Présentation de la publication
Au carrefour du négoce, de la manufacture
et des charges publiques :
la famille du général Pierre-Auguste Lajard,
de Montpellier
Auteur(s) : Henri Teisserenc
Résumé :
Une famille Lajard, dans l’Hérault, le Gard et l’Ardèche, ici à partir du XVIe siècle, là à partir du XVIIe, agit dans le monde de la marchandise, du négoce, puis de la manufacture de toiles de coton, enfin dans ceux des offices, de la haute administration et de la politique. Après une montée en puissance économique soutenue par des alliances matrimoniales, les Lajard sont au faîte de leur essor dans les affaires quand se présentent les opportunités de fournitures aux armées de la Révolution et de l’Empire. Plusieurs montent à Paris, renforçant une forte représentation héraultaise dans la capitale, poussée par Cambacérès et animée par Chaptal qui a épousé une Lajard. Passé le temps de l’Empire, glorieux pour eux, la plupart se replient sur leur base de départ, Montpellier, que leurs descendants désertent progressivement et qui, aujourd’hui, ignore même leur nom.
Abstract:
Originating from the Hérault, the Gard and the Ardèche, the Lajard family were to be to found in wholesale trade, the manufacture of cotton fabrics, public office and high public administration and politics throughout the 16th and 17th C. Following a financial escalation of power, advanced by marriage alliances, the Lajard were at the height of their expansion in business when supply opportunities presented themselves to provide for the Révolutionary and Empire French armies. Several family members moved to Paris, boosting the presence of Hérault people in the capital, encouraged by Cambacérès and facilitated by Chaptal, who had married a member of the Lajard family. At the end of the Empire period, which was a remarkable time for them, they generally movedback to their original base in Montpellier, and their descendants then left over time, so that today nobody has even heard of their name.
Resumit :
Una familha Lajard, dins Erau, Gard e Ardecha, aicí a partir del sègle XVI, ailà a partir del sègle XVII, òbra dins lo mond de la merça, del negòci, puèi de la fabrica de telas de coton, enfin dins aquel dels oficis, de la nauta administracion e de la politica. Aprèp una pojada en poténcia economica sostenguda per de ligams matrimonials, los Lajards son al crin de lor lanç dins los afars, quand se fan jorn las escasenças de forniduras per la armadas de la Revolucion e de l’Empèri. D’unis montan a París, refortissent una representacion eravenca consequenta dins la capitala, butada per Cambacerés e reviscolada par Chaptal que se maridèt amb una Lajard. Passat lo temps de l’Empèri, gloriós per eles, la màger part se resplega cap a lor punt de partença, Montpelhièr, que lors descendents abandonan pauc a pauc e que, al jorn de uèi, ne conoisson pas mai lor nom.
Resumen :
Una familia Lajard, en Hérault, Gard y Ardeche, aquí desde el siglo XVI, allí desde el siglo XVII, actúa en el mundo de la mercancía, del comercio, luego, en la fabricación de telas de algodón, y finalmente, en los de oficios, de la alta administración y de la política. Después de una subida en potencia económica apoyado por alianzas matrimoniales, los Lajard están en la cima de su auge en los negocios cuando surgen oportunidades para abastecer a los ejércitos de la Revolución y Imperio. Varios suben a París, lo que refuerza una fuerte representación heraultesa en la capital, empujado por Cambaceres y animado por Chaptal que se casó con un Lajard. Pasada la época del Imperio, gloriosa para ellos, la mayoría recae en su base de inicio, Montpellier, que sus descendientes están desertando gradualmente y que, hoy, incluso ignora su nombre.
Introduction
Dans la région gardoise de Sumène, Sauve, Saint-Hippolyte-du-Fort et jusqu’à Sommières, une famille Lajard, est présente au XVIe siècle ; les hommes y sont principalement maîtres chirurgiens et maîtres apothicaires. Une autre famille de même patronyme apparait aussi, au milieu du XVIe siècle, à Montpellier où elle va prospérer pendant plus d’un siècle principalement dans le milieu marchand des laines, cotons et soies. Si les liens de parenté entre ces groupes familiaux ne nous paraissent que probables, c’est qu’ils ne seraient pas de proche cousinage et qu’ils ne sont pas prouvés ; mais les affaires peuvent amener ces Lajard à se joindre les uns aux autres, comme s’ils se connaissaient de longue date et avaient coutume de se rencontrer. Ils sont tous protestants.
Le premier connu, Claude, est probablement originaire du Dauphiné, de Réotier (Hautes-Alpes), ou Saint-Crépin paroisse mitoyenne, comme son épouse qui est de Villar-Loubière (Hautes-Alpes) ; bien avant lui, un Lajard de Réotier avait testé à Beaucaire en 1515 ; après lui, Joseph, un de ses cousins aussi de Réotier s’installe à Pont-Saint-Esprit. Ceux qui résident de nos jours à Marseille viennent aussi de cette bourgade. Bien avant eux, d’autres exerçaient des activités urbaines en Bas Dauphiné dès le XIVe siècle, à Cras (Isère), entre La Côte-Saint-André et Grenoble.
Venant de ces plateaux haut alpins ou de leurs vallées interstitielles du Dauphiné, les uns auraient embrassé la Réforme au passage des Cévennes, les autres seraient restés catholiques en descendant vers les villes égrenées le long du chapelet rhodanien, à Bagnols, Pont-Saint-Esprit, Beaucaire… Tous sont des notables du monde de la bourgeoisie exerçant des professions urbaines et plusieurs d’entre eux sont élus consuls, à Réotier, Bagnols, Pont-Saint-Esprit ou Montagnac (Hérault). Si nous n’avons pas formellement établi le lien généalogique entre la branche catholique et la branche protestante, la tradition orale familiale, certes un peu floue, et la similitude de profil socio-familial entre les deux entités confortent la thèse d’une commune origine.
Vers 1664, Jacques Lajard de Montpellier, abandonnant la marchandise, acquiert l’office de Receveur et Controlleur des droits de la foraine au Bureau de Serrières en Vivarais, où son frère Pierre vient le rejoindre. Ledit office valant bien une messe, ils deviennent catholiques ; au début du XVIIIe siècle, l’un de ces Ardéchois ira exercer ses talents de contrôleur des marchandises à Sète et s’installera en famille à Montagnac. Une branche, renouant avec le commerce, traversera le Rhône pour faire ses affaires à Andancette (dans l’actuelle Drôme).
À la fin du XVIIe siècle, d’autres Lajard s’installent à Bagnols-sur-Cèze où, pendant plus d’un siècle, ils vont prospérer et s’enrichir dans le négoce des toiles de coton. Ils sont catholiques, comme leurs cousins qui élisent domicile à Pont-Saint-Esprit, où ils pratiquent le même négoce. Ils se partageront plus tard entre Montpellier et, pour l’un d’eux, provisoirement Lyon. [...]