Revue Etudes Héraultaises n°56, La Livinière : étude morphologique et monumentale d’un castrum du Minervois (IXe-XVe siècle), Frédéric LOPPE

La Livinière : étude morphologique et monumentale
d’un castrum du Minervois (IXe-XVe siècle)

Frédéric LOPPE *
avec la collaboration de Marie-Élise GARDEL **
& Marie VALLÉE-ROCHE ***

* Docteur en Archéologie médiévale, Responsable d’Opérations, Chargé d’Études, ALC Archéologie, 87 rue de Verdun, 11000 Carcassonne ; chercheur associé laboratoire FRAMESPA, UMR 5136, Université Jean Jaurès, Toulouse.
** Docteur en Histoire médiévale, HDR en Archéologie médiévale, associée au LA3M/CNRS-UMR 7298-Université d’Aix-Marseille.
*** Docteur en Histoire médiévale.

Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui nous ont aidé dans ce travail : M. Dominique BAUDREU, Historien médiéviste, Directeur du Centre d’Archéologie Médiévale de Languedoc ; Mlle CHARLETTE, Secrétaire de mairie, mairie de La Livinière ; Mme Hélène DÉBAX, Professeur d’Histoire médiévale, Université Jean Jaurès, Toulouse. M. Christian DOUILLET, Historien amateur, Carcassonne. Recherche bibliographique, photographies ; M. Sylvain DURAND, Archéologue-topographe, micro-entreprise GEOPTERE et ses parents ; M. Emmanuel GARCIA, Architecte du patrimoine, Montpellier ; Mme Valérie GIL, propriétaire de la parcelle AM256 ; M. Hector GRES, propriétaire de la parcelle AM252 ; M. Denis GUILBEAU, Service Régional de l’Archéologie Occitanie, antenne de Montpellier ; M. Robert MARTY, historien amateur, Cesseras ; M. Frédéric MAZERAN, architecte, Service Patrimoine, Conseil Départemental de l’Hérault ; M. Michel NAUDY, propriétaire de la parcelle AM250 ; M. Olivier NOLEVAL, régisseur de M. Gérard BERTAND, propriétaire de la parcelle AM246 ; M. Émile OURGAUD, propriétaire de la parcelle AM248 ; M. Henri de PARISOT DE LA BOISSE, Maître de Conférence en géologie, retraité, micro-entreprises Pierres et Monuments ; M. et Mme PICININI, producteurs de vin, La Livinière ; M. Laurent POUDEROUX, propriétaire de la parcelle AM254 ; M. Pascal ROBERT-COLS, Architecte du patrimoine, Toulouse ; M. Patrick ROUYRENC, propriétaire de la parcelle AM594 ; M. et Mme SENEGAS, propriétaires des parcelles AM234 et AM249 ; M. Rodrigue TRETON, Docteur en Histoire médiévale, chercheur associé FRAMESPA UMR 5136, Université Jean Jaurès, Toulouse.

APPROCHE HISTORIQUE ET MORPHOLOGIQUE

Commune de la Livinière. Localisations des principaux sites à l’époque
Fig. 1. Commune de la Livinière. Localisations des principaux sites à l’époque (Conception : M.-E. Gardel, 2015 - DAO : F. Loppe, 2021).

(M.-E. Gardel, F. Loppe, M. Vallée-Roche)

Située à la limite du Haut et Bas Minervois, dans l’ouest du département de l’Hérault, la commune de La Livinière occupe une superficie de 31 km² pour des altitudes comprises entre 90 et 600 m (fig. 1).

Son substrat géologique est constitué de limons, grès et conglomérats rouges fluviatiles correspondant à la formation d’Aigne (Bartonien ; e6A). Ce sont ces grès, ainsi que les bancs conglomératiques à galets siliceux (Bartonien, E6Aco) qui ont essentiellement été exploités durant toutes les phases médiévales de la construction du castrum. Ils proviennent probablement pour l’essentiel du creusement de trois fossés successifs (noyau castral et village) et fournissent des pierres de couleur ocre à grise, ces dernières étant de meilleure qualité pour la taille et moins sujettes à l’érosion. Au nord-ouest du village, à seulement 500 m, on peut trouver des calcaires lacustres blanc à gris d’Agel (E5 ; Lutétien) également employés ponctuellement dans le cadre de la construction du bâtiment III (infra).

De la Préhistoire à la fin de l’Antiquité ce territoire a connu une occupation particulièrement dense, puisque pas moins de 29 sites archéologiques ont été répertoriés, notamment dans la partie sud de la commune, qui bénéficiait d’une position géographique privilégiée le long de deux axes majeurs (vallée de l’Aude-Montagne Noire et Béziers-Aquitaine 1). Excepté quelques dolmens et des sites de l’âge du Bronze, la grande majorité de ces lieux remonte à l’époque antique : nécropoles, carrières de meules (Les Meulières, Calamiac), ou villae comme Tholomiers ou Gourgazaud, avec sa chapelle Saint-Celse, une des premières mentionnées en 835.

En 869 une donation à l’abbaye de Caunes mentionne « pro ipsas terras qua de vobis recipio, quae sunt infra de villa Cella-vinaria quae dicitur Terras… » 2, dans un territoire qui fait alors partie de la Narbonnaise et du suburbium Ventaionense contrôlé par le castrum de Ventajou (commune limitrophe de Félines-Minervois 3). Selon F. R. Hamlin, le site, mentionné « sous diverses graphies (Laviniera, Lavinaria, Cella-Vinaria, villa de Lavinar) serait le résultat d’une confusion tardive entre Laviniana (villa de Lavinius) et Cella Vinaria (cellier à vin) ou peut-être monastère où l’on fait du vin » 4.

Implanté près de deux anciennes voies romaines, Saint-Jean d’Ognon (de Unione), un hameau disparu à 1,6 km à l’ouest de La Livinière a constitué la première paroisse du territoire (mentionnée en 990), mais son église romane a malheureusement été détruite en 1889. Le terroir comporte également plusieurs mas, vraisemblablement d’origine carolingienne 5 : Saint-Julien des Meulières, mentionné en 1102 et comme paroisse avant 1318, Cantignergues, Saussenac, Montaut, Calamiac, et Serclas (église Sainte-Eulalie citée dès 821 6), tous situés à proximité d’une importante voie de communication nord-sud reliant Castres à Narbonne 7.

Un château (castellum) et des fortifications (fortezas) sont mentionnées pour la première fois à La Livinière dans le cartulaire des Trencavel vers les années 1032-1057 8 puis en 1069, dans le contrat de mariage de Guilherma, fille de Raimond Bernard, vicomte de Béziers, avec Pierre, vicomte de Bruniquel, La Livinière est cité comme « ipsum castrum quem vocant Lavineira » 9. En 1102, une charte de Bertrand, archevêque de Narbonne en faveur de l’abbaye de Saint-Pons mentionne l’église Saint-Étienne du village ainsi que la chapelle castrale Saint-Sauveur (« ecclesiam Sancti Stephani de Cella Vinaria cum sua capella ejusdem castri Sancti Salvatoris… » 10).

En 1127 un lignage châtelain issu de Matfred de Sauvian (6 km au sud-est de Béziers) apparaît dans la documentation : lié aux Guilhem de Minerve avec qui il partage un temps la coseigneurie de La Livinière, il évolue dans l’entourage des Trencavel (lignage vassal). Il s’agit d’abord de Raimond « de Lavinaria » et de son frère Ermengaud, puis de ses descendants à partir de 1140. Le château de La Livinière est administré en coseigneurie entre frères et cousins et les châtelains de La Livinière ont conservé des droits sur le celui de Sauvian, là aussi en coseigneurie 11. L’un d’eux, Hugues, est abbé de Caunes de 1194 à 1211 12 mais certains membres du clan sont acquis à l’hérésie cathare puisqu’en 1226 Bernard Arnaud de La Livinière et son fils Pierre Raimond rejoignent Trencavel dans la rébellion contre le roi : déclarés faydits 13, leurs avoirs sont confisqués et La Livinière passe sous la main du monarque. Une partie de leurs biens est distribuée au monastère de Caunes 14 mais La Livinière, Ferrals et Gourgazaud sont attribués à un chevalier de l’entourage d’Amaury de Montfort, Pierre le Sanglier (lo Singlar) 15, qui exerce la charge de sénéchal de Béziers de 1226 à 1228 16. En 1238 Pierre Raimond est convaincu d’hérésie par l’inquisiteur Ferrier et brûlé vif à Carcassonne 17 et quelques années plus tard Guillelma, sa veuve, Aude, celle de Bernard Arnaud, et Pierre Isarn de La Livinière réclament en vain la restitution de leurs droits auprès des enquêteurs royaux (1259-1262) 18.

Dès la fin du XIIIe siècle les habitants de La Livinière se sont organisés en une communauté villageoise dirigée par des consuls, lesquels reconnaissent en 1317 le cardinal-évêque romain Pietro Colonna comme seigneur du lieu 19 : ce dernier se voit confirmer l’année suivante une assiette de 1000 florins de rente sur les châteaux de La Livinière et de Ferrals ainsi que la moitié de la juridiction du château de Peyriac 20.

Entre 1348 et 1350 Nicolas de la Jugie achète les seigneuries de La Livinière et Ferrals-les-Montagnes pour 18 000 florins d’or grâce à l’aide de ses frères Pierre (archevêque de Narbonne) et Guillaume (évêque de Béziers), ses descendants conservant ses terres jusqu’en 1792 21.

Durant la guerre de Cent Ans un conflit éclate entre le seigneur et les consuls sur la contribution aux fortifications et la garde des clés des portes 22 : les seconds prétendent que le premier doit financer une partie de l’entretien des murs et fossés et qu’ils doivent détenir les clés des portes du village, alors que Nicolas de la Jugie affirme au contraire qu’en tant que seigneur du lieu il doit les conserver seul 23. Le 6 avril 1367 une transaction permet finalement de trancher ce litige en précisant plusieurs points :

  • D’une part pour chaque porte (existante ou future) de l’enceinte villageoise il devra y avoir deux clés pour chaque serrure, l’une gardée par le seigneur, l’autre par les consuls, ces derniers devant les rendre au seigneur ou à son représentant chaque fois qu’on leur demandera 24.
  • Le seigneur et ses successeurs ne seront pas tenus de contribuer à l’entretien des murs et des fossés, présents ou à venir 25.
  • Chaque année, les nouveaux consuls devront prêter serment au seigneur ou à son représentant en lui apportant toutes les clés des portes, lequel devra les leur restituer 26.
  • En cas de perte des clés, de nouvelles ne pourront être fabriquées qu’avec l’accord express du seigneur ou de ses représentants 27.
  • Par ailleurs face à une porte du château, une poterne de l’enceinte villageoise utilisée par le seigneur et sa cour avait été fermée à « chaux et sable » 28 par les habitants. Il est convenu que le seigneur ou son lieutenant pourra la rouvrir, ou bien en créer une nouvelle dans le même mur d’enceinte, et qu’il en aura seul la clé 29.
  • Enfin, en raison des offenses faites par l’université du lieu à Nicolas de la Jugie, les habitants devront lui verser à perpétuité (et à ses successeurs) 100 sous tournois au cours actuel, et ce chaque année à la Toussaint 30.

Sept ans plus tard, le 26 mars 1374, l’église Saint-Étienne et la chapelle castrale Saint-Sauveur sont de nouveau mentionnées dans le testament de Nicolas II de la Jugie 31.

En 1378 les Reconnaissances féodales32 répertorient de nombreuses maisons « hors-les-murs » mais seulement trois portes dans l’enceinte : le « Portal d’Amon » qui correspondrait au Pourtal des Aires, le Portal Azanié (Porte des Ânes), et le Portal Manier (« magne » : grand portail). Au début du IXe siècle, le village est relativement peuplé car il compte 189 chefs de famille, soit environ 1 000 habitants 33.

Le compoix de 1461 34 montre en effet que pendant la guerre de Cent Ans l’agglomération connaît une augmentation du nombre d’habitants 35, essentiellement due à la dépopulation des hameaux environnants, très certainement à la recherche d’une protection face aux bandes armées parcourant la région 36. Ainsi, le village comporte 200 oustals et une cinquantaine de casals, mais le noyau castral a perdu son rang car « plus que l’enceinte du château, ce sont la « Placeto » et surtout la « Plaço » qui constituent les quartiers socialement les plus prestigieux. S’y trouvent les trois résidences les plus coûteuses, en particulier celle de « syre Jehan du Théron », qui vaut 30 livres et se compose d’« uno houstal, estables, palies, patus, colombies et verdie » véritable exploitation où la présence de colombiers semble souligner le caractère noble de son propriétaire. (…). C’est aussi sur la Placeto que l’on trouve le « casal de la vilho », ainsi que les « boutiques » détenues par le chanoine Tersat. C’est donc un lieu important dans la société villageoise, dont les occupants ne sont plus des milites, mais des exploitants agricoles ou commerciaux. L’« espital de vilo » se situe quant à lui à la « carriero dal Pourtal Pépieux » 37 et l’enceinte comporte désormais cinq portes en raison du réseau très dense de routes et chemins qui desservent cette agglomération économiquement attractive 38(fig. 2) : Portal de las Hieiros (Porte des Aires, ancien pourtal d’Amon en 1378), Portal Loubal, Portal Mouret ou Mourel, Portal Nou (Porte Neuve), et Portal Pépieux.

La Livinière. Essai de restitution du village au Moyen Âge
Fig. 2. La Livinière. Essai de restitution du village au Moyen Âge (fond de plan : Arch. Dép. Hérault, 3P3569, section K, cadastre de 1817 - Interprétation : M.-E. Gardel, 2015 - F. Loppe 2021 - DAO : F. Loppe 2021)

Avec Olonzac (4,5 hectares) et Minerve (3 hectares), La Livinière (3,5 hectares) constitue une des plus grandes agglomérations du secteur. Le plan général du village correspond plutôt à un éventail, caractéristique « des villages établis sur le versant d’un plateau ou d’un « pech ». Il s’apparente au plan radio-concentrique : les rues épousent les courbes de niveau, reliées entre elles par des ruelles qui suivent les lignes de plus grande pente et sont, parfois, aménagées en escalier » 39.

La partie nord de l’agglomération comporte sur un point culminant une forme circulaire de 1 800 m² correspondant au noyau castral appelé dans le compoix de 1461 « darré lous murs » (fig. 2/n°3). Autrefois entouré d’un fossé, il recèle plusieurs bâtiments seigneuriaux médiévaux (infra).

Abside romane de l’église Saint-Etienne surélevée à l’époque gothique
Fig. 3. Abside romane de l’église Saint-Etienne surélevée à l’époque gothique. Cliché : Ch. Douillet.

 À environ 40 m à l’ouest, sur une autre éminence, un second noyau moins distinct entoure l’église Saint-Étienne sur ses faces ouest, sud et est (Plo dal Semetary ; fig. 2/n°1) en adoptant également une forme en éventail (2 740 m²). Ce lieu de culte a conservé des caractères romans (nef et abside : XIIe siècle) et gothiques (surélévation de l’abside et clocher XIVe-IXe siècles ; fig. 3) et serait peut-être devenue paroissial après la désertion du hameau de Saint-Jean d’Ognon dans le courant du XIVe siècle 40. Dans la partie sud de cet enclos les grandes parcelles correspondent partiellement au cimetière, traversé par un chemin.

Les pôle castral et ecclésial semblent accompagnés d’un habitat « satellite » :

  • Sur les abords est et sud-est du noyau castral se développe un faubourg appelé « Le Bourguet » (fig. 2/n°6) : ses îlots compacts aux parcelles imbriquées desservies par des impasses gardent trace d’orientations nord/sud ou est/ouest de forme rectangulaire.
  • Dénommé « Darré la gleisa » dans le compoix de 1461, un quartier bien délimité de 3 000 m² en forme d’éventail s’est constitué au nord de l’enclos ecclésial (fig. 2/n°2).

Une première enceinte (milieu/seconde moitié XIIe siècle ? 41) entourée d’un fossé enveloppe alors dans un même élan les pôles ecclésial et castral et l’ensemble de ces quartiers, portant la taille du site intra-muros à 2,1 hectares (1,65 hectares sans les noyaux). Desservis par un réseau de ruelles tortueuses et irrigués par des impasses, des îlots de formes et de tailles variées 42 sont venus combler l’espace entre les deux noyaux dans un ordre difficile à établir (fig. 2/n°4, 4b ; 5, 5b).

Un premier faubourg isolé quadrangulaire (lotissement planifié ?) se constituerait ensuite extra muros (Quiqualiero, fig. 2/n°7). Sa présence expliquerait l’excroissance de l’enceinte extérieure (1,4 hectares) édifiée entre 1378 et 1461, en pleine guerre de Cent Ans, période très propice aux regroupements de population dans des lieux construisant ou améliorant des fortifications déjà existantes. Elle aussi protégée par un fossé-carrière 43, cette muraille a pu également être édifiée avec les matériaux de la première enceinte, dont le fossé aurait pu être colonisé par des maisons après remblaiement. L’habitat est ensuite venu combler ce nouvel espace avec des parcelles majoritairement plus amples (fig. 2/n°8, 8b, 8c, 9).

Des « fantômes » d’anciennes voies de communication sont encore perceptibles dans le cadastre napoléonien car les rues principales du village empruntent encore partiellement leur tracé :

  • Une voie nord/sud traversait le noyau castral : entrant par deux poternes au nord elle devait ressortir par une autre côté sud, puis traverser la plaça, et sortir par le portal Nou.
  • Une voie ouest/est arrivait du nord-ouest par le portal de las Hieiros, longeait l’église côté nord et ressortait au sud du portal Pépieux avant la construction de la seconde enceinte. Éventuellement à l’origine de la création du faubourg ouest (fig. 2/n°5b), elle a subi des modifications de parcours au fur et à mesure de la création des îlots d’habitat, et notamment du Bourguet, qui aurait pu remplacer à l’époque gothique 44 un habitat spontané ou aménager un espace laissé vacant durant le XIIe siècle.
  • Une autre voie traversait le noyau castral d’ouest en est, pour se diriger vers Siran avant la création du Bourguet et de l’enceinte extérieure.
  • Un autre axe nord/sud est visible de façon résiduelle dans le cadastre napoléonien mais a été interrompu par la création du faubourg de Quiqualiero qu’il traversait initialement, puis par celle de la seconde enceinte.

Hormis le quartier du Bourguet, l’absence de régularité du tissu urbain semble exclure l’hypothèse d’une création villageoise tardive du XIVe siècle 45, La Livinière se situant au contraire dans un schéma d’évolution classique mis en évidence pour d’autres castra de la région, avec un accroissement progressif de population et de superficie entre le XIIe et le IXe siècle.

NOYAU CASTRAL ET VILLAGE

(F. Loppe)

Le noyau castral et ses principaux éléments, vus depuis le sud-est.
Fig. 4. Le noyau castral et ses principaux éléments, vus depuis le sud-est. 1. Bâtiment I (aula/logis/chapelle ; IXe-XIIe s.) - 2 : Bâtiment II (tour dérasée XIe s.) - 3 : Bâtiment III (logis XIIIe siècle) - 4 : Bâtiment IV (XIVe siècle) - 5 : enceinte ouest MR29 - 6 : ancien fossé - 7 : porte POR4 - 8 : porte POR16. Cliché drone : S. Durand, Geoptère, 2021.

Le noyau castral, généralement dénommé cinctus superior ou « enceinte haute » dans les documents médiévaux, regroupe traditionnellement un habitat uniquement aristocratique : tour et logis seigneurial, maisons des milites (solaria), chapelle castrale (capella), séparés par des espaces ouverts (atrium/curtis/cour) mais aussi des dépendances permettant de faire vivre la cour seigneuriale (écuries, celliers, cuisine, etc.).

À la Livinière certains de ces éléments ont été conservés dans un état exceptionnel pour un cœur de village habité (fig. 4). Ce périmètre globalement circulaire d’environ 1 800 m² autrefois entouré d’un fossé de 6 à 8 m de large comporte en effet plusieurs constructions d’époques différentes dans son quart sud-est (450 m² au sol).

Une aula carolingienne ? (bâtiment I-A ; IXe-Xe siècles ?)

Au niveau de la base du mur nord du bâtiment I et du mur MR26 qui le jouxte à l’ouest, une maçonnerie atypique d’époque préromane MR6a (ép. : 0,70 m ?) a été mise en évidence sur 3 à 4 m de haut et au moins 6 à 7 m de long (fig. 5, 6, 7). Liées par un mortier de chaux fortement dosé, des assises de petits moellons cubiques ou rectangulaires alternent avec d’autres en moellons inclinés sur la tranche, formant une construction homogène et originale qui se rapproche des maçonneries tardo-antiques.

Parement nord du mur préroman MR6a, à la base du mur MR26
Fig. 5. Parement nord du mur préroman MR6a, à la base du mur MR26. On remarque les assises inclinées alternant avec des éléments plats. Cliché : F. Loppe, 2020.
Plan général du noyau castral
Fig. 6. Plan général du noyau castral. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.
Cœur du noyau castral. Plan du RDC avec hypothèses de datation
Fig. 7. Cœur du noyau castral. Plan du RDC avec hypothèses de datation. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes ; Interprétation, compléments, DAO : F. Loppe, 2020.

Ce bâtiment I-A dont on ne connaît pas les dimensions d’origines 46 s’étendait probablement à l’emplacement de l’actuel bâtiment I qui s’y est surimposé. Le mur MR8a pourrait en effet masquer une maçonnerie préromane du même type et de la même épaisseur (0,70 m ?), actuellement dissimulée par la rampe plaquée au sud contre MR8 (fig. 7). Aucun mur pignon n’a été pour l’heure mis en évidence, mais s’il s’agit bien d’un bâtiment il était vraisemblablement de forme rectangulaire ou trapézoïdale avec un seul niveau (ou un étage sur plancher ?) et probablement couvert d’une simple charpente comme le laisse supposer la faible épaisseur des murs.

Malgré la mise en évidence ces dernières années de fortifications tardo-antiques dans ce secteur 47 de marche-frontière avec le royaume franc on ne sait cependant pour l’heure si cette construction remonte à l’époque wisigothe (fin Ve-début VIIIe siècle) ou si elle a pu émerger à l’époque carolingienne (aula ? 48), ni même – car l’hypothèse n’est pas à écarter – si elle constituait un élément d’une cella49 monastique 50, la mention de 869 (villa quae dicitur Cella Vinaria) suggérant la possibilité d’un site satellite dépendant de l’abbaye de Caunes, à l’instar de celui de Saint-Martin-le-Vieil pour le monastère de Montolieu (Aude) 51.

Enfin, l’axe nord-ouest/sud-est du noyau castral longeant le mur MR6a aurait-il été créé en même temps que cette construction préromane ? Cet itinéraire desservait à la fois le Plo dal Sementary52, Félines-Minervois et le castrum de Ventajou, mais également le village de Siran, à l’est (fig. 2, 6).

Une enceinte et une tour seigneuriale romanes (milieu XIe siècle)

En 1069, la mention du « castrum quem vocant Lavineira » confirmerait l’existence d’un noyau castral (avec une enceinte ?), la datation paraissant trop précoce pour un premier habitat villageois déjà entouré d’une muraille.

À la différence d’autres sites castraux d’origine préromane réoccupés à l’époque romane (castellas de Quier Pagès, commune de Soulatge et de Saint-Salvayre, commune d’Alet-les-Bains, Aude ; castellas d’Aumelas, Hérault), La Livinière va connaître l’évolution architecturale « classique » du noyau castral languedocien : placé en position centrale sommitale, tout près (ou sur ?) le bâtiment préroman I-A, le bâtiment II correspond très vraisemblablement à une tour romane dérasée à la moitié de sa hauteur initiale, laquelle devait se situer aux environs de 15 à 20 m, comme c’est par exemple le cas pour la tour de Montady (Hérault ; 6 x 6 m) et à l’origine pour celle d’Aigues-Vives 53 (Aude ; 6 x 5 m ; H cons. : 13 m). La tour de La Livinière possède néanmoins des dimensions supérieures (8,2 x 6,2 m ; 50,2 m² au sol ; dim. int. : 6 x 4,3 m : 25,8 m² au sol), mais contrairement aux deux autres n’était probablement pas voûtée (fig. 7, 8, 9).

Les phases successives observées sur le mur nord MR22 (MR22a, b, c, e, f, g, h) de la tour/bâtiment II témoignent d’une construction planifiée progressant de manière linéaire (fig. 10). Toutefois la porte nord POR22 (H : 3,30 m ; l : 0,90 m) en plein cintre à double rouleau, intégrée en cours de chantier, devait desservir au moyen d’une passerelle en bois un bâtiment aujourd’hui disparu côté nord. L’accès à ces tours s’effectuait en effet généralement au premier niveau par une porte percée dans le mur sud (Aigues-Vives, Montady), mais le mur MR24 du bâtiment II étant totalement détruit, il est impossible de dire si c’était également le cas à La Livinière.

Cœur du noyau castral. Plan de voûte avec hypothèses de datation
Fig. 8. Cœur du noyau castral. Plan de voûte avec hypothèses de datation. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes ; Interprétation, compléments, DAO : F. Loppe, 2020.
Cœur du noyau castral. Plan du R+1 avec hypothèses de datation
Fig. 9. Cœur du noyau castral. Plan du R+1 avec hypothèses de datation. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes ; Interprétation, compléments, DAO : F. Loppe, 2020.
Vue de la partie sommitale du mur nord MR23 du bâtiment II (tour seigneuriale dérasée) avec ses phases successives de construction
Fig. 10. Vue de la partie sommitale du mur nord MR23 du bâtiment II (tour seigneuriale dérasée) avec ses phases successives de construction. La porte POR22 a été intégrée en cours de construction. Cliché drone : S. Durand, 2021.

Les phases successives observées sur le mur nord MR22 (MR22a, b, c, e, f, g, h) de la tour/bâtiment II témoignent d’une construction planifiée progressant de manière linéaire (fig. 10). Toutefois la porte nord POR22 (H : 3,30 m ; l : 0,90 m) en plein cintre à double rouleau, intégrée en cours de chantier, devait desservir au moyen d’une passerelle en bois un bâtiment aujourd’hui disparu côté nord. L’accès à ces tours s’effectuait en effet généralement au premier niveau par une porte percée dans le mur sud (Aigues-Vives, Montady), mais le mur MR24 du bâtiment II étant totalement détruit, il est impossible de dire si c’était également le cas à La Livinière.

Les murs MR22 et MR23, composés principalement d’éléments en petit et moyen appareil de grès, le manque de régularité des phases et des éléments d’angle, et l’imperfection de l’horizontalité des assises laissent penser qu’on se situe dans une phase de transition entre l’époque préromane et romane, probablement aux alentours des années 1030-1050. Une enceinte contemporaine, aujourd’hui disparue, a pu être édifiée parallèlement pour délimiter ce noyau castral.

C’est peut-être également à cette époque que l’axe nord-sud a été créé au niveau de l’actuelle rue des Remparts, afin de faciliter l’accès au pôle défensif (fig. 2, 6) : longeant la tour/bâtiment II à l’ouest son tracé a probablement été défini par rapport à cette construction. Le cadastre napoléonien garde d’ailleurs trace d’un chemin dans le prolongement nord de cet axe (vers Saint-Julien-des-Molières), signe de son ancienneté, confirmée par la présence de deux poternes (enceintes du noyau castral et village ; fig. 2, C), mentionnées dans la transaction de 1367 (supra). Du côté sud une poterne existait probablement au débouché de la rue, laquelle donnera plus tard sur la place de la Halle.

Un logis d’époque romane (milieu XIe-milieu XIIe siècle)

Une première phase romane (bâtiment I-B ; milieu/seconde moitié XIe siècle)

Bâtiment I, mur oriental MR9, parement interne. Orthophotographie
Fig. 11. Bâtiment I, mur oriental MR9, parement interne. Orthophotographie. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.
Bâtiment I, mur sud MR8, parement interne. Orthophotographie.
Fig. 12. Bâtiment I, mur sud MR8, parement interne. Orthophotographie. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.
Bâtiment I, mur oriental MR9, parement externe. Orthophotographie
Fig. 13. Bâtiment I, mur oriental MR9, parement externe. Orthophotographie. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.

Suite à la construction de la tour/bâtiment II, le bâtiment I-A a dû être jugé obsolète ou en trop mauvais état, motivant la réalisation de travaux.

Ainsi, le mur MR8a et le mur MR9k, tous deux harpés, semblent avoir été élevés dans un premier temps pour réorganiser cet ensemble en édifiant le bâtiment I-B (fig. 7, 11, 12). Les maçonneries MR9l, MR9a et MR9b (parement externe) auraient également pu faire partie de cette phase (fig. 13).

Le tracé du mur MR8a se poursuivait apparemment vers l’ouest en direction de la tour/bâtiment II car son retour n’a pu être mis en évidence, masqué par le mur MR7 qui s’y est accolé postérieurement (fig. 7). On ne sait donc s’il se plaquait à l’origine contre le mur oriental MR23 de la tour/bâtiment II 54, comme cela semble être le cas pour le mur préroman MR6a (à moins que ce dernier ne passe sous la tour/bâtiment II ?). Dans ce cas, la superficie du bâtiment I-B aurait pu atteindre près de 70 m² au sol (12 x 5,8 m).

Bâtiment I, mur nord MR6, parement interne. Orthophotographie
Fig. 14. Bâtiment I, mur nord MR6, parement interne. Orthophotographie. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.

La maçonnerie MR9k du parement intérieur du pignon oriental a probablement son pendant au niveau du parement extérieur (masqué par les appentis d’époque contemporaine accolés au contrefort CO1). Elle se poursuivait autrefois vers le nord, en direction du mur préroman MR6a, et pourrait avoir été liée avec le vestige MR6d, dont le mode de construction est très proche (fig. 14). Ce dernier aurait pu doubler le mur préroman MR6a, comme le mur MR8a aurait pu le faire pour un autre mur préroman côté sud (contre-murs ; fig. 7).

La facture des murs MR8a, MR9k et MR6d (moellons soigneusement équarris, assises horizontales et parfois petits trous de boulins) serait attribuable au premier âge roman (milieu/ seconde moitié du XIe siècle) mais on ne sait si ce logis possédait un ou plusieurs niveaux, lesquels devaient être planchéiés et non voûtés, ni quels accès lui étaient contemporains. On ignore également s’il s’agit d’un édifice abouti ou d’une phase de travaux intermédiaires afin de finaliser le bâtiment I tel que nous le connaissons aujourd’hui dans ses grandes lignes. En effet, l’arrachement du mur MR9k et le parement résiduel MR6d laissent penser à une construction inachevée où partiellement détruite en cours de travaux, soit volontairement, soit par accident. Une seule prise de jour – hypothétique – est connue pour cette phase (jour JOU10, mur MR9, maçonneries MR9a/MR9b, parement extérieur ; MR9l, parement intérieur).

Quoi qu’il en soit, ces constructions étaient vraisemblablement destinées à transformer le bâtiment I-A en un logis seigneurial éventuellement doté d’une pièce à usage de chapelle castrale, puisque la mention de « capella ejusdem castri Sancti Salvatoris » en 1102 (supra) laisse entendre qu’un lieu de culte existait déjà dans le noyau castral dès la seconde moitié du XIe siècle. L’orientation du bâtiment, globalement nord-ouest/sud-est, aurait pu se prêter à cette fonction.

Bâtiment I, mur ouest MR7, parement interne. Orthophotographie
Fig. 15. Bâtiment I, mur ouest MR7, parement interne. Orthophotographie. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes - Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.

Une seconde phase romane (bâtiment I-C ; début/milieu XIIe siècle)

Par la suite le logis va connaître une nouvelle grande phase aboutissant à la création du bâtiment I-C avec l’édification des maçonneries MR6e, MR6f, MR8c, MR8d, MR8f, MR8g, MR8b, MR8i, MR9l, MR9m, MR9b, MR9c, MR9g, MR9h, MR9i MR7a (POR8 ; l : 0,60 m avec linteau de grès de 1,30 x 0,30 m), et MR7b (POR7), et l’actuelle voûte en berceau recouvrant l’édifice (H sous voûte actuelle : 6,6 m ; fig. 7, 8, 9, 11-15). Cette phase a peut-être en partie détruit ou achevé la précédente (bâtiment I-B) et semble avoir eu pour objectif à la fois de surélever et voûter le logis, mais aussi de l’isoler de la tour/bâtiment II en le raccourcissant (10,6 x 5,9 m : 62,5 m² ; et 7,5 x 3,07 m max. dans œuvre : env. 28 m² ; RDC encore remblayé sur plus de 2 m).

La différence de facture entre le parement extérieur du mur MR8 et son parement interne tiendrait au fait que ce dernier étant initialement masqué – comme le montrent les restes d’enduit à la chaux au niveau du mur MR6e –, il n’était pas nécessaire de soigner la taille des moellons, ce qui diminuait d’autant le coût de la construction et accélérait le chantier.

Une baie BAI2 a été ménagée côté sud pour apporter un rai de lumière dans un intérieur qui devait être très sombre, et auquel on accédait initialement par l’ouest grâce à la porte POR8 du mur MR7, seul accès d’origine connu à l’heure actuelle. Peu après, on aurait décidé de mettre en place un plancher 55, puis de percer quelques temps plus tard la porte en plein cintre POR7 56 (H x l : 3 x 0,70 m ; pignon MR7 ; fig. 15) et la porte POR6 57 (H : 1,86 m ; l : 1,05 m) du mur MR8 afin de pouvoir y pénétrer depuis le gouttereau sud (fig. 16).

Par ailleurs, c’est également durant cette phase que la porte orientale POR11 (H vis. : 1,5 m ; l : 0,80 m) du mur MR23 du bâtiment II (tour) aurait été aménagée, certainement afin de le mettre en relation avec une porte créée au niveau de la salle sur voûte du bâtiment I-C (fig. 17). Cette dernière possédait au moins deux autres portes d’origine, les portes POR14 (H cons. : 0,70 m ; l : 0,96 m ; mur sud MR8) et POR13 (H min. : 2 m ; l : 0,70 m ; mur nord MR6 ; fig. 9) : débouchaient-elle sur des coursives charpentées en bascule permettant de faire le tour du bâtiment I-C par l’extérieur ou bien sur d’autres édifices en vis-à-vis, aujourd’hui disparus ?

Bâtiment I. Vue extérieure partielle du mur sud MR8
Fig. 16. Bâtiment I. Vue extérieure partielle du mur sud MR8. On remarque les diverses phases de construction et l’ancrage a posteriori de la porte POR6.
Cliché : F. Loppe, 2020.
Bâtiment II. Vue extérieure partielle du mur oriental MR23
Fig. 17. Bâtiment II. Vue extérieure partielle du mur oriental MR23. On remarque les diverses étapes de construction. Les flèches montrent les calages et les perturbations dans l’appareil en rapport avec le percement a posteriori de la porte POR11.
Cliché : F. Loppe, 2020.
Mur MR26, parement nord. Vue générale
Fig. 18. Mur MR26, parement nord. Vue générale.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Les POR13 et POR7 sont dotées d’un arc de décharge en plein cintre à double rouleau protégeant un linteau surmonté d’un tympan, alors que d’autres n’ont qu’un arc en plein cintre. Ces arcatures de facture romane peuvent être datées de la fin du XIe ou de la première moitié du XIIe siècle, période durant laquelle le voûtement des édifices a tendance à se généraliser.

Le bâtiment I-C comprenait au moins deux niveaux et un entresol dans le premier, constitué par le plancher édifié sous la voûte, qui condamnait de facto le vide sanitaire au-dessous à être privé d’une grande partie de la lumière naturelle, puisque la baie BAI2 se situe au-dessus de ce niveau (seul le probable jour JOU10 de la maçonnerie MR9l du pignon oriental devait apporter un maigre éclairage ; fig. 11, 13). Cette salle basse (réserve ?) n’était donc accessible que par la porte POR8 du mur MR7 et une éventuelle échelle positionnée depuis le nouveau plancher.

Avant la construction des voûtes sur la parcelle AM593 et probablement aussi avant l’édification du bâtiment III (parcelle AM246) un espace de circulation nord/sud (espace VII) existait entre les bâtiments I et II (fig. 7, 8, 9). Large de seulement 1,80 m pour une longueur d’au moins 6 m, il a été protégé côté nord par la construction d’un mur MR26a (ép. : 0,70 m ; L : 1,70 m) en moellons de grès hétérogènes (remplois ?) couronné de deux merlons étroits de 1,38 m de haut, autrefois séparés par un créneau large de 0,80 m 58 (fig. 18). MR26 possède une porte POR12 d’environ 3 m de haut dont le seuil, très élevé par rapport à l’extérieur, suppose un moyen d’accès charpenté depuis le nord mais aussi depuis le sud, au niveau de l’espace VII.

Par ailleurs le petit muret MR11a, ultérieurement noyé dans le mur MR5, présenterait une facture romane, mais la faible surface observable ne permet pas d’être totalement affirmatif, ni de comprendre sa fonction (avait-il un rapport avec l’accès à la porte POR6 ?).

C’est d’ailleurs vraisemblablement vers le milieu du XIIe siècle que la première enceinte du village va être achevée : la facture des murs MR25 à MR28 (ép. : 0,90 m ; fig. 19), MR32, et MR31 (fig. 20) correspondrait à cette période (petit appareil de grès avec assises en opus spicatum pour les premiers 59, moellons de grès soigneusement équarris formant un petit appareil allongé pour le dernier).

Mur MR28 de la première enceinte villageoise, parement intérieur sud
Fig. 19. Mur MR28 de la première enceinte villageoise, parement intérieur sud. Vestige d’appareil en opus spiactum. Cliché : F. Loppe, 2020.
Mur MR31 de la première enceinte villageoise, parement extérieur nord. Cliché : F. Loppe, 2020.
Fig. 20. Mur MR31 de la première enceinte villageoise, parement extérieur nord.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Des constructions d’époque gothique (XIIIe-XIVe siècle)

Un premier logis d’époque gothique (bâtiment III, milieu/seconde moitié XIIIe siècle)

Implanté sur l’ancien tracé de l’enceinte sud du noyau castral qu’il a certainement en partie détruite (fig. 4), le bâtiment III est un édifice complexe de 13 x 8 m (104 m² ; parcelle AM246) ayant subi plusieurs phases de construction, dont deux principales (rez-de-chaussée puis étage).

S’il n’a apparemment jamais comporté que ces deux niveaux, la grande disparité des appareils observés entre le pignon ouest et les quelques assises du pignon oriental, ou entre les parements internes et externes, suggère que cet édifice a pu être bâti avec nombre de matériaux de remploi (enceinte détruite ?). Néanmoins la parfaite liaison interne des maçonneries MR60, MR17 (H : 12 m), MR18 60 et MR3 laisse penser qu’elles ont été édifiées simultanément (fig. 6-9).

La grande épaisseur des murs du rez-de-chaussée (MR60 : ép. 2,20 m) et la forme trapézoïdale de l’édifice (dim. int. : 9,76 x 4,95 m : 48 m²) servaient probablement à contenir les poussées de la voûte en berceau 61 tout en fortifiant le bâtiment (fig. 21). Cette salle basse, probablement une réserve en raison de son faible éclairage (deux jours BAI10 et BAI11 62) était accessible par une porte POR1 (mur nord MR3) à double vantail large de 2 m pour une hauteur de 3,3 m sous l’intrados d’un arc segmentaire à neuf claveaux (H x l extér. : 2,20 x 1,30 m ; fig. 22).

Bâtiment III. Vue générale de la partie orientale de la salle du rez-de-chaussée
Fig. 21. Bâtiment III. Vue générale de la partie orientale de la salle du rez-de-chaussée. On remarque à droite la porte percée à l’époque contemporaine et en haut à droite le percement d’origine réalisé dans la voûte en plein cintre (flèche jaune). Une partie des moellons de la base du mur MR18 sont en calcaire. Cliché : F. Loppe, 2020.
Bâtiment III. Vue intérieure de la porte POR1 (mur MR3) débouchant dans la salle du rez-de-chaussée
Fig. 22. Bâtiment III. Vue intérieure de la porte POR1 (mur MR3) débouchant dans la salle du rez-de-chaussée. Elle a été condamnée afin de mettre en place un escalier en vis lors de la transformation de l’édifice en maison à l’époque contemporaine.
Cliché : F. Loppe, 2020.

L’accès au premier étage s’effectuait par la porte POR3 (H x l : 2 x 1 m ; MR3h), intégrée au bâti MR3f/g en cours d’édification, ou après destruction partielle (fig. 23) : pourvue d’une barre de fermeture et d’un verrou elle aurait pu fonctionner avec une galerie extérieure en bois soutenue par des jambes de force obliques reposant sur la corniche visible au-dessus de la porte POR1 du rez-de-chaussée. L’étage, dont l’armoire (H x l x P : 1 x 0,80 x 0,72 m) oriente vers une fonction clairement résidentielle (fig. 24), était doté d’une corniche (bûchée) et d’une voûte, comme le montre un arrachement conservé (berceau ou berceau brisé ?).

Bâtiment III. Vue extérieure de la partie médiane du mur MR3.
Fig. 23. Bâtiment III. Vue extérieure de la partie médiane du mur MR3. 1. Empochements horizontaux (0,25 x 0,20 m) distants de 0,50 m : support de balcon charpenté extérieur ou de bretèche défendant la porte POR1 ? - 2. Décalage d’assises entre les phases MR3g et MR3h - 3. Perturbations indiquant la création de la porte POR1 en cours de chantier.
Cliché : F. Loppe, 2020.
Bâtiment III. Vue intérieure partielle du mur MR3, premier étage
Fig. 24. Bâtiment III. Vue intérieure partielle du mur MR3, premier étage.
On remarque à gauche l’armoire partiellement conservée dans l’épaisseur du mur
ainsi qu’à droite la partie supérieure de la porte POR3.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Le profil en berceau plein cintre de la voûte du rez-de-chaussée et de l’armarium (armoire), les arcs faiblement brisés des portes POR1 et POR3, l’absence de chanfrein, et l’arrière-voussure en arc segmentaire, situent la construction de ce bâtiment vers le milieu ou la seconde moitié du XIIIe siècle. La toiture à double pente couverte en lauzes de grès visible dans le mur MR17d reposait sur la voûte de l’étage (fig. 25, 26), mais on ne sait rien de l’éventuel appareil défensif côté sud (crénelage, hourd ?) et de probables baies dans la mesure où toute la partie supérieure du mur sud MR60 a été remplacée par un mur d’époque contemporaine.

Bâtiment III. Vue générale de l’angle extérieur nord-ouest (murs MR3 et MR17)
Fig. 25. Bâtiment III. Vue générale de l’angle extérieur nord-ouest (murs MR3 et MR17). 1. Lauzes matérialisant le niveau de toiture originel du bâtiment III. - 2. Vestige de mur médiéval MR3 - 3. Lauze matérialisant le niveau de la toiture du bâtiment V (disparu).
Cliché drone : S. Durand, Geoptère, 2021.
Noyau castral, impasse du château. Coupe nord/sud, élévation extérieure ouest.
Fig. 26. Noyau castral, impasse du château. Coupe nord/sud, élévation extérieure ouest. Essai de restitution des volumes médiévaux. Relevé : P. Robert-Cols et E. Garcia, architectes du patrimoine ; Interprétation, compléments,
DAO : F. Loppe, 2020.

Une dépendance disparue d’époque gothique (bâtiment V ; milieu/seconde moitié XIIIe siècle ?)

Près de l’angle nord-ouest avec le mur MR17, les vestiges d’un solin de toit dans la partie haute du mur nord MR3 du bâtiment III laissent penser qu’un bâtiment V a disparu au niveau de l’actuelle parcelle AM594 (hangar contemporain ; fig. 5-9 ; 25). Comme le montrent les boutisses dépassant des maçonneries MR17a et MR17b, cette construction devait être liée avec l’angle MR3/MR17, suggérant une même phase de construction.

On ne sait concrètement si ce bâtiment V était adossé à la tour/bâtiment II, ou bien si originellement l’espace VII et le mur MR1 se prolongeaient vers l’ouest, laissant un passage entre ces deux ensembles. Les façades ouest et est du bâtiment V auraient pu être à pan-de-bois 63, hypothèse qui expliquerait à la fois l’absence d’arrachement sous la toiture au niveau de la chaîne d’angle MR3/MR17, mais également la disparition de l’édifice. De forme trapézoïdale, il devait occuper 46 m², le double en comptant l’étage (92 m²) : la partie sud de son rez-de-chaussée aurait pu être transformée en passage couvert sous plancher dans le prolongement de la voûte couvrant l’espace VI, peut-être protégé à l’ouest par une porte aujourd’hui disparue.

Sur le tracé oriental de l’enceinte du noyau castral, le vestige MR15a et le négatif de porte POR16 pourraient avoir fait partie de remaniements effectués durant cette période, mais l’absence de l’encadrement d’origine, qui aurait permis de préciser la datation, ne permet pas de le certifier.

Bâtiment IV, mur ouest MR12, premier étage. Vue extérieure de l’archère A1. Cliché : F. Loppe, 2020.
Fig. 27. Bâtiment IV, mur ouest MR12, premier étage.
Vue extérieure de l’archère A1.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Constructions et modifications (bâtiments IV et VI) ;
seconde enceinte et maisons du village castral (XIVe-IXe siècle)

Dans la partie sud-est du noyau castral, le bâtiment IV occupe les parcelles AM252 et AM254 sur une superficie au sol d’environ 100 m² (fig. 5-9). Il semble contemporain de l’enceinte MR14, de même que les contreforts CO6 et CO7 (H : 11 m) venus encadrer a posteriori avec le mur MR15b la poterne POR16 (fig. 28) ménagée dans l’enceinte MR15a selon un modèle comparable à celui des castra de Puisserguier et Boussagues (Hérault). Les empochements conservés sur le contrefort CO7 et le mur MR15b laissent penser qu’un plancher percé servant de mâchicoulis a été installé pour protéger la poterne POR16. Quant au mur d’enceinte oriental MR16 qui s’accole pratiquement sans liaison contre le contrefort CO7, sa facture très hétérogène en ferait un des éléments les plus tardifs de l’ensemble (IXe siècle ? ; fig. 6, 28), tout comme peut-être un pan d’enceinte MR29, seul conservé sur le tracé ouest du noyau castral (fig. 4, 6).

La construction du mur MR12 a condamné l’accès direct à la poterne POR16 depuis l’axe ouest/est traversant l’intérieur du noyau castral. On aurait alors aménagé l’ARC1 dans le mur MR12a afin de créer un nouvel accès en baïonnette pour pénétrer dans l’enceinte depuis la porte POR16, cette chicane permettant de casser l’élan d’une attaque en force (fig. 5, 7). Au premier étage du bâtiment IV, une archère A1 (H : 1,5 m ; mur MR12 ; fig. 27), et peut-être une autre bouchée (A2) renforçaient la défense de l’espace XI au cas où un ennemi se serait aventuré dans ce secteur. Sur le front oriental l’étroite baie BAI6 (H x l : 0,70 x 0,25 m) percée dans l’enceinte MR14 confirmerait que le rez-de-chaussée de la parcelle AM254 devait être en partie dévolu au stockage 64. C’est en effet à l’étage, avec les larges baies à coussièges et arc segmentaire BAI4 et BAI5, que devait être installée une vaste salle seigneuriale (fig. 28).

Du côté sud l’enceinte MR40a, la baie BAI12 et la porte POR4a 65 semblent contemporaines des aménagements précédents (fig. 29). La création de cet accès a défini un axe d’entrée (L x l : 15 x 2 m) passant entre les bâtiments I et IV (espaces XI et XII) afin d’atteindre la cour nord du noyau castral (actuelle parcelle AM250 66), passage condamné par le mur MR13 à l’époque contemporaine.

Noyau castral. Vue extérieure du front oriental. Cliché drone : P. Robert-Cols, 2019.
Fig. 28. Noyau castral. Vue extérieure du front oriental.
Cliché drone : P. Robert-Cols, 2019.
Noyau castral. Vue intérieure de la porte POR4 aménagée dans l’enceinte sud MR40. Cliché : F. Loppe, 2020.
Fig. 29. Noyau castral. Vue intérieure de la porte POR4 aménagée dans l’enceinte sud MR40.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Il est par ailleurs tout à fait probable qu’un logis ou une dépendance (bâtiment VI) ait été aménagé à l’emplacement de l’actuelle maison de la parcelle AM256, contre le bâtiment III (fig. 5-9). C’était en effet le seul moyen de desservir la baie à coussièges BAI12 en créant un plancher et un passage couvert au-dessus de la ruelle nord-sud (impasse des Remparts ; espace XII) débouchant depuis la porte POR4a. Le profil de la ruelle était d’ailleurs à cette époque probablement moins pentu qu’aujourd’hui, puisque le seuil de la porte POR4a était implanté plus haut. Du côté oriental du passage, le mur MR30b, lié avec le mur MR40a, constituait, au même titre que le mur MR12a, l’arrière du bâtiment IV.

C’est également à ce moment-là que le pignon MR9 du bâtiment I aurait été percé par la porte POR5a (maçonnerie MR9f) et la baie BAI1 (MR9d ; fig. 11, 13), dont l’allège et la tablette d’appui sont pratiquement identiques à celles des baies BAI12 (murs MR40a), BAI4 et BAI5 (mur MR14). L’affaiblissement de cette maçonnerie MR9 par ces ouvertures va nécessiter la construction des contreforts CO1 (ép. : 1,20 m ; P : 1,30 m), CO2 (ép. : 1 m) et CO3, même si les deux premiers ne réalisent pas de contrebutement efficace contre la poussée du berceau plein cintre du bâtiment I. À l’angle sud-est de l’enceinte du noyau castral, les contreforts CO4 et CO5 pourraient également être attribués à cette phase, le second, bien plus imposant, ayant recouvert le précédent, jugé insuffisant (fig. 6, 28).

Noyau castral. Vue depuis l’est de la porte POR9 dans les années 1980, avant démolition partielle. Cliché : R. Marty.
Fig. 30. Noyau castral. Vue depuis l’est de la porte POR9 dans les années 1980, avant démolition partielle.
Cliché : R. Marty.

C’est peut-être à cette époque que l’on décide de bâtir les murs MR1a et MR1b de l’espace XIII puis les voûtes centrales, occidentales et orientales, de manière à pouvoir entre autres améliorer la desserte de la porte POR3 à l’étage du bâtiment III (fig. 5-9). Le mur MR4 et la porte POR15, de même que le mur MR10 et la porte POR9 67 (seconde moitié du XIVe siècle ; fig. 30) sont édifiés afin de créer un sas défendable depuis l’intérieur au niveau du rez-de-chaussée (espace VI) et de l’extrados des voûtes (espace XIII). Le muret MR41 (l : 0,48 m) adossé au contrefort CO1 et la rampe et son mur-support MR5 (L : 8,44 m) composé d’un grand arc rampant ont créé un cheminement de 1,5 à 2,5 m de large pour desservir le dessus des voûtes de l’espace VI (parcelle AM593), tout en accédant plus aisément à la porte POR6 du bâtiment I, surélevée d’au moins 3 m par rapport au sol extérieur. Ce faisant, ils ont aussi permis d’aménager les espaces VIII et IX, condamnant de facto une éventuelle porte se trouvant à la base du mur MR10 : de petite superficie (2,2 x 1,7 m et 4,5 x 1 m), ces réduits n’étaient donc accessibles que par deux baies BAI7 (0,95 x 0,61 m) et BAI8 (H x l : 1,02 x 0,55 m) placées à cet effet. Ces travaux d’aménagement de la rampe ont peut-être modifié le niveau de circulation dans l’espace X, nécessitant l’abaissement des portes POR5 du bâtiment I (POR5b ; fig. 11, 12) et POR4 de l’enceinte MR40 (POR4b en arc brisé avec arrière-voussure en arc segmentaire ; fig. 29).

Village castral, seconde enceinte. Vue extérieure de l’angle nord-ouest du périmètre (mur MR37). Cliché : F. Loppe, 2020.
Fig. 31. Village castral, seconde enceinte. Vue extérieure de l’angle nord-ouest du périmètre (mur MR37). Cliché : F. Loppe, 2020.
Village castral, rue de l’ancien four. Vestige d’arc brisé de porte d’une maison médiévale XIVe siècle). Cliché : F. Loppe, 2020.
Fig. 32. Village castral, rue de l’ancien four. Vestige d’arc brisé de porte d’une maison médiévale XIVe siècle). Cliché : F. Loppe, 2020.

La puissante famille de la Jugie, qui prend possession du site au milieu du XIVe siècle, pourrait être à l’origine de ces importantes transformations, tout comme de la création de la seconde enceinte du village castral : en effet, les vestiges MR39 et MR33 à MR37 (fig. 2, 31) sont attribuables à cette phase de la fin du XIVe et du début du IXe siècle, marquée par un renouveau important de la fortification pour faire face aux bandes de routiers (guerre de Cent Ans). De plus deux bâtiments civils rattachables à cette phase sont parvenus jusqu’à nous : une maison rue de l’Ancien Four conserve encore une porte (H x l : 3 x 1,5 m) en pierres de taille de grès dont la clé est ornée d’un blason en relief au centre d’un arc brisé (fig. 32). Près de la retombée ouest de l’arc un vestige de moyen appareil médiéval en pierres de taille de grès ocre (L x H : 0,57 x 0,24 à 0,30 m) a été conservé, alors qu’en partie haute une petite fenêtre possède un appui mouluré. Dans le périmètre de la seconde enceinte, un édifice qui se confondrait avec l’espital de vilo mentionné en 1461 (supra) occupe une superficie au sol d’au moins 170 m² dans la rue de la Taillanderie (fig. 33) : sa façade sur rue comporte une vaste porte en arc brisé à double vantail (H x l : 3 x 2 m) dont les piédroits sont ornés de cannelures se terminant par une baguette, alors que les claveaux de l’arc sont soulignés d’un tore (l : 8 cm) et de cavets. Au rez-de-chaussée une fenêtre à meneau (H x l : 1,10 x 0,37 m) est couverte d’un arc monolithe délardé en plein cintre, et à l’étage une baie rectangulaire chanfreinée d’environ 0,70 x 0,70 m comporte un encadrement en pierres de taille de grès avec tablette biseautée saillante. La porte donne sur un passage couvert sous arc brisé permettant d’observer un vestige de maçonnerie médiévale donnant sur la cour : un appareil de moellons de grès ocre et gris liés par un mortier de chaux blanc fortement dosé avec quelques cassons de tuiles dans les joints associé à un grand arc segmentaire chanfreiné ayant conservé quatre claveaux (fig. 34).

Village castral, rue de la Taillanderie. Façade de l’Hôpital (seconde moitié XIVe siècle) mentionné dans le compoix de 1461
Fig. 33. Village castral, rue de la Taillanderie. Façade de l’Hôpital (seconde moitié XIVe siècle) mentionné dans le compoix de 1461. 1. Porte en arc brisé - 2. Fenêtre à meneau avec arc monolithe délardé en plein cintre - 3. Baie rectangulaire chanfreinée.
Cliché : F. Loppe, 2020.
Village castral, rue de la Taillanderie. Hôpital de ville (seconde moitié XIVe siècle)
Fig. 34. Village castral, rue de la Taillanderie. Hôpital de ville (seconde moitié XIVe siècle). Vestige d’arcature conservé dans une maçonnerie.
Cliché : F. Loppe, 2020.

Par la suite les témoins architecturaux subsistants ne semblent pas montrer d’évolution dans le bâti du noyau castral avant les XVIIIe-XIXe siècles, laissant entendre qu’il a pu être délaissé comme résidence seigneuriale au profit du château de Rieux dès la fin de la guerre de Cent Ans, La Livinière devenant seulement un village de cette baronnie à cette époque 68.

CONCLUSION

Créé dans la première moitié du XIe siècle le pôle castral de La Livinière aurait pu se surimposer aux vestiges d’une aula ou à ceux d’une cella carolingienne, voire sur un site encore plus ancien. Pourvu d’une tour et d’un logis/chapelle dans le courant des XIe-XIIe siècles, il est régulièrement réaménagé entre les XIIIe et IXe siècles grâce à la puissance politique et financière de ses seigneurs qui contribue également au dynamisme économique du village, parmi les plus importants du secteur.

L’analyse parcellaire et l’étude du bâti ont apporté les premières données tangibles sur cet ensemble fortifié exceptionnel qui n’avait jusqu’ici fait l’objet d’aucune approche historique ou archéologique, hormis les travaux de M.-L. Varoqueaux-Escoffier et de M.-E. Gardel (HDR). Toutefois, bien des recherches restent à entreprendre, tant du point de vue documentaire qu’archéologique, afin de compléter nos connaissances sur ce site et ses origines, car de nombreuses sources écrites non exploitées recèlent certainement des informations essentielles. Par ailleurs, l’état d’enfouissement d’une partie des vestiges, et notamment du bâtiment I et de l’espace VII, incite à la prudence quant au phasage et à l’interprétation de ce secteur. Ces dégagements, s’ils peuvent être réalisés un jour, permettraient d’infirmer ou de confirmer les hypothèses émises, tout en mettant au jour de nouvelles maçonneries susceptibles d’améliorer notre perception de ce vaste ensemble bâti.

BIBLIOGRAPHIE

Dictionnaires et instruments de travail

HAMLIN 2000 : HAMLIN (Frank R.), Toponymie de l’Hérault, Dictionnaire topographique et étymologique, Ed. du Beffroi, Études Héraultaises, 2000.

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VAROQUEAUX-ESCOFFIER 2010b : VAROQUEAUX-ESCOFFIER (Marie-Laure), Un terroir Minervois au Bas Moyen Âge, La Livinière, 1378-1461, 4e partie, In Histoire et généalogie en Minervois, n°81, 3e trimestre 2010, 20e année, p. 7-10.

NOTES

1. Ugolini, Olive 2013, 260, 261.<

2. HGL, t. II, pr. 173, col. 354.

3. Voir à ce sujet : Loppe, Marty Zanca et al. 2005-2006.

4. Varoqueaux-Escoffier 2009a, 4.

5. « Une différence notable se fait jour entre le secteur pyrénéen audois et l’extrémité méridionale du Massif Central. Dans cette dernière zone, à côté des villages ouverts chef-lieux communaux, existent une série d’habitats groupés secondaires, eux aussi ouverts, assimilables à des hameaux, désignés par les termes masada, masatge ou mas dans la langue vernaculaire. Il reste à déterminer dans quelle proportion ces hameaux et ces villages de forme analogue, recouvrent une origine pré-féodale et sont donc le résultat de la première croissance des temps carolingiens » (Baudreu 2004, 72, 73).

6. Selon l’abbé Giry (Giry 2001, 167).

7. Varoqueaux-Escoffier 2010a, 31-33.

8. Hamlin, 2000, 218. Cartulaire des Trencavel, n° 310. Dominique, fils de Senegon, jure fidélité à Frotaire et à Bernard (Aton III), fils de Gibergane, pour le château de La Livinière. « De illo castello ni de illas fortezas de ala Lavineria que ibi sunt et in antea factas fuerint ». Voir également : Débax 2003, 101.

9. HGL, t. V, pr. 290, col. 569.

10. Ibid., t. V, pr. 411, col. 772-773.

11. Amado 2007, 42-45.

12. HGL, t. IV, 466.

13. Ibid., t. VII, col. 333, 358, 363, 364, 380, 383-384.

14. Ibid., t. VIII, pr. 296, col. 947.

15. Ce personnage apparaît dans la région en 1220 puisqu’Amaury de Montfort confirme la vente de Carlipa à l’abbaye de Villelongue par « Petrus Singlarius » qu’il qualifie de « miles noster » (Ibid., t. VIII, pr. 208, col. 731). Il est présent au siège d’Avignon (juin/septembre 1226) et exerce déjà la charge de sénéchal de Béziers (Ibid., t. VII, col. 64) et serait décédé avant juillet 1259 (Doat vol. 70, fol. 134). Il était peut-être originaire des environs de Pontoise puisqu’il existe au moins deux personnages avec ce patronyme dans divers actes de cette région entre 1264 et 1315 (Depoin 1886 ; Dutilleux, Depoin, 1890).

16. Molinier 1904, 246.

17. HGL., t. VII, col. 358, 363, 369, 380.

18. Aude : Ibid., t. VII, col. 333, 383-384 ; Guillelma : Ibid., col. 363, 380 ; Pierre Isarn : Ibid., col. 358, 364, 369.

19. Mahul 1863, 322.

20. AN, JJ56, n°267, « fol. 119 v° ».

21. Varoqueaux-Escoffier 2009a, 5.

22. Texte contenu dans une confirmation royale de 1372 : AN, Trésor des chartes, registre 103, P. 9. Vingt 9 (189). a. Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, 1740, vol. V, 722-724. 1372, septembre. – Paris. Le roi Charles V confirme de l’accord passé entre le chevalier Nicolas de la Jugie, seigneur de la Livinière et les consuls de ce lieu à propos des clés des portes de la ville. Nous remercions R. Tréton de nous avoir communiqué et transcrit ce document.

23. Ibid. « Cum questio seu controversia orta esset seu oriri speraretur, inter nobilem Nicolaum de Judicia, militem, dominum de Livineria, senescallie Carcassone, ex parte una ; ac universitatem dicti loci, (ex) altera, pro eo et super eo quod dicti consules dicebant custodiam quarumcumque clavium portalium dicti loci ad se pertinere, et non ad dictum militem ; et eciam quod idem miles tenebatur ad contribuendum pro instructione murorum et fossatorum, pro certa quantitate ; dicto milite in contrarium dicente, asserente et dicente quod ad eum tanquam ad dominum in solidum dicti loci, merum et mixtum imperium habentem in eodem, pertinebat custodiam dictarum clavium, et non ad consules dicti loci ».

24. Ibid. « Et primo, quod in quacunque porta dictorum portalium, qui nunc sunt in dicto loco vel futuro tempore erunt, in muris seu fortaliciis qui nunc sunt vel in futurum (erunt) faciende sint due claves in qualibet servitura ; quarum unam de qualibet porta et qualibet servitura, penes se habeat et custodiat dictus miles, tanquam verus dominus dicti loci ; et custodiam alterius clavis seu aliarum clavium, habeat commendare consulibus dicti loci ; et quod iidem consules clavem seu penes quascumque habeant dicto militi reddere et restituere, seu ejus futuris successoribus aut curialibus vel procuratoribus suis, tociens quociens per eundem seu eosdem fuerint requisiti ».

25. Ibid. « Item. Etiam quod idem miles non teneatur nec ejus successores, in aliquo contribuere in instructione murorum seu in facture fossatorum, presencium vel futurorum ».

26. Ibid. « Item, etiam fuit actum et concordatum, quod quolibet anno in mutacione consulum prestito per dictos consules juramento dicto domino, quod ipsi consules teneantur et debeant apportare claves omnes dictarum portarum ipsi militia, in signum dominii, aut in manibus curialium dicti domini, seu procuratorum ejusdem, et dictus dominus debet dictis consulibus dictas claves restituere ad libitum voluntatis ».

27. Ibid. « Item, quod si contingat quod claves dictarum portarum seu aliqua ipsarum perderentur, quod non possint nove claves fieri nec mutare sine domini expresso mandato vel consensu, aut supranominatorum gentium suarum ».

28. C’est-à-dire avec des pierres liées au mortier de chaux.

29. AN, Trésor des chartes, registre 103, P. 9. Vingt 9 (189), op. cit. « Item, etiam erat questio cujusdam portalis situati in muro dicti loci ante portam castri, per quod habebat liberum ingressum dictus miles et ejus gentes vel curiales, infra et extra dictum locum et non aliter, quod fuerat clausum cum calca et arena per homines dicti loci, fuit concordatum et transactatum inter dictas partes, quod idem miles seul alter nomine suo, possit illud portale apperire, vel aliud in quacunque parte muri tam presentis quam futuri faciendi, de novo facere ; et quod idem miles habeat, seu ejus curiales, custodiam clavis dicti portalis, et non consules nec aliquis de universitate dicti loci ».

30. Ibid. « …ita tamen quod ipsi consules, consiliarii et universitatis singulares ipsius loci de Livineria centum solidos turonenses annuales et perpetuis temporibus, hoc anno semel et anno quolibet, in festo Omnium sanctorum, de moneta tunc currenti, eidem militi, ejusdem heredibus et successoribus et ab ipso causam habentibus et habituris solvent et solvere tenebuntur ».

31. Mahul 1863, 323. « quod dicti presbiteri habeant celebrare continue pro anima mea, videlicet tres in ecclesia des Livineria et alter in capella Sancti Salvatoris castri dicti loci… ».

32. AD11, 66C46. Reconnaissances féodales, 1378.

33. Varoqueaux-Escoffier 2009b, 27.

34. AD34, 141 EDT 16, Compoix de 1461, registre, 468 f° (ancienne cote : CC1).

35. Varoqueaux-Escoffier 2010a, 31-35. Ce document énumère feu par feu jusqu’à avoir fait le tour du village, permettant de comprendre la toponymie et l’organisation des lieux : « uno houstal al Pourtal de las Yeiros » confronte « an cers en la muralhe de la vilho », puis le « Pourtal de las Hieiros ; le Plo dal sementary ; un quartier dénommé Darre la gleisa ; Vart Vert et Davalado de Vart Vert ; le Portal Mouret, Carriero dal Portal Mouret et près lou Portal Mouret ; le Portal Nou, Costo del Portal Nou, près lou Portal Nou, carriero dal Portal Nou ; la Placeto ; le quartier dénommé Quiqualiere ; le Portal Pépieux, près lou Portal Pépieux, Carriero dal Portal Pépieux ; Près lou fourn de vilho, joust lou fourn ; Près lou castel ; le quartier du Bourguet, Carriero dal Bourguet, Fons dal Carriero dal Bourguet ; Darre lous murs ; la Placo ; le Plo ; Près lou sementary, an lou sementary ».

36. Varoqueaux-Escoffier 2010b, 7-10. Sur ce sujet, voir entre autres : Loppe, Douillet, Vallée-Roche 2013 ; Marty 2020.

37. Varoqueaux-Escoffier 2010a, 34-35.

38. Ibid.

39. Bourin-Derruau 1987, t. 1, 31.

40. Évoquant Nicolas II de la Jugie, J.-A. Mahul rapporte une histoire sur les origines de La Livinière, consignée dans divers documents retrouvés au château de Rieux-Minervois. Bien que sujette à caution, elle mérite d’être rapportée : « Et quoique led. Nicolas eust ceste belle terre de Rieux et beaucoup d’autres, il avoit en particulière affection La Livinière ; il y séjournoit le plus, y ayant un fort et gros chasteau, et dedans une belle et riche chapelle, fondée sous l’invocation de Saint-Sauveur, bâtie par le cardinal de la Colomne (Colonna) vers l’an 1296 avec la direction de Lelius Petri, romain, son procureur et agent général, lequel obligea plusieurs personnes d’y faire des maisons à l’entour, et petit à petit, à former le lieu en la façon qu’on lui void maintenant, la plus part desquelles personnes aiant esté constraintes d’abandonner l’endroit où la ville de La Livinière estoit présédament construite, sur la rivière d’Oignon, peu distant de là, par les premières guerres des Anglais, qui, hors de l’église parrochiale, laquelle s’y void encores très entière, avoient tout desmoly et désolé, feurent bien aises de s’y loger avec led. Petri, qui y arresta sa fortune et sa famille, dont depuis y en eu plusieurs branches ; et ainsi, La Livinière fut transportée là où elle est arrivée, et sa première assiette entièrement abandonnée » (Mahul 1863, 322).

41. « Puis arrive le troisième stade, celui de la construction de murs, peut-être au sommet du vallat. La plupart des villages ont, au XIIIe siècle, au moins un système partiel de murailles. Sans doute le rythme de ces aménagements a-t-il été différent suivant les villages. Cependant, les années 1130-1140 paraissent partout des années d’intense activité de fortification commune » (Bourin-Derruau 1987, t. 1, 74).

42. Ces formes irrégulières laissent penser à des constructions spontanées comme au castrum de Peyriac-Minervois (Loppe, Douillet, Vallée-Roche 2013).

43. Depuis le XIXe siècle des maisons et caves viticoles ont été édifiées sur l’ancien fossé qui n’a pas été totalement comblé puisque la présence d’un nappe phréatique d’au moins 7 m de profondeur a permis d’y aménager de nombreux puits.

44. S’agirait-il d’un ancien lotissement orthonormé et planifié, éventuellement lié aux aménagements de la famille Colonna au début du XIVe siècle ?

45. Hypothèse émise notamment par M. Bourin : « Observons le cas de la Livinière (Hérault) : rien ne le distingue d’autres villages de plan circulaire. Pourtant il est peut-être bien postérieur aux autres : le transfert des habitants de l’ancien site au nouveau, autour du château seigneurial aurait été imposé, au début du XIVe s. seulement, par le cardinal Colonna qui le possédait… » (Bourin 1996, 21, 22). En fait il s’agissait peut-être uniquement de peupler de nouveaux quartiers comme le Bourguet.

46. À titre de comparaison, l’aula du début du Xe siècle fouillée à Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) dans les années 1960 avait d’imposantes dimensions (23 x 16 m ; De Bouärd 1973, 19).

47. Sites datés par la céramique de la fin Ve-début VIe siècle : habitat de hauteur du Pic des Sarrazis, commune de Cassagnoles (Hérault) ; voir : Loppe, Marty, Zanca et al. 2005-2006, 298-302 ; Bâtiment B, village de Minerve (étude en cours). Comme à Minerve, seuls des sondages archéologiques révélant un mobilier caractéristique dans le bâtiment I-A de la Livinière pourraient apporter des éléments probants en ce sens.

48. En effet, les caractères architecturaux sont pratiquement identiques entre ces deux périodes : ainsi, dans la Moyenne Vallée de l’Hérault, entre le Pont du Diable et le village de Saint-Guilhem-le-Désert, un bâtiment de 24,30 x 10 m (ép. murs : 0,60 m) comportant parfois des assises de moellons inclinés avait été daté dans un premier temps des VIIIe-IXe siècles mais des sondages archéologiques ont permis de situer son édification entre 450 et 550 (Durand 2009, 13).

49. Les termes cella/cellula, relativement polysémiques selon leur contexte, auraient deux significations principales : habitations individuelles près d’une église ou à l’intérieur d’un monastère, mais aussi monastère à part entière (Gaillard 2016, 6, 7).

50. Dans l’Aveyron le site castral du Castélou (Xe-XIe siècles) est implanté au pied même du bourg monastique de Conques (Fau 2018, 41-47).

51. Le village est cité comme cellula dès 815 (Gardel, Jeanjean Catherine, Bès et al. 2009, 26).

52. Cella carolingienne ou pôle ecclésial plus tardif ?

53. Gardel, Loppe, Sanchez, 2008.

54. Si un solin de toit a été réalisé dans le mur oriental MR23 pour ancrer le bâtiment I-B, il est aujourd’hui masqué par l’important remblai présent entre les bâtiments I et II. De même, le comblement à l’intérieur du bâtiment I empêche de se faire une idée sur la hauteur originelle du bâtiment I-A et de son premier renfort roman côté sud (mur MR8a).

55. Dans le mur MR7a, deux empochements réalisés sur la même assise contre les parements des murs MR6 et MR8 accueillaient des corbeaux (en bois ?) afin de supporter une poutre de rive. Il est d’ailleurs significatif de retrouver au même niveau dans les deux murs périphériques MR6 et MR8 deux autres empochements qui recevaient vraisemblablement autrefois les extrémités de cette pièce de bois. Il y avait donc une série d’au moins huit poutres dont l’écart était très faible (env. 0,60 m) et dont la portée atteignait environ 2,5 m. Cette disposition donnait un plancher très solide permettant de se passer de solives dans la mesure où les lattes du plancher pouvaient être clouées directement sur les poutres (hypothèse 2). Mais l’important décalage entre le seuil supposé de la porte POR7 et le haut de la poutre de rive (env. 0,80 m) aurait éventuellement permis de placer des solives perpendiculaires (hypothèse 1).

56. Cette porte POR7 sera ultérieurement bouchée par un mur MR7c à une époque indéterminée.

57. L’examen du tableau intérieur montre une feuillure (ép. montant : 0,30 m) mais ne révèle aucun ancrage de gond ni de logement de barre de fermeture.

58. La présence de cet élément d’accès et d’un système défensif associé (créneau) ne se conçoit que si le périmètre était également clos du côté sud, soit entre le bâtiment II/tour et l’enceinte sud, soit entre le bâtiment I et le bâtiment II. Aujourd’hui, compte tenu de la modification des dispositions d’origine, il est impossible de savoir de quelle manière ce secteur était aménagé.

59. Assises très semblables à celles du mur d’enceinte du village d’Argelliers (Aude), également attribuées à la première moitié XIIe siècle (Loppe, Douillet, 2017, 56). Néanmoins, comme à la Livinière, la présence d’opus spicatum peut laisser penser que la construction a pu débuter dès le XIe siècle.

60. En partie basse le parement intérieur comporte des blocs de calcaire gris à cassure conchoïdale.

61. Seule ouverture d’origine, une trappe d’accès d’environ 0,70 x 0,80 m a été ménagée dans l’angle sud-ouest, près de la naissance de la voûte.

62. H x l fente extérieure : env. 0,45 x 0,12 m.

63. Des maisons à pans-de-bois de la fin IXe-début XVIe siècle existent au village de Peyriac-Minervois (Loppe, Douillet, Vallée-Roche 2013, 78-86).

64. Selon son propriétaire, la parcelle AM254 possède également un puits côté sud, le seul connu dans le noyau castral.

65. La présence d’une imposte avec cavet au niveau de l’arc supérieur indique qu’il ne s’agit pas d’un arc de décharge mais de l’arcature d’une porte antérieure POR4a ultérieurement reprise en sous-œuvre par une porte POR4b. D’une largeur de 2,20 m elle atteignait environ 3 m de haut.

66. Au niveau de la parcelle AM 250, un chapiteau en grès de 0,43 m de côté pour 0,28 m de haut comporte des angles épannelés en cavet encadrant des faces ornées d’un blason en relief surplombé d’un abaque sans décor de 0,09 m de haut. L’identité parfaite entre ces blasons sculptés et celui visible au-dessus de la porte POR4 du noyau castral (enceinte sud) incite à penser qu’il appartenait à un bâtiment seigneurial inclus dans ce périmètre, peut-être le bâtiment IV.

67. Cette porte était encore intacte il y a une trentaine d’années. Large d’1 m elle devait atteindre environ 2 m sous clé (H conservée actuelle : 1,40 m). Elle était couverte d’un arc brisé chanfreiné (l chanfrein : 0,14 m) en grès gris à grain fin, composé de 10 claveaux.

68. Au village de Peyriac-Minervois, la résidence seigneuriale du noyau castral sera abandonnée à la fin du XVIe siècle au profit d’un nouveau château édifié dans le village (Loppe, Douillet, Vallée-Roche 2013, 77-78).