La situation sanitaire dans le département de l’Hérault
au cœur des années noires 1942-1944

* Docteur en Histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier III

Un affaiblissement des organismes

Devant l’impossibilité de reconvertir son économie centrée sur la viticulture, le département de l’Hérault souffre des pénuries alimentaires dès la fin de l’année 1940. Face aux difficultés, les premiers soubresauts populaires sont relevés au début de l’année 1942 par les forces de police de Vichy. Le 20 janvier, à Pézenas, des ménagères manifestent un vif mécontentement devant les étals vides du marché 1. Le 4 février qui suit, alors que la situation ne s’est pas améliorée, quelques-unes se réunissent pour se rendre devant la mairie, avant de se raviser. Depuis le 27 janvier, ce marché, qui approvisionne près de 18 000 personnes (en comprenant les communes voisines), n’a reçu que 24 kilogrammes de légumes par jour, en moyenne. Une crise alimentaire sévit à Pézenas. Sur les trois cents enfants qui sont scolarisés, soixante ne sont pas normalement développés, ainsi que le constate le docteur Brunet, médecin des Services d’hygiène. La colère des Piscénoises éclate finalement le 7 février 1942 vers 9 heures. Alors que le marché n’offre que quelques coquillages rapidement vendus, et aucun légume, deux cent cinquante d’entre elles se présentent à la mairie pour réclamer une action urgente de l’édile Raoul Peuchot. En quelques heures, ce dernier parvient à obtenir huit tonnes de navets destinées à la coopérative de Pomérols. Les ménagères se retirent en applaudissant mais décident de se rendre chez le grossiste Garcia qui fait, depuis plusieurs mois, l’objet de vives critiques sur la gestion de ses stocks. Tandis qu’elles ont obtenu l’assurance d’une livraison rapide des navets par la femme de Garcia, les Piscénoises se déplacent également chez le sieur Pailhades, autre grossiste et répartiteur en épicerie accusé par la rumeur publique de détenir un important stock clandestin de denrées. Arrivé sur les lieux pour comprendre les raisons de la colère de ces ménagères, le commissaire Metge reçoit l’explication suivante : « Il est impossible que la population crève de faim alors que l’entrepôt de Pailhades regorge de marchandises ». Sous la pression, et à la demande de Raoul Peuchot, ce dernier distribue la ration de pâtes prévue pour le 9 février, ce qui contente les nombreuses Piscénoises qui se dispersent rapidement. Quelques heures plus tard, les navets promis arrivent sur les étals. Comme le signale le commissaire principal, chef des RG du secteur de Sète, « il s’agit de raves de très mauvaise qualité destinées habituellement à la nourriture du bétail » 2.

Alors que se termine l’année 1942, après deux années de privations, la population Héraultaise a physiquement changé. L’état de santé général est très préoccupant, notamment chez les groupes déjà fragiles tels que les enfants et les personnes âgées. À Montpellier, qu’Henri Amouroux qualifie d’une des huit villes les plus « déshéritées » 3 de France, où le préfet délégué estime le nombre de sous-alimentés à 25 000 (environ un quart de la population) 4, Jean Baumel le constate quotidiennement. Au début de l’année 1944, le secrétaire général de la mairie note : « Les vieillards maigrissent à vue d’œil et les jeunes enfants, privés de lait, sont atteints de cachexie » 5. Comme le signalent, par ailleurs, Éric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon et Gilles Gauvin, à la veille de l’occupation allemande en zone sud, sur 25 440 enfants examinés à Clermont-Ferrand, Marseille, Montpellier et Toulouse, le poids moyen des garçons et des filles était, selon l’âge, inférieur d’un à sept kilos, comparativement aux moyennes de 1938 6. La taille des garçons connaissait, d’autre part, un déficit d’un à cinq centimètres et celle des filles d’un centimètre et demi à deux centimètres. Les ménagères sont aussi affaiblies et prennent quotidiennement des risques pour nourrir leur famille. Faisant la queue été comme hiver, elles s’exposent aux insolations, mais aussi aux maladies contagieuses que la promiscuité aide à diffuser largement. Pour se protéger du froid, certaines, surtout les plus jeunes, n’hésitent pas à porter des pantalons de ski ou créent des « costumes de queue » composés de plusieurs épaisseurs de laine et de chaussures fourrées, quitte à rompre avec les codes de la mode et s’attirer les foudres des partisans les plus zélés de la Révolution nationale 7.

Les entreprises pharmaceutiques profitent de cette faiblesse générale des organismes pour tenter d’augmenter les ventes de leurs produits. Le 15 décembre 1942, dans Le Petit Méridional, les Héraultais peuvent découvrir une publicité pour les tisanes Vichyflore : « Migraines, nervosité, fatigue générale ? (Fig.1) Ces troubles et bien d’autres encore : mauvaise digestion, nausées, renvois, ballonnements, constipation, fermentations intestinales, points au côté droit, langue chargée, amertume de la bouche… cessent rapidement quand on prend, après le dîner, une tasse de l’excellente tisane Vichyflore. Résultats garantis. Goût excellent, 10 francs 20 la boîte. Disponible dans toutes les pharmacies » 8. Pour avoir des « articulations assouplies » après de longues heures de patience dans les files devant les commerces, les Héraultaises qui souffrent de rhumatismes peuvent aussi utiliser Gandol. Ce « puissant » antirhumatismal calme, élimine l’acide urique et soulage rapidement, si l’on en croit l’annonce 9. En ces temps difficiles, beaucoup d’habitants du département sont également soumis au surmenage, au stress et à la fatigue nerveuse. Comme il est stipulé dans Le Petit Méridional du 27 mars 1944, les Dragées de Magnogène peuvent apporter la solution : « Abattement, manque de volonté, idées noires, angoisses, irritabilité, agitation, cauchemars, insomnies, maux de tête, de dos, perte des forces… Quand nos nerfs sont surmenés, nous ne tardons pas à connaître les troubles indiqués ci-dessus et bien d’autres encore. On peut alors essayer le traitement magnésien par les Dragées de Magnogène. Grâce au Magnogène, le système nerveux est nourri, équilibré, « rechargé ». Le sommeil redevient paisible, la résistance à la fatigue augmente, on se sent de jour en jour plus vigoureux, plus maître de ses nerfs. La puissance physique et intellectuelle, la capacité de travail s’accroissent. Les Dragées de Magnogène sont en vente dans toutes les pharmacies » 10.

Publicités pour faire face aux pénuries à moindre coût.
Fig. 1 Publicités pour faire face aux pénuries à moindre coût.
L’Éclair des 8 janvier, 10 février, 14 septembre, 14 octobre et 13 décembre 1943

À l’échelon national, l’étude de référence d’Alfred Sauvy a révélé que la mortalité en France avait augmenté de manière moins forte que ce qui avait été prévu après le désastre de 1940 11. Si, en 1939, on comptait 642 000 décès en métropole (Alsace-Moselle non comprise), soit un taux de mortalité de 15,5 ‰, le pays dénombre 654 000 décès en 1942, soit un taux de 16,9 ‰, et 677 000 décès en 1944, ce qui porte le taux à 17,8 ‰. Il en va de même pour la mortalité infantile. De 64 ‰ en 1939, elle atteint 70 ‰ en 1941, 74 ‰ en 1942, 78 ‰ en 1943, et 79 ‰ en 1944 12. Si ces données sont « presque inespérées », pour Alfred Sauvy, elles doivent cependant être nuancées. Il existe, en réalité, de fortes disparités entre les départements qui disposent de ressources alimentaires satisfaisantes, où la consommation d’alcool diminue, et les départements viticoles, comme l’Hérault, qui ne possèdent que peu de cultures vivrières. Les données démographiques départementales sont révélatrices. Si, en 1938, on dénombrait 7 400 décès, on en compte 9 338 en 1940, et 9 532 en 1942, ce qui représente une hausse de près de 29 % de la mortalité. Comme le rappelle, à juste titre, Gérard Bouladou, cette année 1942 est celle où la mortalité est la plus forte depuis 1918 13. En comparant ces données avec celles de la natalité, l’écart est encore plus flagrant. On dénombrait 6 500 naissances en 1942 dans l’Hérault, ce qui représente un solde négatif de 3 032. En 1938, le solde était aussi négatif, mais se portait seulement à 1 832. Dans le cadre national, la natalité a très vite augmenté après la débâcle, atteignant, en 1942, un taux semblable à celui de 1938 (14,5 ‰), soit 573 000 naissances. Cette tendance exceptionnelle s’est poursuivie jusqu’en 1945, année au cours de laquelle débute le baby boom (613 000 naissances en 1943, 627 000 en 1944 et 640 000 en 1945, représentant respectivement des taux de 15,7, 16,2 et 16,6 ‰) 14. ( Fig. 2, Fig. 3)

Solde naturel dans le département de l'Hérault de 1938 à 1942
Fig. 2 Solde naturel dans le département de l'Hérault de 1938 à 1942
Naissances, décès
Fig. 3 Naissances, décès

Les Héraultais face aux épidémies

Pour manger en ces temps de crise, les Héraultais sont prêts à prendre des risques sur la qualité de la nourriture, ce qui provoque une augmentation du nombre des maladies à déclaration obligatoire. Cette hausse trouve également ses causes dans le manque d’hygiène et l’insalubrité croissante des villes qui n’ont plus les moyens matériels et financiers d’assumer correctement l’évacuation des divers déchets. À Montpellier, le ramassage des poubelles pose de sérieux problèmes, tant sanitaires qu’esthétiques. Le 27 novembre 1942, Le Petit Méridional écrit : « La présence tardive des poubelles sur nos trottoirs ne contribue pas à embellir une ville déjà sale pour toutes sortes de raisons. La police, avec un zèle qu’il faudrait louer en d’autres temps, s’emploie bien à faire rentrer les « pezettes » sitôt le passage des tombereaux, mais en pure perte car les Services de balayage n’ont plus le même horaire. En fait, ils n’ont pas d’horaires du tout. La faute en incombe au manque de nourriture de la cavalerie. Une quinzaine de bêtes viennent, en quelques jours, d’être mises hors d’état de servir. Comme on ne peut espérer les remplacer, il faut faire faire leur travail par celles qui restent, qui, les pauvres, tiennent debout comme elles peuvent. Les itinéraires sont modifiés et, dans certains quartiers, les tombereaux ne passent que dans l’après-midi, alors que les ménagères les attendent depuis le matin. C’est dire que beaucoup de personnes vaquent à leurs occupations à l’heure où elles devraient être chez elles pour rentrer leurs poubelles vidées. Dans ces conditions, on ne peut, pour l’esthétique et l’hygiène, que conseiller aux ménagères de rentrer le récipient dès qu’elles le peuvent ! À moins que l’on veuille en venir à une solution que nous avons déjà préconisée et qui serait autrement efficace, faire rentrer les poubelles par les boueux eux-mêmes » 15.

Le problème perdure. Près d’un an plus tard, à la fin du mois de décembre 1943, Le Petit Méridional se penche à nouveau sur la question des ordures à Montpellier à travers un article intitulé « La saleté de la ville ». Le ton est cette fois plus tranché. Le journal pointe du doigt le manque d’hygiène de certains Montpelliérains : « La saleté de la ville est une question qui ne semble toujours pas sur le point d’être résolue. Certaines rues privées et mêmes publiques, la rue Bayard par exemple, sont de véritables dépotoirs et nous ne sommes pas bien sûrs que quelques habitants ne jettent pas leurs détritus et leurs déchets par la fenêtre. Il n’est pas douteux que l’obscurité dans laquelle nous sommes longtemps restés plongés 16 a favorisé le penchant, hélas méridional, pour la saleté. Puisse la lumière revenue y mettre un frein. Mais n’y comptons pas trop, car ce que l’on voit en plein jour n’est guère encourageant. Un exemple entre dix : après le passage des « gadoues », les rues sont encombrées d’immondices tombées des poubelles, sans que, ni les boueux, ni les propriétaires ou concierges des immeubles ne s’en soucient le moins du monde. Comme nous le fait remarquer un de nos lecteurs, la saleté de la ville n’est pas due uniquement à l’absence de matériel ou à la rareté de la main-d’œuvre. L’absence de volonté y est bien aussi pour quelque chose » 17. Dans les campagnes, les rats prolifèrent également. Au mois de février 1943, des dégâts avaient été occasionnés dans les cultures et les greniers de l’Aude et de l’Hérault par les rongeurs, comme l’avait rapporté, dans la presse, le contrôleur Mattras du Service de la Protection des Végétaux 18.

Fragilité des organismes et manque d’hygiène ne font assurément pas bon ménage. Ces deux facteurs conjugués favorisent la diffusion de maladies et entraînent l’apparition de quelques épidémies. Outre les petits rhumes et les grosses grippes qui reviennent invariablement chaque année, pour lesquels Le Petit Méridional préconise de boire du rhum à la fin de 1942, des centaines d’Héraultais contractent de graves maladies qui font l’objet d’une déclaration obligatoire (selon la loi du 15 février 1902 et le décret du 16 mai 1936) 19. Trois d’entre elles prospèrent principalement avec la guerre dans le département : la fièvre typhoïde, la diphtérie et la brucellose.

La fièvre typhoïde, (Fig.4) aussi connue sous le nom de typhus abdominal, est provoquée par une bactérie de la famille des salmonelles. Elle se contracte souvent par l’ingestion d’eau ou d’aliments ayant subi une contamination fécale d’origine humaine 20. Après une période d’incubation d’une à trois semaines, une importante fièvre se déclare, accompagnée de maux de tête, d’anorexie, d’abattement 21, ainsi que de douleurs abdominales et de diarrhées. 

Cas de fièvre typhoïde dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944
Fig. 4 Cas de fièvre typhoïde dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944

Dans les formes bénignes, l’état du malade reste stationnaire mais, dans certaines formes plus sévères, des complications potentiellement mortelles peuvent apparaître au niveau de l’intestin, du cœur ou du système nerveux. Au total, en 1942, 235 cas sont déclarés dans le département, soit quatre-vingt-seize de plus qu’en 1941. L’année 1943 est celle où la maladie sévit avec le plus de rigueur, puisque 303 cas sont déclarés, avec un pic important durant l’été (43 cas en juin, 44 en juillet, 22 en août et 27 en septembre). La plupart du temps, les malades de la fièvre typhoïde survivent après avoir passé quelques jours difficiles. Les décès restent rares. Sur la période novembre 1942-août 1944, on en signale un à Villeneuve-lès-Béziers au mois de décembre 1942, deux autres en avril 1943 à Lunel et à Pinet (un enfant de 5 ans), et trois autres à Lunas aux mois juillet 1943 et de mai 1944.

Bien souvent, c’est la consommation de coquillages crus ou insuffisamment cuits, pêchés dans des eaux souillées, qui provoque la maladie. Au mois de décembre 1942, sur les 20 cas de fièvre officiellement recensés, cinq sont d’origine coquillière 22. En février 1943, ils sont dix-huit sur un total de 30 et encore neuf pour un total de 29 au mois de mars suivant. L’inspecteur régional des Pêches est toujours prévenu afin que des contrôles étroits soient entrepris sur les lieux de récolte et dans les ateliers où les coquillages sont manipulés, puis expédiés. S’il s’avère qu’ils sont responsables, des sanctions sévères peuvent être prises contre les conchyliculteurs peu précautionneux 23. La « maladie n° 1 » trouve également diverses origines : une canalisation d’eau potable qui passe trop près d’un égout, une consommation de fruits ou de légumes arrosés avec de l’eau souillée, une consommation d’eau issue d’un puits ou d’un cours d’eau contaminés, une consommation de lait cru, des fosses septiques mal vidangées, un séjour dans un camp d’internement, dans une colonie de vacances, un laborantin maladroit… Toutes ne sont pas toujours clairement identifiées par l’Inspection départementale de la Santé et de l’Assistance située au 14, rue Marcel de Serres à Montpellier et dirigée par le docteur Constantin Pappas.

Certains villages du Biterrois et du Lodévois sont particulièrement touchés par la fièvre typhoïde car ces secteurs ne sont pas assez pourvus en médecins inspecteurs adjoints chargés de contrôler périodiquement la qualité des eaux. Même s’ils sont présents, le manque d’essence les empêche très souvent de se rendre sur les lieux contaminés où les médecins traitants doivent faire face seuls. Au Poujol-sur-Orb, 7 cas se déclarent entre le mois de septembre 1942 et le mois de janvier 1943. Un médecin de Montpellier est finalement dépêché afin d’analyser l’eau, alors que différentes mesures prophylactiques sont prises comme la vidange des fosses septiques des lieux d’aisance publics 24. Laurens est aussi une commune où la fièvre sévit avec intensité durant la guerre. À partir du mois de janvier 1942, de nombreux cas sont fréquemment signalés sans que les autorités, malgré une enquête approfondie, ne parviennent à en déterminer l’origine. Ce n’est qu’au mois de novembre 1943, après que cinq cas se sont à nouveau déclarés, que les raisons de la contamination sont détectées. Selon le médecin local, il appert que cette épidémie, comme les précédentes, s’est déclarée après que le village a essuyé de violentes intempéries. La nappe phréatique dans laquelle la commune puise sa consommation courante a été contaminée par l’infiltration des eaux qui ont, à l’occasion, emporté des bactéries en surface. Aussitôt informé, le docteur Pappas demande au génie rural d’activer le projet d’assainissement qui avait été stoppé à cause des pénuries. Par mesure de précaution, le maire de Laurens est également invité à informer la population de ne plus consommer l’eau qu’après l’avoir fait correctement bouillir. Si deux Laurentiens sont encore touchés par la maladie en décembre suivant, l’épidémie est officiellement considérée comme terminée le 6 janvier 1944. D’autres petits foyers sont encore signalés jusqu’à la veille de la Libération. C’est le cas à Autignac (onze cas au mois de janvier et deux en février 1944) à cause de la défaillance du dispositif de filtration de la station de pompage communale, ou encore à Lunas (cinq cas au mois de mai 1944) où une famille entière a été contaminée à cause de l’un de ses membres qui avait bu de l’eau stagnante en montagne 25.

Il existe des variantes de la maladie, comme la fièvre paratyphoïde. Causée par une salmonelle qui peut être de différents types (sérotype Paratyphi A, B ou C), elle entraîne les mêmes symptômes que la fièvre typhoïde la plus fréquente (causée par le sérotype Typhi). À la fin du mois de mai et au début du mois de juin 1943, dix-huit enfants et jeunes adultes âgés de moins de 21 ans contractent la fièvre paratyphoïde B à Montpellier. Au mois de juillet suivant, de nouveaux cas sont signalés à Béziers, Lamalou-les-Bains, La Salvetat-sur-Agoût et Saint-Jean-de-Fos 26. Pour lutter efficacement contre ces fièvres, il existe le vaccin TAB qui immunise contre la fièvre typhoïde et les fièvres paratyphoïdes de type A et B, ou encore le vaccin DTTAB qui assure une protection supplémentaire contre la diphtérie et le tétanos. Pénuries obligent, les autorités éprouvent parfois de nombreuses difficultés pour faire acheminer les vaccins dans les foyers épidémiques, surtout le DTTAB, afin de protéger les personnes les plus fragiles et le personnel soignant.

Incontestablement, la maladie la plus dangereuse répandue dans le département est la diphtérie. Causée par plusieurs types de corynébactéries qui provoquent une infection des voies respiratoires supérieures pouvant conduire à la paralysie du système nerveux central ou du diaphragme et de la gorge, elle entraîne souvent la mort des malades non vaccinés 27. Hautement contagieuse, « la maladie n° 6 » se transmet généralement par des gouttelettes de salive, mais d’autres variantes peuvent se contracter par l’absorption de lait cru, par contact avec des animaux de compagnie ou des caprins. Tout au long de la guerre, le nombre de cas ne cesse d’augmenter (excepté une légère rechute en 1941), passant de 120 en 1939, à 154 en 1942, puis à 317 en 1944. (Fig. 5)

Cas de diphtérie dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944
Fig. 5 Cas de diphtérie dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944

À partir du mois d’octobre 1942, le docteur Schmutz, directeur de l’Inspection régionale de la Santé et de l’Assistance, constate une recrudescence du nombre de malades de la diphtérie dans le département 28. 28 cas, au total, se déclarent dans l’Hérault, dont douze pour la ville de Montpellier. Le chef-lieu héraultais subit une petite épidémie qui perdure pendant plusieurs semaines. Deux enfants contaminés à Saint-Affrique, dans l’Aveyron, y sont aussi hospitalisés. Ayant reçu des doses de sérum trop faibles quand ils ont été vaccinés, lorsque les premiers symptômes sont apparus, leur état a rapidement empiré. L’un d’eux perd la vie. En novembre suivant, le docteur Pappas signale encore la mort de deux enfants habitant Nissan-lèz-Enserune et Canet, tout en déplorant, une fois de plus, l’absence de médecins inspecteurs adjoints et le manque d’essence qui empêchent une réaction rapide des autorités (enquêtes auprès des familles, mesures de prophylaxie). Au cours du mois de décembre suivant, sur les 42 cas héraultais, trente-quatre sont encore déclarés à Montpellier. Outre quelques cas disséminés, il existe quatre petits foyers familiaux et scolaires. De nombreuses vaccinations sont effectuées par les médecins traitants. L’obligation de la mesure est rappelée dans la presse locale le 7 janvier 1943, alors que quatre nouveaux enfants perdent la vie 29. Comme les vaccins TAB, les vaccins antidiphtériques et antitétaniques (DT), manquent en ces temps de guerre. Les médecins sont parfois obligés d’utiliser leurs propres anatoxines antidiphtériques 30, en attendant que l’Institut Pasteur puisse répondre à la demande. Généralement, face à la menace de la diphtérie, les autorités réagissent avec exemplarité, compte tenu des moyens de l’heure. En janvier 1943, on dénombre encore 39 cas dans l’Hérault, dont vingt-cinq à Montpellier. D’autres communes sont également touchées comme Saint-Martin-de-Londres, Saint-Bauzille-de-Montmel, Saint-Mathieu-de-Tréviers, Le Triadou et Puilacher où, après qu’une fillette a été atteinte, les autorités injectent préventivement le DTTAB à ses dix frères et sœurs 31. Les maires et présidents de délégation spéciale jouent un rôle important dans le cadre de l’action sanitaire, d’autant plus que les médecins inspecteurs adjoints se font rares. Ils veillent à l’éloignement des éventuels frères et sœurs des malades, organisent les séances de vaccination et s’assurent de la désinfection des salles de classe. Si, en février, on compte encore 30 cas dans le département, dont douze à Montpellier, on en dénombre seulement 9 en mars, 6 en avril 32 et 2 en juin. Les différentes campagnes de vaccination et les diverses mesures prophylactiques ont porté leurs fruits. Près de dix enfants ont tout de même succombé à cette première épidémie dans l’Hérault 33.

De nouveaux cas sont signalés à partir du mois d’octobre, correspondant avec la rentrée des classes. C’est souvent à cause des conditions d’hygiène dans leur foyer que les enfants sont contaminés 34. Bien plus violente, cette seconde épidémie frappe le Biterrois. Un enfant meurt à Riols alors qu’à Neffiès le fils de l’institutrice est atteint. En accord avec l’Inspection académique, la rentrée des classes, prévue pour le 18 octobre, est reportée au 28, le temps que les locaux soient désinfectés et que la mère de l’enfant soit déclarée non porteuse des germes de la maladie. Malgré les efforts du docteur Pappas, la situation empire en novembre et en décembre où 62 et 77 cas sont respectivement signalés dans l’Hérault, dont douze mortels. À Roujan, Nizas, Magalas et Autignac, l’enseignement est suspendu tandis que les vaccinations avec les anatoxines antidiphtériques reprennent, puisque l’Institut Pasteur n’a pas encore livré ses vaccins DT qui n’arrivent qu’à la toute fin du mois de novembre. Grâce à cette livraison, le nombre de nouveaux cas déclarés baisse fortement, se portant à 38 et 25 en janvier et février 1944. Avec le concours des médecins généralistes 35, une campagne de vaccination est prioritairement organisée dans les villages touchés comme Péret, Montarnaud, Claret et Pérols, où six enfants d’une même famille ont été atteints, avant d’être hospitalisés à la clinique Pasteur de Montpellier 36. Les efforts entrepris par la Direction départementale de la Santé et de l’Assistance donnent d’excellents résultats. Au cours des mois de mars et d’avril qui suivent, 8 et 12 cas de diphtérie sont seulement signalés dans le département, bien que trois autres enfants perdent la vie à Puéchabon, Béziers et Lodève et que quelques petits foyers soient signalés à Béziers et Saint-Clément-de-Rivière. Jusqu’à la veille de la Libération, une dizaine de cas de diphtérie, en moyenne, sont relevés mensuellement par les services sanitaires. En mai 1944, un enfant décède au Caylar alors qu’à Murviel-lès-Béziers une école maternelle est fermée pour dix jours. En juin, 10 cas sont déclarés. Ils sont 6 en juillet et se portent à 24 en août, dont un petit foyer à Saint-Chinian où un nourrisson de deux mois perd la vie. Imposée par les autorités allemandes, l’évacuation des communes côtières n’aide pas à l’amélioration de ces données sanitaires depuis février 1944. Les réfugiés s’entassent dans les villes et les villages surpeuplés des hauts cantons où la promiscuité favorise la transmission de la maladie. La vaccination générale donne de très bons résultats, couplée à l’action rapide du Service départemental de Désinfection qui est chargé d’agir dans les communes rurales 37. Au total, 282 opérations ont été pratiquées par les deux postes du service en 1944. Malgré tous les efforts entrepris pour l’endiguer, cette seconde épidémie aura couté la vie à une vingtaine d’enfants héraultais.

La consommation de certains aliments contaminés entraîne également l’apparition de plusieurs cas de brucellose dans le département. Aussi appelée fièvre de Malte ou mélitococcie, cette maladie due à une bactérie de la famille des coccobacilles se transmet généralement des bovins, ovins et caprins à l’homme, par l’absorption de lait ou de fromage frais. D’une incubation qui peut s’avérer longue (plusieurs semaines), la brucellose se caractérise par une forte fièvre ondulante (son autre appellation), accompagnée de nombreuses douleurs articulaires, ainsi que de sueurs et, dans certains cas, de réactions hépatiques, méningées ou génitales. Cette maladie est sans aucun doute celle qui prolifère le plus à cause de la dégradation du ravitaillement et des conditions d’hygiène dans le département. Si on dénombrait seulement 7 cas de brucellose en 1939 et 4 en 1940, ils sont 31 en 1941, 63 en 1942, et 96 en 1944. (Fig.6)

Cas de brucellose dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944
Fig. 6 Cas de brucellose dans le département de l’Hérault de 1939 à 1944

Ce sont souvent les chèvres ou les brebis, détenues par les familles modestes, qui sont vectrices de la maladie dans les campagnes. Un premier cas de brucellose est signalé à Cazouls-lès-Béziers au mois de décembre 1942, tout comme à Lansargues au mois de janvier suivant. Les malades sont deux hommes qui avaient bu du lait frais. Les résultats des enquêtes menées par les autorités sanitaires sont toujours envoyés au directeur du Centre de recherches sur la fièvre ondulante et au directeur des Services vétérinaires départementaux. Quelques cas sont signalés dans les mois qui suivent à Lespignan, Lunel, Péret, Vendres, ainsi qu’à Montpellier où un habitant d’Arles est hospitalisé et décède des suites d’une néphrite. En plus de consommer du fromage frais, cet éleveur vivait au contact direct des animaux et manipulait régulièrement du fumier, deux autres facteurs de risque importants pour la contraction de la maladie. La commune de Cazouls-lès-Béziers est à nouveau touchée par la brucellose aux mois de mars et d’avril 1943. Cette petite épidémie se forme à cause de « l’augmentation du nombre de chèvres et de moutons », selon le docteur Pappas 38. Des mesures prophylactiques sont mises en place, notamment l’isolement des malades puisque, dans de très rares cas, la brucellose se transmet d’homme à homme. Ce premier développement de la maladie se termine en août quand les autorités ne relèvent plus que 4 cas dans l’Hérault, alors qu’on en dénombrait encore 15 en juillet précédent. Dans les mois qui suivent, on compte toujours moins de six cas dans le département 39. Pour ramener ce chiffre à zéro, le docteur Pappas envisage la vaccination antimélitococcique des personnes ayant été en contact avec des malades, ou un troupeau contaminé, dans la commune qui est la plus touchée : Vendres.

Si on signale encore quelques cas en novembre dans tout le département 40, ces mesures prophylactiques produisent leur effet très rapidement, puisque l’on ne dénombre aucun cas de fièvre ondulante dans l’Hérault en décembre 1943 et en janvier 1944. Malgré une légère reprise des contaminations en février (1 cas à Servian), et mars (3 cas dont un à Loupian dans une bergerie qui a été réquisitionnée par l’armée allemande) 41, ce n’est qu’à partir du mois de mai 1944 que l’on constate une franche hausse du nombre de malades de la brucellose. 19 cas sont déclarés, alors qu’ils n’étaient que 8 au mois d’avril. Il existe deux foyers principaux : Loupian-Mèze-Villeveyrac (huit cas) et Montpeyroux-Arboras-Saint-Jean-de-Fos (quatre cas). Les autres cas sont disséminés sur l’ensemble du territoire départemental. Les autorités éprouvent des difficultés pour enrayer l’épidémie à cause des pénuries et de la décision de l’occupant allemand de ne plus délivrer de permis de circulation. Dans un rapport, Constantin Pappas écrit :

« Bien que très gêné par le retrait de l’autorisation de circuler et les difficultés de déplacement, le Service départemental de désinfection s’efforce d’assurer la majorité des désinfections demandées, à la suite des cas de maladies contagieuses ou de tuberculose ». Au mois de juin suivant, 44 cas sont déclarés dont dix-huit à Villeveyrac où les malades avaient consommé du lait de chèvre frais et onze à Servian. La rechute s’amorce au mois de juillet, puisque l’on ne dénombre plus que 7 contaminations en Hérault, dont quatre dans la commune du Bosc 42. (Fig. 7)

Cas des autres maladies à déclaration obligatoire dans le département de l'Hérault de 1939 à 1944
Fig. 7 Cas des autres maladies à déclaration obligatoire dans le département de l'Hérault de 1939 à 1944

Dans une moindre mesure, on rencontre d’autres maladies à déclaration obligatoire dans l’Hérault, telles que la méningite à méningocoque (16 cas en 1941 – dont trois s’étaient déclarés au Chantier de jeunesse de Saint-Pons-de-Thomières – et 13 cas en 1943), la variole (1 cas en 1941), 13 544 doses vaccinales administrées en 1944), la dysenterie, la fièvre puerpérale (1 cas en 1944), ou encore la leptospirose (1 cas en 1943) et la poliomyélite. Autrement appelée paralysie infantile, cette maladie est provoquée par un picornavirus qui se répartit en trois sérotypes (1, 2 et 3), et se contracte, en règle générale, par voie oro-fécale, consécutivement à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés 43. Transmissible d’homme à homme par des gouttelettes de salive expulsées, ce « terrible fléau de l’enfance », comme il fut qualifié jadis, selon l’Institut Pasteur, affecte la moelle épinière, provoquant, dans certaines formes, de graves paralysies pouvant entraîner la mort. Si on ne compte que 4 cas en 1941 et 3 cas en 1944, 28 cas de poliomyélite sont signalés en 1943, année où une petite épidémie sévit dans le département. C’est à partir du mois d’août que les autorités sanitaires constatent une hausse des contaminations 44. L’épidémie n’a fait que se propager, en réalité, puisqu’elle sévissait déjà depuis plusieurs mois dans les départements voisins de l’Hérault. Douze malades sont hospitalisés à Montpellier. Six d’entre eux sont réellement des habitants du « Clapas ». Les autres sont originaires du Tarn, de l’Aveyron, du Gard et du Vaucluse. Les locaux occupés par les personnes touchées par la maladie sont désinfectés, alors que les objets leur ayant servi sont emportés. Malgré les craintes, le nombre de déclarations de poliomyélite baisse considérablement au mois de septembre (2 cas sont signalés à Cessenon-sur-Orb et Courniou), tout comme en octobre, où un membre d’un Chantier de jeunesse du Biterrois et une fillette originaire de Cruzy, âgée de 6 ans, sont hospitalisés à Montpellier. En décembre, janvier et février qui suivent, 5 nouvelles contaminations sont signalées. Une femme âgée de 30 ans décède des suites de la maladie à Béziers, une adolescente de 16 ans est atteinte d’une hémiparésie gauche avec complication de chorée, mais parvient à guérir, une fillette de 2 ans, originaire de Quarante, subit une paralysie de l’épaule droite, alors qu’à Saint-Martin-de-Londres, un garçon âgé de 11 ans survit à l’infection après avoir présenté une parésie des membres inférieurs. Quelques cas sont encore répertoriés dans les mois qui suivent, jusqu’à la Libération. Une fillette âgée de 18 mois, originaire de Vendres, est hospitalisée à Montpellier en mars 1944.

D’autres maladies infantiles plus courantes sont toujours présentes dans le département, comme c’est le cas de la rougeole. 422 cas sont signalés en 1939, 192 en 1941 et 135 en 1944. La dernière année de l’occupation allemande dans l’Hérault est caractérisée par une recrudescence des déclarations puisque l’on en dénombrait seulement 75 pour l’année 1943 45. De petits foyers épidémiques sont régulièrement signalés. En février, on relève dix-huit cas à Ganges et quelques autres dans les environs ; en avril, plusieurs malades sont atteints à Faugères, Causses-et-Veyran, ainsi que Montarnaud ; alors qu’en juillet et août, trente cas sont déclarés à Laurens et douze à Valflaunès. La scarlatine sévit elle aussi dans l’Hérault, surtout à l’est. Si 54 cas sont relevés en 1939, les autorités en comptent 32 en 1941, 70 en 1943, et 69 en 1944. Quelques cas sans gravité sont également relevés dans les secteurs de Montpellier et de Montbazin au mois de septembre 1943. En octobre suivant, 11 cas sont signalés, alors qu’en mars, avril et juin 1944, plusieurs enfants sont atteints à Montpellier et Ganges.

Plusieurs maladies ne font pas l’objet d’une déclaration obligatoire, mais sont néanmoins répertoriées par les autorités. C’est le cas de la tuberculose pulmonaire (61 cas en 1941, 17 cas en 1943, 53 cas en 1944, dont quatre décès à Vendémian, Pouzols, Lodève et Olonzac) 46, du tétanos (4 cas en 1944, dont au moins un décès à Montpellier au mois d’avril), de la coqueluche (43 cas en 1941, 9 cas en 1944), de la grippe, de la pneumonie, de l’érysipèle (1 cas en 1941), des oreillons (53 cas en 1941), de la varicelle, ou encore de la teigne (plusieurs cas chez des enfants arrivés en Hérault depuis le préventorium Saint-Michel de Lacaune dans le Tarn au mois de juin 1943). Les autorités surveillent également la rage. Cette maladie hautement contagieuse et irrémédiablement mortelle, si un vaccin antirabique n’est pas administré très rapidement après contact avec un animal malade, n’est pas prise à la légère. En ces temps de crise alimentaire, de nombreux chiens sont abandonnés par leurs maîtres qui ne peuvent plus les nourrir. À Montpellier, le Service de capture et de mise en fourrière, géré par le concessionnaire Denicourt, sous la responsabilité du vétérinaire municipal inspecteur sanitaire Dedieu, ne manque pas de travail. Même si les pénuries de carburant causent parfois quelques problèmes pour organiser les patrouilles, entre cinq et dix canidés sont mis en fourrière chaque semaine, en moyenne, dans le chef-lieu héraultais. Du 23 au 30 novembre 1942, six chiens sont capturés, trois le 25, et trois le 27 47. Ils sont treize du 14 au 28 décembre qui suivent 48. Les chiens abandonnés qui parviennent à quitter les villes sans être pris par la fourrière se trouvent très vite esseulés dans la nature risquant, en étant au contact d’autres animaux sauvages, ou en chassant, de contracter la rage. À notre connaissance, on ne relève qu’un seul cas de rage avéré dans le département de l’Hérault durant la guerre. Le 23 décembre 1943, un chien malade est aperçu dans les environs de Roujan, au lieu-dit Cour de Pastourel, par le vétérinaire gabianais Couderc 49. Accompagné d’un gendarme, l’homme se rend au lieu-dit et trouve l’animal. L’épicier Édouard Hugounenq, le propriétaire, est appelé et mis en présence de l’animal qu’il reconnaît. Le chien est aussitôt abattu et enterré. Une enquête précise est menée dans le village, pour savoir s’il avait été en contact avec d’autres animaux, ou si des morsures avaient été signalées.

Les études abordant en détail la situation sanitaire des départements durant les années noires étant peu nombreuses, à notre connaissance, il est difficile d’effectuer une analyse comparative pour savoir si le département de l’Hérault a été plus ou moins impacté que d’autres au cours de la période novembre 1942-août 1944 que nous venons d’analyser. Une chose est sûre, les pénuries alimentaires, l’affaiblissement des organismes et le manque d’hygiène ont été des facteurs déterminants dans l’apparition des maladies et leur propagation. Il en a découlé une augmentation sensible de la mortalité.

BIBLIOGRAPHIE

Archives départementales de l’Hérault

12 W : Sous-préfecture de Béziers

16 W : Service liquidateur des dépenses d’Occupation

18 W : Préfecture régionale

273 W et 352 W : Affaires sanitaires et sociales

1000 W : Cabinet du préfet

2147 W : Service des Renseignements généraux de Béziers

Ouvrages généraux

ALARY, VERGEZ-CHAIGNON, GAUVIN 2009 : ALARY (Éric), VERGEZ-CHAIGNON (Bénédicte), GAUVIN (Gilles), Les Français au quotidien 1939-1949, Paris ; Perrin, 2009, [2006], 605 pages.

AMOUROUX 2011 : AMOUROUX (Henri), La vie des Français sous l’Occupation, Sayat ; De Borée, 2011, [1961], 703 pages.

SAUVY 1978 : SAUVY (Alfred), La vie économique des Français de 1939 à 1945, Paris ; Flammarion, 1978, 255 pages.

VEILLON 1995 : VEILLON (Dominique), Vivre et Survivre en France 1939-1947, Paris ; Payot, 1995, 371 pages.

Ouvrages régionaux

BAUMEL 1974 : BAUMEL (Jean), De la guerre aux camps de concentration – Témoignages, Montpellier ; CGC, 1974, 182 pages.

BOULADOU 1992 : BOULADOU (Gérard), L’Hérault dans la Résistance 1940-1944, Nîmes ; Lacour/Colporteur, 1992, 207 pages.

CHAUBIN 2015 : CHAUBIN (Hélène), L’Hérault dans la guerre 1939-1945, Clermont-Ferrand ; De Borée, 2015, 377 pages.

SAGNES, MAURIN 1986 : SAGNES (Jean), MAURIN (Jules), L’Hérault dans la guerre 1939-1945 – La vie quotidienne sous l’Occupation, Le Coteau ; Horvath, 1986, 175 pages.

Journaux

L’Éclair et Le Petit Méridional

Site Internet

Institut Pasteur – https://www.pasteur.fr

NOTES

1. AD 34, 2147 W 498. On relève aussi de vives récriminations à Montpellier, Béziers et Sète.

2. Ibid.

3. Henri Amouroux écrit par ailleurs : « C’est à Montpellier que l’on mange le moins de pain, le moins de viande, le moins d’œufs, que l’on boit le moins de lait, mais, avec Bordeaux, le plus de vin ». Les huit villes déshéritées sont : Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Orléans, Reims et Toulouse. Amouroux 2011, 205.

4. Chaubin 2015, 181.

5. Baumel 1974, 76. La cachexie est un état d’affaiblissement généralisé dû, notamment, à une sévère dénutrition.

6. Alary, Vergez-Chaignon, Gauvin 2009, 161. Pour améliorer l’alimentation des plus petits, des distributions de lait chaud sucré, de riz au lait ou de jus de raisin sont régulièrement effectuées dans les écoles maternelles et primaires. Le jus de raisin est souvent de la marque Jurozé, fabriquée dans l’Hérault, à Nissan-lez-Enserune. D’après le témoignage d’André PIBRE et Le Petit Méridional du 15 juillet 1944, p. 2.

7. Veillon 1995, 127. Après-guerre, une enquête médicale réalisée à Montpellier révélera que, de 1940 à 1944, le nombre d’aménorrhées s’était considérablement accru, notamment à cause du stress et de la sous-alimentation. Sagnes, Maurin 1986, 34.

8. Le Petit Méridional du 15 décembre 1942, p. 2. Les milieux médicaux et pharmaceutiques ne sont pas épargnés par le marché noir et les hausses illicites de prix. Au mois de janvier 1944, dans la région de Bédarieux, la société biterroise Rouairoux aurait vendu, à plusieurs pharmaciens, des thermomètres vétérinaires à 54 francs l’unité pour un prix de 100 francs à la revente (environ 19,38 euros de 2019), alors que le coût habituel d’une telle pièce était fixé à 32 francs (environ 6,20 euros de 2019). AD 34, 1000 W 196.

9. Le Petit Méridional du 15 décembre 1942, p. 2. À l’échelle nationale, Dominique Veillon rapporte aussi la publicité pour les gouttes Florides qui soulagent les ménagères affligées de varices. Veillon 1995, 127-128.

10. Le Petit Méridional du 27 mars 1944, p. 2.

11. Sauvy 1978, 190.

12. Un sursaut est toutefois constaté en 1945, avec un taux de mortalité de 109 ‰. Ibid.

13. Bouladou 1992, 38. Les réfugiés de l’exode, physiquement diminués, ont également fait augmenter les données de la mortalité.

14. Sauvy 1978, 194.

15. Le Petit Méridional du 27 novembre 1942, p. 2. Comme il est stipulé dans l’article, le manque d’entretien de la voie publique est aussi dû à la mortalité accrue des chevaux frappés, eux aussi, par les pénuries. Le 30 novembre, dans le Bilan de la semaine, on peut encore lire dans Le Petit Méridional : « On rencontre, à toute heure du jour, pas mal d’immondices, car les tombeliers passent avec beaucoup d’irrégularités. Non point par fantaisie, mais parce que leurs chevaux mal nourris succombent, ne voulant rien entendre à la mode actuelle des restrictions et des sous-ventrières ».

16. Il est fait référence ici au camouflage de l’éclairage nocturne public pour les besoins de la Défense passive.

17. Le Petit Méridional du 28 décembre 1943, p. 2. Durant la période, un agent des RG du secteur de Montpellier écrit aussi dans une note : « La population de Montpellier est unanime à se plaindre du peu de régularité apporté dans leur travail par les employés de l’entreprise Charlet, chargés du balayage des ordures et de la vidange des poubelles. Dans certains quartiers, celles-ci n’ont pas été vidées de leur contenu depuis plus de trois jours. Comme ce n’est pas la première fois que de pareils faits se produisent, les ménagères ont trouvé la solution du problème en versant […] les déchets ménagers sur la chaussée ». AD 34, 18 W 24. (Les cotes du fonds 18 W données ici ont été analysées avant un reclassement. Pour toute recherche, se référer à la Table de concordance aux Archives départementales de l’Hérault).

18. Le Petit Méridional du 26 février 1943, p. 2.

19. Liste des maladies dans l’ordre des autorités sanitaires : fièvre typhoïde et fièvres paratyphoïdes (1), typhus exanthématique (2), variole et varioloïde (3), scarlatine (4), rougeole (5), diphtérie (6), suette miliaire (7), choléra et maladies cholériformes (8), peste (9), fièvre jaune (10), dysenteries amibienne et bacillaire (11), infections puerpérales (12), méningite cérébro-spinale (à méningocoque) (13), poliomyélite (14), trachome (15), fièvre ondulante (brucellose/fièvre de Malte) (16), lèpre (17) et leptospirose (spirochétose ictéro-hémorragique) (18). N’étant pas contagieux, le tétanos n’est devenu une maladie à déclaration obligatoire que par le décret du 7 août 1952.

20. Institut Pasteur, « Fièvres typhoïde et paratyphoïde », [En ligne], https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/fievres-typhoide-paratyphoide, page consultée le 6 avril 2020. La fièvre typhoïde et les fièvres paratyphoïdes ne doivent pas être confondues avec le typhus qui est causé, non par des salmonelles, mais par des rickettsies. La variante la plus répandue est le typhus exanthématique qui est transmise par les piqures de poux. Une procédure de désinfection particulière est prévue en cas de détection de cette grave maladie. Elle prévoit notamment l’utilisation de poudre à base de dichlorodiphényltrichloroéthane (DTT), puissant insecticide. AD 34, 352 W 519.

21. Tuphos, en grec, signifie torpeur.

22. AD 34, 273 W 263.

23. Il arrive aussi que des cas se déclarent après la consommation de coquillages pêchés dans des parcs de culture officiels qui sont pourtant censés être exempts de souillures. C’est ce qui arrive au mois de décembre 1943 avec des moules pêchées à Bouzigues. S’il y a des sanctions, c’est que la pêche et la vente sont souvent frauduleuses.

24. Les risques sont constants et les maires/présidents de délégation spéciale n’ont pas toujours les moyens de protéger efficacement leurs administrés. À la fin du mois de février 1944, le président de la délégation spéciale d’Alignan-du-Vent se plaint de la lenteur des Services d’hygiène, alors qu’il réclame depuis plusieurs jours que les fosses septiques des toilettes des écoles (qui débordent), soient rapidement vidangées. AD 34, 12 W 731.

25. Une épidémie éclate aussi dans le village de Castelnau-de-Guers durant le mois d’août 1943. Entre cinq et dix jeunes personnes contractent la maladie sans qu’il y ait de cas mortel. La faute à la rude sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois. En raison du manque d’eau, la commune a foré un second puits. Des motopompes ont été utilisées, mélangeant l’eau de la source du premier puits avec celle du second. Aucune analyse n’ayant été réalisée, l’eau a été consommée alors qu’elle était contaminée. La population a été très touchée par cet événement. AD 34, 12 W 731.

26. En septembre 1942, cinq enfants de Ceilhes-et-Rocozels avaient aussi contracté la fièvre paratyphoïde B.

27. Institut Pasteur, « Diphtérie », [En ligne], https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/diphterie, page consultée le 6 avril 2020.

28. AD 34, 18 W 32.

29. Le Petit Méridional du 7 janvier 1943, p. 1. Depuis la loi du 24 novembre 1940, la vaccination antidiphtérique et antitétanique est obligatoire pour les enfants de moins de 14 ans. Par la loi du 25 juin 1938, elle l’était déjà devenue pour les enfants de moins de 3 ans. Au début de l’année 1943, elle le devient pour tous les Français, sans distinction. En cas de nécessité, le Gouvernement se réserve aussi la possibilité d’obliger la vaccination contre la fièvre typhoïde.

30. Une anatoxine est une substance préparée à partir de la toxine d’un micro-organisme qui a perdu son pouvoir toxique, mais conservé son pouvoir immunisant. Elle est utilisée comme vaccin.

31. Un cas se déclare aussi à Pézenas. Prévenu, le chef de l’Ortskommandantur demande au maire Peuchot que 5 litres d’alcool lui soient fournis afin de réaliser la vaccination de ses hommes, ce qui occasionne un incident dans la ville. Comme le contingent d’alcool de janvier est épuisé, l’édile établit un bon de réquisition (avec l’accord de la préfecture), pour qu’un commerçant face une livraison en avance, en attendant l’arrivée du contingent de février. Malgré l’ordre du maire, le commerçant désigné se refuse à donner la marchandise, alléguant qu’il a reçu des ordres stricts du répartiteur. Excédés par la lenteur des Français, les Allemands se font remettre de force des tickets déjà attribués, mais non retirés, par le chargé du Ravitaillement général à la mairie, afin d’obtenir l’alcool. À cette occasion, l’Ortskommandant critique le manque d’autorité du maire qui, à son tour, dénonce la mauvaise volonté du commerçant, ancien militant de la SFIO, qui aurait cherché à le gêner dans l’exercice de ses fonctions. Raoul Peuchot demande la fermeture de son commerce, pour une durée de huit jours, dans une lettre adressée au préfet délégué Jean Benedetti où il écrit notamment : « Je connais assez de difficultés, que je suis obligé de supporter de la part des troupes d’opération, pour ne pas en accepter de la part des meneurs arguant des prétextes futiles ». Nous ne connaissons pas les suites données à l’affaire. AD 34, 12 W 749.

32. Un cas est signalé dans la Colonie pénitentiaire d’Aniane.

33. Deux autres enfants âgés de 16 mois et 6 ans meurent à Maureilhan et Montpellier aux mois de mai et d’août 1943.

34. Pour lutter efficacement contre les maladies, les visites médicales dans les établissements sont cruciales. Pour l’année scolaire 1943-1944, 24 188 enfants ont été examinés dans l’Hérault. 2 780 ont été déclarés porteurs de maladies, soit près de 11,50 % de l’ensemble.

35. Pour leur engagement dans les campagnes de vaccination au cours de leur carrière, de nombreux praticiens recevront la médaille des Épidémies. Après-guerre, c’est le cas du docteur Jean Bédos à Agde. AD 34, 352 W 518.

36. Au total, pour toute l’année 1944, les autorités héraultaises ont reçu de quoi vacciner 26 000 enfants par l’Inspection de la Santé et de l’Assistance, soit 156 000 cm3 de vaccin.

37. Il existe deux postes. L’un agit dans l’arrondissement de Béziers, l’autre dans ceux de Lodève et Montpellier. Ils disposent d’une étuve automobile qui permet de garder les cultures de microbes à température constante. Dans les grandes villes comme Montpellier, Béziers et Sète, les désinfections sont réalisées par les employés municipaux.

38. La ville de Vendres déplore plusieurs nouveaux cas également.

39. 6 cas sont signalés en septembre, dont un foyer à Vendres. On dénombre encore 4 contaminations en octobre.

40. Un nouveau cas est signalé dans la commune de Vendres.

41. Le docteur Pappas informe les autorités allemandes des risques encourus à occuper le bâtiment.

42. AD 34, 18 W 23.

43. Institut Pasteur, « Poliomyélite », [En ligne], https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/poliomyelite, page consultée le 6 avril 2020.

44. À cette occasion, de nombreuses rumeurs parcourent le département quant à l’apparition d’épidémies de poliomyélite dans les colonies de vacances. Les 7 et 14 août, des agents des RG des secteurs de Béziers et de Montpellier rapportent qu’après que des bruits se sont répandus, plusieurs parents envisagent d’aller chercher leurs enfants se trouvant dans l’Aveyron, le Gard, la Lozère et la Haute-Loire. AD 34, 12 W 731 et 18 W 22.

45. Aux mois de février et de mars, plusieurs petits foyers sont répertoriés à Palavas-les-Flots, Saint-Jean-de-Cuculles et Oupia, alors qu’en novembre, Bédarieux répertorie quinze cas, dont un enfant de 8 ans habitant à la caserne de gendarmerie. Tous les cas demeurent bénins. AD 34, 1000 W 205.

46. Il s’agit d’une estimation a minima basée sur des demandes de désinfection de logement. De septembre 1939 à septembre 1940, 2 637 enfants de l’Hérault ont reçu le vaccin BCG. Question de santé publique de premier plan, la tuberculose pulmonaire fait l’objet d’une campagne annuelle de lutte. En 1944, elle débute le 15 mars dans toute la France. Afin d’obtenir de l’argent pour payer un outillage antituberculeux moderne, des vignettes sont vendues 5 francs (environ 97 centimes d’euro de 2019), ou 100 francs (environ 19,38 euros de 2019) au public. Selon Le Petit Méridional, les années précédentes, l’Hérault et la ville de Montpellier avaient toujours « tenu la tête » dans le classement des dons recueillis. Le Petit Méridional du 28 mars 1944, p. 2. Un peu partout dans le département, on trouve aussi des dispensaires d’hygiène sociale, destinés à lutter, entre autres, contre la tuberculose. À Agde, le dispensaire se situe au premier étage de l’Établissement de bains. Les habitants des cantons d’Agde et de Florensac (près de 23 000 personnes), peuvent se faire ausculter chaque semaine. En moyenne, dix à vingt-cinq malades se présentent. Au mois de novembre 1943, la salle d’attente est menacée de réquisition par l’armée allemande. Le docteur Pappas alerte André Chassaigne sur les risques d’une telle mesure : « À un moment où l’on note une recrudescence de cas de tuberculose, la fermeture du dispensaire aurait des répercussions fâcheuses », écrit-il notamment. Le préfet délégué intervient par la suite auprès de l’État-major supérieur de liaison 563 (la plus haute autorité allemande dans l’Hérault) afin d’éviter la prise de cette pièce qui obligerait aussi à la délocalisation intégrale du dispensaire, et donc à trouver de nouveaux locaux assez grands pour accueillir un appareil à rayons X, ce qui, en ces temps de crise, relève presque de l’impossible. AD 34, 16 W 67.

47. AD 34, 1000 W 185.

48. On en compte sept le 19, deux le 22 et quatre le 24. Les animaux sont gardés quelques jours en attendant une manifestation éventuelle de la part d’un propriétaire. S’ils ne sont pas réclamés, ils sont euthanasiés. Un incident éclate le 31 mai 1944 entre Denicourt et des policiers de la Sipo-SD. Vers 21 heures, le concessionnaire de la fourrière de Montpellier reçoit un appel de la part d’un agent allemand qui réclame que son chien, capturé, lui soit restitué. Denicourt indique que quatre chiens ont été capturés dans la journée et que l’homme peut passer quand il le souhaite pour le récupérer, les formalités et les pénalités imposées aux Français ne lui étant évidemment pas appliquées. Sur un ton violent et menaçant, l’agent allemand exige que son chien lui soit apporté, précisant que ce n’est pas à lui de se déranger et que c’est au concessionnaire qui « capture les chiens pour les manger » de venir lui restituer son animal le lendemain matin à 8 heures, dans la villa réquisitionnée sise au 1, rue Doria (aujourd’hui disparue). Denicourt se présente le 1er juin, comme demandé par le policier de la Sipo-SD, avec les quatre chiens qu’il avait capturés la veille. Une femme de ménage ouvre la porte et indique que l’animal est rentré de lui-même dans la nuit. Dans une lettre écrite le jour de l’incident par le vétérinaire Dedieu, adressée au maire Paul Rimbaud, on peut notamment lire : « J’ai l’honneur de vous proposer de bien vouloir porter ces faits à la connaissance de l’autorité allemande supérieure, afin que des exigences aussi abusives que celle de « promener » en ville une troupe de chiens pour permettre à un propriétaire éventuel de reconnaître le sien ne soient plus autorisées. […] La capture des chiens constitue un service de prophylaxie sanitaire publique qui intéresse tous les habitants d’une localité ou d’une région, tant les indigènes que les occupants ». AD 34, 1000 W 296.

49. AD 34, 1000 W 205.