Le Larzac et le photovoltaïque « SOLARZAC »

* Professeur émérite de Géographie de l’Université Paul Valéry,
Président du Conseil Scientifique Consultatif et de Suivi des Études auprès de la société Arkolia énergies.
** Ingénieure dans le secteur des énergies renouvelables, Chef de projet Arkolia Énergies.
*** Cartographe CEPEL, Université Montpellier.

[Texte intégral]

« Aquel país semblava de se negar dins lo cèl coma dins una mar de lutz e de solesa. »

[Ce pays semblait se noyer dans le ciel comme dans une mer de lumière et de solitude.]

Roland Pécout, 1986, L’Envòl de la Tartana
[Traduction M.-J. Verny,
Professeure Université Paul Valéry, Montpellier.]

« Ce pays est comme la mer
Comme un océan de silences
Et de bruits
D’hommes et de bêtes
De couleurs sévères
Et de toutes sortes de plantes
 »

Cardabèla

Introduction

Larzac, le nom résonne comme terre de résistance et de lutte (Luta del Larzac, mouvement de désobéissance civile des années 1970 contre l’expropriation étatique de quelque 15 000 ha en faveur de l’extension du camp militaire du Larzac), d’affirmation identitaire que symbolise le slogan Gardarem lo Larzac (Nous garderons le Larzac) devenu véritable cri de ralliement et de convergence. Territoire de vie au travers de ses petites communes, Millau et Lodève animatrices en ses périphéries, le Larzac est un haut plateau aux horizons dénudés et fuyants, un paysage de nature marqué par une hyper ruralité. Les populations y sont âgées, les revenus comme les densités faibles. Ce tiers-espace longtemps isolé est une des scènes majeures de l’agro-pastoralisme retenu comme critère fondateur de l’entité géographique caussenarde par l’UNESCO. S’y dessine un système de gestion partagée entre communes, intercommunalité (l’EPCI 1 Lodévois et Larzac, 28 communes associées), Département, Région et État, mais aussi les structures spécifiques des parcs (Naturel Régional des Grands Causses, National des Cévennes gestionnaire majeur du bien UNESCO Causses et Cévennes inscrit au patrimoine mondial depuis 2011) et de l’entente interdépartementale des Causses et des Cévennes. Pour souligner les enjeux majeurs de son développement, la valorisation de ses patrimoines et paysages, de ses eaux, de surface et de profondeur, de sa mise en valeur agricole pastorale et de ses villages comme autant d’unités de vie.

Pays de grands espaces et de vastes solitudes – quelque 15 000 habitants dont la moitié à Lodève pour environ 1 000 km² – le Larzac dispose avec le soleil d’une ressource majeure non exploitée à son échelle, un potentiel important pour construire une stratégie de développement innovante, créatrice de valeur économique dont les citoyens et les collectivités territoriales pourront tirer avantage. Par ailleurs, le sillon de l’A75 a singulièrement rapproché le causse de ses avants pays millavois, lodévois, Cœur d’Hérault, jusqu’à la métropole montpelliéraine, au point de pouvoir construire des solidarités nouvelles, inédites.

Le projet SOLARZAC de valorisation du rayonnement solaire par une centrale photovoltaïque s’inscrit au sein de la trajectoire économique des divers plans énergétiques territoriaux, reposant sur l’ambition de développement des énergies renouvelables pour assurer « la transition énergétique, sociale et solidaire » : objectifs fixés au niveau national, coordination des actions et mise en cohérence au niveau régional, projets de territoire au niveau local.

1. Le photovoltaïque : enjeu énergétique pour les territoires.

Le solaire photovoltaïque, une énergie bon marché, la plus compétitive, « leader des énergies renouvelables, disponible, abondante et sans limite, joue un rôle clé pour le développement des territoire » 2. Au niveau national, l’objectif gouvernemental est d’avoir installé 44 GW de capacité solaire en 2028, la capacité actuelle étant de l’ordre de 10 GW. Ce qui impose une forte mobilisation des initiatives pour construire une filière performante et un engagement soutenu des collectivités territoriales. « La transition énergétique représente une véritable opportunité de développement durable des territoires » (SDEC énergies, Syndicat Départemental d’Énergies du Calvados). Les collectivités territoriales sont en effet devenues des acteurs de premier plan pour mettre en œuvre les réponses à cet objectif et les stratégies locales d’adaptation au changement climatique. Le Plan Climat-Air-Énergie Territorial (PCAET) obligatoire pour les EPCI de plus de 20 000 habitants est une démarche de développement durable territoriale centrée sur la transition énergétique 3. La communauté de communes Lodévois et Larzac est intégrée au Sydel 4 du Pays Cœur d’Hérault qui a engagé volontairement un PCAET, le PNR Grands Causses gérant celui des communautés de communes voisines 5. Les travaux et publications du CEREMA 6, du CERDD 7 et de l’ADEME 8 par exemple soulignent combien les dynamiques de territorialisation des enjeux énergétiques, dont ceux des énergies renouvelables qui deviennent prioritaires, sont en relation étroite avec la transition écologique, nouveau modèle économique et social. Les potentiels d’énergies renouvelables locales sont à développer pour que les collectivités s’inscrivent dans la trajectoire de la COP 21 (Conference of parties, Conférence internationale sur le climat organisée à Paris en 2015) et de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV 2015).

Part du solaire dans la puissance électrique installée.
Fig. 1 Part du solaire dans la puissance électrique installée.

Depuis une vingtaine d’années, « Le cadre législatif se structure et invite chaque territoire à y tenir son rôle » (ADEME), l’enjeu énergétique étant affiché au niveau local, à l’échelle de la commune, et supra-local, de l’échelle de l’EPCI à celle de la Région. La compétence « production d’énergie renouvelable » est ainsi affirmée et partagée, la région Occitanie se donnant comme ambition d’en multiplier par trois la production à l’horizon 2050 à partir de quatre sources principales, le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité et le bois

2. Les programmes régionaux RÉPOS et HyDéO

Par décision prise en 2016, la Région Occitanie s’est engagée sur le principe de la transition énergétique avec comme objectif principal d’être « la première région à énergie positive (RÉPOS) d’Europe à l’horizon 2050 9 selon une trajectoire ambitieuse et réaliste ». Ce qui sous-entend une réduction de la consommation d’énergie (sobriété et efficacité énergétiques) et une couverture des besoins par un mix énergétique dans lequel prédominent les énergies renouvelables locales.

Concernant le photovoltaïque le scénario RÉPOS 1.0 repose sur une forte augmentation de la puissance installée (de 1 276 MW 10 en 2015 (production de 1604 GWh) à 6 930 MW en 2030 et 15 070 MW en 2050) impliquant des installations sur de vastes surfaces, bien au-delà des toitures et brise-soleil. En complément et pour répondre à la variabilité de la production d’électricité (souvent des excès en période estivale de moindre consommation et de plus forte production) et à la demande future de l’hydrogène pour les transports et les mobilités, la Région a mis en place en 2019 le plan « Hydrogène Vert Occitanie » (150 millions de budget) pour faire de la région « le fer de lance de la filière hydrogène » en minimisant la part de « l’hydrogène gris » issu du pétrole. L’agence de développement régionale AD’OCC et son référent HyDéO 11 comme pôle de reconnaissance ont retenu en 2020, neuf projets déposés lors de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) du Ministère représentant quelque 460 millions d’euros d’investissements et la création d’environ 3 500 emplois à terme. La stratégie régionale a été dévoilée lors de la journée HyDéO du 6 novembre 2019 autour des enjeux des « mobilités hydrogène » véritable opportunité pour développer une filière industrielle innovante. Après le corridor H2 qui maillera le couloir languedocien à partir de l’usine de production de Port-La-Nouvelle, l’A75 pourrait confirmer sa vocation de deuxième axe structurant de l’espace régional du Languedoc sur la base du déploiement de l’hydrogène issu du photovoltaïque local pour les mobilités lourdes.

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale.
Fig. 2 Part des énergies renouvelables dans la consommation finale.

RÉPOS et HyDéO vont profondément modifier le paysage énergétique régional en termes de production de telle sorte qu’en 2050 les productions d’énergies renouvelables soient légèrement supérieures à l’ensemble des consommations (77 000 GWh dont quelque 22 000 GWh pour le photovoltaïque contre 75 000). Ce qui sous-entend une vision stratégique du territoire renouvelée avec une mobilisation optimale de la ressource renouvelable notamment solaire selon des synergies locales et supra locales. A ce propos, les projets de grande taille offrent des opportunités intéressantes pour les collectivités territoriales notamment en ce qui concerne les retombées économiques et sociales (emploi, activités, image…) et financières (impôts locaux, contribution économique territoriale). Ils constituent des leviers intéressants pour ajouter de la valeur, stimuler le développement économique et compenser le relatif retrait des aides de l’État.

3. SOLARZAC Un projet régional sur le Larzac

Solarzac, projet d’envergure régionale conduit par la société Arkolia Énergies sur la commune du Cros, domaine de Calmels, est à même d’enrichir l’axe de coordination de la transition énergétique et de contribuer à la stratégie que la région Occitanie a retenue dans son Schéma Régional de l’Aménagement, du Développement Durable et de l’Égalité des Territoires (SRADDET Occitanie 2040 arrêté le 19 décembre 2019). Deux lignes directrices en fondent le devenir : « un rééquilibrage régional » notamment en termes de services publics et d’activités pour renforcer l’égalité des territoires et surtout la mise en chantier « d’un nouveau modèle de développement pour répondre à l’urgence climatique par la valorisation des ressources et la transition énergétique » dont les énergies renouvelables sont un des piliers majeurs.

Le domaine de Calmels couvre quelque 1 100 ha dont plus de 800 sur la commune du Cros (Hérault) et près de 300 sur celle de Campestre-et-Luc (Gard), au-delà des gorges de la Virenque, sur le lieu-dit Luc qui évoque la colonie pénitentiaire agricole, bagne pour enfants, créée en 1856, exploitant en particulier l’abîme de Saint-Ferron pour la fabrication de fromage de roquefort. Initialement, le domaine est lié à la transhumance ovine vers le massif du Lingas et les hautes terres de l’Aigoual. Il n’en conserve que les images suite aux nombreux changements de propriétaires et d’exploitants tout au long de la seconde moitié du XXe siècle et à l’abandon progressif de l’élevage des brebis caussenardes. Il est aujourd’hui entièrement clôturé et utilisé par une chasse commerciale qui en privatise l’usage et a singulièrement dégradé ses sols.

Puissance installée et part des énergies renouvelables.
Fig. 3 Puissance installée et part des énergies renouvelables.

3.1 Le projet photovoltaïque

En 2018, le propriétaire actuel souhaite abandonner son activité de chasse et orienter celle-ci vers les énergies vertes. Après une consultation, il choisit la société Arkolia Énergies pour développer un projet EnR (énergie renouvelable). L’opportunité d’une centrale photovoltaïque au sol s’impose rapidement : relief adapté, domaine isolé et retiré, relief apte à limiter la gêne esthétique sur le plan visuel, fort ensoleillement. Les retours d’expériences des parcs solaires au sol confortent en outre la compatibilité de la co-activité photovoltaïque et agriculture notamment l’élevage ovin, permettant au projet de s’accorder au fondement identitaire du plateau. Le nom en découle, Solarzac, associant Larzac et soleil, deux forces solidaires. La dimension du projet, son orientation technique, son importance économique et l’obligation d’Arkolia de l’insérer dans le contexte socio-politique local justifient une concertation préalable sous l’égide de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) selon l’article L 121-15 du code de l’environnement. Trois scénarios sont proposés pour avis lors de réunions publiques, ateliers et expositions itinérantes, dont un avec une option spécifique de conversion de l’électricité en gaz (filière de méthanation en réponse à la variabilité de la production d’électricité et au besoin de méthane vert).

Les trois scénarios du dossier de concertation12

Les trois scénarios du dossier de concertation
Tableau 1 Les trois scénarios du dossier de concertation

Le garant de la CNDP dans son rapport 13 préconise des études plus approfondies sur les volets environnementaux, paysagers, fonciers, juridiques et agricoles afin de répondre aux inquiétudes soulevées lors de la concertation et recommande la création d’un comité de suivi des études qui sera effectif dès novembre 2019 (Conseil Scientifique Consultatif et de Suivi des Études, CSCSE mis en place par Arkolia Énergies) avant toute élaboration de l’étude d’impact.

Dès la fin de l’année 2019, tenant compte du rapport du garant et du contenu des oppositions rencontrées sur le terrain (association paysanne, groupes d’écologistes…) le projet évolue vers une installation de 175 MWc (mégawatt crête soit la puissance maximale du dispositif de panneaux) capable d’alimenter en électricité hors chauffage 110 000 habitants et contribuer ainsi à fournir 65 % des besoins du Pays Cœur d’Hérault, le PCAET situant en 2015 la consommation locale à 359,5 GWh. Ceci avec ouverture du territoire, co-activité d’élevage, amélioration des valeurs paysagères et de l’écosystème sur l’ensemble du domaine selon les mesures énoncées sur le plan de la biodiversité : éviter, réduire, compenser. Au final, cette nouvelle version du projet valorise 200 ha pour la production d’énergie verte avec co-activité agricole (élevage et production fourragère) et permet la requalification de 800 ha de nature qui pourront être ouverts à de multiples usages sociaux (découverte, loisirs, parcours, protection…) suite au démantèlement de la clôture ceinturant le domaine de Calmels. Le Conseil scientifique a orienté le projet pour une meilleure insertion géographique et sociale et lui donner vocation à devenir un véritable projet de territoire ancré dans l’espace socio-économique et environnemental du Causse.

Production des EnR et consommation finale d’énergie
Fig. 4 Production des EnR et consommation finale d’énergie

3.2 Un projet pour le territoire

Quatre critères structurent le nouveau projet Solarzac dans sa version 2020 :

  1. Il contribue à la transition énergétique et écologique par sa dimension technique, sa valorisation optimale de la ressource solaire et son respect des conditions environnementales ;
  2. L’objectif d’autonomie énergétique du territoire supra local donne sens à l’insertion du projet au sein du Pays Cœur d’Hérault ;
  3. La valorisation des ressources du territoire – solaire, d’élevage, de nature – s’inscrit comme une priorité du projet qui repose sur les valeurs attribuées aux étendues du Larzac ;
  4. Le projet, point d’appui pour la stratégie énergétique régionale, va renforcer les solidarités et les synergies à l’échelle de l’espace géographique compris entre le littoral, la métropole montpelliéraine et les hauts plateaux des Causses.
Domaine de Calmels, poste de chasse privée. Source : Arkolia Énergies, 2019.
Fig. 5 Domaine de Calmels, poste de chasse privée.
Source : Arkolia Énergies, 2019.
Cohabitation de moutons et de panneaux solaires. Source : Arkolia Énergies, 2019.
Fig. 6 Cohabitation de moutons et de panneaux solaires.
Source : Arkolia Énergies, 2019.

La commune du Cros voisine du Cirque de Navacelles, est intégrée dans le périmètre du Bien Causses et Cévennes (3 144 km2) inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco, mais ni dans ceux du Parc National des Cévennes et du Parc Naturel Régional des Grands Causses malgré leur proximité. Le projet d’extension de ce dernier vers le Larzac héraultais est en cours d’analyse dans le cadre du renouvellement de son périmètre et de sa charte. Il devrait recevoir un avis favorable. Par contre, l’Entente interdépartementale Causses & Cévennes dont la mission est de mettre en œuvre les orientations de gestion du bien identifié « paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen » est directement concernée par le projet. Ce contexte administratif n’est pas sans conséquence sur le regard porté sur les caractéristiques du projet. Il se doit d’intégrer les principales orientations du plan de gestion notamment en ce qui concerne l’agropastoralisme comme pratique et patrimoine, les paysages, la biodiversité, le développement du tourisme et de « niches économiques » pour un « territoire pilote d’expérimentation et d’innovation ».

La richesse foncière du domaine de Calmels est un atout important pour un projet de territoire innovant qui inverse le rapport de propriété avec un transfert vers les collectivités et en diversifie les usages. Sur une base contractuelle, le loyer payé par l’exploitant, au titre de l’occupation du sol et des bâtiments existant sur le site, sera établi pour permettre à la collectivité future propriétaire (établissement public) de rembourser le prêt qu’elle aurait éventuellement contracté pour l’acquérir. A la fin du bail d’exploitation, le groupement public propriétaire des lieux sera organisateur de ses usages économiques, sociaux et culturels. Cette version est de plus en plus mise en œuvre dans les grands projets éoliens et photovoltaïques.

En plus des retombées locatives, les retombées fiscales non négligeables sont significatives à l’échelle des budgets des collectivités concernées. La commune, l’intercommunalité, le département, la région vont se répartir les impôts et taxes rattachés à l’exploitation photovoltaïque à savoir la taxe foncière, la contribution économique territoriale (CET, ancienne taxe professionnelle) reposant sur deux composantes la contribution foncière des entreprises (CFE) et la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) à laquelle sont assujetties les centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque.

Pour une installation de 175 MWc, la répartition des contributions peut ainsi être décomposée :

Estimation des contributions fiscales du projet SOLARZAC.
Tableau 2 Estimation des contributions fiscales du projet SOLARZAC.

Pour mener à bien la mise en œuvre du projet (investissement en capital par levée de fonds) et son insertion sociale, l’exploitant propose de prendre appui sur un financement participatif (crowdfunding) en dehors des circuits financiers institutionnels. Le financement participatif correspond alors à une prise de participation au capital de la société, les rémunérations (versement d’intérêts et avantages fiscaux) étant fixées par la loi. Le projet abonde parfaitement dans les logiques contemporaines, le secteur des énergies renouvelables et de la transition écologique faisant de plus en plus appel à la finance participative pour la réalisation des nouveaux projets. La Stratégie Nationale de Transition Écologique vers un Développement Durable (SNTEDD) en fait même un des leviers de la transition écologique, le label « Financement Participatif pour la croissance verte » ayant été officiellement créé en 2017.

La loi TECV 14 du 17 août 2015 accorde aux collectivités territoriales la possibilité d’investir en capital dans les sociétés portant des projets d’énergie renouvelable sur leur territoire ou à proximité. Cette faculté a été reconnue à toutes les collectivités, y compris aux EPCI, et a été renforcée par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, loi de réponse à l’urgence écologique pour sortir des énergies fossiles et faciliter le développement des énergies renouvelables. En parallèle, le financement participatif par les citoyens de ces mêmes projets a été grandement facilité.

Ces outils sont déterminants de la démarche pour à la fois, augmenter massivement la production d’énergies renouvelables, favoriser l’acceptabilité des projets et assurer des retombées économiques pour les territoires concernés.

Sur un projet standard, de faible intensité capitalistique, 40 % des fonds propres peuvent provenir du financement participatif. Les fonds propres représentent habituellement environ 20 % de l’investissement. Mais pour un projet de type Solarzac où l’investissement est élevé, ce seuil n’est guère réalisable. Arkolia Énergies prévoit donc d’ouvrir un financement participatif selon des modalités propres pour accentuer l’insertion territoriale et citoyenne du projet avec une base minimale de 500 000 € sans plafond.

3.3 Un projet de territoire

Tout projet portant sur une implantation territoriale doit répondre aux exigences des documents de planification régionaux (SRADDET notamment) et locaux, le SCoT 15 étant l’outil de base pour mettre en œuvre une planification stratégique intercommunale. Il qualifie le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du territoire, et constitue le cadre de référence des politiques sectorielles d’urbanisme et d’habitat, de développement économique, des mobilités… mais aussi celles relatives à l’environnement, au climat, à l’énergie. Le projet Solarzac en Lodévois et Larzac s’inscrit donc dans le SCoT du Pays « Cœur d’Hérault 2040 », vu comme un bassin de vie. Élaboré par le SYDEL, le PADD du SCoT a été validé par les élus en juin 2019. Associé à une évaluation environnementale (2018), il sera suivi du Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO) en cours d’élaboration. Les enjeux énergétique et climatiques font l’objet d’une attention particulière selon le principe prioritaire de la sobriété doublé d’un objectif de développement des énergies renouvelables pour atteindre une production de 670 GWh (EnR&R et de Récupération) à l’horizon 2050. Et franchir donc le seuil de 35 % des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale du Pays, en multipliant par 3,4 la production actuelle. Le SCoT, fidèle aux orientations du PCAET, engage donc la collectivité territoriale dans la transition énergétique en cohérence avec les objectifs régionaux. La progression des EnR s’entend dans « le respect des sensibilités et potentialités du territoire », le photovoltaïque disposant d’un fort potentiel de développement mobilisable notamment en termes de grands projets sur le territoire du Larzac.

Territorialisation des potentiels selon l’armature urbaine et par unité paysagère - Potentiels nets ENR (en GWh) à exploiter dans le respect des espaces agricoles, naturels et des paysages. Source, SCoT du Pays Cœur d’Hérault.
Tableau 3 Territorialisation des potentiels selon l’armature urbaine et par unité paysagère - Potentiels nets ENR (en GWh)
à exploiter dans le respect des espaces agricoles, naturels et des paysages. Source, SCoT du Pays Cœur d’Hérault.

Le projet Solarzac s’inscrit donc dans la logique locale de la transition énergétique et climatique que le Pays a défini, dans son PAECT relevant de la démarche régionale portée par l’ADEME (« Territoires en transition »), comme un enjeu déterminant de son développement. Un des objectifs de cette démarche de planification stratégique est d’assurer la croissance des EnR. En ce sens, le Pays a adhéré au réseau des « Territoire à Énergie Positive (TÉPOS) », le projet ne pouvant que conforter cette orientation.

Au-delà de sa dimension énergétique, le projet sur le domaine de Calmels peut s’énoncer comme un projet de territoire tant il prend place dans le regard et jugement de la population et des acteurs locaux en tant que grand projet dont la réalisation relève de leur assentiment. On sait combien aujourd’hui l’inacceptabilité de ceux-ci s’enracine alors que le processus conduisant à l’acceptabilité est lent, fragile, délicat, souvent aléatoire.

Les démarches d’information/ communication/ concertation 16 conduites par Arkolia tout au long de l’année 2019, auprès des populations locales, des associations, collectivités et administrations concernées par le projet ont été soulignées par le garant. Elles procèdent tout à la fois d’une obligation règlementaire et de la volonté de procéder à un meilleur ancrage du projet dans le territoire. Sur ce plan, de nombreux projets sont contestés au niveau local et les oppositions à Solarzac n’ont pas manqué qui critiquent un projet qualifié de « hors sol », de nature strictement industrielle. Contestation de citoyens engagés notamment au sein de la Confédération Paysanne ou d’associations pour la défense de l’environnement (Bien UNESCO et réseau des zones Natura 2000) et polémique récurrente ont nourri la controverse alors que les élus des différentes collectivités, les syndicats et organismes professionnels étaient plus partagés et leurs appréciations plus nuancées. Le phénomène « carte postale » du Larzac comme lieu de culture paysanne et de paysage agropastoral a servi d’argumentaire pour les opposants. Mais, au-delà, les questions environnementales et de biodiversité ont été dominantes lors de la phase de concertation. Les opposants ont aussi fait valoir le risque de voir d’autres projets de même nature s’implanter à la conquête des terres du plateau, au risque de provoquer une hausse des prix du foncier agricole et de freiner le développement des projets coopératifs et citoyens (EnRCC). Le projet n’était alors pas jugé en soi mais comme un objet n’ayant pas à trouver place sur cette terre caussenarde fortement et symboliquement appropriée.

Conclusion

Inscrit dans la stratégie nationale et régionale d’optimisation des EnR et dans la trajectoire du programme REPOS de la Région, Solarzac est un bel exemple de stratégie énergétique confrontée à la réalité sociale d’un territoire. Il représente une avancée plus que symbolique dans la reconquête agricole et pastorale du Causse, une requalification des sols et une ouverture aux usages de découverte du patrimoine de nature. Les bâtiments du domaine intégrés à la logique du projet énergétique constituent un potentiel intéressant en ce sens. Son modèle économique repose sur l’idée de partage de la richesse et sur la vision d’une réappropriation collective du terrain après exploitation de la ressource. Il participe aussi pleinement aux objectifs énergétiques de la communauté de communes et de l’avant-pays du Cœur d’Hérault. Il illustre bien la complexité du système de planification et d’aménagement du territoire.

Le cheminement de la décision politique 17 à partir de l’étude d’impact enrichie par des études complémentaires, et sur la base d’un projet réduit s’ouvre en 2020. Elle devrait déboucher sur une opérationnalité souhaitée par l’opérateur d’un projet qui fait converger, sur un site favorable et dans un contexte de valorisation de la ressource, traitement paysager, protection de la biodiversité et développement énergétique véritable enjeu de la transition.

BIBLIOGRAPHIE

ADEME : Photovoltaïque et collectivités territoriales, guide pour une approche de proximité, 2014, 82 p.

Arkolia Énergies : Dossier de la concertation préalable du parc énergétique Solarzac, 2019, 37 p.

Association négaWatt : Développer l’hydrogène, pourquoi et comment ? Note de positionnement. Disponible sur « https://www.negawatt.org/ » (consulté en septembre 2020).

Calidris : Expertises environnementales, Photovoltaïque et biodiversité, Étude bibliographique & retours d’expérience, 2019, 23 p. Disponible sur : « http://calidris.fr/ » (consulté en septembre 2020).

Entente Interdépartementale des Causses et des Cévennes : Paysage culturel, patrimoine mondial de l’UNESCO, OPP et territoires agropastoraux, exemples sur les Causses & Cévennes, s.d, 39 p.

Installations photovoltaïques au sol : Guide de l’étude d’impact, Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, 2010.

Plan d’action Unesco : Causses & Cévennes 2015-2021 Paysage culturel vivant de l’agropastoralisme méditerranéen, Construire un avenir commun, 159 p.

Région Occitanie : Programme RÉPOS, région à énergie positive, Scénario version 2, 2019.

CHANSEL 2020 : Chansel  (Julie), La demi victoire du Larzac contre Solarzac, Site Internet Sans transition !, 13 janvier 2020. Disponible sur : « http://www.sans-transition-magazine.info/ecologie/environnement-la-demi-victoire-du-larzac-contre-solarzac » (consulté en janvier 2020).

ELISSALDE 2002 : Elissade (Bernard), Une géographie des territoires, L’information géographique, volume 66, n° 3, 2002. pp. 193-205.

FRANQUEMAGNE 2009 : Franquemagne (Gaël), Les mobilisations socio-territoriales : le Larzac, une cause en mouvement, Doctorat en science politique, Institut d’Études Politiques de Bordeaux, 2009, 634 p.

ROLLET 2019 : Rollet (Catherine), Solarzac : Arkolia Énergies proposera un nouveau scénario d’ici un an, PV magazine, site Internet, 30 Octobre 2019. Disponible sur : « https://www.pv-magazine.fr/2019/10/30/solarzac-arkolia-energies-proposera-un-nouveau-scenario-dici-un-an/ ». (Consulté en septembre 2020).

NOTES

1. EPCI, Établissement Public de Coopération Intercommunale.

2. France Avenir Solaire, Guide de la Ville Solaire : Faites le pari de l’électricité solaire, site Internet, 2020.

3. Source DREAL Occitanie.

4. SYDEL Syndicat de développement local du Pays Cœur d’Hérault, 77 communes, 1 273 km², 82 000 habitants.

5. CC Saint Affricain Roquefort 7 vallons, Larzac et Vallées, Muse et Raspes du Tarn, Monts Rance et Rougier.

6. CEREMA : Centre d’Études et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement.

7. CERDD : Centre Ressource de Développement Durable.

8. ADEME Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (1991), devenue Agence de la Transition Écologique. Voir notamment les guides Planification et programmation énergétique territoriale, ADEME Nord-Pas-de-Calais-Picardie (2016) et La transition énergétique en action, pour la croissance verte (2014).

9. Scénario Région à énergie positive, Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, 2017. Le coefficient RÉPOS exprime le rapport entre la consommation d’énergie renouvelable produite en région et la demande finale en énergie (hors pertes du réseau).

10. MW (mégawatt) : unité de puissance, 1MW = 1 000 000 de watts soit 1 000 KiloWatts. MWh : la puissance (MW) multipliée par le nombre d’heures de fonctionnement (h). 1MWh = 1 000 KWh. GWh : GigaWattheure. 1 GWh = 1 000 000 Kwh. TWh TerraWattheure. 1TWh = 1 milliard de KWh.

11. HyDéO, Hydrogène Développement en Occitanie.

12. Le scénario 3 repose sur 3 technologies existantes, électrolyseur, collecteur de CO2 atmosphérique et méthanation biologique.

13. CNDP, Bilan du garant (Bruno Védrine), Projet SOLARZAC, concertation préalable, 2 mai-23 juillet 2019.

14. TECV : Transition Écologique pour la Croissance Verte.

15. SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale.

16. Arkolia Énergies, Dossier de concertation préalable du parc énergétique Solarzac, avril 2019.

17. De la commune et de l’intercommunalité à l’État avec avis des institutions concernées par l’implantation du projet.

Annexe 1 :

Les énergies renouvelables en Cœur d'Hérault Source : AREC, 2017
Tableau 4 Les énergies renouvelables en Cœur d'Hérault Source : AREC, 2017

Annexe 2 : (Sigles)

Sigles Descriptions
AD’OCC Agence de Développement d’Occitanie.
ADEME Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (1991), devenue Agence de la Transition Écologique.
CC Communauté de communes.
CERDD Centre Ressource de Développement Durable.
CEREMA Centre d'Études et d'expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement.
CNDP Commission nationale du débat public.
COP 21 Vingt-et-unième Conference of parties.
CSCSE Conseil Scientifique Consultatif et de Suivi des Études.
DOO Document d’Orientations et d’Objectifs.
DREAL Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
EnR Énergie renouvelable.
EnR&R Énergie Renouvelable et de Récupération.
EPCI Établissement public de coopération intercommunale.
ERC Éviter, Réduire, Compenser.
GW Gigawatt, unité de puissance qui désigne la capacité de production soit 109 watts.
GWh Quantité d’énergie produite par 1 GW en une heure.
HyDéO Hydrogène Développement en Occitanie.
MW (mégawatt) Unité de puissance qui désigne la capacité de production soit 106 watts.
Natura 2000 Réseau européen de protection des sites expressifs de la biodiversité.
PADD Projet d’Aménagement et de Développement Durables.
PCAET Plan Climat-Air-Énergie Territorial.
PNR Parc Naturel Régional.
Projet EnRCC Projet d’Énergie Renouvelable Coopératif et Citoyen.
RÉPOS Région à énergie positive.
SCoT Schéma de Cohérence Territoriale.
SDEC Syndicat Départemental d’Énergies du Calvados.
SNTEDD Stratégie Nationale de Transition Écologique vers un Développement Durable.
SRADDET Schéma Régional de l’Aménagement, du Développement Durable et de l’Égalité des Territoires.
Sydel Syndicat de Développement Local (Pays Cœur d’Hérault).
TECV Transition Écologique pour la Croissance Verte.
TÉPOS Territoire à Énergie Positive.
UNESCO Organisation des Nations Unies pour la Science, l’Éducation et la Culture.

Annexe 3 :

1. Zones Natura 2000

Les objectifs de Natura 2000 :

  1. Contribuer à conserver la biodiversité en maintenant le bon état de conservation des habitats et des espèces mentionnées par les Directives « Oiseaux » et « Habitats-Faune-Flore » ;
  2. Contribuer au développement durable des territoires :
  3. En s’appuyant sur un nouveau mode de gouvernance (gestion concertée d’un patrimoine commun) ;
  4. En favorisant une prise de conscience collective des enjeux écologiques.

« Chercher à concilier au sein des sites inscrits les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces avec les exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que les particularités régionales et locales. Ces sites ne sont pas des zones protégées où l’Homme serait exclu, et encore moins des sanctuaires de nature. Ils sont simplement des espaces gérés avec tous les usagers, de telle sorte qu’ils puissent préserver leurs richesses biologiques et leur identité en maintenant les activités humaines ».

2. Les décisions du maître d’ouvrage le 22 octobre 2019 auprès de la Commission Nationale du Débat Public :

Poursuivre les études en vue d’élaborer dans un délai d’un an un nouveau scénario de taille réduite, à forte dimension agricole et apportant des garanties supplémentaire en matière :

  1. de réduction de l’impact paysager et de protection de la biodiversité ;
  2. de limitation de la consommation en eau ;
  3. de création d’une activité agro-pastorale durable ;
  4. de reprise du foncier, actuellement privé, par le territoire ;
  5. de partage des retombées fiscales et des emplois créés par le projet.