Description
Le Patronage laïque municipal de Béziers,
une œuvre de jeunesse de la IIIe République au service du radicalisme
La création d’un centre communal de jeunesse à Béziers, d’un patronage laïque municipal ne paraît pas surprenante dans ce territoire, décrit comme le moins pratiquant du département de l’Hérault. En effet, dès la fin de XIXe siècle, Béziers est un territoire rétif à l’influence religieuse comme l’atteste ce jugement d’un missionnaire catholique, « si Notre-Seigneur reparaissait en terre, ce sont les gens de Béziers qui le crucifieraient à nouveau« . Toutefois en dépit de ce trait caractéristique se trouve à Béziers face à face deux types de structures d’encadrement de la jeunesse, deux patronages qui s’opposent : d’une part ceux qui sont dirigés par l’Église catholique et d’autre part ceux qui ne dépendent d’aucun pouvoir spirituel. Une question se pose tout de même, celle de la date de fondation du patronage communal laïque fin 1922-début 1923 : Pourquoi avoir attendu si longtemps pour mettre en place une structure laïque face aux structures confessionnelles ? Cette interrogation prend encore plus de relief à la lecture du registre des délibérations du Conseil municipal de Béziers, « il serait plus pratique de se préoccuper de la création à Béziers des œuvres post-scolaires qui nous manquent notamment les patronages laïques à opposer aux patronages libres organisés« . Cette déclaration est faite par Henri Signoret, adjoint au maire en novembre 1909. Ainsi, il aura fallu au moins 14 ans pour passer du vœu à la réalité.
Certaines remarques doivent être toutefois formulées, les années de guerre d’une part mais aussi l’existence d’autres œuvres de jeunesse peuvent expliquer ce long délai. Parmi les initiateurs de cette création, sont à retenir bien évidemment son premier président Jean-Jacques Martin ainsi qu’une figure emblématique de la vie associative biterroise, Antoine Moulin. Non seulement car il est le père de Jean Moulin, bien sûr, mais aussi et surtout par sa propre personnalité, son action et son engagement. Professeur au Lycée Henri IV, membre de l’Université populaire, les Patronages, qu’il met en place, ne sont pas seulement une entreprise pédagogique, ce sont aussi, et peut-être surtout une œuvre politique s’inscrivant dans la France de l’entre-deux-guerres pour le combat des valeurs laïques défendues par le Parti républicain radical et radical-socialiste dont il était un des élus. Car la création de ce patronage s’inscrit dans un mouvement national d’encadrement de la jeunesse en concurrence avec les institutions ecclésiales.
Les œuvres laïques et confessionnelles vont de pair à Béziers comme l’a démontré Paul Pistre. Toutefois, il faut tout de même bien comprendre les spécificités de chacune et notamment de celle qui nous intéresse le patronage laïque, la volonté de diffusion d’une culture républicaine. Celle-ci est caractérisée par « des références au passé, des exaltations aux périodes historiques privilégiées, une fidélité aux textes sacrés, aux grandes dates, aux grands hommes, aux pratiques politiques, juridiques, sociales et internationales. Elle fonde l’identité de la famille politique républicaine, constitue pour ses membres un élément de reconnaissance, possède un discours spécifique avec ses mots codés, joue comme un élément de communion pour ceux qui s’en réclament ».
L’action d’Antoine Moulin s’inscrit alors pleinement dans cette culture, la création des patronages communaux laïques est sans doute un exemple parmi d’autres de son engagement politique républicain. Le camp républicain veut enseigner ses valeurs, sa culture à la jeunesse et à besoin à cet effet du relais supplémentaire à l’école publique que sont les patronages. Cette création biterroise s’inscrit donc dans « l’air du temps » mais est-elle seulement créée en fonction de ses buts idéologiques ou bien tout simplement pour répondre à des besoins exprimés par la population de la cité ? Pour répondre à cette question fondamentale, une étude de l’institution (activités, dirigeants, participants) tout autant qu’une consacrée à aux initiateurs (Jean-Jacques Martin, Antoine Moulin) permettra de rendre compte des enjeux locaux. Toutefois comme ce phénomène s’inscrit dans le cadre national, le local ne peut pas être le seul terrain d’investigation. C’est pourquoi une approche comparative avec un autre territoire aux caractéristiques similaires, au niveau des rivalités religieuses et de la domination politique municipale radical-socialiste peut être très intéressante pour comprendre pourquoi la fondation d’un tel établissement a été jugé utile. Les patronages communaux laïques sont tout autant une institution d’encadrement et de formation de la jeunesse qu’une institution exprimant les valeurs républicaines par-delà les clivages locaux. Toutefois les modèles pédagogiques, eux, appartiennent à la « culture des patronages », c’est-à-dire qu’ils suivent un idéal-type au sens Webérien.
Ainsi à Béziers, les patronages communaux laïques sont tout autant une institution d’encadrement et de formation de la jeunesse qu’une institution exprimant les valeurs républicaines par-delà les clivages politiques locaux reflétant une période où les partis politiques de gauche faisaient de l’encadrement de la jeunesse une de leurs priorités. Les patronages ont vocation d’accueillir les enfants dont « l’âge limite est fixé à 6 ans minimum et à 13 ans maximum« . […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2005 |
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Nombre de pages | 14 |
Auteur(s) | Fabien NICOLAS |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |