La mission médicale montpelliéraine à Marseille, lors de l’épidémie de peste de 1720
La mission médicale montpelliéraine à Marseille,
lors de l’épidémie de peste de 1720 :
une étape importante dans la recherche épidémiologique
* Anthropologue, Directeur de Recherche au CNRS
P. 65 à 74
L’épidémie de peste du début du XVIIIe siècle a été l’occasion d’un important débat scientifique autour de la contagiosité de la peste. Si une telle controverse peut nous faire sourire aujourd’hui, force est de constater que ce débat fut l’occasion de franchir une étape importante dans la recherche scientifique. Les membres de la mission médicale montpelliéraine envoyée à Marseille, contagionnistes pour certains, non contagionnistes pour d’autres, jouèrent un rôle important dans ce contexte.
The Montpellier medical mission to Marseille during the plague epidemic of 1720:
an important step in epidemiological research
The plague epidemic of the early 18th century was the occasion for an important scientific debate around the contagiousness of the plague. If such a controversy can make us smile today, it is clear that this debate was an opportunity to take an important step in scientific research. The members of the Montpellier medical mission sent to Marseille, thought of as contagion spreaders for some, non-contagionists for others, played an important role in this context.
La mission medicala montpelhierenca a Marselha pendent la reba de pèsta de 1720 :
una etapa de remarca dins la recèrca epidemiologica
La reba de pèsta de la debuta del sègle XVIII foguèt l’escasença d’un important debat scientific a prepaus de la conta-giositat de la pèsta. S’una tala contèsta nos pòt far sorrire uèi, sèm forçats de constatar qu’aquel debat foguèt l’escasença de franquir una etapa importanta dins la recèrca scientifica. Los membres de la mission medicala montpelhierenca mandada a Marselha, contagionistas per d’unes, non contagionistas per d’autres, joguèron un ròtle important dins aquela endevenença.
Introduction
Bien évidemment, écrire en cette période de crise sanitaire une contribution sur la peste de 1720 rend l’exercice assez particulier. Bien sûr, l’épidémie due à la Covid 19 et l’épidémie due à Yersinia pestis sont très différentes, à commencer par le nombre de leurs victimes. La Covid 19 ne provoque pas l’anomie de la peste. Pour autant, par leurs arrivées soudaines, par les séismes provoqués au niveau économique et social, elles ne sont pas sans similitudes. Parmi celles-ci se trouvent le bouillonnement de la recherche, le débat scientifique. Face à l’inconnu, chacun essaie d’observer, d’expérimenter.
Au printemps 1720, un navire marseillais en provenance des Echelles du Levant apporta la peste dans la cité phocéenne. Toute une série de dysfonctionnements administratifs et politiques ont permis à la Contagion de sortir du cadre normalement clos des infirmeries, de se répandre dans la ville et même dans une grande partie de la Provence, passant la Durance et le Rhône, touchant jusqu’aux contreforts du Massif central. Cette épidémie, déjà anachronique dans l’histoire européenne de la peste, sollicita le monde médical de l’époque dans la prise en charge des malades. Mais peut-être plus fortement encore que par le passé, la peste de 1720-1722 fut l’objet de débats médicaux autour de la contagion ou de la non-contagion de la peste. Elle fut l’occasion, sans doute l’une des premières dans l’histoire de la recherche médicale, d’une approche scientifique reposant sur l’observation et l’expérimentation. Le professeur Antoine Deidier, membre de la mission médicale montpelliéraine dépêchée à Marseille par le pouvoir royal, ne mit que quelques semaines avant de comprendre le caractère contagieux de la peste et de l’objectiver en inoculant la maladie à des animaux.
Dans cette contribution, nous avons volontairement et très largement donné la parole aux contemporains de l’épidémie. Et parmi ceux-ci, c’est plus encore ceux qui étaient sur le terrain que nous avons convoqué.
Un navire infecté
En juillet 1719, un navire marseillais le Grand Saint-Antoine, commandé par le capitaine Jean-Baptiste Chataud mit le cap sur les Echelles du Levant. Il s’agissait de commercer avec les ports de la Méditerranée orientale : Smyrne, Chypre, Seyde, Tripoly de Syrie… le navire a quitté la Syrie avec une patente nette, c’est-à-dire sans aucun soupçon de peste dans la région, comme sur le bateau. Le 25 mai 1720, le Grand Saint-Antoine, (Fig. 1) de retour, arriva en rade de Marseille, avec une cargaison d’une valeur d’environ 100 000 écus qui devait être partiellement écoulée lors de la foire de Beaucaire, au début du mois de juillet.
Mais, lors de ce voyage retour, un passager, six matelots et le chirurgien du bord moururent subitement. Le nombre des morts, la rapidité de leur décès expliquent que lors de l’escale du Grand Saint-Antoine à Livourne, les autorités sanitaires de ce port interdisent l’accostage du navire 1.
À Marseille, contrairement à ce que prévoit le règlement sanitaire pour un navire ayant eu autant de décès à son bord, les conditions de la quarantaine du Grand Saint-Antoine furent très assouplies. Faut-il voir dans cet « aménagement » l’influence des propriétaires de la cargaison du navire et notamment celle du premier échevin de la ville : Jean-Baptiste Estelle ? Est-ce le résultat d’une négligence des intendants de santé ? Décision d’autant plus surprenante que « Trois autres navires qui venaient de ces mêmes endroits suspects de peste, arrivèrent le dernier du mois de May » 2, « … tous avec patente brute, c’est-à-dire, portant que dans le lieu de leur départ il y avait soupçon de peste. Cela n’empêcha pas que leurs marchandises ne fussent traitées avec la même douceur que celle du Capitaine Chataud, & débarqués dans les Infirmeries » 3. Car force est de constater que le navire fut isolé au port de Pomègues et que son équipage, ses passagers et ses marchandises firent quarantaine aux Infirmeries d’Arenc. Au regard de la situation, c’est sur l’île de Jarre que le vaisseau et les marchandises auraient dû être envoyés. Mais Jarre est un îlot rocheux, sans abri, où l’on pratique une désinfection aériste des miasmes pestilentiels. Cela revient à dire que les marchandises que l’on y envoie ne résistent pas au vent, aux embruns et au soleil.
Plus surprenant encore, dès le 14 juin les passagers du Grand Saint-Antoine furent autorisés à sortir de leur quarantaine. Décision d’autant plus étonnante qu’il y eut d’autres décès durant cette période d’isolement. Le 27 mai un matelot du Grand Saint-Antoine mourut subitement. Le chirurgien des infirmeries qui examina son corps n’observa aucune marque de contagion. Le 12 juin, c’est un garde de santé en poste sur le vaisseau du capitaine Chataud qui succomba. Là encore, le chirurgien Guérard ne vit pas de signe de contagion.
La peste est dans la ville
C’est peut-être le 20 juin que la peste fait sa première victime dans la ville. Rue Belle-Table, une ruelle sombre et pauvre de la paroisse Saint-Martin, Marie Dauplan meurt subitement avec un charbon sur la lèvre. Si elle est bien la première victime de la peste dans Marseille, l’arrivée de l’épidémie est très discrète, car dans les jours qui suivent, rien ne se passe.
Le 28 juin, un tailleur d’habits de la paroisse des Accoules meurt brusquement. Le lendemain, sa femme décède d’une manière tout aussi inexpliquée. Le 1er juillet, deux femmes, Eygazière et Tanouse, décèdent toutes deux rue de l’Escale. L’une d’entre elles a des bubons !
Ces morts n’attirent pas vraiment l’attention. Il s’agit de pauvres, d’indigents, de mal nourris. Ce sont finalement les morts de misérables, des morts négligeables dont aucune autorité politique ou sanitaire ne tient compte. Pourtant, en ce début du mois de juillet, il est déjà sans doute trop tard 4.
Du côté des infirmeries, là où restent entreposées les marchandises du Grand Saint-Antoine et des autres navires arrivés quelques jours plus tard des mêmes contrées, la situation sanitaire n’est pas meilleure.
Fin juin, un mousse du Grand Saint-Antoine et trois portefaix des infirmeries tombent malades et meurent rapidement. Les intendants de santé font enterrer les cadavres dans la chaux vive 5.
Entre le 27 juin et le 7 juillet, le chirurgien des infirmeries, Guérard, visite huit malades (puis les cadavres de certains d’entre eux) et conclut qu’il s’agit seulement des victimes d’une maladie ordinaire. Finalement, le 8 juillet, confrontés à de nouveaux cas, les échevins et les intendants de la santé qui semblent se méfier quelque peu des diagnostics de Guérard, demandent les avis de deux autres chirurgiens de la ville : Croiser (chirurgien major de l’hôpital des galères) et Bouzon. Comme le fait justement remarquer J.-B. Bertrand, aucun médecin ne fut invité à participer à cette consultation. Les trois chirurgiens visitent les malades présents aux infirmeries et concluent que trois d’entre eux ont la peste 6. Pour autant, ils écrivent dans leur rapport aux intendants de la santé que ces trois malades sont atteints d’une fièvre pestilentielle 7.
Le même jour, en ville, les docteurs Peyssonnel père et fils sont appelés auprès d’un adolescent résidant près de la Place de Lenche. Leur verdict est sans appel : c’est la peste ! Le 10 juillet ce jeune patient meurt, sa sœur tombe malade. Les autorités redoublent la garde de la maison, durant la nuit les échevins font évacuer le corps et la malade pour les conduire aux Infirmeries : la maison est murée à chaux et à sable, c’est-à-dire condamnée. En l’espace de quelques jours, tous les membres de la famille meurent aux infirmeries 8. Le 11 juillet, un scénario similaire se reproduit dans une autre maison du secteur : nouveau malade, nouveau décès, nouvelle évacuation nocturne du cadavre. Tous les habitants de la maison sont conduits aux infirmeries, et la porte de la maison est murée. Des enquêtes sont conduites pour savoir quelles sont les personnes qui ont eu un contact avec les malades afin de les conduire aux infirmeries ou de les séquestrer dans leurs maisons.
Le 15 juillet les échevins de la ville refusent de donner des patentes de santé aux navires qui voudraient quitter Marseille. Mais pour que cette décision n’impacte trop le commerce, ils écrivent aux officiers de santé des pays étrangers que la Contagion est dans les infirmeries de Marseille, mais pas dans la ville. On mesure ici cette éternelle difficulté de sauvegarder la santé publique tout en ménageant les échanges. Les membres du corps médical sont parfaitement conscients de ce choix qui doit être fait pas les autorités comme en témoigne par exemple le médecin lyonnais Jean-Baptiste Goiffon : « La peste est un plus grand mal que la cessation du commerce » 9.
Le 21 juillet, alors que rien n’est arrivé depuis une dizaine jours, les habitants de la ville insultent les médecins et les chirurgiens d’avoir inutilement alarmé toute la population. On se moque également des échevins et de toutes ces peines bien inutiles qu’ils se sont données. Toutefois, ce silence de la peste est relativisé par certains auteurs. Pour le docteur J.-B. Bertrand, d’autres décès sont à attribuer à la peste durant cette période : ceux de la famille du fripier Joli (place des Prêcheurs), comme ceux des membres de la famille d’une tailleuse (la nommée Bouche). Par ailleurs, toujours selon J.-B. Bertrand, l’un de ses confrères, le docteur Sicard fils, servant à l’hôpital de la Miséricorde, lui a rapporté avoir examiné plusieurs malades avec des charbons et des bubons. Malades qui résident dans la rue de l’Escale et dont certains meurent durant cette période. D’ailleurs, le 18 juillet, Sicard prévient les échevins. Ceux-ci demandent au chirurgien Bouzon de visiter ces malades et les corps de certaines victimes. Bouzon conclut à des fièvres vermineuses 10.
Le 23 juillet constitue un tournant dans la marche de l’épidémie et une accélération tant dans la diffusion du mal que dans la gestion administrative de la situation. Rue de l’Escale, quinze personnes tombent malades. Le docteur Peyssonnel et le chirurgien Bouzon vont les examiner. Selon Pichatty de Croissainte, l’un dit qu’il s’agit de fièvres malignes, l’autre que ce sont des fièvres contagieuses ou pestilentielles causées par de mauvais aliments 11. Par contre, selon J.-B. Bertrand, à l’issue de ces examens, le docteur Peyssonnel déclara clairement que c’était la peste 12. Les échevins envoient les malades aux infirmeries ou en ordonnent la séquestration dans leur maison et demandent à l’un des médecins de la ville, le docteur Michel, de s’enfermer dans les infirmeries pour soigner ces malades chaque jour plus nombreux. Les corps de ceux qui décèdent à leur domicile continuent d’être évacués de nuit, pour une inhumation aux infirmeries et dans la chaux. Les maisons sont parfumées et murées.
Sur ces derniers jours de juillet, l’attitude des échevins montre qu’ils ne se font guère d’illusion sur la nature du mal qui touche Marseille et qu’il faut prendre une série de mesures : ainsi ils font le bilan des finances et de l’ensemble des provisions disponibles. Plusieurs ordonnances sont rendues sur réquisition de Pichatty de Croissainte. Il s’agit de s’assurer que personne ne cache des blés. Il convient également de prendre un certain nombre de mesures sanitaires afin que rien ne reste dans la ville pouvant contribuer à l’infection.
Le 30, les échevins écrivent à M. Le Peletier des Forts pour demander qu’il intercède auprès de Régent afin d’obtenir des secours, car les finances de la ville sont quasi inexistantes et les réserves de provisions bien faibles.
Le 31 juillet, une ordonnance proclame l’exclusion de tous les mendiants étrangers et l’enfermement de ceux de Marseille dans l’Hôpital de la Charité, à peine du fouet. Mais cette ordonnance ne sera pas mise à exécution, car le même jour la Chambre des Vacations du Parlement d’Aix rend un arrêt : « portant défenses aux marseillais de sortir des limites de leur terroir, aux habitants de toutes les villes et lieux de Provence de communiquer avec eux, et de les y recevoir, et aux muletiers, voiturier, et tous autres d’y venir pour qu’elle cause et prétexte que ce soit, à peine de la vie ».
Le 1er août, les médecins Sicard père et fis, annoncent aux échevins que le mal qui est dans la ville est bien la peste.
Comment la maladie a pu passer du navire aux infirmeries, puis à la ville ?
Cette question est évidemment extrêmement importante. Si l’enchaînement des faits, présentés précédemment, ne laisse guère de doute sur la manière avec laquelle la peste est entrée dans les infirmeries (consécutivement aux dysfonctionnements administratifs ayant prévalus à la gestion du Grand Saint-Antoine et de ses marchandises), comment la Contagion a-t-elle pu sortir du cadre clos des infirmeries et infecter la ville ? Les infirmeries de la ville, et c’est là leur fonction première, sont un espace clos. Ainsi, entre 1650 (date de la précédente épidémie de peste à Marseille) et la tragédie de 1720, plusieurs navires contaminés sont arrivés à Marseille : la maladie n’est jamais sortie du lazaret.
Les contemporains de l’épidémie avancent systématiquement que des marchandises ont été dérobées des infirmeries et introduites dans la ville. Cette hypothèse est confortée par le fait que les premières victimes sont des tailleurs, des fripiers habitant à proximité, ou même à l’intérieur, de la rue de l’Échelle. Cette rue était également connue à l’époque pour abriter de fameux Contrebandeurs 13. Selon François Chicoyneau, c’est aussi à partir de la rue de l’Escale que la maladie s’est répandue dans les autres quartiers de la ville 14.
Seul Nicolas Fournier proposera une autre explication, laissons-lui la parole : « Un bateau de Pêcheur aborda, la nuit du 6 au 7 Juin 1720, par des ordres particuliers, le navire du Capitaine Chataud, qui mouillait au large, en reçut plusieurs paquets & différens petits ballots, qu’il transporta furtivement & très aisément dans la Ville ; un marchand, demeurant rue de la Canabiere, qui va au Port, m’assura, quelques jours après notre arrivée à Marseille, qu’il avait acheté de ce Patron du bateau, un paquet d’étoffes, contenant douze pieces de bourre de levant, dont il avait vendu, deux jours après, la plus grande partie, ne s’en étant réservé que deux pieces qu’il donna à une de ses nieces, qui s’empressa de la remettre à sa faiseuse de robes de chambre. Elle la porta pendant quelques jours, lorsqu’elle apprit que sa Tailleuse était morte avec une de ses filles, qui avait travaillé avec elle, d’une fievre avec des charbons, qu’on appelait maligne. Il m’ajouta que cette même niece avait été attaquée de la même maladie le 18 Juillet, & avait périe avec un bubon sous l’aisselle droite, & deux charbons sur la cuisse du même côté, dans l’espace de quatre jours. Cet homme fut surpris de la peste le 24 Septembre, & succomba le 29, après cinq jours de maladie, me renouvellant, avant sa mort, la vérité de ce qu’il m’avait confié sur l’entrée furtive du bateau chargé de marchandises infectées » 15.
Le corps médical
Au début du XVIIIe siècle, il n’existe qu’une quinzaine de villes ayant une faculté de médecine. Les médecins formés dans chacune de ces villes sont les seuls à pouvoir y exercer leur art, sauf dérogation individuelle. Parmi ces facultés, celle de Montpellier a une notoriété internationale, dont même Paris est quelque peu jalouse. D’ailleurs, seuls les médecins formés à Paris ou à Montpellier peuvent exercer en tout lieu du royaume.
Dans les autres villes, celles qui n’ont pas de faculté, les médecins sont organisés en collège. Ces collèges ne sont en aucun cas des structures dédiées à l’enseignement et à la formation, il s’agit simplement de la constitution, reconnue par les autorités, d’un groupe de médecins dans une ville. Quant aux villes et autres lieux qui n’ont ni faculté, ni collège, des médecins itinérants peuvent s’y installer, qui sont souvent concurrencés par de simples charlatans.
Depuis le milieu du XVIIe siècle, il existe à Marseille un collège de médecins agrégés. En 1720, celui-ci se compose de 12 membres : Jean Audon, Jean Augier, Jean-Baptiste Bertrand, Claude Coulomb, Michel (dont le prénom ne nous est pas connu), Antoine Montagnier, Etienne Pelissery, Charles Peyssonnel (Doyen du collège), François Raymond, Jacques Robert, Jérôme Sicard (père) et Jean (fils). On peut ajouter à ceux-ci le fils de Charles Peyssonnel, Jean-André, qui remplacera son père (âgé de 80 ans et enfermé à l’Hôtel-Dieu) même s’il n’est pas l’un des agrégés du collège.
Les plus hautes autorités de la province et du royaume ont été rapidement mises au courant de la situation sanitaire de Marseille et cela avant même la décision du Parlement d’Aix plaçant Marseille en interdit.
C’est dans ce contexte que le Régent, de toute évidence conseillé par son premier médecin Pierre Chirac, ordonna l’envoi d’une mission médicale dont l’objectif était de déterminer la nature de la maladie qui touchait Marseille.
De fait, les choix faits quant aux membres de cette mission ne furent pas le fruit du hasard. Ce sont des médecins et des chirurgiens de la faculté de Montpellier qui furent retenus. Certes, comme nous l’avons dit plus haut, cette université était particulièrement réputée pour la qualité de ses professeurs, mais elle était aussi celle où Pierre Chirac avait été professeur avant d’être médecin des armées, puis médecin du duc d’Orléans, puis premier médecin du Régent.
C’est ainsi que le 5 août, le Régent ordonna à François Chicoyneau (professeur d’anatomie et de botanique, chancelier de l’université de Montpellier et gendre de Pierre Chirac), à Jean Verny (docteur en médecine) et à Jean Soulier (Chirurgien) de se rendre à Marseille. Les membres de la mission montpelliéraine arrivent à Marseille, le 12 août. Dès le 17 août, en compagnie de médecins et de chirurgiens marseillais, ils visitent des malades et pratiquent les autopsies. Le 20 août, leur mission étant accomplie F. Chicoyneau, J. Verny et J. Soulier se retirent à Aix-en-Provence pour y effectuer une quarantaine. Avant de partir, ces trois praticiens ont fait un rapport sur la maladie qui règne à Marseille. Nous reviendrons plus loin sur ce rapport et sur son contenu.
Quelques semaines plus tard, en septembre 1720, alors que F. Chicoyneau, J. Verny et J. Soulier sont encore à Aix-en-Provence, le Régent leur ordonne de revenir à Marseille pour soigner les pestiférés. Le trio de départ est alors complété par Antoine Deidier (Docteur en médecine et professeur de Chimie de l’université de Montpellier), Nicolas Fournier (étudiant en médecine) et Jean Faybesse (étudiant en chirurgie).
Avant d’aborder la querelle scientifique qui opposa les médecins de Montpellier et ceux de Marseille, il convient de préciser deux points. D’une part, le fait qu’une autre mission médicale officielle fut envoyée de Paris. Elle était composée par trois jeunes médecins ayant fait leur formation près de Pierre Chirac : Jean Mailhes de Cahors, Labadie de Bannières et Robert Boyer de Toulon. Par ailleurs, comme bien d’autres médecins et chirurgiens français ou étrangers, des médecins de Montpellier vinrent à Marseille après avoir âprement discuté leurs conditions de rémunération. Ce fut notamment le cas des docteurs Pons et Boutillier adressés par l’Intendant du Languedoc, Louis de Bernage.
Un débat scientifique en pleine épidémie
Alors que l’épidémie ravage Marseille et nombre d’autres communautés de Basse Provence, un débat scientifique voit le jour dans la communauté médicale. Ce débat porte sur la nature de la maladie : s’agit-il de la peste ou d’une autre affection ? Mais également sur le caractère contagieux, ou non, de la peste.
Ces querelles médicales n’ont rien de nouveau au début du XVIIIe siècle, car depuis bien longtemps, de façon presque aussi régulière que les épidémies de peste, elles resurgissent. Ainsi à Aix-en-Provence au début du XVIIe siècle : “La peste se manifesta à Aix le 28 de Juillet 1629, & fit, dans le commencement, des ravages d’autant plus rapides, que les Médecins disputaient longtemps sur les causes et la nature du mal, les uns prétendaient qu’il était contagieux ; les autres le niaient ; & en attendant qu’une triste expérience éclairât des graves Docteurs, la mort frappait, sans distinction, à leurs côtés, des citoyens de tous âge, de tout sexe & de tout état” 16.
Dès que les premières rumeurs d’une maladie touchant Marseille parvinrent à la Cour, Pierre Chirac, autorité médicale du moment, nia tout à la fois, le diagnostic de peste, mais aussi la notion de contagiosité de la maladie.
Pour le premier médecin du Régent, les plus pauvres habitants étaient touchés par une fièvre maligne. Nicolas Fournier, qui fit partie de l’équipe médicale montpelliéraine, rapporte que pour Pierre Chirac, la maladie de Marseille n’est qu’une fièvre maligne ordinaire et semblable à celle qu’il a traitée en 1674 à Rochefort et à celles qui se déclarèrent en 1709 et 1710 dans plusieurs provinces du royaume. Par ailleurs, pour p. Chirac, cette fièvre est uniquement le résultat d’une mauvaise nourriture, attaquant donc le bas peuple, les matelots et les portefaix. De ce fait, cette maladie n’a pas été apportée du levant, et ne s’est pas développée dans le navire du capitaine Chataud. Au final, selon le premier médecin du Régent, il n’est donc pas surprenant que cette fièvre ait fait des progrès considérables dans une ville aussi peuplée que Marseille. La négligence des magistrats et le peu de soin apportés aux malades par les médecins de la ville ont provoqué crainte et terreur qui sont les uniques causes de la violence et des ravages de cette maladie 17.
Cette analyse de Pierre Chirac est également rapportée par Jean-Baptiste Bertrand. Ainsi, afin que le petit peuple cesse de mal se nourrir, p. Chirac proposait « des reglemens pour le service des malades aux magistrats, aux confesseurs, aux medecins et aux chirurgiens. Il veut qu’on laisse les malades dans les maisons et qu’on établisse dans chaque quartier des cuisines où l’on fera le bouillon et où ceux qui sont auprès des malades iront le chercher » 18. Sur ce point il convient de souligner qu’Antoine Deidier partageait le même avis : « Cependant je crois que la disette, la cherté des vivres, les mauvais aliments, l’horreur, le désordre & la crainte, ont pour le moins autant concouru à la production de cette maladie, que le susdit Vaisseau » 19.
De même, afin de lutter contre la peur, cette peur qui constitue un terrain si favorable à la maladie et à la mort, p. Chirac suggère que « l’on paye des violons et des tambours pour les faire jouer dans les differens quartiers de la Ville, pour donner occasion aux jeunes gens de s’égayer et pour eloigner la tristesse et la mélancolie » 20. Pour nombre d’autres praticiens de l’époque, la crainte est en effet la principale cause de la propagation du mal. Un extrait d’un rapport d’autopsie pratiquée par Jean Soulier, montre l’importance que ce praticien accordait à la peur de la contagion dans la diffusion de la peste : « Je n’ouvris pas la tête et ne fouillai point dans leur entrailles tant à raison de la grande infection du lieu où je travaillais, et où quantité d’autres cadavres étaient entassés par monceaux, que du défaut et des commodités et des instruments nécessaires en pareil cas ; soit encore, que dans ces commencements l’imagination d’un novice en fait de peste, fût frappée un peu trop vivement par les funestes idées de la prétendue contagion » 21.
Nous venons de voir quelle était la position de la plus haute autorité médicale française sur la maladie qui régnait à Marseille. Mais cet avis était celui d’une sommité parisienne, bien loin du terrain. Qu’en était-il réellement de l’avis des trois praticiens montpelliérains envoyés pour se prononcer sur la nature du mal présent dans la cité phocéenne ? Avant de partir pour Aix-en-Provence et après avoir visité nombre de malades F. Chicoyneau, J. Verny et J. Soulier rendirent leurs conclusions par courriers à la Cour et à l’Intendant de Provence, et lors d’une réunion à huis clos au marquis de Pilles (gouverneur de Marseille) et aux quatre échevins de la ville. Voici ce que rapporte Pichatty de Croissainte (procureur du roi) ayant assisté à cette réunion : « Mrs les Medecins de Montpellier viennent à l’Hôtel de Ville leur apprendre ce qu’ils ont reconnu de la nature et qualité de la maladie, et leur declarent en peu de mots que c’est veritablement la peste. Mais voïant que tout le monde est presque déja sorti de la Ville et que la terreur et l’epouvante qu’il y a met tout dans un désordre affreux, ils trouvent bon pour ne pas l’augmenter, que l’on dissimule et que, pour tâcher de calmer et d’assurer les esprits, on affiche un Avis au public portant qu’ils ont trouvé que ce ne sont-là que des fièvres contagieuses causées par les mauvais alimens, qui cesseront bientôt par le secours qu’on va avoir de tous côtés qui rameneront l’abondance de toutes choses » 22.
Effectivement, dès le 21 août, les échevins font afficher un avis avertissant le public, que sur le rapport des médecins envoyés par le Régent, la maladie qui règne à Marseille n’est pas pestilentielle, mais que c’est seulement une fièvre maligne contagieuse. Cette négation du diagnostic de peste déplut aux médecins de la ville qui se plaignirent du mépris des échevins à leur égard et que l’on dissimule la vraie nature de la maladie en parlant de fièvres malignes contagieuses et point de peste 23.
Il semble que ce positionnement de F. Chicoyneau et des ces collègues soit le fruit d’une certaine complaisance vis-à-vis des échevins de la ville. Dans une lettre envoyée par F. Chicoyneau à Versailles, et pour partie publiée par J.-B. Bertrand, il ne fait guère de doute sur le sentiment réel du professeur de Montpellier quant à la nature de la maladie qui frappe Marseille qu’il qualifie de « véritable fièvre pestilentielle », soulignant la rapidité de la mort des patients, le fait que : « quand une personne attaquée de ce mal dans une maison & famille en perrissait, tout le reste en étaient bientôt infecté, en sorte qu’il y avait plusieurs exemples des familles entierement détruites pas cette contagion… », que cette maladie se caractérise par les mêmes symptômes : notamment les bubons et enfin qu’il faut en voir l’origine dans l’arrivée d’un vaisseau, puis de quelques marchandises 24.
Les lignes qui précèdent montrent que le positionnement de l’équipe dirigée par F. Chicoyneau sur la nature du mal touchant Marseille à l’été 1720 est plus nuancé que nous avons pu le penser précédemment 25. D’évidence, il y avait une difficulté pour les membres de la mission montpelliéraine à se départir des opinions émises par p. Chirac et ceux-ci ne s’en cachent pas : « Nous avons tâché, dans l’exécution de ce projet, de nous conformer aux idées & aux modeles que l’illustre Monsieur Chirac, premier Médecin de Son Altesse Royale, a bien voulu nous communiquer, très convaincus qu’il n’est pas permis de s’égarer, quand on est conduit par un guide aussi éclairé. Il serait à souhaiter que nous eussions pû suivre avec exactitude la route qu’il nous a indiquée… » 26.
Ces difficultés relèvent des relations professionnelles par le poids hiérarchique que représente le premier médecin du Régent. Elles relèvent également du personnel, p. Chirac étant le beau-père de F. Chicoyneau 27.
Mais le fait de poser clairement le diagnostic de peste était bien compliqué dans un contexte politique et économique qui dépasse largement la communauté scientifique et médicale. Ainsi le chancelier Henri d’Aguesseau 28 déclarait à propos de la maladie de Marseille : « Le bien public demande que l’on persuade au peuple que la peste n’est point contagieuse, et que le ministère se conduise comme s’il était persuadé du contraire » 29.
Difficile ! Peut-être même impossible pour F. Chicoyneau, qui rappelons-le encore n’était pas un médecin anonyme, mais professeur d’une des plus prestigieuses facultés de médecine, et même chancelier de l’université de Montpellier, de déclarer que c’était réellement la peste qui était dans Marseille !
Mais sur la notion de contagiosité ou de non-contagiosité de la peste, quel était le positionnement de F. Chicoyneau et des autres membres de l’équipe montpelliéraine ?
Sur cet aspect, nous nous devons de renvoyer le lecteur à l’excellent article de Joël Coste qui développe parfaitement la position du chancelier de l’université de Montpellier sur le sujet 30. Parmi l’abondante production littéraire de F. Chicoyneau c’est sans doute sa lettre au Doyen du Collège des médecins de Lyon qui éclaire le plus parfaitement son adhésion à la théorie non contagionniste de la peste : « … pour établir que la Peste n’est pas contagieuse, j’ai cru être dans l’obligation de vous communiquer icy en peu de mots quelques autre fait, & reflexions qui nous ont détermines à preferer & adopter le sentiment de la Noncontagion… » 31. Trois arguments majeurs sont mis en avant par F. Chicoyneau pour démontrer la non contagiosité de la peste 32. D’une part, malgré la mise en place de cordons sanitaires autour de villes (comme par exemple à Aix, Toulon ou Salon), la peste ne s’est développée de façon identique que pour les communes où aucune mesure ne fut prise. À Marseille, c’est quand la terreur, la fuite et le renfermement des habitants furent les plus importants que le mal fit les plus grands progrès 33. D’autre part, que c’est à un moment où les malades sont légion que la mal diminue « … lorsque cette Ville devait être entierement empesté, puisqu’il y avait déjà peri plus de quarante mille personnes, nous vîmes sensiblement diminuer le mal de jour en jour, quoique les habitans (las de rester renfermes, soit encore, pour avoir repris courage) s’assemblassent et se promenassent dans les rües, & les places publiques, & qu’il dût y avoir par tout des semences infinies de Contagion » 34. Enfin, que le contact avec les pestiférés (enfants tétant encore le sein de leur nourrice, personnes soignant les malades, médecins et chirurgiens pratiquant des autopsies) n’ait pas provoqué l’apparition de la maladie : « Or, si la Peste est Contagieuse, serait-il possible que toutes ces personnes eussent échappé, & que nous mêmes eussions pû nous dérober aux traits empoisonnez de la Contagion… » 35.
À contrario, d’autres médecins s’opposèrent à cette vision non contagionniste de la peste. D’ailleurs, il serait faux de penser que l’ensemble des médecins montpelliérains, ou ayant fait leurs études à la faculté de médecine de Montpellier, défendirent les théories non contagionnistes développées par p. Chirac et F. Chicoyneau. Ainsi, Jean Astruc (professeur de médecine à l’université de Montpellier où il remplace, en 1716, son maître p. Chirac devenu médecin de Philippe d’Orléans), pensait que la peste était tellement contagieuse qu’il était impossible d’y échapper autrement qu’en prenant la fuite. Ainsi fait, jugeant que la distance séparant Montpellier de Marseille pourrait ne pas être suffisante, il partit séjourner à Toulouse 36. Il serait tout aussi faux de croire que tous les médecins rattachés au collège des agrégés de Marseille fussent contagionnistes. Ainsi le docteur Michel soutenait que les malades qu’on lui envoyait aux infirmeries n’avaient d’autre mal que l’ennui d’être enfermés pour certains et que la vérole pour d’autres 37.
Mais le docteur Michel resta auprès de ses malades jusqu’à la fin de l’épidémie. En revanche, d’autres médecins du collège des agrégés de Marseille, qui devaient sans doute être partisans de la contagion de la peste, s’illustrèrent par leur fuite rapide : Jean Augier, Jérôme Sicard et Jean Sicard.
Dans la polémique entre partisans de la contagion et défenseurs de la non-contagion, de nombreux médecins s’impliquèrent par leurs écrits. Le Docteur J.-A. Peyssonnel 38 se rangea aux côtés de son collègue J.-B. Bertrand et réfuta les théories anticontagionnistes d’un médecin toulonnais, le Docteur J.-B. Boyer 39. Le Docteur Fabre, de Martigues, soutenait que « le meilleur préservatif c’est de vivre sobrement et de ne manger que des aliments de bon suc » 40.
Le positionnement de Nicolas Fournier, dont nous avons déjà évoqué le témoignage dans cette contribution, est particulièrement intéressant. Même s’il écrit près de soixante-dix ans après la fin de l’épidémie (membre de la mission montpelliéraine, il était présent à Marseille au plus fort de l’épidémie), il plaide pour la contagion de la peste : « La Peste nous est entiérement étrangere, & n’afflige nos contrées, que lorsqu’elle y pénetre par la voie de contagion, c’est-à-dire, par la communication de personnes ou de marchandises infectées du levain pestilentiel » 41. Mais il objective, aussi et déjà, les trois grandes phases qui constituent une épidémie de peste : « Elle commence presque toujours par un petit nombre de malades, sans éprouver même des accidens violes, & la mort de ceux qui y succombent, n’est ni rapide ni précipitée » 42, « Le second qui lui succede, s’annonce toujours d’une manière plus vive ; le nombre des malades augmente à vue d’œil, & la mortalité est plus considérable & plus rapide ; tous les accidens se renforcent, & le ravage s’étend de plus en plus dans les différens quartiers de la Ville » 43, « … le troisieme période, bien sensible & manifeste par la rémission des accidens & la diminution de la mortalité ; il paraît même dans ce temps, qui varie beaucoup dans sa déclinaison, une suspension presque totale des nouveaux malades, & on se flatte déjà de l’entiere extinction du mal, mais il se renouvelle presque toujours dans l’apparence du calme attaché à ce troisieme période, quoique d’une maniere bien plus faible & plus légere, jusqu’à ce qu’elle cesse totalement » 44.
Le lecteur aura noté l’importance des observations faites par Nicolas Fournier qui témoignent d’une certaine évolution dans la pensée médicale en ce début du XVIIIe siècle. Les travaux de Jean-Baptiste Goiffon symbolisent, peut-être plus encore, cette effervescence scientifique, que l’on mesure à partir des dizaines d’ouvrages qui font suite à l’épidémie de 1720, que l’on perçoit à travers ces lignes : « Les insectes de la Peste au contraire ne se tiennent que dans des laines, des cottons, des bourres, des meubles, des hardes, des étoffes, des marchandises & autres effets de cette nature, c’est là qu’ils se nourrissent, qu’ils s’entretiennent, qu’ils subsistent & se multiplient par des générations nombreuses, d’où ils ne peuvent ensuite se communiquer & s’insinuer dans le corps des Hommes, sans se répandre dans l’air, à la faveur duquel comme d’un véhicule immense, ils peuvent être portés en même tems dans le corps de plusieurs personnes dans les endroits où ils se seront répandus, & c’est pas cette raison que la Peste est une maladie épidémique » 45.
Antoine Deidier
Parmi l’ensemble des membres du corps médical (médecins, chirurgiens) qui furent impliqués dans la gestion sanitaire de l’épidémie provençale de 1720-1722, un personnage se détache tout à la fois par la pertinence de son raisonnement et par sa capacité à reconnaître ses erreurs de jugement.
Lorsque la peste éclate à Marseille, Antoine Deidier a 50 ans, il est docteur en médecine (depuis près de 30 ans) et professeur de chimie à la faculté de Montpellier. Avant même d’arriver à Marseille, avant même d’avoir vu un seul malade, sans avoir pratiqué la moindre autopsie, alors qu’il était encore à Aix-en-Provence, A. Deidier écrivit une lettre aux médecins de Marseille pour leur dire qu’il convenait de pratiquer de copieuses saignées aux malades et que les décès étaient dus à « un engorgement des viscères internes, qui se sont trouvés saisis d’inflammation gangréneuse » 46.
Comme l’on peut s’en douter, cette attitude fut très mal perçue par les médecins en fonction à Marseille : « On doit penser que quel usage fût aux medecins de Marseille la consultation du Professeur. On le verra bientôt reformer lui-même son sentiment, quand il visitera les malades » 47.
Affecté à l’hôpital du Mail, A. Deidier soignait les malades, mais pratiquait également de nombreuses autopsies. Au fil des mois, il se départit des autres membres de la mission montpelliéraine, mettant en doute l’influence de la qualité des aliments dans l’origine de la maladie qui frappait Marseille, rejetant le poids de la peur dans la diffusion de cette maladie : « Est-il jamais arrivé que personnes ait gagné une pleurésie à force de la craindre ? La terreur de la peste aurait-elle donc seule le privilege funeste de la causer ? » 48. Clairement, il prit part au débat sur la contagiosité de la peste et ce dans un sens bien différent de celui de ses collègues montpelliérains : « … la peste est une maladie ordinairement mortelle, populaire, très-aiguë, j’ajoute très-contagieuse… » 49.
Finalement, A. Deidier se désolidarisa tellement de l’équipe dirigée par F. Chicoyneau qu’il ne signa plus de rapports médicaux avec eux. D’ailleurs dans sa propre production scientifique il ne fut pas tendre avec les décisions politiques, les avis médicaux et les atermoiements sémantiques des premières semaines de l’épidémie. Pour prouver la réalité de la contagion, il insista sur ce que furent les conséquences de l’avis donné au public le 20 août (fièvre non pestilentielle, mais seulement fièvre maligne contagieuse) : « … le peuple apprenant par cet avis que le mal n’était qu’une fièvre maligne, s’encourage si fort, que quittant toute crainte & toute précaution, fréquentant & communiquant par tout les uns avec les autres ; ce pauvre peuple… fut sacrifié à sa simple crédulité, & se vit la victime de la cruelle sécurité qu’on venait de lui inspirer » 50. Il ne manqua pas de souligner certaines incohérences : « Puis qu’enfin on nous dit par ce même Avis que la fievre maligne est contagieuse, pourquoi ceux qui lui ont donné cette qualité qu’on peut lui contester, la refuseront-ils à la peste » 51.
Entre février et mai 1721, avec l’aide des Docteurs Robert et Rimbeaud, A. Deidier, sur la base d’observations, entreprit un certain nombre d’expériences, à l’hôpital du Mail et dans l’apothicairerie des Révérends Pères Réformés de Marseille. Ses observations et ses expérimentations, cette mise en œuvre d’un raisonnement hypothético-déductif firent de lui un véritable précurseur en matière de transmission des maladies contagieuses.
En disséquant des cadavres, A. Deidier observa la présence d’une « bile noire tirant sur le vert ». Pour lui, c’était là le venin de la peste et c’est sur cette hypothèse qu’il fit ses expérimentations : « Je saisis sur le champ un chien vigoureux & gay qui faisait carasse à quiconque entrait dans l’Infirmerie, & qui dévorait fort avidement les bubons & les plumaceaux qu’on jettait à terre dans les pansements ; je lui ouvre la veine crurale, où je fis injecter environ une dragme de cette bile délayée avec de l’eau de fontaine ; & tout-à-coup voilà mon chien de gay devenir triste ; de vorace entierement dégoutté ; d’éveillé stupide, & peu après atteint d’un bubon & de deux charbons qui l’emporterent dans quatre jours. Je réitérai plusieurs fois dans l’espaces de quatre mois de pareilles expériences, & toujours avec le même évenement » 52.
On comprend toute la portée de cette observation et de l’expérience qui fut faite. Mais plus encore, ne se contentant pas uniquement d’inoculer la maladie d’un cadavre humain à un chien, A. Deidier expérimenta également la transmission de la maladie entre deux animaux, d’un chien malade à un animal sain : « Pour vous exposer mon sentiment sur la contagion de la peste, je commence par vous avoüer qu’on ne sçaurait douter que cette maladie ne se puisse communiquer, depuis que j’ai trouvé la maniere de la transplanter d’un sujet à un autre, non-seulement d’un cadavre humain à un chien, mais d’un chien à un autre chien… » 53.
Il n’y avait plus qu’un pas à franchir, celui de l’expérimentation humaine. Antoine Deidier l’envisagea, ses écrits l’attestent au moins à deux reprises : « D’oû je conclus que si la peste se communique ainsi d’une chair hétérogene à l’autre, cela se ferait encore plus vite à l’égard d’une chair homogene, en faisant le même injection dans la veine d’un criminel condamné à mort, de son consentement, & de l’autorité des Juges, avec promesse de lui relâcher la vie s’il en réchappait », Deidier 1212 37 « … s’il était permis de tenter ces expériences sur des hommes condamnés à mort, la peste se transmettrait d’homme à homme… » 54.
Ce projet, d’une expérimentation humaine sur le vivant ne se réalisa pas !
Antoine Deidier trop en avance par rapport aux théories médicales officielles du début du XVIIIe siècle et trop en opposition, fut anobli, décoré Chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, et reçut comme F. Chicoyneau, J. Verny et J. Soulier une gratification de 5 400 livres 55. Pour autant, il fut très vite marginalisé et en 1732, à la mort de Pierre Chirac, François Chicoyneau devint premier médecin de Louis XV. Profitant de sa position politique et scientifique, il se souvint de son « collègue » et fit muter A. Deidier de la faculté de médecine de Montpellier à l’Arsenal des galères de Marseille.
Conclusion
L’épidémie de peste de 1720-1722 a donc constitué un moment important dans la réflexion scientifique. L’affrontement entre tenants de la non-contagion de la peste et défenseurs de sa contagiosité n’a rien de vraiment nouveau, déjà des épidémies antérieures avaient été le théâtre de ces controverses. La nouveauté, c’est le foisonnement du débat scientifique, c’est les balbutiements d’une approche scientifique basée sur un raisonnement hypothético-déductif. Bien sûr, les travaux d’Antoine Deidier sont symptomatiques de ce mouvement, mais ils ne sont pas les seuls. Jean Ehrad 56 a bien montré comment Philippe Hecquet 57 a développé une théorie des miasmes, comment Jean Astruc 58 a proposé sa théorie du levain pestilentiel, enfin comment Jean-Baptiste Bertrand et Jean-Baptiste Goiffon 59 plaident en faveur de l’implication des vers ou des insectes dans la diffusion de la peste. Comme le dit Ehrad, des intuitions fécondes, mais encore bien vagues et souvent romanesques, inspirent alors les médecins 60.
Assurément, c’est Antoine Deidier qui le premier à passer le cap de l’expérimentation. Mais il n’est pas le seul durant cette épidémie ! Ainsi le docteur Couzier, à Alais va faire des observations, puis des expériences à partir des cadavres de victimes de la peste 61. Le 1er avril 1722, il dépose du sang de pestiférés sur la plaie d’un chien. Le troisième jour, le chien meurt avec un gonflement à côté de la plaie. Le 12 mai 1722, Couzier applique des compresses imbibées d’urine de pestiférés sur la plaie d’un chien : l’animal survit !
Les travaux du Professeur Antoine Deidier ne furent pas oubliés 62. D’autres scientifiques développèrent leurs propres recherches, comme le docteur István Weszprémi au milieu du XVIIIe siècle 63, et le débat sur la contagion de la peste se poursuivit bien au-delà de l’épidémie provençale de 1720-1722. Il resurgit notamment au XIXe siècle lorsque certains groupes socio-économiques voulurent faire disparaître le carcan que représentaient le système sanitaire pour le commerce et la libre circulation. De nombreux médecins défendirent alors la thèse de la non contagiosité de la peste. C’est ainsi que devant les soldats de Bonaparte, le français Desgenettes s’inocule la peste à partir d’un bubon et démontre qu’il n’a pas contracté la maladie. Le chirurgien anglais, White fait de même et à plusieurs reprises : il meurt quatre jours plus tard. Enfin, en 1853, au Caire, Clot-Bey s’inocule la peste et y survit. Fort de son expérience, il n’hésitera pas à écrire : « La doctrine de la contagion est funeste aux peuples, chez qui elle répand sans profit la méfiance et la peur. Le temps est venu, je crois, de la repousser avec énergie au nom de la civilisation et dans l’intérêt de l’humanité » 64.
Mais en ce milieu du XIXe siècle, c’est une autre maladie que la peste qui est au cœur d’un débat entre contagionnistes et non contagionnistes : le choléra.
BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
1. Pour plus de détails sur le voyage du Grand Saint-Antoine, il convient de se référer à la belle étude de Michel GOURY 2013.
2. BERTRAND 1721, p. 33.
3. BERTRAND 1721, p. 33.
4. CARRIERE, COURDURIÉ, REBUFFAT 1968, p. 57.
5. PICHATTY DE CROISSAINTE 1721, p. 3.
6. PICHATTY DE CROISSAINTE 1721, p. 6.
7. BERTRAND 1721, p. 37.
8. BERTRAND 1721, p. 42.
9. GOIFFON 1722, p. 130.
10. BERTRAND 1721, p. 44-45.
11. PICHATTY DE CROISSAINTE 1721, p. 12.
12. BERTRAND 1721, p. 47.
13. BERTRAND 1721, p. 51.
14. BERTRAND 1721, p. 116-117.
15. FOURNIER 1777, p. 101-102.
16. PAPON 1786, p. 444.
17. FOURNIER 1777, p. 73-74.
18. BERTRAND 1721, p. 121.
19. DEIDIER 1744a, p. 467.
20. BERTRAND 1721, p. 122.
21. CHICOYNEAU, VERNY, SOULIER 1744, p. 249.
22. PICHATTY DE CROISSAINTE 1721, p. 42-43.
23. COSTE 2018, p. 122.
24. BERTRAND 1721, p. 114 sq.
25. SIGNOLI, CHEVE, BOETSCH, DUTOUR 1998, p. 99-120.
26. CHICOYNEAU, VERNY, SOULIER 1744, p. 241.
27. Entre les membres de la mission montpelliéraine, il y avait d’autres liens personnels. A. Deidier était le gendre de J. Verny.
28. Henri François d’Aguesseau Chancelier de France de 1717 à 1722, puis de 1727 à 1750.
29. LEMONTEY 1832, p. 364.
30. COSTE 2018, p. 117-137.
31. CHICOYNEAU 1721, p. 5-6.
32. COSTE 2018, p. 129-130.
33. CHICOYNEAU 1721, p. 11-12.
34. CHICOYNEAU 1721, p. 13.
35. CHICOYNEAU 1721, p. 14.
36. DULIEU 1980, p. 92.
37. BERTRAND 1721, p. 57.
38. PEYSSONNEL 1722.
39. BOYER 1721.
40. FABRE 1744, p. 489.
41. FOURNIER 1777, p. 32.
42. FOURNIER 1777, p. 53.
43. FOURNIER 1777, p. 54.
44. FOURNIER 1777, p. 56-57.
45. GOIFFON 1722, p. 76-77.
46. BERTRAND 1721, p. 272-273.
47. BERTRAND 1721, p. 273.
48. DEIDIER 1725, p. 21.
49. DEIDIER 1721, p. 34.
50. DEIDIER 1721, p. 97.
51. DEIDIER 1721, p. 97.
52. DEIDIER 1725, p. 35.
53. DEIDIER 1744b, p. 518.
54. DEIDIER 1744b, p. 518.
55. BONNET 1892, p. 1017.
56. EHRARD 1957.
57. HECQUET 1722.
58. ASTRUC 1721.
59. BERTRAND 1721b et GOIFFON 1722.
60. EHRARD 1957.
61. COUZIER 1744, 409-410.
62. BONNISSENT 1812.
63. MAGYAR 2006, p. 33-36.
64. CLOT-BEY 1866.