série 8 B). Ces archives, constituées des fonds des Consuls de mer et de la Bourse commune des marchands, permettent d’approfondir l’étude de l’histoire économique de Montpellier sous l’Ancien Régime. Les archives privées de la Société des arrosages de la roubine des marchands, à Lattes (sous-série 112 J) sont également un utile complément sur cette thématique.
In 2016, the “Archives départementales de l’Herault” took over the classification and the description of the archive collection called “de juridiction consulaire” of Montpellier (subseries 8 B). These archives, formed by the annals of “Consuls de mer” and of the “Bourse commune des marchands” allow us to broaden our knowledge of Montpellier’s economic history under the Ancien Régime. Private archives of the association named “Société des arrosages de la roubine des marchands, à Lattes” (subseries 112 J) give further information on this theme.
En 2016, los Archius departamentals d’Erau tornèron prene lo classament e la descripcion del fons dich « de juridiccion consolara » de Montpelhièr (jos-seria 8 B). Aquels archius, constituits dels fonses dels Cònsols de la mar e de la Lòtja comuna dels mercands, permeton d’aprigondir l’estudi de l’istòria economica de Montpelhièr del Regim Ancian. Los archius privats de la Societat dels asagatges de la robina dels mercands, a Latas (jos-seria 112 J), son tanben un complement util sus aquela tematica.
En 2016, les Archives départementales de l’Hérault ont repris intégralement le classement et la description des 55 mètres linéaires de registres et dossiers du fonds dit « de juridiction consulaire » de Montpellier, constituant la sous-série 8 B. Jusqu’alors, le fonds bénéficiait de quatre inventaires partiels, non uniformisés, rédigés de la fin du XIXe siècle aux années 1990 selon des normes différentes et pourvus de tables de concordance de cotes incomplètes, rendant l’accès aux dossiers difficile pour le chercheur. Désormais, la consultation de ce fonds majeur pour l’histoire économique de Montpellier est plus aisée grâce à un inventaire récent, accessible en ligne sur le site des Archives départementales de l’Hérault 1.
Des Consuls de Mer (1246-1691)
à la Bourse commune des Marchands (1691-1791)
Les « Consuls de mer », dont on attribue la création à Guilhem V, apparaissent au début du XIIe siècle. Au nombre de quatre, ils sont d’abord désignés par le seigneur de Montpellier, avant d’être élus par les consuls majeurs, dont émane leur autorité. Chaque année, le 1er janvier, les consuls majeurs désignent vingt bourgeois, parmi lesquels les consuls de mer sont tirés au sort. Ces consuls de mer sont issus des différents corps de marchands de Montpellier, organisés en confréries ou charités, autour d’un consul ou caritadier : sont ainsi attestés, en particulier, les canabassiers (marchands de chanvre), les poivriers (marchands de poivre et autres épices), les orgiers (marchands de grains), les mangonniers (marchands de poissons), etc. Certains consuls sont également nobles. Les consuls de mer exercent ensuite leur charge pendant un an et doivent rendre leurs comptes aux consuls majeurs en fin d’exercice. D’après les « Établissements de 1258 », ils ne peuvent être réélus, par la suite, que passé un délai de trois ans. A leur sortie de charge, ils élisent à leur tour un « clavaire de mer » parmi eux 2.
Peu à peu, leur mode d’élection s’est progressivement simplifié : en 1383, les consuls majeurs les nomment directement, pratique qui est confirmée en 1612 par un certificat des consuls majeurs qui précise que, parmi les consuls, il y a ordinairement un bourgeois, un marchand d’épices, un marchand de toiles ou de laines et un mangonnier 3. (Photo 1)
Au XIIIe siècle, les attributions des consuls de mer sont de percevoir l’impôt sur le transport des marchandises entre Lattes et Montpellier (qu’elles entrent ou sortent de la cité), d’en consacrer les revenus à l’entretien des routes de Lattes, du grau et de la roubine (qui permettent une mise en relation directe de Lattes avec les étangs et la mer, puis avec Aigues-Mortes, via le canal de la Radelle) et enfin de veiller à la sûreté de la navigation. L’impôt, appelé « maille » ou « obole », est affermé en 1354-1355 4 et le péage du chemin de terre et du robinage du port arrenté en 1362-1363 5. La perception de la taxe s’effectue aux portes de Montpellier ou à l’entrée de Lattes – à la manière d’un octroi – et il est interdit de faire suivre une autre route aux marchandises. Seuls les objets à usage personnel des habitants de Montpellier et de Lattes échappent à l’impôt.
Lors de leur désignation, il convient d’avoir des consuls de mer capables, car ceux-ci correspondent avec les délégués du commerce local des ports méditerranéens, répriment la piraterie et préparent les traités signés ensuite par les consuls majeurs ou le pouvoir seigneurial.
D’abord simples administrateurs, ils obtiennent des attributions judiciaires par lettres patentes de Louis XI en 1463 « pour connaître et juger de tous différends entre marchands et négociants et pour fait de marchandise seulement » intéressant Montpellier, Agde et Aigues-Mortes. Charles VIII, en 1483, et Louis XIII, en 1615, confirment ce privilège 6. Par lettres patentes de 1493, ils jugent, sans appel possible au parlement de Toulouse, en présence du Conseil des Vingt-quatre, les affaires concernant la laine et la soie, dans une juridiction allant jusqu’aux graus de Maguelone et Agde.
Les consuls de mer tiennent leurs assises à la Loge, les mardis et jeudis 7. La Loge est située à Montpellier, à l’angle de la place de l’Herberie et de la rue de l’Aiguillerie, face au portail de Notre-Dame-des-Tables, où se réunit quotidiennement la foule ; elle est attenante au poids public. L’édifice date du XVe siècle, même si des documents prescrivent déjà sa construction au XIVe siècle 8. La construction de la Loge a été retardée par un manque de fonds et par la disgrâce de Jacques Cœur en 1451 9. La Loge sert aussi au culte au XVIIe siècle. Elle comporte deux salles : la salle haute, divisée en plusieurs pièces, accueille les audiences, tandis que la salle basse abrite les marchands et financiers venus y discuter affaires et y traiter leurs opérations commerciales. (Plans 1 et 2)
La Petite Loge, située près de Notre-Dame-des-Tables, est à l’origine le siège des consuls des marchands poivriers, à l’époque où chaque corps de marchands est séparé et possède ses consuls particuliers, chargés de veiller aux besoins de leur corporation et de correspondre avec les consuls majeurs. Depuis que marchands et bourgeois se sont unis pour former un corps, la Petite Loge (car elle est très petite), est unie au patrimoine des consuls 10. (Plans 1 et 2)
En 1692, la Loge est maintenue aux marchands et affectée à leur Bourse : une salle sert alors à l’audience, l’autre à la chambre de commerce établie par l’édit de 1704.
Aux côtés des consuls de mer, sont ponctuellement cités dans le fonds les « consuls sur mer » (ou « consuls des marchands navigants ») et les consuls établis dans les comptoirs d’outre-mer. Les premiers, contrairement aux consuls de mer qui restent à Montpellier, suivent un navire dans sa route pour conseiller, arranger les débats entre marchands ou passagers et pourvoir, en cas de décès d’un marchand, à ce que sa part de cargaison échoie à ses héritiers. Il y a ordinairement un consul par navire, désigné par les consuls majeurs et dépendant d’eux, puis choisi, à partir du XIVe siècle, par une commission de marchands. Les seconds, qui sont des représentants du commerce de Montpellier dans les ports et comptoirs, les protègent. L’ordre des consuls établis dans les comptoirs d’outre-mer existe en principe dès 1187 : il est attesté non seulement en Orient aux XIIIe-XIVe siècles, mais aussi dans le Nord de la France, aux foires de Brie et de Champagne 11. Dans ce dernier cas, le consul ou capitaine des marchands de Montpellier suit les marchands, ville par ville. Il est nommé pour une période indéterminée et reçoit une somme fixe à titre d’honoraires. Sa juridiction embrasse les marchands de Montpellier et du voisinage, voire les marchands d’autres régions méridionales qui consentent à se grouper autour de lui, en particulier pour des raisons linguistiques (ils parlent la langue d’oc).
Avec l’acquisition de la Provence par les rois de France en 1481, l’activité commerciale de la ville de Montpellier décline au profit de Marseille : l’entretien des graus est négligé, puis les troubles de religion, ensuite, provoquent un arrêt du commerce maritime. Profitant de cela, les officiers royaux du présidial de Montpellier obtiennent la suppression de la juridiction consulaire en 1625 12. Les Etats de Languedoc, assemblés en 1665, demandent son rétablissement, ce qui est accordé par le roi, mais reste sans exécution réelle 13, car la judicature exclut les marchands protestants de la religion prétendue réformée (qui constituent la majeure partie du corps à cette époque) et les officiers royaux s’opposent de tout leur poids à son rétablissement (tout comme la Bourse de Toulouse, par ailleurs 14). Mais il semble que, dans le même temps, les consuls de mer ont conservé leurs attributions relatives à la perception de l’impôt et à l’entretien des voies de passage, mais aussi aux traités concernant le commerce. C’est, en effet, à la Grande Loge, en 1666, qu’on décide de construire un canal sur le Lez, pour lequel les consuls de mer perçoivent une redevance annuelle. (Photo 2)
La juridiction de la « Bourse commune des marchands de Montpellier » est créée sur le modèle de celle de Toulouse par un édit de Louis XIV en date du 1er juin 1691, « pour reconnaître et décider en première instance de tous les procès et différends mus et à mouvoir entre marchands et négociants de la généralité de Montpellier et des diocèses de Montpellier, Nîmes, Uzès, Viviers, Le Puy, Mende, Lodève, Agde, Béziers, Narbonne et Saint-Pons » 15. Cet édit supprime en conséquence les consuls de mer, ci-devant établis à Montpellier. La Bourse commune est organisée très rapidement en tant que juridiction consulaire avant tout, et non comme une véritable place de change, à l’inverse de la juridiction toulousaine.
La Bourse commune, d’après l’édit de 1691, est composée d’un prieur, de deux juges consuls et d’un syndic, élus pour un an, et d’un nombre de bourgeois et marchands annuellement nommés par le prieur et les juges consuls pour assister avec eux au jugement de tous les différends et procès des marchands. Le cérémonial des élections du prieur et des consuls reste immuable pendant tout le XVIIIe siècle 16 : le prieur et les consuls sortant proposent une liste de trois candidats pour chaque poste, puis une assemblée de marchands choisit parmi eux. Pour être élu (la cérémonie se déroule à la Grande Loge, siège de la juridiction), il faut avoir franchi successivement les autres grades et l’on ne peut être réélu qu’après un délai de trois ans. Quelques jours après l’élection, les nouveaux élus prêtent serment devant l’Intendant 17, pratique obligatoire sous peine de sanctions 18. Puis ils procèdent à la désignation des juges assesseurs de la juridiction 19, dont le nombre varie entre 14 et 23 au cours du XVIIIe siècle 20 et qui sont issus d’un petit nombre de familles de la bourgeoisie marchande de Montpellier. La juridiction commence à délibérer dès 1691 21. Les trois juges sont très attachés à leurs privilèges et à la préséance 22.
On trouve également des offices d’huissiers qui semblent avoir été les plus âprement disputés à la Bourse de Montpellier et ont causé des querelles très vives, notamment en raison de la multiplication des charges d’huissiers 23. L’édit de 1691 mentionne enfin des dispositions consacrées au greffe de la juridiction dont les officiers ont posé moins de problèmes que les huissiers, à quelques exceptions près 24.
La Bourse de Montpellier dispose avant tout d’attributions judiciaires et connaît toutes les affaires concernant le commerce. Très tôt, elle doit faire face aux oppositions des juridictions royales, parlements en tête, qui veulent voir réduire son champ de compétences. On ne compte plus les arrêts du Conseil du roi cassant des jugements du Parlement de Toulouse, ayant accepté, en dépit des textes, de connaître en appel des affaires ressortissant de la compétence souveraine de la bourse, notamment des affaires concernant un montant inférieur à 500 livres 25 ou encore touchant aux faillites et banqueroutes 26. La Bourse rencontre aussi des difficultés au sujet de sa compétence en matière de connaissance sur le déclinatoire 27 et sur le fonds 28 et en matière de modération des amendes 29.
Le bilan des activités proprement judiciaires de la juridiction semble très positif. Selon l’inventaire – très incomplet 30 – des sentences rendues par le tribunal de 1691 à 1791, les juges-consuls rendent un grand nombre de jugements. Leur activité s’étend à l’examen de documents, comme les bilans remis par les commerçants 31, ou à l’homologation de concordats 32, élaborés dans le cadre de procédures de faillites.
Dans les litiges traités par la bourse, on compte nombre d’affaires relatives à des effets de commerce. Le billet à ordre semble l’instrument privilégié des négociants de Montpellier. En général, le souscripteur est automatiquement condamné au paiement 33. La circulation de ces billets est courante 34, mais la négligence sanctionnée 35. Ils peuvent aussi servir comme moyen de cautionner un débiteur 36. La lettre de change occupe également une place importante dans la masse d’affaires présentées devant la bourse. Les litiges sont vite résolus par la condamnation du tiré acceptant et, en cas de protêts, la juridiction sanctionne tireur et endosseur 37. Juifs et membres du clergé prennent part à ce type d’opération 38.
Une grande partie du contentieux commercial porte aussi sur l’exécution de contrats de ventes 39, prêts 40 et locations 41 conclus entre négociants. Des femmes marchandes participent fréquemment à ces conventions commerciales 42. En cas de vente de marchandises de mauvaise qualité, le marchand condamné peut se retourner contre son fournisseur 43. Lorsque l’instruction de l’affaire semble complexe, les consuls renvoient l’affaire à un marchand connu, chargé d’arbitrer 44.
Mais les activités de la bourse dépassent ce cadre proprement judiciaire. La bourse ne cesse, en effet, d’intervenir dans les affaires concernant les marchands de Montpellier avec lesquels elle ne forme qu’un corps unique. Du point de vue financier, les comptes du corps des marchands sont tenus par le premier juge-consul et c’est par délibération du corps que les comptes ainsi rendus sont clos et arrêtés 45. Le corps des marchands alloue diverses rentes 46. De même, nombre de dépenses ou recettes proviennent de billets consentis par les consuls en charge 47. D’un autre côté, la bourse contribue largement à l’administration du corps, en statuant, par exemple, pour répartir les marchands en deux classes 48. Par ailleurs, elle est amenée à conclure des actes conjointement avec le corps des marchands 49. Enfin, la bourse a un rôle prépondérant à Montpellier pour représenter les intérêts généraux du commerce de la région de Montpellier. C’est à elle qu’on fait appel pour dresser un état des marchandises transitant dans la province 50 ou encore pour présenter des mémoires à l’Intendant de la province, aux États provinciaux, comme au sénéchal de Montpellier pour la défense des intérêts commerciaux de Montpellier 51, souvent conjointement avec les députés de la chambre de commerce de Montpellier 52.
Un fonds d’archives intéressant pour l’histoire économique de Montpellier
sous l’Ancien Régime
Le fonds dit « de juridiction consulaire », est donc constitué de deux fonds, celui des « Consuls de mer » et celui de la « Bourse commune des marchands de Montpellier », créée en 1691. Il est structuré en trois parties : la première, Inventaires des archives (8 B 1-3, 449), rassemble les inventaires d’archives des deux fonds, puis viennent les archives des deux institutions qui se succèdent : Consuls de Mer jusqu’en 1691, puis Bourse commune des marchands jusqu’à la Révolution.
Les inventaires d’archives des deux fonds, qui forment la première partie de la sous-série 8 B (Inventaires des archives), ont été rédigés à partir du XVIIe siècle pour recenser les archives et la documentation produites par les deux juridictions successives.
Les deux parties suivantes, Consuls de mer (12461691) et Bourse commune des marchands (1691-1791), sont structurées selon le même plan : Actes de fondation et privilèges, Personnel, Bâtiments, Gestion foncière, Administration et attributions judiciaires, Comptabilité.
Actes de fondation et privilèges concerne la réglementation et la reconnaissance officielle de l’institution et de ses membres par les juridictions royales.
Les modalités d’élection des consuls et autres officiers sont conservées dans la sous-partie relative au Personnel.
La sous-partie Bâtiments permet quant à elle d’aborder la construction, l’aménagement et l’entretien de la Grande et de la Petite Loge des marchands, situées sur la place Notre-Dame-des-Tables 53, en plein centre de Montpellier, depuis l’époque de Jacques Cœur (XVe siècle) jusqu’aux projets d’agrandissement à la veille de la Révolution.
La Gestion foncière concerne l’acquisition et l’entretien des terrains autour du canal du Lez, depuis Montpellier jusqu’à la roubine de Lattes : il s’agit d’une aire géographique où s’exerce la juridiction des Consuls de mer et où s’applique à leur profit la taxation des marchandises de passage. (Photo 3)
La sous-partie Administration et attributions judiciaires rassemble essentiellement la réglementation sur l’organisation et le fonctionnement des corps constitués, ainsi que les délibérations des différentes instances. Mais la fonction qui, au fil du temps, prend de plus en plus d’ampleur concerne la représentation du Corps des Marchands, d’un point de vue à la fois juridique (reconnaissances de droits) et fonctionnel (déclarations et litiges). C’est dans cette perspective que le fonds prend tout son relief : la sous-partie Attributions judiciaires réunit ainsi non seulement les sentences rendues, mais également les déclarations de faillites et – ce qui est remarquable – les archives commerciales des marchands faisant l’objet des audiences (correspondances ou livres de commerce relatifs aux étoffes, cuirs, vins, liqueurs et parfums). Source importante et souvent inédite pour l’étude du crédit, des sociétés commerciales, des rouages du commerce en général, tant au plan juridique que sous l’aspect sociologique et plus largement économique, ce fonds d’archives économiques montpelliéraines conserve ainsi une intéressante série de dossiers de faillites couvrant l’ensemble du XVIIIe siècle jusqu’à la suppression de l’institution à la Révolution. Il faut toutefois prendre garde de ne pas oublier que le partage des compétences entre juridictions concurrentes n’est pas toujours clair et stable sous l’Ancien régime et que l’on trouve dans les fonds des justices royales (présidiaux sénéchaux de Montpellier en sous-série 6 B), mais aussi seigneuriales ordinaires (sous-série 10 B) des documents relatifs aux créances, accords commerciaux, bilans, ainsi que le contentieux du commerce maritime relevant quant à lui, en principe, des amirautés (sous-série 4 B).
Enfin, la sous-partie Comptabilité regroupe les pièces comptables, les comptes annuels des consuls (avec pièces justificatives) ainsi que les archives de perception des impositions gérées par les institutions consulaires.
Le fonds dit « de juridiction consulaire » constitue donc une source essentielle pour approfondir l’histoire économique de Montpellier et de sa proche région.
Un fonds privé complémentaire à consulter :
les archives de la société des arrosages de la roubine des marchands,
à Lattes (1343-1934)
Le Fonds de la société des arrosages de la roubine des marchands, à Lattes (1343-1934), conservé aux Archives départementales de l’Hérault en sous-série 112 J, est un utile complément aux archives des Consuls de mer et de la bourse commune des marchands.
La Société des arrosages de la roubine des marchands, qui prend également la dénomination de Société des arrosages de la roubine de Lattes des marchands de Montpellier, de Société dite des marchands pour l’arrosage des prés de Lattes, puis enfin de Société Plombade (à partir de 1784), trouve son origine à la fin du Moyen-Âge. Comme nous l’avons précédemment indiqué, les marchands de Montpellier contrôlent alors la juridiction sur le canal du Lez, de Montpellier à Lattes, assurée par le biais de l’institution des Consuls de mer, puis de la Bourse commune des marchands de Montpellier. Ils ont ainsi à charge l’entretien de la roubine, ce qui justifie la perception de droits de transport qui constituent le revenu principal des Consuls de Mer. (Photo 4)
Deux institutions religieuses sont également propriétaires des terrains adjacents à la roubine : les chapitres de Saint-Pierre et du Saint-Sauveur de Montpellier. Au cours du XIVe siècle, ces derniers vendent leurs terres à plusieurs propriétaires, qui obtiennent, au cours du XVIIe siècle, une règlementation relative au droit d’utilisation des eaux du Lez pour arroser leurs prés. Après plusieurs procédures, notamment contre le marquis de Grave 54, ils s’assemblent et constituent au XVIIIe siècle une société commune. Représentée par un syndic, elle est chargée de veiller à cet arrosage et au respect de la réglementation commune. D’abord dénommée Société des arrosages de la roubine de Lattes des marchands de Montpellier, elle prend à partir de 1784 le nom de Société Plombade (du nom de la « chaussée Plombade » construite au XIIe siècle). L’association subsiste jusque dans les années 1930, assurant le contrôle de l’arrosage annuel des prés autour du canal du Lez, à proximité de Montpellier.
Le fonds de la société des arrosages de la roubine des marchands est un ensemble cohérent.
La partie la plus importante du fonds est constituée de pièces relatives aux procédures et contentieux qui ont permis de justifier la création et la reconnaissance de la société. Qu’il s’agisse du procès contre le marquis de Grave (112 J 1, 4, 8-9 et 16) ou contre quelques grandes familles montpelliéraines, ces procédures sont à l’origine d’une vaste recherche de sources archivistiques permettant de justifier les droits d’arrosage (ou droits d’eau) des propriétaires des prés de Lattes. Sont ainsi conservées de nombreuses transcriptions et traductions de documents médiévaux (112 J 6-9), accompagnées d’analyses et de notes juridiques destinées à justifier les droits de la société.
Le reste du fonds de la société est particulièrement intéressant. Délibérations (112 J 19) et comptabilité (112 J 20-33) illustrent le suivi de la gestion des droits d’eau sur le Lez, les réparations et l’entretien des canaux et bâtiments utilitaires (moulin, écluses), la perception des redevances demandées en contrepartie, et également le paiement des rentes auxquelles sont soumis les terrains concernés. Les archives relatives aux travaux et au personnel intéressent plus précisément l’entretien des berges et la nomination des gardes particuliers (112 J 15, 18, 39-40). Une carte des prés de Lattes (1788), particulièrement précise, permet également de localiser l’ensemble des terrains concernés (112 J 18).
Les archives de gestion de la société fournissent de nombreuses allusions à l’histoire économique et locale. La contamination des vignes par le phylloxéra à la fin du XIXe siècle est ainsi bien documentée : en 1890, les terrains situés à proximité de la roubine sont submergés pour tenter d’asphyxier les insectes à l’origine de l’infestation (112 J 12). Enfin, la gestion du capital constitué par les rentes auxquels sont soumis les prés de Lattes rappelle combien les institutions charitables de l’époque (Œuvre de la Miséricorde et hospices de Montpellier) dépendent de la vitalité de l’économie locale (112 J 2-5).
Les archives de la Société des arrosages de la roubine de Lattes des marchands de Montpellier illustrent ainsi la permanence, par-delà les siècles, les institutions et les régimes politiques, des héritages d’une gestion foncière locale héritée du Moyen-Âge.
Bibliographie indicative
Aigrefeuille, Charles, d’Histoire de la ville de Montpellier depuis ses origines jusqu’à notre temps, Montpellier, Imprimerie royale, 1737, 1877, tomes 1 et 2 [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous les cotes BIB 4431-4432].
Germain, Alexandre, Histoire du commerce de Montpellier, Montpellier, 1861, 2 tomes [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous les cotes CRC 631-1 et CRC 631-2].
Germain, Alexandre, Histoire de la commune de Montpellier, Montpellier, 1851, 3 tomes [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous les cotes CRC 617-1, 617-2, 617-3].
Molinier-Potencier, Sophie, « La bourse commune des marchands de Montpellier », Hommage à Romuald Szramkiewicz, dir. Jacques Lafon, Jean-Louis Harouel, Marie-Bernadette Bruguière, Jacques Bouin, Paris, Litec, 1998, p. 461-482.
Nouvion, André-Pierre, Origine et histoire des juridictions consulaires et des chambres de commerce et d’industrie françaises, Paris, 2002 [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous la cote BIB 867].
Thomas, Louis, Montpellier, ville marchande, Montpellier, Chambre de commerce, 1932 [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous la cote CRC 632].
Société archéologique de Montpellier : « Petit Thalamus », Montpellier, 1840 [consultable aux Archives départementales de l’Hérault sous les cotes BIB 4276 et BRC 123].
Sources complémentaires
Sources aux Archives départementales de l’Hérault
Série A :
A 81, A 88, A 89, A 105, A 202 : dossiers relatifs aux conflits de compétences entre la Bourse de Montpellier et le Parlement de Toulouse.
A 159 : dossier relatif à la constitution d’une bourse à l’instar de celle de Toulouse.
Série C :
C 2754 : dossier sur la juridiction consulaire de Montpellier, relatif à son rétablissement dans les années 1680-1690.
C 6958-6981 : Chambre de commerce de Montpellier (créée en 1704) : dossiers de l’intendance relatifs à la réglementation, commerce, statuts des métiers.
C 11934-11945 : mémoire sur la juridiction consulaire, avis des députés des États, entrée du syndic général au Conseil de commerce, au bureau de commerce, à la Chambre de commerce.
Autres sources :
Archives municipales de Montpellier : « Grand Thalamus », « Petit Thalamus », « Cérémonial des consuls », « Grand chartrier », « Archives du greffe de la maison consulaire ».
Société archéologique de Montpellier : manuscrit 139 : « Livre des consuls de mer et juges des marchands de la ville de Montpellier » (1548).
NOTES
1. Site internet des Archives départementales de l’Hérault : https://pierresvives.herault.fr/122-les-archives-departementales-de-l-herault.htm ; inventaire du fonds dit de juridiction consulaire (consuls de mer, puis bourse commune des marchands) : http://archives-pierresvives.herault.fr/archive/fonds/FRAD034_M_000161 (consulté le 23 mars 2018).
2. Arch. dép. Hérault, 8 B 5. Au Moyen-Âge et sous l’Ancien Régime en Languedoc, le clavaire est chargé de tenir la comptabilité dans les communautés d’habitants. Le « clavaire de mer » est ainsi le comptable de l’institution des consuls de mer.
3. Arch. dép. Hérault, 8 B 35.
4. Arch. dép. Hérault, 8 B 34 et 11.
5. Arch. dép. Hérault, 8 B 35.
6. Arch. dép. Hérault, 8 B 27.
7. Arch. dép. Hérault, 8 B 35.
8. Arch. dép. Hérault, 8 B 26.
9. Arch. dép. Hérault, 8 B 26-27.
10. Arch. dép. Hérault, 8 B 27.
11. Arch. dép. Hérault, 8 B 35.
12. Arch. dép. Hérault, C 2754.
13. Arch. dép. Hérault, 8 B 47.
14. Arch. dép. Hérault, C 2754.
15. Arch. dép. Hérault, 8 B 55 et C 2754.
16. Arch. dép. Hérault, 8 B 123, 8 B 118-121.
17. Arch. dép. Hérault, 8 B 123.
18. Arch. dép. Hérault, C 6966.
19. Arch. dép. Hérault, 8 B 117.
20. Arch. dép. Hérault, C 6966.
21. Arch. dép. Hérault, 8 B 117-118, 123-134.
22. Arch. dép. Hérault, C 6966, 8 B 53, 8 B 49.
23. Arch. dép. Hérault, C 6966.
24. Arch. dép. Hérault, C 6966, 8 B 146.
25. Arch. dép. Hérault, A 81, A 88, 8 B 118.
26. Arch. dép. Hérault, A 202, C 6968, 8 B 127.
27. Dans ce cas précis, le déclinatoire est un acte officiel (en l’occurrence un arrêt du Conseil) par lequel il est ordonné à une juridiction judiciaire de se déclarer incompétente au profit d’une autre juridiction. La bourse des marchands juge ainsi souverainement sans appel possible au parlement de Toulouse, ce que ce dernier supporte assez mal.
28. Arch. dép. Hérault, A 89.
29. Arch. dép. Hérault, A 105.
30. Arch. dép. Hérault, 8 B 449.
31. Arch. dép. Hérault, 8 B 394-433.
32. Arch. dép. Hérault, 8 B 197.
33. Arch. dép. Hérault, 8 B 185, 8 B 197, 8 B 209, 8 B 251.
34. Arch. dép. Hérault, 8 B 185.
35. Arch. dép. Hérault, 8 B 197.
36. Arch. dép. Hérault, 8 B 185.
37. Arch. dép. Hérault, 8 B 209, 8 B 239, 8 B 251.
38. Arch. dép. Hérault, 8 B 230.
39. Arch. dép. Hérault, 8 B 209, 8 B 219, 8 B 239.
40. Arch. dép. Hérault, 8 B 209.
41. Arch. dép. Hérault, 8 B 219.
42. Il s’agit souvent de veuves de marchands agissant en leur nom propre, telle, par exemple Suzanne Martin, veuve du sieur Segondy, marchand de Pézenas le 2 janvier 1713 (Arch. dép. Hérault, 8 B 185).
43. Arch. dép. Hérault, 8 B 209, 8 B 219.
44. Arch. dép. Hérault, 8 B 209, 8 B 219, 8 B 230.
45. Arch. dép. Hérault, 8 B 100, 8 B 101, 8 B 116, 8 B 127.
46. Arch. dép. Hérault, 8 B 101-102.
47. Arch. dép. Hérault, 8 B 102.
48. Arch. dép. Hérault, 8 B 148.
49. Arch. dép. Hérault, 8 B 148.
50. Arch. dép. Hérault, 8 B 57.
51. Arch. dép. Hérault, C 6965.
52. Arch. dép. Hérault, C 6966-6976.
53. La place Notre-Dame-des-Tables est l’actuelle place Jean Jaurès, au centre de laquelle se situait l’église Notre-Dame-des-Tables, aujourd’hui détruite. Il ne s’agit pas de l’actuelle église Notre-Damedes-Tables, située rue de l’Aiguillerie, qui est l’ancienne chapelle du collège royal des Jésuites.
54. Quelques factums concernant ces procédures sont accessibles en ligne sur le site Internet de la Médiathèque Émile Zola de Montpellier : https://mediatheques.montpellier3m.fr/DEFAULT/search.aspx?SC=DEFAULTGENERAL&QUERY=grave#/Search/(query:(CloudTerms:!(),FacetFilter:%7B%7D,ForceSearch:!t,InitialSearch:!f,Page:1,PageRange:3,QueryGuid:d787f4b3-9c53-422e-8275-ff64320a5592,QueryString:’marquis%20de%20Grave’,ResultSize:10,ScenarioCode:DEFAULTGENERAL,ScenarioDisplayMode:display-standard,SearchGridFieldsShownOnResultsDTO:!(),SearchLabel: »,SearchTerms:’marquis%20de%20Grave’,SortField:!n,SortOrder:0,TemplateParams:(Scenario: »,Scope:Default,Size:!n,Source: »,Support: »,UseCompact:!f),UseSpellChecking:!n),sst:4) (consulté le 23 mars 2018)