Le terroir de Lacoste, XVIIe – XXe siècles,
Approche sociolinguistique et historique au travers de l’onomastique

* Onomasticien, philologue, Docteur d’État en onomastique,
chercheur de l’équipe C.R.I.S.E.S., EA 4424, Université Montpellier III.

[ Texte intégral ]

Nous allons conduire cette étude en analysant les noms de lieux, de chemins (odonymes) et de cours d’eau, qui sont des marqueurs de l’identité linguistique d’une communauté humaine et le reflet des rapports à l’espace qu’ont eu les habitants. (Fig. 1)

La région de Lacoste, état actuel. Vue aérienne.
Fig. 1 - La région de Lacoste, état actuel.
Vue aérienne. © Google Earth, 2017.
La région de Lacoste. Carte de Cassini, 1740.
Fig. 2 - La région de Lacoste. Carte de Cassini, 1740. © IGN, FEDER, Région Occitanie, Préfecture de la région Occitanie, EHESS, CNRS, BNF.

Pour en faire une analyse, il faut d’abord, autant qu’il est possible, constituer un inventaire diachronique, c’est-à-dire relever les formes sous lesquelles ces noms nous sont donnés dans divers documents tout au long des périodes antérieures. Le choix de nos sources, à savoir des documents administratifs laïques afférents à la gestion de la communauté villageoise, ce qui s’appellera commune après la Révolution, ne nous donneront pas d’informations sur les propriétés foncières appartenant soit à des nobles, soit à l’Église ou à des ordres religieux. De ce fait nous ne trouverons pas dans notre corpus des attestations telles que ecclesiam de Cornilio ou ecclesia Beate Marie sita in monte de Cornilio, datant de 1145, 1484 tirées de documents d’origine religieuse ou faisant état de possessions religieuses. Pour des attestations médiévales tirées des publications de cartulaires, nous renvoyons au dictionnaire topographique de Hamlin 1. (Fig. 2)

Pour la commune de Lacoste, nous avons effectué les relevés des noms de tènements 2, des noms d’habitats, des noms de cours d’eau et des noms de chemins ou odonymes dans les matrices cadastrales de 1914 (3 P 1207) et de 1836 (3 P 1205), sur les feuilles du plan cadastral napoléonien de 1835 en dépôt aux Archives départementales de l’Hérault (3 P 3552), puis nous avons opéré de même dans le compoix 3 daté de 1774 (CC 2) et enfin dans le compoix de 1606 (CC 1) pareillement en dépôt aux Archives départementales de l’Hérault.

Remarques sur les documents utilisés

Il est nécessaire en préliminaire de présenter la diversité de qualité d’information offerte par tous ces documents.

La commune de Lacoste est située en pays de langue occitane, aussi ne faudra-t-il pas s’étonner si une bonne partie de ses noms de lieux se sont formés à partir de noms communs ou de noms de personnes se rattachant à cette langue. Toutefois l’Occitan n’étant plus officiellement la langue administrative depuis 1539, ces noms de lieux, depuis cette période, nous ont été transmis par le biais du code orthographique de la langue française et avec adaptation progressive au vocabulaire français.

Le compoix de 1606

Dans ce compoix de 1606 les noms de lieux au féminin, formés à partir de noms communs occitans, sont donnés dans la forme occitane mais généralement avec adaptation au système grammatical du français : le terme occitan las airas = « aires à dépiquer les céréales » devient comme nom de lieu las Ayres avec /-es/ final. De même le terme occitan bauma = « grotte » devient comme nom de lieu Baume, avec /-e/ final. Le terme occitan bofias = « ravin » devient comme nom de lieu Bofies ; le terme occitan carbonièras = « charbonnières » devient comme nom de lieu Carbonieres ; le terme occitan davalada = « descente » devient comme nom de lieu Davalade. Toutefois nous trouvons encore quelques occurrences où le féminin pluriel occitan en /-as/ se maintient : a las Combas ; a las Traversas.

Toutefois ce compoix conserve la notation traditionnelle de [ϙ] fermé et de [ǫ] ouvert par le même signe /o/ : Bosquet, Bozigues, Canorgues ont le [ϙ] fermé écrit avec un seul signe, avec une seule lettre, à côté de Bosc avec [ǫ] ouvert écrit pareillement avec une seule lettre.

L’occitan contemporain distingue ces deux sons par un accent : le [ϙ] fermé prononcé [υ] est écrit /o/ et le [ǫ] ouvert prononcé [o] est noté par [ὸ] avec accent grave.

Dans ce compoix, certains éléments représentant des noms masculins sont gardés intacts. Le nom commun occitan camp = « champ » se retrouve comme nom de lieu sous la forme Camp (Camp de l’Aze ; Camp del Bosq ; Camp Bou ; Camp de Combes, Camp de l’Euse, etc.), ὸrt /hὸrt = « jardin » se retrouve sous la forme Hort/Ort (Horts, Dessus ; Ort Long ; Ortz del Tampo), paissèl = « échalas », se retrouve sous la forme Payssel, (al Payssel), prat = « pré » se retrouve sous la forme Prat (Prat d’Auriol ; Prat Moreze ; Prat Vidal), valat = « ruisseau » se retrouve sous la forme Valat (Valat del Colombié ; Valat de Fonbone ; Valat de la Fon d’Enbraignes ; les Valats).

On peut dire que ce compoix de 1606 préserve relativement l’identité occitane des toponymes.

Le compoix de 1774

Pour les noms féminins le phénomène est le même que dans le compoix de 1606 ; on y retrouve les formes Aires (< occ. aira), Baume (< occ. bauma), Bouffie (< occ. bofia), Davalade (< occ. davalada).

En ce qui concerne la notation de [ϙ] fermé et de [ǫ] ouvert, l’abandon du système graphique occitan est manifeste. Le [ǫ] ouvert sera systématiquement écrit par la seule lettre /o/ (Bosq ; Coste ; Ort ; etc.) et le [ϙ] fermé sera alors écrit avec le digramme français /ou/ (Bouffie ; Bousquet ; Canourgues ; Rouquettes).

À la différence du compoix de 1606, dans le compoix de 1774 le caractère occitan des toponymes va tendre à être remis en cause par une traduction avec des formes françaises : Champ Guiraud au lieu de Camp Guiraud ; Champ Redon au lieu de Camp Redon ; Jardins de Lergue au lieu de Hors de Lergue ; Puid Nouveau au lieu de Poux Nouvel ; Pred d’Auriol au lieu de Prat d’Auriol ; au Foubourg au lieu de al Barry.

Dans le compoix de 1774, les noms de lieux ont tendance à être beaucoup plus francisés par adaptation au système grammatical et graphique du français et même par traduction des noms de lieux formés à partir de noms communs occitans à l’aide de noms communs français correspondants.

Le cadastre napoléonien (plans et matrice)

Qu’en est-il dans le plan cadastral napoléonien et dans la matrice ? Le système graphique du français domine absolument. Tous les noms de lieux au féminin se terminent presque exclusivement par /-e/ ou /-es/ (Bouffies ; Combe ; Condamine ; etc.), mais on trouve dans la matrice cadastrale de 1836 Las Rompudas, forme qui a conservé son caractère grammatical occitan.

Comme dans le compoix de 1774, le [ǫ] ouvert et le [ϙ] fermé seront chacun écrit de façon spécifique, le premier avec la seule lettre /o/ (Hors de Lergue) et le second avec le digramme français /ou/ (Bouffies ; Bousquet ; Rouquettes).

En ce qui concerne le lexique, les plans cadastraux napoléoniens et la matrice correspondante se révèlent être plus conservateurs que le compoix de 1774. Les noms de lieux continuant le nom commun occitan camp seront quelquefois écrits Champ (Champ de l’Aire), mais, comme dans le compoix de 1606, le plus souvent Camp (Camp del Four ; Camp Redon) ; parfois la matrice se révèle être plus conservatrice que le plan napoléonien : Champ de l’Aire dans la section A du plan, pour Camp de l’Aire dans la matrice ; de même les noms de lieux continuateurs de l’occitan òrt et prat seront écrit Hors (Hors de Lergue) et Prat (Prat d’Auriol). La traduction en français des noms de lieux n’est plus systématique. S’ils sont transmis selon le code graphique de la langue française, ils sont reconduits avec leur caractère lexical spécifiquement occitan. (Fig. 3) (Fig. 4)

Cadastre napoléonien (la commune de Lacoste), 1835
Fig. 3 - Cadastre napoléonien (la commune de Lacoste), 1835.
Arch. dép. Hérault, 3 P 3552
Cadastre napoléonien (le village de Lacoste), 1835
Fig. 4 - Cadastre napoléonien (le village de Lacoste), 1835.
Arch. dép. Hérault, 3 P 3552

La matrice cadastrale de 1914

Curieusement la matrice cadastrale de 1914 présente peu de changements par rapport aux plans cadastraux napoléoniens et à la matrice correspondante. Il s’agit presque d’un copié-collé. Les noms de lieux gardent leur spécificité occitane, tout en ayant été adaptés au code graphique français.

Une dernière remarque concernant le maintien de certains occitanismes dans ces quatre documents au sujet de l’article des noms de lieux au féminin pluriel. Dans le compoix de 1606 et dans celui de 1774 tous les noms de lieux au féminin pluriel ont l’article occitan las. Dans les plans cadastraux napoléoniens et dans la matrice, sur 12 noms de tènement au féminin pluriel, 8 ont pris l’article français les, mais 4 ont gardé l’article occitan las (las Costetes ; Las Roucoulanios ; las Rouvières ; las Tannes). Mais dans la matrice de 1914, seul un nom de tènement conservera l’article féminin pluriel las (Las Costetes).

Cet inventaire effectué, le total des seuls noms de tènements relevés s’élève à environ 158. Nous avons également répertorié 4 noms d’habitats dispersés (Métairie Cornils ; Mas Audran ; Mas dit de Costellet ; Mas dit Darsonne) 4, 22 noms de chemin ou odonymes et enfin 15 noms de cours d’eau, dont deux importants : la Lergue et le Salagou. Au cours de cette étude nous mettrons l’accent principalement, sans être exhaustif et de façon partielle, sur quelques noms de tènements, et nous y ajouterons des réflexions sur les noms de chemins (odonymes) et les noms de cours d’eau.

Les noms de tènements

L’évolution de leur nombre

Sur le total de 158 noms de tènements toutes périodes confondues, on peut constater une évolution certaine entre 1606 et 1914. La mémoire écrite véhiculant les noms de tènements fait montre d’une certaine déperdition. On passe de 125 noms de tènements en 1606, à 108 en 1774, à 55 en 1835, à 51 en 1836 pour stagner à 51 en 1914 (voir graphique). On peut argumenter sur le fait que nos sources n’ont pas toutes la même richesse d’information. Très souvent les plans cadastraux n’ont pas autant d’informations que les compoix, ce qui pourrait expliquer la baisse de 108 à 55. C’est pour cela que nous avons tenu à effectuer les relevés des noms de tènements dans les matrices cadastrales, de valeur équivalente en ce qui concerne leur richesse d’informations à celle des compoix. (Tableau 1)

Cela peut donner une perspective de décroissance toponymique, d’une tendance sociologique à moins dénommer son espace, à laisser dans l’anonymat des portions de terroirs qui auparavant avaient une identité. Il faut tempérer cette vision en indiquant que dans le cadastre napoléonien 11 désignations de tènements sont des nouvelles créations : l’Amargoussier ; Bois de Biou ; la Capélagné ; Combes de Germane ; la Condamine ; autre la Condamine ; Mas d’Arsonne ; Mas de Costellet ; Montagné ; les Olivettes ; Plan du Souquairo. Certains de ces nouveaux toponymes n’ont pas été créés à partir de rien. Biou dans Bois de Biou était déjà présent dans le nom de lieu Condamine del Buou / Condamine du Biau du compoix de 1606 et de celui de 1774 ; ce nom de tènement aura eu une durée de vie éphémère, car nous ne l’avons pas retrouvé dans la matrice de 1836, ni dans celle de 1914. Le tènement portant le nom de Combes de Germane semble n’être qu’une subdivision du grand tènement Germane qui s’étend de part et d’autre de la limite des communes de Clermont-l’Hérault et de Lacoste.

La perte progressive des noms de tènements entre 1606 et 1914. Histogramme
Tableau 1 - La perte progressive des noms de tènements entre 1606 et 1914. Histogramme Pierre Casado.

Malgré ces quelques sursauts de renouvellement toponymique, cette tendance générale mérite interrogation. Est-ce l’indice d’une déprise agraire qui s’est développée entre le XVIIe et le XXe siècle ? L’espace agraire de la communauté de Lacoste a-t-il été moins fréquenté, moins occupé par ses habitants, et ont-ils été moins nombreux à le mettre en valeur et donc à avoir besoin d’en dénommer les tènements au XXe siècle que précédemment ? Seuls les historiens ruralistes peuvent apporter des éléments d’explications.

La formation des noms de tènements

Les noms de tènement sont formés selon trois procédés généraux.

Le premier consiste en la cristallisation d’un nom commun, qui au moment de la formation du nom de lieu correspond à une réalité référentielle. Si un tènement est caractérisé par un bois de chênes blancs, en occitan una rovièra, ce nom en se fixant deviendra la Rovièra, francisé plus tard en la Rouvière. Le deuxième procédé est caractérisé par l’ajout d’un déterminant, adjectif, nom commun ou nom de personne. L’adjectif peut être antéposé ou postposé (Longue Faisse ; Camp Redon). Le nom commun apporte des précisions d’ordre topographique (Camp del Four), le nom de personne précise l’appartenance à un moment donné du tènement à telle ou telle personne (Champ de Guiraud). Le troisième procédé se développe par l’emploi d’un nom de personne seul, ce que l’on appelle communément en emploi absolu (Germane).

Noms de tènements formés à partir d’un nom commun simple, d’origine occitane :

Abric (a l’) : 1606 a l’Abric ; a l’Abriq (cpx., CC 1) ; 1774 a l’Abric (cpx., CC 2) : occitan abric, s. m. = « endroit bien exposé, à l’abri du vent ».

Aires (a las) : 1606 a las Ayres… mary la rivière de Salaou ; a las Yeres (cpx., CC 1) ; 1774 a las Aires (cpx., CC 2) : occitan aira, s. f. = « aire à dépiquer les céréales ».

Amargoussier (l’) : 1835 L’Amargoussier (cad.sect.D) : occitan amargosièr, s. m. = « merisier », « cerisier sauvage ».

Arnet (a l’) : 1606 a l’Arnet (cpx., CC 1) ; 1774 a l’Arnet (cpx., CC 2) : occitan arnet, s. m. (dérivé de arn = « paliure ») = « terrain où pousse le paliure ».

Baume (la) : 1606 une royrede et boissas a Lauverne, a la Baume (cpx., CC 1) : occitan bauma, s. f. = « grotte ».

Belbézé (le) : 1606 champ en d’oliviers a Belvézé ; vigne en d’oliviers et boix de rivage a Belvézé… mary Valat de Rouperigne (cpx., CC 1) ; 1774 a Belbézé (cpx., CC 2) ; 1835 Le Belbézé (cad. sect. D) ; 1836 Belbezé (mat. cad. sect. D) ; 1914 Belbezé (mat. cad. sect. D) : occitan belvéser, s. m. = « belvédère », « lieu d’où l’on a un beau point de vue ». On notera la graphie Belbézé au lieu de Belvésé, qui indique la tendance à prononcer /v/ comme un /b/, normale à l’Ouest de l’Hérault.

Bousquet (au) : 1606 al Bosquet (cpx., CC 1) ; 1774 au Bousquet (cpx., CC 2) : occitan bosquet, s. m. = « petit bois ».

Bouffies (les) : 1606 las Boffies ; a la Boffie (cpx., CC 1) ; 1774 a la Bouffie (cpx., CC 2) ; 1835 Les Bouffies (cad. sect. A) ; 1836 Les Bouffies (mat.cad.sect.A) ; 1914 Les Bouffies (mat.cad.sect.A) : occitan bofia ou bὸfia, s. f. = « creux », « cavité », « ravine ».

Bouzigues (a las) : 1606 champ et ruffas a las Bozigues (cpx., CC 1) ; 1774 a las Bouzigues (cpx., CC 2) : occitan bosiga, s. f. = « terrain qui a été défriché ».

Cabanis (le) : 1606 al Cabanys (cpx., CC 1) ; 1774 au Cabanis (cpx., CC 2) ; 1835 Le Cabanis (cad. sect. C) ; 1836 Le Cabanis (mat. cad. sect. C) ; 1914 Le Cabanis (mat. cad. sect. C) : occitan cabanís = « terrain parsemé d’abris temporaires utilisés pendant les cultures ou les récoltes ».

Canorgues (a las) : 1606 a Lauverne a las Canorgues (cpx., CC 1) ; 1774 a las Canourgues (cpx., CC 2) : occitan canorga, s. f. = « chanoinesse », « religieuse », c’est-à-dire « terrain dont les revenus appartiennent à des religieuses ».

Capélagné (la) : 1835 La Capélagné (cad. sect. D) ; 1836 La Capelagné (mat. cad. sect. D) ; 1914 La Capélagné (mat. cad. sect. D) : occitan capelaniá, s. f. = « chapellenie », « presbytère », c’est-à-dire « terre dont les revenus appartiennent au chapelain, au curé ». Le compoix de 1606 a deux rôles ayant ce titre : La Cappelanié de Ville, Messire Nicolas Moresmes, prêtre, au fol° 190 (vue 212) ayant des biens al Therond, a las Costetes, a las Combes, a las Crozes. Puis la Capelanyé au fol° 383, verso (vue 413) ayant un bien a Germane.

Carbonieres (a las) : 1606 a las Carbonieres (cpx., CC 1) : occitan carbonièra, s. f. = « charbonnière », « lieu où se fabrique le charbon de bois ».

Clos (le) : 1606 a la Clause ; a las Clauzes ; la Clauze ; (cpx., CC 1) ; 1835 Le Clos (cad. sect. B) : occitan clausa, s. f., francisé sous la forme clos = « enclos ».

Combe (a la) : 1606 champ et jardin a la Combe (cpx., CC 1) ; 1774 champ a la Combe (cpx., CC 2) : occitan comba, s. f. = « vallon », « ravin ». Ce terme occitan est entré dans la langue française par emprunt des géographes au XVIIIe siècle.

Condamines (les) : 1606 a las Condamines (cpx., CC 1) ; 1835 Les Condamines (cad. sect. D) : occitan condamina, s. f. = « terre seigneuriale », par extension de sens « bonne terre proche du village ».

Costetes (las) : 1606 a las Costetes (cpx., CC 1) ; 1774 a las Coustetes (cpx., CC 2) ; 1835 Las Costetes (cad. sect .C) : occitan costeta, s. f. = « petit côteau », « côteau peu pentu ».

Crouses (les) : 1606 a las Crozes (cpx., CC 1) ; 1774 a las Crouses (cpx., CC 2) ; 1835 Les Crouses (cad. sect. C) : occitan crotz, s. f., au pluriel croses = « croix ». Il peut s’agir aussi d’un croisement de chemins.

Fieu (le) : 1606 al Fieu (cpx., CC 1) ; 1774 au Fieu (cpx., CC 2) ; 1835 Le Fieu (cad. sect. D) : occitan fièl / fièu, s. m. = « courant de l’eau », par extension désigne toujours des terres à la limite du terroir de la communauté, matérialisée par le fil d’un cours d’eau, en l’occurrence la Lergue.

Heuzes (aux) : 1606 as Euzes ; aulx Heuzes (cpx., CC 1) ; 1774 aux Heuzes (cpx., CC 2) : occitan euse, s. m. = « chêne vert ».

Issarts (les) : 1606 a l’Yssart (cpx., CC 1) ; 1774 a l’Issart (cpx., CC 2) ; 1835 Les Issarts (cad. sect. A) : occitan eissart / issart, s. m. = « terrain dont on a arraché la couverture végétale en vue d’une mise en culture ».

Olivettes (les) : 1835 Les Olivettes (cad. sect. A) : occitan oliveta, s. f. = « oliveraie ». On notera que ce toponyme n’apparaît que dans le cadastre napoléonien de 1835, indice du caractère récent en ce lieu de la culture de l’olivier localement en monoculture.

Paissels (les) : 1606 al Payssel (cpx., CC 1) ; 1774 aux Paissels (cpx., CC 2) ; 1835 Les Paissels (cad.sect.A) : occitan paissèl, s. m. = « échalas ». Ce tènement au pied du Mas Audran a été structuré en planches de jardins étagées pour la partie supérieure. La partie située plus en aval est formée de plus grandes parcelles destinées à la culture. Il est irrigué par le Ruisseau des Paissels, aménagé avec de petites retenues d’eau.

Perarede (la) : 1606 a las Peraredes (cpx., CC 1) ; 1774 a las Peraredes (cpx., CC 2) ; 1835 La Perarede (cad. sect. B) : occitan perareda, s. f., composé de l’occitan pera, s. f. = « poire » + suffixe -areda à valeur collective = « terrain où poussent les poiriers cultivés ou sauvages ».

Poumarette (la) : 1606 a la Poumarette (cpx., CC 1) ; 1774 a la Poumarette (cpx., CC 2) ; 1835 La Poumarette (cad. sect. D) ; 1836 La Poumarede (mat. cad. sect. D) ; 1914 La Poumarette (mat. cad. sect. D) : occitan pomareta, var. de pomareda, s. f. = « pommeraie ».

Pouzaranc (la) : 1606 al Pozeranc ; al Pouzerang (cpx., CC 1) ; 1774 au Pouzaranq (cpx., CC 2) ; 1835 La Pouzaranc (cad. sect. D) ; 1836 La Pouzarane (sic) (mat. cad. sect. D) ; 1914 La Pouzaranne (sic) ; La Pouzaranc (mat. cad. sect. D) : occitan posaranc, s. m. (le fém. posaranca existe aussi) = « puits à bascule ». On peut observer la tentative de changement de genre avec l’article La dans le cadastre napoléonien.

Rabassiés (as) : 1606 as Rabassiés, vye au milieu (cpx., CC 1) ; 1774 aux Rabassiers (cpx., CC 2) ; 1835 Les Rabassiés (cad. sect. A) ; 1914 Les Rabassiés (mat. cad. sect. A) : occitan rabassièr, s. m. = « terrain fréquenté par les blaireaux ».

Rompudes (les) : 1606 a la Rompude (cpx., CC 1) ; 1774 a la Rompude (cpx., CC 2) ; 1835 Les Rompudes (cad. sect. B) ; 1836 Las Rompudas (mat. cad. sect. B) ; 1914 Las Rompudes (mat. cad. sect. B) : occitan rompuda, s. f. = « terre nouvellement défoncée pour la mettre en culture ».

Rouquettes (les) : 1606 a las Roquettes ; a la Rouquete… de terral le Bronq de la Clauze de Pierre Berthomieu (cpx., CC 1) ; 1774 a las Rouquetes ; a la Rouquette (cpx., CC 2) ; 1835 Les Rouquettes (cad. sect. A) ; 1836 Les Rouquettes (mat. cad. sect. A) : occitan roqueta, s. f. = « petit rocher ».

Rouvieres (a las) : 1774 a las Rouvières (cpx., CC 2); 1835 Las Rouvieres (cad. sect. C) ; 1836 Les Rouvières (mat. cad. sect. C) ; 1914 Les Rouvières (mat. cad. sect. C) : occitan rovièra, s. f. = « bois de chênes blancs ».

Ruffes (a las) : 1606 a las Ruffes (cpx., CC 1); 1774 a las Ruffes (cpx., CC 2) : occitan rufa, s. f. = « terre rocailleuse de couleur rouge ».

Tannes (las) : 1606 jardin a las Tanes avec son azagage de la Tano Migiere (cpx., CC 1) ; 1774 a las Tanes (cpx., CC 2), 1835 Las Tannes (cad. sect. C) ; 1836 Las Tannes (mat. cad. sect. C) ; 1914 Les Tannes ; Les Taunes (sic) (mat. cad. sect. C) : occitan tana, s. f. = « petite faille sur un versant d’où peut sourdre un ruisselet », « trou d’eau ».

Tourelles (les) : 1606 La Torrele ; a la Tourrele… terral Chemin de Sainct Berthomieu ; jardin et tane indivize avec Jacques Galtié a la Tourele (cpx., CC 1) ; 1774 a la Tourelle (cpx., CC 2) ; 1835 Les Tourelles (cad. sect. D) ; 1836 Les Tourettes (sic) (mat. cad. sect. D) ; 1914 Les Tourelles ; Les Tourettes (sic) ; Las Tourettes (sic) (mat. cad. sect. D) : occitan torrèla, s. f. = « petite tour ». Au bord de ce tènement se trouvait un ancien cimetière. Il est difficile de comprendre la motivation de la formation de ce toponyme. Y a-t-il eu à un moment donné de petites constructions, petits moulins à cet endroit ? Le latin médiéval possède les termes torale, torallum, torralus = « levée de terre », « élévation » 5, qui se retrouve en ancien occitan avec toral = « élévation de terre qui sert à séparer deux champs », « talus », et torèl = « hauteur » 6.

Extrait d’un plan du village, 1877.
Fig. 5 - Extrait d’un plan du village, 1877. Arch. Mun. Lacoste (non classées)

Traversas (a las) : 1606 a l’Auverne a las Traversas (cpx., CC 1) ; 1774 champ a l’Auverne appellé las Traverses (cpx., CC 2) : occitan travèrsa, s. f. = « terrain pentu que l’on emprunte en guise de raccourci, sans qu’il n’y ait de chemin établi ».

Valats (les) : 1606 alz Valatz (cpx., CC 1) ; 1774 aux Valats (cpx., CC 2) ; 1835 Les Valats (cad. sect. B) ; 1836 Les Valats (mat. cad. sect. B) ; 1914 Les Valats (mat. cad. sect. B) : occitan valat, s. m. = « relief en creux où coule un ruisseau intermittent ». Ce tènement est situé entre Germane et les ruines du hameau Cornils, et forme un mini bassin hydrographique.

Verdiers (aux) : 1606 champ en d’oliviers et vigne as Verdiers (cpx., CC 1) ; 1774 aux Verdiers (cpx., CC 2) : occitan verdièr, s. m. = « verger ». (Fig. 5)

Noms de tènements formés à partir d’un nom commun et d’un adjectif, d’origine occitane :

Camp Redon : 1606 champ aulx Gravyés apelé Camp Redon (cpx., CC 1) ; 1774 champ aux Graviers appelé Champ Redon (cpx., CC 2) ; 1835 Camp Redon (cad. sect. D) ; 1836 Camp Redon (mat. cad. sect. D) ; 1914 Camp Redon (mat. cad. sect. D) : occitan camp, s. m. + redond, adj. m. = « champ de forme arrondie ». Ce tènement est situé entre la Lergue et le Rieu Périgne.

Coste Negre (a) : 1606 a Coste Negre (cpx., CC 1); 1774 a Coste Negre (cpx., CC 2) : occitan cὸsta, s. f. + negra, adj. f. = « côteau à la terre de couleur noire ». Mais un doute subsiste sur la motivation à l’origine de ce toponyme, car le patronyme Pierre Nègre est attesté dans le compoix de 1606. Le sens serait alors « coteau de M. Nègre ».

Fonbonne : 1774 a Fonbonne (cpx., CC 2) ; 1835 Font Bonne (cad. sect. B) ; 1836 Fonbonne (mat. cad. sect. B) ; 1914 Fonbonne (mat. cad. sect. B) : occitan font, s. f. + bona, adj. f. = « bonne source ».

Longue Faisse (a) : 1606 champ a Lauverne dit a la Longue Faisse (cpx., CC 1) ; 1774 a l’Auverne a Longue Faisse (cpx., CC 2) : occitan longa, adj. f. + faissa, s. f. = « bande de terre très allongée ».

Ort Long (a l’) : 1606 a l’Ort Long (cpx., CC 1) ; 1774 a l’Ort Long (cpx., CC 2) : occitan ὸrt, s. m. + long, adj. m. = « jardin de forme allongée ».

Paro Novo (a la) : 1606 a la Parro Novo (cpx., CC 1) ; 1774 a la Paro Novo ; a la Paronovo (cpx., CC 2) : occitan parran, s. f. + nὸva, adj. f. = « terre enclose de murs de pierre près d’une maison, de création récente ». Les attestations de ce toponyme font montre de deux traits dialectaux. La forme Parro indique la prononciation [o] de [a] accentué suivi d’une nasale (parran [parro], plan [plo]). La forme Novo est révélatrice de la tendance à prononcer le /-a/ final atone des noms féminins comme un [œ] écrit /-o/.

Plan Sobeiran (au) : 1606 al Pla Sobeyra (cpx., CC 1) ; 1774 au Plan Soubeiran (cpx., CC 22) : occitan plan, s. m. + sobeiran, adj. m. = « espace plat situé en haut ».

Puech Juzieu (a) : 1606 a Puech Juzieu… de terral la rivière de Lergue… narbonés le chemin que va de Laula a Clermont, mary le chemin que va de la Coste a Ribauthe, d’aguial chemin de Cornils a Seyras et lad. rivière de Lergue (cpx., CC 1); 1774 a Puech Joziau (cpx., CC 2) : occitan puèg, s. m. + jusieu, adj. masc. = « colline juive », c’est-à-dire « colline des juifs ». C’est probablement le site de l’ancien cimetière juif.

Puid Nouvel (al) : 1606 cazal al Poux Nouvel (cpx., CC 1) ; 1774 al Puid Nouveau (cpx., CC 2) : occitan potz, s. m. + adj. m. novèl = « nouveau puids ». Nous noterons la forme Puid de 1774 qui est la traduction en français moderne.

Tane Megeire (a la) : 1774 a la Tane Megeire (cpx., CC 2) : occitan tana, s. f. + adj. f. megièra = « trou d’eau dont l’usage est partagé à part égale entre des personnes ».

Traus Loubarés (a) : 1606 a Trauc Lobares (cpx., CC 1) ; 1774 as Traus Loubarés (cpx., CC 2) : occitan trauc, s. m. + lobarés, adj. m. = « trou fréquenté par les loups », « tanière de loup ».

Noms de tènements formés à partir d’un nom commun simple,
suivis d’un autre nom commun simple (complément de nom), d’origine occitane :

Camp de l’Aire : 1606 Le Champ de l’Aire (cpx., CC 1) ; 1835 Champ de l’Aire (cad. sect. A) ; 1836 Camp de l’Aire (mat. cad. sect. A) : occitan camp, s. m. + occitan aira, s. f. = « champ à proximité de l’aire à dépiquer les céréales ».

Camp del Bosq (al) : 1606 al Camp del Bosq ; al Camp del Bosc (cpx., CC 1) ; 1774 au Champ du Bosq (cpx., CC 2) ; 1836 Camp del Bosc (mat. cad. sect. C) ; 1914 Camp del Bosc (mat. cad. sect. C) : occitan camp, s. m. + occitan bòsc, s. m. = « champ du bois ».

Camp del Four : 1606 al Camp des Fours (cpx., CC 1) ; 1774 al Camp des Fours (cpx., CC 2) ; 1835 Camp del Four (cad. sect. A) ; 1836 Camp del Four (mat. cad. sect. A) ; 1914 Camp del Four (mat. cad. sect. A) : occitan camp, s. m. + occitan forn, s. m. = « champ du four », probablement four à chaux ou four à plâtre. La matrice cadastrale de 1836, à la page 424, fait état de « four à platre » sur certaines parcelles. Toutefois le patronyme Huguet Fours étant attesté dans le compoix de 1606, un doute subsiste aussi sur la motivation à l’origine de ce toponyme qui pourrait être compris comme « le champ de M. Fours ».

Champ de la Fon (le) : 1606 ung champ en de royres a Lauverne a las Clauzes dit le Champ de la Fon dans lequel passe le Chemin de Pradinet (cpx., CC 1) : occitan camp, s. m. + occitan font, s. f. = « champ de la source ».

Champ de l’Heuse (au) : 1606 a Germane al Camp de l’Euse (cpx., CC 1) ; 1774 au Champ de l’Heuze (cpx., CC 2) : occitan camp, s. m. + occitan euse, s. m. = « champ du chêne vert ».

Davalade de l’Abric (a la) : 1606 camp a la Davalade de l’Abric (cpx., CC 1) : occitan davalada, s. f. + occitan abric, s. m. = « descente de l’endroit bien exposé ».

Davalade des Valatz (a la) : 1606 a la Davalade des Valatz (cpx., CC 1) ; 1774 a la Davalade des Valats (cpx., CC 2) : occitan davalada, s. f. + occitan valats, s. m. pl. = « descente du tènement où coulent des ruisseaux intermittents ».

Noms de tènements formés à partir d’un nom commun simple, d’origine occitane, suivis d’un nom de personne :

Baume de Servel (a la) : 1606 a la Baume de Servel (cpx., CC 1) ; 1774 a la Baume de Servel (cpx., CC 2) : occitan bauma, s. f. + patr. Servel = « grotte de Servel ». Jehan et Bringuié Servelz sont attestés dans le compoix de 1606. Ce patronyme a pour antécédent un surnom médiéval à partir de l’occitan cervèl, s. m. = « cerveau », « cervelle », ayant pu qualifier un vendeur de cervelles 7.

Camp de Combes (al) : 1606 al Camp de Combes ; al Camp de Qbes (sic) ; al Camp des Q Bas (sic) ; au Camp de Combes (cpx., CC 1) ; 1774 au Camp Combes ; au Champ Combes (cpx., CC 2) : occitan camp, s. m. + patr. Combes = « champ de M. Combes ». Un Pierre Combes est attesté dans le compoix de Clermont-l’Hérault de 1789-1790. Ce patronyme a pour antécédent un surnom médiéval d’origine formé à partir d’un nom de hameau, de village Combes (cf. Saint-Martin-des-Combes, hameau de la commune d’Octon).

Camp de Guiraud : 1606 al Camp de Guiraud… narbonés le Valat del Colombié (cpx., CC 1) ; 1774 au Champ Guiraud (cpx., CC 2) : occitan camp, s. m. + patr. Guiraud = « champ de Guiraud ». Un Thomas Guiraut est attesté dans le compoix de Clermont-l’Hérault du XVIe siècle. Ce patronyme a pour antécédent un anthroponyme médiéval d’origine germanique « Giraldus » donnant en langue d’oïl « Giraud » avec réfection occitane « Guiraud » 8. L’élément Gir- se rattache au vieil allemand gar, au vieil haut allemand et au vieux saxon gēr = « lance » ; l’élément -Ald se rattache au gotique waldan, au vieil haut allemand waltan = « gouverner », le /w-/ initial s’étant effacé derrière consonne. La popularité de ce nom vient de Saint Guiraud (1070-1123), prieur du couvent de Cassan (commune de Roujan) en 1106 et évêque de Béziers en 1122 9.

Camp de Marenq (al) : 1606 al Camp de Marenq (cpx., CC 1) : occitan camp, s. m. + patr. Marenc / Marenq = « champ de Marenc ». Le patronyme Marenc est actuellement très répandu en Provence selon les données de l’Annuaire électronique ; il n’est attesté qu’à une seule occurrence dans le département du Gard. Pour l’aire héraultaise il est attesté au XVIIe siècle à Bessan et au XVIIIe siècle à Agde selon les données du site Généanet.org. Ce nom de personne est très probablement d’origine géographique provençale. M. Compan 10 en a relevé quelques exemples aux XIIIe et XIVe siècles dans le Comté de Nice. À ce jour l’origine étymologique de ce nom n’est pas définie.

Combes de Germane : XVIIIe siècle, Les Combes (plans terriers, n° 27, 13 H 238) ; 1835 Combes de Germane (cad. sect. C) ; 1836 Combes de Germanes (mat. cad. sect. C) ; 1914 Les Combes de Germane (mat. cad. sect. C) : occitan comba, s. f. = « vallon », « ravin » + patr. Germane (voir plus loin).

Coste Lautié : 1606 a Coste Lautié (cpx., CC 1); 1774 a Coste Lautier ; a Coste Lautié (cpx., CC 2) : occitan còsta + patr. Lautier = « côteau de M. Lautier ». Ce patronyme a pour antécédent un nom individuel médiéval d’origine étymologique germanique Lauterius11, dont le premier élément représente Laut-, se rattachant au gotique lauths = « grand » ; le second élément représente -Harius se rattachant au vieil haut allemand hari = « armée ». Ce patronyme est attesté à 106 occurrences selon les données de l’Annuaire électronique dans le département de l’Hérault.

Mas d’Arsonne : 1835 Mas d’Arsonne (cad. sect. D) ; 1836 Mas d’Arsonne (mat. cad. sect. D) ; 1914 Mas d’Arsonne (mat. cad. sect. D) : occitan mas, s. m. + matr. Arsonne = « tènement tirant son nom de la ferme de Mme Arsonne ». Ce matronyme a été porté par la fille dont le nom de famille du père était Arson. Ce patronyme peut avoir comme antécédent un surnom médiéval d’origine Arson à partir d’Arçon, déterminant de Saint-Martin-de-l’Arçon, commune du canton d’Olonzac. Nous pouvons aussi envisager de voir dans « Arson » un ancien surnom qualifiant un fabricant d’arçons 12. Le patronyme Arçon / Arson est présent selon les données de l’Annuaire électronique à 24 occurrences dans le département de l’Hérault, dont 1 occurrence à Clermont-l’Hérault.

Mas de Costelet : 1835 Mas de Costellet (cad. sect. D) ; 1836 Mas de Costelet (mat. cad. sect. D) ; 1914 Mas de Costelet (mat. cad. sect. D) : occitan mas, s. m. + patr. Costelet = « tènement tirant son nom de la ferme de M. Costellet ». Ce patronyme est bien attesté dans le Midi 13. Sous la forme Coustelet il est présent selon les données de l’Annuaire électronique à 4 occurrences dans le département de l’Hérault. Il a probablement pour antécédent un ancien surnom d’origine formé sur un nom de lieu « Costelet » représentant l’occitan « costelet », s. m. = « petit côteau ». Mais un sobriquet formé à partir de l’occitan « costeleta », s. f. = « côtelette » n’est pas à exclure.

Mas Maistre : 1606 al Mas Mestre (cpx., CC 1) ; 1774 au Mas Maistre (cpx., CC 2) ; 1835 Mas Maistre (cad. sect. C) ; 1836 Mas Maistre (mat. cad. sect. C) ; 1914 Mas Maistre (mat. cad. sect. C) : occitan mas, s. m. + patr. Maistre = « tènement tirant son nom de l’ancienne ferme de M. Maistre ». Un Jean Maistre est attesté dans un plan terrier du XVIe siècle ainsi qu’un Jehan Mestre dans le compoix de 1606. Ce patronyme a pour antécédent un surnom médiéval faisant référence au membre d’une corporation, ou ayant pu être aussi un sobriquet 14.

Pont de Nicot : 1606 al Pond de Niquot ; al Pont de Niquot (cpx., CC 1) ; 1835 Pont de Nicot (cad. sect. C) ; 1836 Pont de Nicot (mat. cad. sect. C) ; 1914 Pont de Nicot (mat. cad. sect. C) : occitan ou français pont, s. m. + patr. Nicot = « tènement tirant son nom du pont sur le Ruisseau de Cournils et dont la construction a été peut-être initiée par M. Nicot ». Le patronyme « Nicot » est une abréviation de l’ancien nom de baptême « Nicodème » 15. Il est présent selon les données de l’Annuaire électronique à 32 occurrences dans le département de l’Hérault.

Prat d’Auriol : 1606 al Prat d’Auriol ; al Prat d’Auryol (cpx., CC 1) ; 1774 au Pred’Auriol (cpx., CC 2) ; 1835 Prat d’Auriol (cad. sect. C) ; 1836 Prat d’Auriol (mat. cad. sect. C) ; 1914 Prat d’Auriol (mat. cad. sect. C) : occitan prat, s. m. + patr. Auriol = « pré d’Auriol ». Un Jean Auryols est attesté dans le compoix de 1606. On considère généralement que ce patronyme a pour antécédent un sobriquet qui se rapporte soit au chant de l’oiseau (loriot en français, auriòl en occitan) soit à la couleur jaune évoquant la disgrâce conjugale 16. Il faut rappeler que ce nom a été porté par une lignée aristocratique, les Auriols, qui au XIe siècle était possessionnée à Cabrières, Cers et Saint-Pargoire 17.

Prat Vidal : 1606 pred a Prat Vidal (cpx., CC 1) ; 1774 a Prat Vidal (cpx., CC 2) : occitan prat, s. m. + patr. Vidal = « pré de Vidal ». Ce nom est attesté sous sa forme savante latinisée Vitalis dans le compoix de 1774. Ce patronyme a pour antécédent le nom de baptême Vidal, très en vogue à la fin du Moyen-Âge en Occitanie 18.

Puech Auriol : 1606 a Puech Alauzou ; a Puech Alaurou (cpx., CC 1) ; 1774 a Puech Alaurou (cpx., CC 2) ; 1835 Puech Auriol (cad. sect. C) ; 1836 Puech Auriol (mat. cad. sect. C) ; 1914 Puech Auriol (mat. cad. sect. C) : si l’on se base uniquement sur les attestations des cadastres de 1835, 1836 et 1914, ce syntagme toponymique s’expliquerait par l’occitan puèg, s. m. + patr. Auriol (voir Prat Auriol, ci-dessus). Mais les attestations plus anciennes nous donnent comme second élément Alauzou / Alaurou. Cela nous renvoie à une formation toponymique similaire Puech Alaurou de la commune de Pailhès, dont le second élément a été expliqué par Hamlin 19 à l’aide de laur, s. m. = « laurier » ou de aura, s. f. = « vent » ; mais cela ne rend pas vraiment compte de /A-/ ou /Al-/ initial. Nous préférons voir dans ce nom un *Alaudon, prononcé [alawzυ], devenu par rhotacisme « Alauron » prononcé [alawrυ] ; il peut s’agir d’un hypocoristique de Aalaudus, forme syncopée du nom de personne d’origine étymologique germanique Adalaudus20. Nous sommes en présence d’un cas de remotivation toponymique. Puech Alaurou est devenu Puech Auriol sous l’influence de Prat Auriol, le nom de famille Auriol étant plus familier à l’oreille des gens du lieu que le nom Alaurou tombé en désuétude.

Puech Bouissou : 1606 a Puech Boissous ; a Pioch Boyssous… le Chemin de Pioch Rouch ; al Pioch Boyssou (cpx., CC 1) ; 1774 a Puech Bouissou… de terral le Chemin de Puech Roux (cpx., CC 2) ; 1835 Puech Bouissou (cad. sect. C) ; 1836 Puech Bouissou (mat. cad. sect. C) ; 1914 Puech Bouissou (mat. cad. sect. C) : occitan puèg, s. m. + patr. Bouisson, prononcé [boysυ] = « colline de M. Bouisson ». Un Pierre Bouissou, est attesté comme consul dans le compoix de 1774. Ce patronyme a pour antécédent un ancien nom d’origine formé à partir d’un nom de lieu Boisson représentant l’occitan boisson, s. m. = « buisson » 21.

Noms de tènements formés à partir d’un nom de personne en emploi absolu, c’est-à-dire sans suffixe :

Cornils : 1606 a Germane a Plan Cornilz (cpx., CC 1) ; XVIIIe siècle, Prat de Cournil (sic) (plans terriers, n° 30, 13 H 238) ; 1774 a Plan Cournils (cpx., CC 2) ; 1835 Cornils (cad. sect. B) ; 1836 Cornils (mat. cad. sect. B) ; 1914 Cornils (mat. cad. sect. B) : ce nom de tènement est aussi le nom d’une ancienne ferme Cornils, où se trouvait au Moyen-Âge l’église Sainte-Marie. On aurait pu envisager que ce nom puisse représenter le nom commun occitan cornilh, s. m. = « plateau élevé », mais nous n’avons pas de preuve de la vitalité et de la productivité de cet appellatif dans la région. Il semble plus vraisemblable d’y voir le continuateur d’un nom de personne d’origine latine Cornelius en posant que le [ō] long entravé de la syllabe initiale en latin classique est devenu un [ϙ] fermé en latin vulgaire prononcé ensuite [υ] 22, ce que semble confirmer la graphie Cournil que donne Mistral 23 dans son dictionnaire pour ce nom de lieu de l’Hérault. Le nom de Cornelius était celui d’un pape au IIIe siècle 24, et il a pu être mis en usage au Moyen-Âge comme nom de baptême. L’épigraphie antique corrobore la vitalité à date ancienne de ce nom de personne dans la Narbonnaise 25. (Fig. 6)

Ruines de Cornils
Fig. 6 - Ruines de Cornils. Cliché Christian Guiraud.

Germane : 1606 a Germane (cpx., CC 1) ; 1774 a Germane (cpx., CC 2) ; 1835 Germane (cad. sect. B) ; 1836 Germane (mat. cad. sect. B) ; 1914 Germane (mat. cad. sect. B) : ce toponyme s’applique à un ensemble de terres s’étendant de part et d’autre de la limite des communes de Lacoste et de Clermont-l’Hérault (1835, Germane, cad., Clermont, sect. B3) ; initialement matronyme car porté par la fille d’un dénommé German, ce nom s’est continué ensuite comme patronyme sous la forme Germane. Il est répertorié comme tel par les dictionnaires 26. Il a pour origine Germanus, surnom latin indiquant soit une origine ethnique = « originaire de Germanie », soit une position dans la parentèle = « qui est de la même souche, frère germain ». Il s’est propagé ensuite comme nom de baptême sous l’influence de Germain, évêque d’Auxerre (Ve siècle) et de Saint Germain de Paris (mort en 578). À noter que vingt-et-un lieux portent le nom Saint-Germain en Occitanie.

Montagné : 1835 Montagné (cad. sect. B) ; 1836 Montagné ; Montagnet (mat. cad., sect. B) ; 1914 Montagné (mat. cad., sect. C) : ce patronyme Montagné est attesté dans la matrice cadastrale de 1836. Il est bien répertorié par les dictionnaires 27. Il a pour antécédent un ancien sobriquet formé sur l’occitan montanhièr, s. m. = montagnard.

Roujals : 1606 a Roujalz ; as Rougealz (cpx., CC 1) ; 1774 a Roujals ; (cpx., CC 2) ; 1835 Roujals (cad., TA., sect. B ; sect. C) ; 1836 Les Roujals (mat. cad., sect. C) ; 1914 Les Roujals (mat. cad., sect. C) : on ne peut donner comme origine à ce nom de lieu l’adjectif occitan rojal = « de couleur tirant sur le rouge ». Le sol de ce tènement est de couleur foncée, tirant sur le noir. Il a plus probablement pour origine le patronyme Roujal, attesté plus souvent avec passage de /-l/ final à /-u/ sous les formes Roujeau dans l’Annuaire électronique et Roujau sur le site Généanet.org. Ce patronyme a pour antécédent un ancien surnom faisant référence à la couleur des cheveux tirant sur le rouge 28.

Sartrone (la) : 1606 champ en d’oliviers a Belvézé dit la Sartrone (cpx., CC 1) : initialement matronyme car porté par la fille d’un dénommé Sartron, ce nom est un diminutif du nom de famille Sartre, ayant pour antécédent le nom de profession occitan sartre, s. m. = « tailleur d’habit », « couturier » 29.

Noms de tènements formés à partir d’un nom de personne + suffixe :

La langue occitane se caractérise par sa grande capacité à produire des noms nouveaux à l’aide de suffixes. Dans les noms de lieux de Lacoste, nous trouvons le suffixe /-iá/, prononcé localement [ié] ou [ió], employé au singulier ou au pluriel. Accolé à un nom de personne ce suffixe sert à désigner l’exploitation agricole 30. Quelquefois ce suffixe double un autre suffixe /-ar-/ pour donner /-ariá/ avec les mêmes prononciations locales, et indiquant pareillement une exploitation agricole 31.

Malrosié : 1606 a la Malbrossié ; a la Malroussié ; a la Malrossié (cpx., CC 1) ; XVIIIe siècle, Malrouché (plans terriers, n° 1, 13 H 238) ; 1774 a la Malrosié (cpx., CC 2) : patronyme sous forme occitane Malros, sous forme française Malrous + suffixe /-iá/ prononcé [ié] = « propriété de Malrous ». Un Guilhem Malrous est attesté dans le compoix de 1606.

Maystrios : 1606 champ a las Maystrios dans lequel passe le chemin de Laula a Clermont (cpx., CC 1) ; 1774 a las Maistries (cpx., CC 2) : patronyme Maistre / Maystre + suffixe /-iá/ prononcé [ió] = « propriété de Maistre ». Un Jean Maistre est attesté dans un plan terrier du XVIe siècle ainsi qu’un Jehan Mestre (forme francisée) est attesté dans le compoix de 1606. À noter qu’un tènement et une ferme portent le nom Mas Maistre, formé sur le même patronyme (voir ci-dessus).

Roucoulanios : 1606 a las Recolanies ; a las Recolanyes (cpx., CC 1) ; XVIIIe siècle, Recoulaniés ; Roccolanié ; Rocoulanié ; Recoulanié (plans terriers, n° 2, n° 3, recto, 13 H 238) ; 1774 a las Recolaniés (cpx., CC 2) ; 1835 Las Roucoulanios (cad. sect. C) ; 1836 Las Roucoulanios (mat. cad. sect. C) ; 1914 Les Recoulanios (mat. cad. sect. C) : nous voyons que les attestations font varier la syllabe initiale entre Rec… et Roc… / Rouc… cette variation relève du phénomène de dissimilation exercé par la voyelle [υ] (notée à la française par /-ou-/) de la seconde syllabe sur la voyelle identique de la première syllabe 32. Ce nom de lieu est formé sur le patronyme Roucoulan + suffixe /-iá/ prononcé [ió] = « propriété de Roucoulan ». Ce patronyme a pour antécédent un ancien surnom d’origine formé à partir d’un nom de lieu du type Roucoule / Roucolle, dont plusieurs exemples existent dans le Cantal et en Haute-Loire 33. Ce patronyme est rare (Recollin / Rocollin est plus répandu), mais il a bien été répertorié par le site Généalogie.com.

Gissanariés : 1606 a las Gissanarios… narbones chemin del Mouly de Goudou (cpx., CC 1) ; 1774 a las Gissanariés (cpx., CC 2) : patronyme Gissan + double suffixe /-ariá/, prononcé d’abord [aryo] puis [aryé] comme le montre les attestations de 1606 et de 1774. Ce patronyme est attesté en 1793 à Saint-Thibéry selon les données du site Généanet.org. Il a pour antécédent un ancien surnom d’origine formé à partir d’un nom de lieu du type Gissan, sous sa forme médiévale. Dans l’Hérault il y deux lieux qui ont comme attestation ancienne Gissan : Gisses, ferme de la commune de Paulhan, et Gisso, lieu-dit de la commune d’Aspiran. Hamlin 34 les considère comme d’anciens noms de domaines gallo-romains formés sur Gessius + -anum.

Les odonymes

Les odonymes présentés dans ce chapitre ont été exclusivement relevés dans les plans cadastraux napoléoniens de 1835. Nous omettrons cette référence pour chaque exemple présenté. Nous avons ainsi obtenu une série de 22 odonymes ou noms de chemins. Nous les qualifions de « à usage externe » quand ils franchissent les limites communales, « à usage interne » quand ils sont circonscrits à l’intérieur des limites communales, et « à fonction centrifuge » quand le chemin part d’un habitat principal vers l’extérieur, et « à fonction centripète » quand le chemin vient de l’extérieur vers l’habitat principal, ceci étant considéré du point de vue des habitants et de leur lieu de domicile. Cet état des lieux du réseau viaire de la commune de Lacoste doit bien être compris comme celui qui existait au début du XIXe siècle. Le réseau viaire et les noms que portent ces divers segments doivent être bien différents en ce début du XXIe siècle. La façon dont ont été dénommés les chemins est un révélateur sociologique. Leurs noms sont le reflet de flux sociaux et de modes de gestion du territoire.

En nous basant sur la façon dont sont dénommés ces chemins, nous pouvons voir que neuf de ces chemins ont dans leur énoncé le nom du chef-lieu de commune le village Lacoste. Parmi ceux-ci trois ont comme point de départ le village de Lacoste et desservent d’autres chefs-lieux de commune (Ceyras, Clermont-l’Hérault, Saint-Félix-de-Lodez) :

Chemin de La Coste à Ceyras (sect. D)

Chemin de La Coste à Clermont (sect. A) (Fig. 7)

Chemin de La Coste à St-Félix (sect. C)

Ces trois chemins sont à usage externe et ont une fonction centrifuge.

L’ancien chemin caladé de Lacoste à Clermont
Fig. 7 - L’ancien chemin caladé de Lacoste à Clermont. Cliché Christian Guiraud.

Quatre autres chemins ont comme point de départ le chef-lieu de la commune mais desservent des lieux situés sur le territoire de la commune :

Chemin de La Coste à la Fontaine (sect. D)

Chemin de La Coste au Mas de Costellet (sect. D)

Chemin de la Coste au Moulin de Rouaud (sect. D)

Chemin de La Coste à la rivière de Lergue (sect. D)

Ces quatre chemins sont à usage interne et ont une fonction centrifuge.

Enfin deux autres chemins ont dans leur énoncé le nom du chef-lieu de commune, toutefois le village n’est plus perçu comme le point de départ mais comme le point d’aboutissement à partir d’un lieu situé sur le terroir de la commune (Les Roujals) et d’un autre lieu situé en dehors du terroir de la commune (Saint-Sixte, commune de Clermont-l’Hérault) :

Chemin des Roujals à la Coste (sect. D)

Chemin de St-Sist à la Coste (sect. D)

Ces deux chemins ont une fonction centripète, mais l’un est à usage interne et l’autre à usage externe. Pour les usagers selon l’énoncé de ces deux chemins la primauté est donnée aux lieux Les Roujals et Saint-Sixte. Il faut supposer que le lieu Les Roujals a eu un rôle économique ou démographique important justifiant une telle désignation odonymique. Quant à l’hagiotoponyme Saint-Sixte, il a comme réalité référentielle une ancienne église, autour de laquelle s’articulait un habitat dénommé Avanosc 35. On est peu documenté sur ce site. Ce lieu a-t-il eu une importance spirituelle ou économique à date ancienne qui justifierait qu’un chemin, spécialement dénommé, le relie à Lacoste ?

Pour ces neuf odonymes, sept ont une fonction centrifuge et deux une fonction centripète. Les choix de ces noms de chemins indiquent bien les flux de déplacement. L’ouverture, l’aller vers l’extérieur du village semblent plus privilégiés que le retour vers le village.

En poursuivant l’analyse sur ces odonymes, nous constatons que cinq ont dans leur énoncé le nom du hameau Mas Audran. Parmi ces chemins ainsi dénommés, il y en a deux qui ont comme point de départ le Mas Audran et desservent des chefs-lieux de commune (Clermont-l’Hérault, Lacoste) :

Chemin du Mas Audran à Clermont (sect. B) (Fig. 8)

Chemin du Mas Audran à La Coste (sect. B)

Pour ces deux chemins, qui ont comme point de départ le Mas Audran, l’un est à usage externe et l’autre à usage interne, mais tous deux ont une fonction centrifuge.

Deux autres chemins ont comme point de départ le Mas Audran et desservent deux hameaux situés à l’extérieur du territoire communal, Laulo et Salelles appartenant à la commune du Bosc :

Chemin de Clermont à Mas Audran. Extrait des Plans terriers de Lacoste, XVIe - XVIIIe siècles
Fig. 8 - Chemin de Clermont à Mas Audran. Extrait des Plans terriers de Lacoste, XVIe - XVIIIe siècles, Archives de l’abbaye de Notre-Dame de Fontcaude, chanoines de Prémontré, 13 H 238, Arch. dép. Hérault

Chemin du Mas Audran à Laulo (sect. A)

Chemin du Mas Audran à Saleles (sect. A)

Ces deux chemins ont une fonction centrifuge et à usage externe.

Tous ces quatre odonymes ont une valeur centrifuge. L’aller, l’ouverture vers l’extérieur du hameau semblent privilégiés par rapport au retour vers le hameau.

Un autre chemin a un énoncé qui se démarque des précédents. Le Mas Audran n’est plus le point de départ, mais le point d’aboutissement :

Chemin de Pradines au Mas Audran (sect. A)

Ce chemin part de l’ancien hameau Pradines, dépendant de la commune de Clermont-l’Hérault, traverse le Ruisseau de Fon Embreignes et aboutit au Mas Audran. Il a une fonction centripète et à usage externe. Il est l’indice d’un lien privilégié entre le hameau Pradines et le hameau Mas Audran.

Un enseignement semble être acquis, évident à la lecture de cette première série de quatorze odonymes. C’est que, vers 1835, le terroir communal de Lacoste semblait (est-ce encore le cas aujourd’hui ?) disposer de deux pôles avec leurs propres réseaux viaires. Le premier le village de Lacoste tourné vers Ceyras, Clermont-l’Hérault et Saint-Félix-de-Lodez, le second en relation avec Lacoste, mais aussi Clermont-l’Hérault et deux hameaux de la commune du Bosc.

Le plan cadastral napoléonien comporte cinq autres odonymes formés du nom commun chemin ou vie (< occitan via, s. f. = « chemin »), déterminé par un nom de tènement, qui en est le point d’aboutissement. Leur énoncé ne fait aucunement référence à l’un ou à l’autre des deux pôles d’habitat de la commune, même si certains les desservent. Ce sont des voies secondaires :

Chemin de Coste Nègre (sect. A)

Ce chemin est un diverticule secondaire du Chemin de Fon Embreignes a Las Cours ; il se dirige au Nord vers la commune du Bosc. Il ne dessert pas un des pôles important de la commune, mais joue le rôle d’une voie de pénétration venant d’une autre commune.

Chemin de Puech Auriol (sect. C ; sect. D)

Ce chemin est un embranchement du Chemin de Laulo à Clermont, il dessert le tènement Puech Auriol, qu’il sépare du tènement Le Fieu.

Chemin de Puech Rouch (sect. B)

Ce chemin est un segment de chemin qui sert de limite avec Clermont-l’Hérault ; il prolonge le Ravin de la Caironnière qui se jette dans la rivière de Salagou. Il ne dessert pas une des pôles important de la commune ; ce bout de chemin dépend du réseau viaire de Clermont-l’Hérault. Il partait de la Bergerie de Germane pour aboutir au Puech Rouch. Il ne faisait pas partie du réseau viaire d’intérêt local pour la commune de Lacoste.

Chemin des Rouvières (sect. C)

Ce chemin relie le tènement Les Rouvières et le village de Lacoste, distants d’un kilomètre. Il est à usage interne ; il a été inutile de préciser qu’il partait de Lacoste. Il n’y a pas d’ambiguïté pour le nom de ce chemin pour les usagers.

Vie des Issarts (sect. A)

Ce chemin relie le tènement Les Issarts et le hameau le Mas Audran. Il est à usage interne ; il a été inutile de préciser qu’il partait du Mas Audran. Il n’y a pas d’ambiguïté pour le nom de ce chemin pour les usagers.

Pour ces cinq odonymes, dont l’énoncé ne véhicule que le nom du tènement où ils aboutissent, deux représentent des chemins secondaires, courts, reliant Lacoste aux Rouvières, et le Mas Audran aux Issarts. Les trois autres odonymes représentent pareillement des voies secondaires qui ne font pas partie à proprement parler du réseau viaire d’intérêt local pour la commune de Lacoste, car ils sont des liaisons vers des lieux dépendant de la commune de Clermont-l’Hérault ou de la commune du Bosc.

Toujours selon les relevés effectués sur le plan cadastral napoléonien, le terroir de Lacoste était parcouru par trois autres chemins dont les noms méritent attention. Dans leurs énoncés ces odonymes comportent les points de départ et les points d’aboutissement, qui ne sont ni le village de Lacoste ni le Mas Audran :

Chemin de Cornils à Clermont (sect. D)

Ce chemin reliait le hameau de Cornils, où se trouvait l’église Sainte-Marie-de-Cornils 36 et la ville de Clermont. (Fig. 9)

Chemin de Fon Embreignes a las Cours (sect. A)

Ce chemin démarrait près de la source dite Fon Embreignes et reliait l’ancien hameau Las Cours, depuis longtemps en ruines.

Le chemin de Cornils
Fig. 9 - Le chemin de Cornils. Cliché Christian Guiraud.

Chemin de Laulo à Clermont (sect. B)

Ce chemin reliait le hameau de Laulo, de la commune du Bosc, à la ville de Clermont-l’Hérault. Il était déjà bien attesté dans la compoix de 1606 : d’aguial Chemin du Mas de Laula a Clermont (cpx., CC 1).

Ces trois derniers odonymes montrent qu’il y avait d’autres centres d’attraction que le village de Lacoste et le Mas Audran. Les noms de ces chemins indiquent d’une part qu’il y avait un lien privilégié entre la source dite Fon Embreignes et l’ancien hameau Las Cours, et d’autre part le caractère attractif de la ville de Clermont-l’Hérault qui était desservie par des voies empruntées de façon préférentielle par les hommes et les marchandises.

Cette analyse succincte sur les odonymes de Lacoste révèle un réseau viaire dense et varié, faisant montre de deux pôles d’habitat drainant les activités du terroir (le village de Lacoste et le hameau Le Mas Audran), mais aussi de la présence de flux de relations humaines et économiques vers les communes voisines particulièrement Clermont-l’Hérault et à un degré moindre Ceyras et Saint-Félix-de-Lodez. Certains de ces chemins portent également mémoire d’anciens sites d’habitat aujourd’hui disparus (Las Cours) ou ayant perdu de leur importance (Cornils).

Les désignations de cours d’eau

Nous allons maintenant conduire une réflexion sur la façon dont les noms de cours d’eau secondaires sont formés, d’abord sur leur structure syntaxique nom + déterminant, puis sur ce que représentent le premier et le second élément. Nous ne traiterons pas de l’origine des noms des deux cours d’eau importants de la commune, La Lergue et Le Salagou, ce qui nous nous amènerait à des développements qui dépasseraient les normes de publications de cet article. (Fig. 10)

Sur la commune de Lacoste, toutes périodes confondues, les syntagmes utilisés comme désignations de cours d’eau sont formés sur le premier élément Ravin ou Ruisseau ou Valat. Le terme Ravin n’appartient pas au lexique occitan ; il représente le nom commun français ravin, s. m. = « lit de cours d’eau creusé par les eaux » 37. Le terme qualifiait initialement dans le dictionnaire de Furetière 38 de 1690 une « fosse », un « chemin creux cavé par la chute des eaux », puis le terme fut mis à la mode par deux cartographes militaires, Bourcet 39 qui lui conférait le sens le sens de « creux allongé qui se forme dans un penchant et se produit par l’écoulement des pluies d’orage », et Vallongue 40 qui lui donnait les sens de « sillon creusé sur les flancs d’une montagne par les eaux sauvages », « lit, habituellement à sec, d’un torrent à ses débuts ». Dans nos documents consultés pour la commune de Lacoste, ce terme n’apparaît qu’à partir du cadastre napoléonien ; il est absent du compoix de 1606 et de celui de 1774. Le terme Ruisseau représente aussi le nom commun français ruisseau, s. m. = « cours d’eau moins large qu’une rivière » 41. Le sens de ce terme, qui était encore très polysémique 42 au XVIIIe siècle, va être éclairci par Sanson 43 qui précisera que les ruisseaux sont de « petits courants d’eau, dont le cours est fort petit et le lit si étroit qu’il est par tout guéable ». C’est cette définition qui fut adoptée par les géographes. Le terme Valat appartient bien au lexique occitan ; il représente le nom commun occitan valat, s. m. = « ravin », « torrent » 44.

Le gué de la Lergue sur le chemin de Lacoste à Saint Félix de Lodez
Fig. 10 - Le gué de la Lergue sur le chemin de Lacoste à Saint Félix de Lodez.
Cliché Christian Guiraud.

Ravin de Cabreirolles : 1835 Ravin de Cabreirolles (cad. sect. C). Cet affluent secondaire de la Lergue, rive droite, conflue d’abord dans le Ruisseau de Cornils. Il prend sa source non loin de la limite avec la commune de Clermont-l’Hérault, où se trouve le tènement Cabreirolles (cad. sect. B). Ce nom représente l’occitan cabreirὸla, s. f. = « parc à chèvres ».

Ravin de la Caironnière : 1835 Ravin de la Caironnière (cad. sect. B4). Cet affluent de la rivière de Salagou, rive droite, sert de limite avec la commune de Clermont-l’Hérault et longe quelque peu le Chemin de Puech Rouch ; il prend sa source sur la commune de Clermont-l’Hérault, près du tènement Caironnière (1825, cad. sect. B4), d’où il tire son nom. Ce nom représente l’occitan caironièra, s. f. = « lieu d’où l’on peut tirer des blocs de pierres équarris ». Un nom de personne au féminin Caironièra ou Caironnière n’est pas à exclure, ayant pour antécédent un surnom Caironièr = « tailleur de pierres ».

Ravin des Combes : 1835 Ravin des Combes (cad. sect. C). Cet affluent secondaire de la Lergue, rive droite, conflue d’abord dans le Ruisseau de Cornils ; il prend sa source sur le tènement Les Combes (de Germane), d’où il tire son nom (voir ci-dessus).

Ravin dit de Roucoulanios : 1835 Ravin de Roucoulanios (cad. sect. C). C’est un affluent du Ruisseau de Rouperigne ; on lui a attribué aujourd’hui la désignation Ruisseau du Passant (IGN 2643 OT, Paris, 2007) ; ce cours d’eau sert de limite en partie avec la commune de Clermont-l’Hérault (1835 Ruisseau de Roucoulanios ; Ravin dit de Recoulanios (cad., Clermont, sect. B4 ; C1) ; il prend sa source sur le tènement Las Recoulanios, d’où il tire son nom (voir ci-dessus).

Ruisseau des Amergantés : 1835 Ruisseau des Amergantés (cad. sect. A). C’est un affluent du Ruisseau de la Baume à l’Ouest du Mas Audran ; il prend sa source aux limites des communes du Bosc et de Clermont-l’Hérault, sur le tènement Las Amargantes : 1606 a las Marguantets (cpx., CC 1) ; XVIIIe siècle, Amarguentes (plans terriers, n° 30, 13 H 238) ; 1774 a las Amargantes (cpx., CC 2). Ce nom représente l’occitan amargant45, masc. ou amarganta, fém. = « amer », « amère », pouvant qualifier toutes sortes d’arbustes aux fruits amers, sans doute le merisier sauvage.

Ruisseau de la Baume : 1835 Ruisseau de la Baume (cad. sect. A). C’est un affluent de la rivière de Salagou, rive gauche. Il tire son nom du tènement La Baume (voir ci-dessus et ci-dessous).

Ruisseau de la Baume : 1835 Ruisseau de la Baume (cad. sect. B). C’est un affluent de la Lergue, rive droite, après avoir traversé le tènement Plan du Bousquet. Ce ruisseau est différent du précédent. Il tire son nom d’un autre tènement, probablement La Baume de Servel : 1606 a la Baume de Servel (cpx., CC 1) ; XVIIIe siècle, Baume de Servel (plans terriers, n° 1, 13 H 238) ; 1774 a la Baume de Servel (cpx., CC 2). Le premier élément de ce nom de tènement représente l’occitan bauma, s. f. = « grotte ».

Ruisseau de Cascabel : 1606 champ, olivette et riberal a Roujalz… Valat de Casquavel au milieu, mary Valat de Rouperigne (cpx., CC 1) ; 1835 Ruisseau de Cascabel (cad. sect. C). C’est un affluent du Ruisseau de Rouperigne, rive gauche ; il prend sa source à la limite des tènements Le Cabanis et Les Rouvières, puis court entre Les Roujals et La Condamine. Nous n’avons pas dans notre corpus de nom de tènement Cascabel qui pourrait être à l’origine de ce nom de cours d’eau. Cascabel a probablement pour antécédent un nom de personne Cascabèl, sobriquet formé sur l’occitan cascavèl, s. m. (le /-v-/ étant prononcé [b] dans cette région) = « grelot », qualifiant une personne peu intelligente 46.

Ruisseau du Colombier : 1606 al Camp de Guiraud… narbonés le Valat del Colombié (cpx., CC 1) ; 1835 Ruisseau du Colombier (cad. sect. A). C’est un affluent de la rivière de Salagou, rive gauche ; il est alimenté par le Ruisseau de Fon Embreignes et borde le tènement Les Rabassiés. Il tire son nom du tènement Colombier : 1720 champ au Coulombier (mutations du compoix de 1606) ; XVIIIe siècle, champ appelé le Pigeonnier (plans terriers, n° 2, 13 H 238). Il représente l’occitan colombièr, s. m. = « pigeonnier ». Ce nom de tènement a été traduit dès le XVIIIe siècle par son équivalent français Pigeonnier.

Ruisseau de Cournils : 1835 Ruisseau de Cournils (cad. sect. B). C’est un affluent de la Lergue, rive droite ; il prend en partie sa source sur le tènement Les Valats ; il borde le tènement Cornils et les ruines de la métairie Cornils, où se trouvait au Moyen-Âge l’église Sainte-Marie. Ce sont le tènement et le site qui ont donné leur nom au ruisseau (voir ci-dessus).

Ruisseau de Fon Embreignes : 1606 d’aguial Valat de la Fon d’Enbraignes (cpx., CC 1) ; 1835 Ruisseau de Fon Embreignes (cad. sect. A). Affluent secondaire de la rivière de Salagou, rive gauche, il alimentait l’ancien hameau Las Cours, puis rejoint le Ruisseau du Colombier ; il prend sa source à la Fon Embreignes qui lui donne son nom : XVIIIe siècle, Fon Dembraynes (plans terriers, n° 30, 13 H 238) ; 1774 a la Fon Embreigne (cpx., CC 2) ; 1835 Fon Embreignes, source (cad. sect. A). Ce syntagme représente l’occitan font, s. f. = « source » + en Breignes, en, particule honorifique qui en occitan signifie « Monsieur », et Breignes, patronyme. Ce nom de famille est donné par le site Généanet.org sous les formes Braignes (1833, Haute-Garonne), de Braignes (1705, Charente-Maritime ; 1790, Côte-d’Or) et de Breignes (1833, Lot). L’origine de ce nom de famille est difficile à cerner. Il peut avoir comme antécédent un surnom d’origine que nous n’avons pu identifier.

Ruisseau des Paissels : 1835 Ruisseau des Paissels (cad. sect. A). C’est un affluent de la rivière de Salagou, rive gauche. Il prend sa source sur le tènement Les Bouffies, traverse Le Mas Audran et borde le tènement Les Paissels, qui lui donne son nom (voir ci-dessus).

Ruisseau de Rouperigne : 1606 le Rieu de Roperigne ; molin a bled avec deus mules (sic) moulans sur la rivière de Roupérigne… narbonés le Rieu de Roupérigne ; a Belvézé… mary Valat de Rouperigne (cpx., CC 1) ; 1774 Valat de Rouperigne (cpx., CC 2) ; 1835 Ruisseau de Rouperigne (cad. sect. C). Alimenté par le Ravin dit de Roucoulanios et par le Ruisseau de Cascabel, c’est un affluent de la Lergue, rive droite. Il est limitrophe sur une partie de son cours de la commune de Clermont-l’Hérault (1835 Ruisseau de Roupérigne (cad., Clermont, sect. C3)). Le nom de ce cours d’eau est un exemple typique de ce que l’on appelle le redoublement tautologique relevant de la phonétique syntactique. Rouperigne est formé de l’appellatif occitan riu = « ruisseau » + nom de personne Perigne ; lorsque l’appellatif riu est agglutiné à un second élément (adj., appellatif, nom de personne), il perd son accentuation propre et la diphtongue [iυ] va se réduire en une seule voyelle qui devenir [é], [o], [υ] : riu codièr > Récoudié (cours d’eau, Saint-Roman-de-Codières, 30), riu frèg > Rufraix (cours d’eau, Valflaunès, 34), riu Maurian > Remourian (cours d’eau, Bendéjun, 06), riu mejan > Romejan (cours d’eau, Barjac, 30), riu megièr > Rumégé (cours d’eau, Olargues, 34), etc. Le second élément Perigne, variante de Perine, est un ancien matronyme devenu ensuite patronyme, bien représenté dans tout l’hexagone selon les données du site Généanet.org, mais avec une faible densité dans les pays occitans. On le considère comme un hypocoristique de Pierre 47. Pour revenir à la désignation complète du cours d’eau, on pourrait traduire Rieu de Roperigne / Valat de Rouperigne / Ruisseau de Rouperigne par « Ruisseau du Ruisseau de Perigne », parfaite tautologie. À une certaine époque le premier élément /Ro /Rou/ n’a plus été senti comme représentant l’appellatif occitan riu, d’où la nécessité du réemploi de ce terme sous forme francisée rieu, lequel tombant à son tour en désuétude a été remplacé par l’occitan valat, supplanté en dernier lieu par le français ruisseau.

Nous avons pu voir que généralement les petits cours d’eau de Lacoste tirent leur nom des tènements sur lesquels ils prennent leur source ou qu’ils bordent. Mais trois d’entre eux ont eu leurs noms formés sans référence à la proximité topographique, mais par le recours à un nom de personne : Cascabel, En Braignes, Perigne.

Dans le cadastre napoléonien, les premiers éléments ravin, ruisseau appartiennent au lexique français. Ils ont supplanté l’appellatif occitan valat, d’un emploi quasi général dans le compoix de 1606 aussi bien comme nom propre pour une désignation de cours d’eau (Valat de…) que comme nom commun (narbonés la Confrarié et Jean Dounet, valat au milieu). Dans le compoix de 1606 et dans celui de 1774, nous n’avons pas rencontré l’appellatif occitan riu = « ruisseau », sauf comme nom propre dans la désignation le Rieu de Roperigne. Cette rareté est-elle due à la désuétude de ce terme dès le XVIIe siècle ou au fait que la réalité hydrologique des cours d’eau de la commune ne justifiait pas l’emploi du mot riu, mais de celui de valat, vu que « un riu n’est pas un valat ; dans le premier il y a toujours de l’eau, le second est le plus souvent à sec 48 » ? La vérification est à faire. Toutefois ce qui nous a le plus étonné, c’est le peu d’usage qui est fait aujourd’hui au XXIe siècle du terme valat dans la langue parlée. Un de nos témoins, M. Serge Maurin, nous a précisé que le terme en usage était rec (« Rec des Amergantés », « Rec des Paissels »), lequel est typique de l’aire dialectale de l’Ouest du département de l’Hérault, ce qui suscite des interrogations sur les fluctuations des aires dialectales.

Conclusion

Au cours de cette promenade onomastique 49, du XVIIe au XXe siècles, au sein du terroir de Lacoste, par ces chemins et au long de ces petits cours d’eau, nous avons pu observer que ses noms de tènements pouvaient s’expliquer essentiellement grâce au lexique occitan. La francisation progressive des noms de lieux ne s’est pas opérée de façon linéaire. Si dans le compoix de 1774, la francisation a été bien avancée, elle marque le pas dans le cadastre napoléonien qui préserve mieux le lexique occitan. Mais les noms communs occitans ne forment pas à eux seuls l’essentiel de l’origine des noms de tènements. Les noms de personnes, employés seuls ou comme compléments de nom, entrent pour une bonne part dans leur formation. Des femmes et des hommes ont marqué le terroir de leur empreinte en y laissant leur nom. Les noms de chemins nous ont laissé une impression d’une innervation dense du terroir communal avec ses deux pôles d’attraction que sont le village de Lacoste et le hameau du Mas Audran. Les désignations des petits cours d’eau, dans lesquelles sont bien présents aussi les noms de personnes, nous ont montré une évolution rapide dans l’emploi des termes utilisés. On est passé de riu, à valat, puis à rec, pour rester dans le domaine de la langue occitane, auxquels sont venus se surajouter les termes français ravin et ruisseau. Une étude historique sur le rôle de ces petits cours d’eau dans l’économie locale ne serait pas sans intérêt.

Sources

Cadastre napoléonien de Clermont-l’Hérault, 1835, 3 P 3507, Arch. dép. Hérault.

Cadastre napoléonien de Lacoste, 1835, 3 P 3552, Arch. dép. Hérault.

Compoix de Clermont-l’Hérault, XVIe – XVIIe siècles, CC 1, Arch. dép. Hérault.

Compoix de Clermont-l’Hérault, 1789-1790, CC 13, Arch. dép. Hérault.

Compoix de Lacoste, 1606, CC1, Arch. dép. Hérault.

Compoix de Lacoste, 1774, CC2, Arch. dép. Hérault.

Matrice cadastrale de Lacoste, 1836, Arch. mun. Lacoste.

Matrice cadastrale de Lacoste, 1836, 3 P 1205, Arch. dép. Hérault.

Matrice cadastrale de Lacoste, 1914, 3 P 1207, Arch. dép. Hérault.

Matrice cadastrale de Lacoste, propriétés non bâties, 1914, 3 P 1207, Arch. dép. Hérault.

Plans terriers de Lacoste, XVIe – XVIIIe siècles, 13 H 238, Archives de l’abbaye de Notre-Dame de Fontcaude, chanoines de Prémontré, Arch. dép. Hérault.

BIBLIOGRAPHIE

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Camproux, Charles, Essai de géographie linguistique du Gévaudan, Paris, PUF, 1962, t. 2, p. 589.

Compan, André, Étude d’anthroponymie provençale, Paris, Champion, 1976.

Dauzat, Albert, Dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France, Paris, Larousse, 1951.

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Duhamel-Amado, Claudie, Genèse des lignages méridionaux, CNRS, Université de Toulouse-Le Mirail, 2007.

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Morlet, Marie-Thérèse, Dictionnaire étymologique des noms de famille, Paris, Perrin, 1991.

Ugolini, Daniela ; Olive, Christian, Carte archéologique de la Gaule, Le Biterrois, 34/5, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2013.

NOTES

1. Hamlin, Frank R, Les noms de lieux du département de l’Hérault, Millau, Éditions du Beffroi, 2000 [1983].

2. Le tènement est généralement la plus petite unité territoriale qui porte un nom. Il est formé de plusieurs parcelles. Il est rare que celles-ci se soient vu attribuer un nom. S’il arrive que certaines parcelles portent un nom, ce dernier est le nom d’un ancien tènement disparu après remembrement de la propriété foncière.

3. Ce document est qualifié de brevette dans l’inventaire des Archives départementales de l’Hérault. Mais pour les chartistes et les historiens une brevette est « un autre livre sur chaque page duquel figure en haut le nom du contribuable et son allivrement total tiré du compoix » ; la brevette n’est qu’un document comptable (voir De Cazanove, Françoise, Fassina, Patrick, Malet, Louis, sous la direction de Jean Le Pottier, 1992, Les Compoix du Tarn (XIVe-XIXe), Albi, Conseil Général du Tarn, 1992, pp. 52-53). De par sa facture le document de 1774, coté CC2, n’est pas une brevette.

4. A noter qu’un certain nombre de noms de tènements ont été formés à partir de noms d’habitat : Mas d’Arsonne est un nom de tènement, et la ferme sur le lieu s’appelle Mas dit Darsonne ; Mas de Costellet est un nom de tènement, mais la ferme sur le lieu s’appelle Mas dit de Costellet.

5. Du Cange, Charles Dufresnes, Glossarium mediae et infimae latinitatis, Paris, Didot, 1846, t. 6, pp. 607, c – 608, a.

6. Wartburg, Von Walther, Französisches Etymologisches Wörterbuch, Basel, Zbinden Druck und Verlag AG, 1966, vol. 13, 2, p. 115, b.

7. Dauzat, Albert, Dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France, Paris, Larousse, 1951, p. 98, a ; p. 550, b.

8. Morlet, Marie-Thérèse. 1968. Les noms de famille de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule du VIe au XIIe siècle. I. – Les noms issus du germanique continental et les créations gallo-germaniques, Paris, CNRS, 1968, p. 100, b ; p. 98, b ; p. 14, b.

9. Astor, Jacques, Dictionnaire des noms de famille et noms de lieux de la France, Millau, Éditions du Beffroi, 2002, p. 401.

10. Compan, André, Étude d’anthroponymie provençale, Paris, Champion, 1976, t. 2, pp. 560 ; 734.

11. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1968, p. 157, b ; p. 17, a.

12. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 13, a. Morlet, Marie-Thérèse, Dictionnaire étymologique des noms de famille, Paris, Perrin, 1991, p. 51, a.

13. Astor, Jacques, op. cit., 2002, p. 260.

14. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 406, b. Dauzat, Albert, Les noms de famille de France, Paris, Guénégaud, 1977 [1949], p. 175. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., p. 651, a.

15. Dauzat, Albert, op. cit., 1977 [1949], pp. 94, 125. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, p. 728, b.

16. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 17, a. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, t. 1, p. 60, a.

17. Duhamel-Amado, Claudie, Genèse des lignages méridionaux, CNRS, Université de Toulouse-Le Mirail, 2007, t. 2, p. 147.

18. Dauzat, Albert, op. cit., 1977 [1949], p. 109. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, t. 1, p. 962, a.

19. Hamlin, Frank R., op. cit., 2000 [1983], p. 254, a.

20. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1968, t. 1, p. 18, a.

21. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991,p. 128, a.

22. Bourciez, Jean et Édouard, Phonétique française, Paris, Klincksieck, 1971, § 73.

23. Mistral, Frédéric, Lou Tresor dòu Felibrige, Avignon, Roumanille, 1878, t. 1, p. 644, c. La prononciation devrait donc être [k.rnil], et non [kornil] comme cela a été prononcé par un témoin lors de nos enquêtes sur la commune de Lacoste.

24. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 148, a.

25. Provost, Michel et alli, Carte archéologique de la Gaule, Le Gard, 30/3, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1999, p. 812, b. Ugolini, Daniela, Olive, Christian, Carte archéologique de la Gaule, Le Biterrois, 34/5, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2013, pp. 197, a ; 575, a.

26. Mistral, Frédéric, op. cit., 1878, t. 2, p. 49, c. Lou Tresor dòu Felibrige, t. 2, p. 49, c : « Germane, nom de famille ». Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, p. 456, b. Astor, Jacques, op. cit., 2002, p. 379.

27. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, p. 705, a. Astor, Jacques, op. cit., 2002, p. 525.

28. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 529, a.

29. Dauzat, Albert, op. cit., 1977 [1949], p. 174. Astor, Jacques, op. cit., 2002, p. 717.

30. Alibert, Loïs, Gramatica occitana, Montpelhièr, CEO, 1976, p. 370.

31. Alibert, Loïs, op. cit., 1976, p. 364.

32. Sur le phénomène de la dissimilation, voir Ronjat, Jules, Grammaire istorique des parlers provençaux, Montpellier, Société des Langues Romanes, 1932, t. 2, § 415.

33. Morlet, Marie-Thérèse, op. cit., 1991, p. 835, b ; p. 864, b.

34. Hamlin, Frank R., op. cit., 2000 [1983], p. 182, b.

35. Hamlin, Frank R., op. cit., 2000 [1983], p. 22, a.

36. Hamlin, Frank R., op. cit., 2000 [1983], p. 120, a.

37. Wartburg, Von Walther, op. cit., 1960, vol. X, p. 67, a – 68, b.

38. Furetière, Antoine, Dictionnaire universel, La-Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690, t. 3.

39. Bourcet, général, Mémoires sur les reconnaissances militaires, Paris, Librairie Militaire, 1875 [1765].

40. Vallongue, général, « Essai sur les reconnaissances militaires », Mémorial du dépôt de la guerre, Paris, Piquet et Anselin, 1830 [1802­1803], t. 1.

41. Wartburg, Von Walther, op. cit., 1960, vol. X, p. 424, b.

42. Trévoux, Supplément au dictionnaire universel françois et latin vulgairement appellé Dictionnaire de Trévoux, Nancy, Pierre Antoine, éd. de 1738, t. 5, col. 1680. Il donne comme acceptions « creux », « pente », « endroit où deux revers de pavés se rejoignent et par où s’écoulent les eaux pluviales tant dans la ville que dans la campagne », « eaux qui coulent de source ou autrement dans un lit ou canal ».

43. Sanson d’Abbeville, Introduction à la géographie, Paris, chez l’auteur aux Galleries du Louvre, 1681, p. 42.

44. Wartburg, Von Walther, op. cit., 1957, vol. XIV, p. 137.

45. Wartburg, Von Walther, op. cit., 1928, vol. I, p. 82, b.

46. Mistral, Frédéric, op. cit., 1878, t. 1, p. 485, a.

47. Dauzat, Albert, op. cit., 1951, p. 475, a, b. Mistral, Frédéric, op. cit., 1878. t. 2, p. 521, b : à l’entrée Peirigno, il donne la forme Laperrine comme nom de famille languedocien.

48. Camproux, Charles, Essai de géographie linguistique du Gévaudan, Paris, PUF, 1962, t. 2, p. 589.

49. Cet inventaire partiel des noms de lieux, de chemins et de cours d’eau n’offre qu’un aperçu incomplet de l’ensemble de notre corpus sur la commune de Lacoste. Le dictionnaire des noms de lieux de la commune de Lacoste est à faire.