La maison gothique du quartier de Rougas à Clermont-l’Hérault
La maison gothique du quartier de Rougas à Clermont-l’Hérault
* Architecte du patrimoine et architecte du « Service Patrimoine » au Département de l’Hérault.
P. 137 à 148
La note de recherche réalisée, ci-après, par Frédéric Mazeran, architecte du patrimoine au Conseil départemental de l’Hérault, constitue une première réponse sur l’usage, au Moyen-Âge, d’un bâtiment considéré par plusieurs historiens locaux comme étant une possible synagogue. Soucieux d’apporter une réponse crédible à cette hypothèse, un collectif de chercheurs s’est réuni à Clermont-l’Hérault et a pris connaissance des lieux. Jean-Claude Richard, membre de cette équipe, nous a communiqué un texte de l’évêque de Lodève, Bernard Gui (1325-1331), qui confirme bien l’existence d’une synagogue à Clermont-l’Hérault au XIVe siècle :
« Judei de Claromonte pro eorum synagoga debent in festo Natalis Domini domino Lodovensi ratione pensionis seu usatici quolibet anno unam libram piperis redditam in aula episcopali Lodove. »
« Les Juifs de Clermont pour leur synagogue doivent à Noël payer à l’évêque de Lodève, à raison de la pension ou droit d’usage, chaque année une livre de poivre, remise dans le palais épiscopal de Lodève. »
Si la présence juive à Clermont au XIVe siècle est bien attestée par différents travaux scientifiques, il n’y a aucune certitude sur l’identification de ce bel hôtel en tant qu’ancien lieu de culte. Nous ne manquerons pas de publier de nouvelles notes de recherche sur cet objet d’étude, à l’appui des travaux d’une équipe de chercheurs composée, outre Frédéric Mazeran, de Pierre-Joan Bernard, Jean-Claude Richard et Christian Guiraud. Nous remercions les membres de l’association le MAS des terres rouges de leur concours. (NDLR)
La visite de la maison médiévale faite en 2016 par un petit groupe d’initiés 1, a souligné d’emblée la grande qualité d’une construction entièrement conçue en pierre de taille de grès, élevée sur deux niveaux, et probablement trois au Moyen Age. Son examen, tant côtés intérieur qu’extérieur, n’a pu démontrer un lien direct avec l’ancien lieu de culte israélite avancé par certains auteurs. Cependant par comparaison typologique de bâti et d’ouvertures médiévales encore en place, l’analyse du bâtiment a permis de rapprocher cette maison de certains autres édifices comparables, à structure marchande au rez-de-chaussée, et d’habitat au premier étage 2. La remarquable maison autrefois située au milieu d’un faubourg médiéval au nord de Clermont, semble à ce titre, datable de la première moitié du XIVe siècle. (Fig. 1) Elle s’apparente en l’état et en l’absence de recherches archéologiques en sol, à une riche maison marchande probablement implantée au Moyen Age le long d’un axe important permettant d’entrer dans Clermont en venant de Lacoste et de Montpellier. Le quartier lui-même (quartier de Rougas), peu étudié jusqu’ici, et longtemps hors les murs jusqu’au XIVe siècle, a pu également révéler un intérêt urbain indéniable. Il souligne l’agglomération d’un habitat semblant se fixer assez tôt au-delà d’une des portes d’enceinte côté nord (Porte de Rougas). C’est cette porte qui fixera jusqu’à nos jours le nom de ce quartier.
Clermont au Moyen Age, le Quartier de Rougas et l’emprise supposée de la maison médiévale
De nombreuses études, anciennes et récentes, ont porté sur le passé médiéval de Clermont-l’Hérault. Elles confirment toutes l’importance d’un site, dominé encore aujourd’hui par son imposant château médiéval. Les destructions de plusieurs ilots du centre ancien en 1998, précédées par des investigations archéologiques 3, ont pu démontrer l’intérêt d’une ville conservant de nombreux vestiges du XIIIe siècle. La ville, place de foire au Moyen Age, avec son attractivité économique, s’est longtemps caractérisée par une urbanisation dense à l’intérieur de sa première enceinte (tracé rouge sur le plan). Cette contrainte va conduire à annexer, dès le début du XIVe siècle, de nouveaux quartiers bâtis en dehors de l’enceinte. Cette extension va se faire essentiellement au sud, puis au nord de la ville. La construction de l’église paroissiale Saint Paul s’inscrit dans une première phase, dans cette modification liée à ce nouveau développement urbain. (Fig. 2)
Au nord du centre ancien et au contact de la vielle enceinte se situe l’ancien faubourg de Rougas. Il se caractérise par un urbanisme implanté linéairement le long d’une voie (ancienne artère médiévale) et actuelle rue de Rougas. Cette rue avec ses maisons situées sur son côté droit en la remontant, apparaît sur un plan ancien de la fin du XVIIIe siècle, comme comprise entre le fossé de ville hors enceinte urbaine, et la porte dite Portal du Faubourg. (Fig. 3)
La voie, à cette époque tardive, semble encore conserver une certaine importance. On note pour ce quartier une densification urbaine du faubourg, essentiellement présente sur son côté droit, où se situe sur le milieu du linéaire, la maison médiévale de la rue de Rougas. On note à l’examen de ce plan, la présence d’un parcellaire relativement étendu au niveau des deux lots de l’ancienne maison médiévale, parcellaire se distinguant des autres lots mitoyens plus étroits et laniérés.
Durant le second quart du XIXe siècle, le cadastre napoléonien révèle la présence d’un parcellaire semblant peu évoluer par rapport à la période précédente. Il souligne cependant pour l’emplacement qui nous intéresse, une fragmentation de l’espace bâti, en cinq lots se superposant sur l’emprise de l’ancienne maison médiévale. On note que le dernier de ces lots situé à l’extrémité de la maison, n’apparaît plus comme bâti. (Fig. 4 et 5)
Plus tardivement, en 1967, toujours pour cette maison, le cadastre, suite à un remembrement, figure une parcelle unique sur l’emplacement du bâtiment d’origine. L’édifice, à cette époque, appartient à la famille Martin qui en fera don par la suite à l’établissement religieux des Frères des Écoles chrétiennes. C’est à partir de cette période comme on le verra plus loin, que le bâtiment va être transformé intérieurement. (Fig. 6)
La maison médiévale du Quartier de Rougas et son état actuel
La maison médiévale, pour les parties qui en sont encore visibles, s’étend aujourd’hui côté rue sur 30 m linéaires. Sa partie ancienne identifiable au niveau des deux lots (parcelles n° 175 et 176), est beaucoup moins développée qu’à l’origine. Deux autres parcelles limitrophes faisaient certainement partie du bâtiment initial, d’une part au droit de la parcelle n° 70 au sud, conservant les vestiges d’une accroche et donc d’une continuité architecturale, et d’autre part côté nord, au droit d’autres vestiges intérieurs encore apparents. Pour cette seconde partie il reste envisageable que la maison ait pu disposer d’un pignon à l’angle de la rue de Rougas et de l’actuelle impasse. On relève ainsi pour cette maison une surface d’emprise initiale importante, et donc assez étonnante. (Fig. 7)
La maison, côté rue, présente une façade remaniée à l’époque moderne. Elle conserve cependant l’essentiel de sa typologie d’origine. Aujourd’hui élevée sur deux niveaux, elle en comprenait trois au Moyen Age. La période gothique du XIVe siècle de cet édifice est attestée par l’ensemble des ouvertures de son rez-de-chaussée. Cette partie se caractérise par une alternance de portes à arcs brisés et d’arcades d’anciennes boutiques, elles aussi à arcs brisés.
On note que cet aménagement s’inscrit dans un mur entièrement appareillé en pierre de taille de grès, visible sur la parcelle n° 175 et enduit sur la parcelle n° 176. Le rez-de-chaussée est surmonté d’un étage, matérialisé au niveau bas par un premier bandeau profilé à gorge, et délimité sur son niveau haut par un second bandeau indiquant la présence à l’origine d’un troisième niveau. On note que l’étage d’habitation conserve l’emplacement de trois anciennes grandes baies dont on devine encore les traces. Ces baies étaient surmontées à l’origine de cadres moulurées. Elles ont été modifiées à l’époque moderne, par rétrécissement et inclusions de nouvelles baies à arcs segmentaires. Ces nouvelles ouvertures ont été de plus allongées en lien avec la création de balcons extérieurs. Cette modification de l’étage semble confirmer les modifications intérieures apportées au bâtiment (modification des anciens niveaux de planchers). (Fig. 8)
Pour la parcelle n° 176 de la façade médiévale, on note la présence au premier étage, d’une petite baie étroite et allongée éclairant autrefois l’intérieur d’une niche d’évier. (Fig. 9) L’examen détaillé de l’ensemble de la façade sur ces deux lots met également en avant la conservation d’éléments archéologiques. Positionnés en remploi, ils proviennent essentiellement des anciennes grandes baies gothiques du premier étage (cf. infra). On note ainsi la présence d’un remarquable fragment de meneau surmonté d’un chapiteau à tête sculptée, repositionné et mis à titre décoratif sur la façade. Deux autres éléments formant autrefois écoinçons de fenêtres, sont également conservés. Ils se trouvent remployés dans les murets latéraux du petit escalier d’accès à la parcelle n° 176. Cet ensemble archéologique, accompagné d’autres éléments retrouvés à l’intérieur des deux lots, permet d’entrevoir l’importance et l’intérêt des grandes baies gothiques de l’étage. (Fig. 10)
L’intérieur de la maison a fait l’objet, quant à lui, de deux visites successives. Cette reconnaissance avait pour objectif de mieux comprendre l’organisation du bâti ainsi que la continuité de l’édifice sur deux des parcelles d’origine.
Ces visites sont venues confirmer le grand intérêt archéologique des lieux, mettant en avant le remaniement de l’édifice à l’époque moderne, comprenant des modifications liées à son remembrement en plusieurs habitations.
Pour le rez-de-chaussée, la partie la mieux conservée de la maison, la vocation marchande d’origine n’est plus intérieurement visible. Sur la parcelle n° 175, de rares indices soulignent la présence d’éléments médiévaux encore en place (une arrière voussure de porte médiévale avec ses jambages (Fig. 11), ou en fond de parcelle la conservation d’un passage voûté, dont la fonction reste indéterminée (Fig. 12). L’examen de l’intérieur de ce lot confirme aussi la disparition du plafond d’origine (ou plancher bas du premier étage), couvrant autrefois les espaces formant les loges marchandes.
L’étage, comme la partie en comble, correspond à des espaces également transformés. Ces espaces ne permettent plus de voir aujourd’hui de parties anciennes conservées.
Le lot de la parcelle n° 176 présente quant à lui beaucoup plus d’intérêt. Son relevé en plan au sol figure la présence de deux refends perpendiculaires à la façade, venant témoigner de l’emplacement de l’ancien accès au premier étage, se présentant autrefois sous la forme d’un escalier droit médiéval. Cet escalier débouchait alors sur la rue au niveau d’une porte gothique toujours en place. La partie intéressante d’un point de vue archéologique se situe au rez-de-chaussée en fond de parcelle. Elle comprend une travée de plan carrée voûtée par une voûte en berceau brisé (Fig. 13). On note que cet espace à fonction indéterminée, se situe en position de sous-sol et à l’aplomb du terrain adjacent à la façade arrière de la maison. Cet espace, au niveau de son entrée, se trouve précédé par un arc brisé. Il semble avoir été en relation avec le passage voûté déjà mis en évidence à l’arrière de la parcelle n° 175.
Le lot de la parcelle n° 176 présente également un intérêt pour son étage. Même si ce niveau a subi de nombreuses modifications, il conserve deux niches d’éviers d’époquemédiévale. Elles confirment la fonction de cuisine à laquelle était affectée autrefois cette partie. La première, orientée en façade principale, s’inscrit dans l’épaisseur du mur est. La niche a perdu son bac en pierre et ses tablettes d’origine. Elle conserve son jour d’éclairage et d’aération. La seconde, positionnée au revers de la façade arrière, côté ouest, dispose encore de l’ensemble de ses éléments en place. Sa petite baie formant jour est aujourd’hui occultée. (Fig. 14 a et b)
Les éléments archéologiques de la façade et de l’intérieur des lots
La tête sculptée ornant un meneau
La tête conservée en façade principale, déjà citée précédemment, se révèle exceptionnelle pour sa sculpture. Aujourd’hui solidaire d’un fragment de meneau, elle reprenait autrefois la retombée des arcatures trilobées des deux lancettes formant une grande baie gothique. Venant confirmer la richesse de la maison d’origine, elle représente une figure masculine couronnée (Roi ?), positionnée entre l’astragale de la colonnette de ce meneau et son sommier formant chapiteau. La remarquable forme ondulée des cheveux permet de rattacher cette sculpture à la période gothique. (Fig. 15a et b)
L’historien Pierre Garrigou-Grandchamp confirme pour ce cas une représentation de roi. Son approche et son analyse de la sculpture mettent en avant la coupe de cheveux, en le comparant avec d’autres exemples similaires.
Il souligne un changement d’apparence ou de mode, en termes de représentation, assez tardivement à partir du règne de Charles VI (1368-1422), période à partir de laquelle les cheveux sont représentés assez courts. Ceux de la tête de la maison de la rue de Rougas, longs et ondulés pourraient plutôt remonter au milieu du XIVe siècle, soit au début du règne de Jean II le Bon (1350-1364) ou de la fin de celui de Philippe VI (1328-1350). Cette indication permettrait ainsi de dater cette sculpture, et en conséquence d’affiner la datation de la maison en la rapprochant du milieu de ce siècle. On note pour ce type de figure, une similitude avec la tête sculptée située sur une des baies d’une maison gothique de Lunel, exemple évoqué plus loin.
Les vestiges d’une fenêtre gothique à réseau
La maison médiévale conserve intérieurement en remploi, un rare exemple de réseau supérieur de fenêtre gothique. Il est complété par divers autres éléments rattachés à son ornementation (blocs moulurés). L’élément archéologique le plus important a été retrouvé en 2016 lors de la seconde visite de la parcelle n° 176. Lors de sa découverte, il s’inscrivait dans un mur, en remploi au-dessous d’une volée d’escalier moderne. Il provient certainement d’une des trois fenêtres d’origine située autrefois au premier étage côté rue. L’imposant vestige se caractérise par deux éléments moulurés formant écoinçons, situés de part et d’autre d’une partie verticale, elle aussi moulurée, correspondant à l’aplomb du meneau d’une baie. L’ensemble constitue ainsi deux demi-lancettes organisées autour de ce meneau. On note que le vestige archéologique remonté maladroitement pour son remploi, conserve un fragment de meneau disposant encore en partie basse sa base prismatique moulurée. L’examen détaillé de cet élément archéologique permet de souligner que les demi-arcatures des lancettes possèdent l’amorce de leurs lobes (trilobes), communs pour cette période gothique du XIVe siècle. On observe aussi, à l’intérieur des parties creuses des écoinçons, la présence d’une ornementation de fleurs à quatre pétales, selon un même motif que celui retrouvé extérieurement à la maison, en remploi dans un des murets du petit escalier. L’élément de fenêtre conservé s’avère suffisant de par son ampleur, pour en proposer la restitution. (Fig. 16a et b)
On note que comparativement, de nombreux exemples de fenêtres géminées gothiques de ce type sont encore visibles en différents endroits du département de l’Hérault. Certains de ces exemples présentent des arcatures de lancettes dégagées, d’autres se caractérisent par le recours à des linteaux monolithes sur lesquels s’inscrivent des arcatures. Quelques exemples de ces deux types sont présentés ci-dessous. Quelques-uns disposent encore de leurs cadres supérieurs moulurés.
Exemples similaires de façades gothiques du XIVe siècle
Plusieurs maisons remarquables du XIVe siècle sont également conservées dans le département de l’Hérault ou dans sa marge limitrophe est, dans le Gard. Elles peuvent être mises en lien avec notre exemple clermontois. On citera un édifice de Mauguio, (Maison dite de la Galinière 4), situé en limite ouest de l’ancien tracé du rempart de la ville. Cette belle maison gothique conserve l’intégralité de ses deux longues façades, et s’organisait autrefois autour d’une cour. Sa façade sud ayant le plus d’intérêt, dispose encore au premier étage, d’une porte surmontée d’un arc en tiers point. Cette ouverture était en lien avec un ancien degré d’escalier aujourd’hui disparu. La façade conserve aussi une série de fenêtres géminées à arcatures trilobées et cadres supérieurs moulurés. (Fig. 17)
Un second édifice tout aussi remarquable se trouve à Lunel. Cette maison dite de « Philippe le Bel », a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques pour son intérêt et a fait l’objet d’une restauration récente. Typologiquement comparable à notre exemple clermontois, la maison présente une alternance à rez-de-chaussée, de porte et de boutiques soulignant la fonction polyvalente de la maison (fonction marchande et d’habitat). Cet édifice doit sa notoriété à la présence d’une tête sculptée autrefois couronnée. On note que la sculpture érodée en partie haute (disparition de la couronne) est associée à une représentation de fleurs de lys. (Fig. 18)
Un troisième exemple est à souligner. Il se situe non loin de Lunel, dans le Gard, à Gallargues-le-Montueux. Il correspond à une belle maison du XIVe siècle connue pour avoir été de longue date un ancien hôpital 5, mais dont la fonction d’origine n’a pu être identifiée (ancienne maison polyvalente ?). Son rez-de-chaussée (modifié) devait également présenter une alternance de porte et d’au moins deux boutiques, auxquelles étaient associés deux jours de ventilation toujours en place.
Le bâtiment disposant d’un pignon et d’une grande façade sur rue, conserve deux couples de fenêtres géminées à linteaux trilobés en façade principale et deux en façade latérale. (Fig. 19)
On citera complémentairement deux autres exemples situés à Lavérune et à Saint-Jean de Fos. Le premier de ces exemples correspond à un habitat marchand, comme le souligne la présence d’un grand arc cintré de boutique, à rez-de-chaussée. La maison actuelle partagée en deux lots devait probablement être dotée à l’origine de deux boutiques. On remarquera plus particulièrement son niveau de premier étage en façade, conservant un couple de fenêtres géminée accolé. L’ensemble est souligné en partie haute par un cadre mouluré. Cet aménagement en claire-voie, devait probablement être dupliqué à l’origine sur la travée du lot d’à côté. (Fig. 20)
On terminera cette comparaison de maisons, par l’exemple de la maison gothique de Saint-Jean de Fos, lui aussi à caractère marchand. Situé à l’intérieur du centre ancien, et à proximité de la porte de ville il conserve au premier étage en façade, ses fenêtres géminées. Les ouvertures présentent une similitude de détail d’arcatures avec notre exemple Clermont. (Fig. 21)
Essai de restitution de la maison du Rougas dans son état d’origine
L’ensemble des traces visibles en façade principale côté rue, la hauteur supposée de la volumétrie d’origine de l’édifice, ainsi que les éléments archéologiques associés aux fenêtres médiévales, nous permettent d’envisager une restitution de l’ancien état de la maison.
La maison (pour ses deux lots conservés), disposait, comme on l’a vu précédemment, d’une succession de portes et de boutiques au niveau de son rez-de-chaussée. Les arcades des boutiques devaient assez probablement se compléter en partie basse, de murets d’étals en maçonnerie complets sur leurs linéaires ou avec ménagements de passages, selon des exemples connus ou maintenus dans le sud-ouest de la France. L’occultation de ces ouvertures devait se faire grâce à un dispositif de volets mobiles ou pivotant vers l’intérieur, menuiseries qui permettaient de venir clore les ouvertures en position fermée et d’avoir la partie haute dégagée et pivotante vers l’intérieur en position ouverte. La partie basse de cet ensemble de menuiserie se rabattait sous la forme de planches d’étals côté rue. L’entrée dans la boutique se faisait, soit par les portes toujours en place, soit par un passage ménagé entre la banquette du muret d’étal et un des pieds droits d’arcade. Conformément à la typologie des maisons médiévales, certaines de ces portes devaient être en relation avec un escalier droit permettant un accès direct à l’étage d’habitation.
Le niveau du premier étage, quant à lui, peut être aisément restitué en replaçant les trois ouvertures d’origine, ouvertures pouvant être reconstituées à partir des éléments mis en évidence dans un des chapitres précédents. Cet étage se trouvait donc magnifié par de grandes fenêtres géminées, à lancettes surmontées de trilobes et d’un cadre mouluré. Elles disposaient centralement de meneaux moulurés prenant appui sur des bases prismatiques, conformément aux baies de cette période. A l’interface de chaque arcature et meneau se trouvait également un chapiteau sculpté. Celui à tête couronnée est proposé replacé sur la fenêtre centrale, venant marquer ainsi l’importance de cette riche maison. Son intérieur est proposé restitué avec ses niveaux de plafonds, permettant ainsi de retrouver la volumétrie médiévale d’origine.
Conformément à d’autres exemples de maisons médiévales 6 de cette période, la maison devait certainement posséder à l’étage une belle cheminée, surmontée en altitude et en toiture d’une souche avec mitre. Le parti de restitution de la maison sur le dessin ci-après, propose donc également de restituer ce dispositif assez probablement présent à l’aplomb d’un des pignons. (Fig. 22a et b)
NOTES
1. Visite de la maison organisée par Christian Guiraud (Études héraultaises) en présence de Frédéric Mazeran, architecte du service Patrimoine au Département de l’Hérault, et de Philippe Martin, écologue.
2. Garrigou-Grandchamp, Pierre, Demeures médiévales. Cœur de la cité, Edition Rempart, 1992. L’historien et membre de la Société Française d’Archéologie, consulté dans le cadre de cette note, confirme la période du milieu du XIVe siècle pour cette maison, notamment pour la typologie de ses ouvertures et leurs décors. Il rattache cet édifice à la maison patricienne médiévale, à fonction polyvalente de commerces et d’habitat.
3. Huser, A. in Revue Archéologia, n°346, p46 à 55, juin 1998.
4. Recherches de l’historien Michel Manilève.
5. Cf. notice de la DRAC Occitanie.
6. Exemple de maison à souche de cheminée avec mitre, à l’Hôtel de la Monnaie à Figeac (Lot).