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Description

Le barrage de la Meuse à Gignac (Hérault), 1860-1964.
Un exemple d’équipement hydraulique en Languedoc

L’histoire du barrage de la Meuse sur l’Hérault à Gignac est un exemple intéressant de la maîtrise d’un fleuve méditerranéen par une collectivité territoriale, pour assurer à un bourg rural languedocien l’approvisionnement en eau et la fourniture d’électricité.

L’éternelle question de l’eau

Située à proximité de l’Hérault, Gignac a toujours connu des problèmes pour son alimentation en eau.

Au XVIIe siècle, deux fontaines publiques, l’une sur la place Saint-Crépin (aujourd’hui place de Verdun), l’autre sur la place du Planol, étaient alimentées par la source Sainte- Claire.

Mais en raison de passages privés, la source perd de sa puissance. En 1766, la ville reçoit en donation la source qui alimentait le couvent des Récollets, gardiens du sanctuaire Notre-Dame-de-Grâce.

En 1783, le consul de Laurès fait entreprendre des travaux à la fontaine « Molière ». Sur une plaque de marbre blanc, il fit graver une inscription en latin, traduite par un gignacois, Ferdinand Mignon :

  • « Elle était autrefois souvent tarissable »
  • « Mais transformée par l’art, elle est inépuisable ».

« Inépuisable », elle le fut un temps, car au XIXe siècle, la question est à nouveau posée avec plus d’acuité il faut satisfaire les besoins domestiques d’une population plus nombreuse mais aussi répondre aux demandes croissantes de l’économie agricole et industrielle.

Tous les expédients au problème, comme la recherche de nouvelles sources, confiée à l’abbé Paramelle en 1841, ou deux ans plus tard, le captage des eaux pluviales pour les amener dans le puits du Planol, s’avèrent insuffisants.

Constatant l’insuffisance des sources qui alimentent la fontaine de la Place et la presque impossibilité d’en amener de nouvelles, le Conseil Municipal se décide à mieux adapter l’offre à la demande ; d’où l’idée de mettre en réserve pendant l’hiver et le printemps pour prévenir d’éventuelles ruptures d’approvisionnement lors des étés particulièrement secs. Le projet de construction d’un réservoir sous la promenade du Ravelin, présenté par Marc Rochier, devait donc renforcer le réservoir de la place du Marché. Évalué à neuf mille cinq cents francs, le projet est suspendu par le sous-préfet qui somme le Conseil Municipal de choisir entre la construction du réservoir ou la reconstruction de la Halle, sur la même place, en raison de l’insuffisance des ressources financières de la Commune. Les édiles refusant de trancher, une pétition signée le 8 octobre 1844 par cinquante-sept habitants réclame au préfet « l’exécution immédiate » du « réservoir de prévoyance », d’un « besoin de première nécessité » car il sera « précisément situé au centre du quartier le plus populeux, qui, n’ayant pour fournir à ses besoins qu’un puits public d’une faible capacité et oblige d’aller, journellement, s’approvisionner en eau à l’autre extrémité de la ville… ». Les pétitionnaires terminent par une considération d’ordre politique : « N’est-il pas de toute justice que les avantages que l’administration d’une ville peut procurer à ses habitants soient répartis entre eux sur un pied de parfaite égalité, alors qu’ils concourent très également aux charges publiques ? »

Le 22 octobre, pour toute réponse, le maire Pons écrit au sous-préfet une réponse méprisante : « tous les faits absurdes et mensongers que renferme la pétition mendiée à domicile par une tête malade et qui présente la signature de citoyens qui ne savent pas signer, je me contenterai de dire qu’il est des gens qui ne s’arrêtent à aucune considération et que s’il fallait accorder toute confiance à des réclamations de cette nature, il vous en serait adressé dans un sens contraire et vrai, avec trois fois plus de signatures données par des personnes armées du seul désir de faire le bien ! »

Cette affaire révèle, en premier lieu, que l’alimentation publique en eau est un élément de ségrégation sociale dont les premières victimes sont les habitants de condition modeste des faubourgs. Les notables qui dirigent la ville n’en font pas une priorité : la halle sera bien reconstruite, mais pas le réservoir, malgré l’injonction du Préfet du 17 juin 1846 qui « demande un nouveau projet de réservoir différent de celui de Rochier, à l’extrémité du Rivelin ». D’autre part, elle montre les limites des ouvrages mis en œuvre jusqu’alors : les collectages des sources, les constructions d’aqueducs, les captages d’eaux pluviales et la technique des réservoirs de prévoyance n’avaient pu éliminer le désagrément des pénuries estivales. Seule l’idée d’amener l’eau de l’Hérault dans la ville par le moyen d’une machine hydraulique permettait d’envisager une alimentation abondante, pérenne, donc définitive, pour satisfaire les besoins publics ou privés de la ville. En attendant la Municipalité devait se résoudre, les années de sécheresse, à affermer des puits privés. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1994

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Jacques BASSET

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf