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La construction du Lycée Clémenceau de Montpellier,
« premier lycée de jeunes filles de France »
Didier PORCER
Le Lycée Clemenceau à Montpellier a ouvert ses portes en 1881 après le vote de la loi Camille Sée. La municipalité Alexandre Laissac a fait preuve, avec l’appui de la bourgeoisie protestante, d’un grand volontarisme afin que Montpellier soit la première ville de France à se doter d’un Lycée de jeunes filles. Sis au faubourg Saint-Denis, il s’est installé d’abord dans d’anciens bâtiments : la villa Nouguier, devenue clinique du docteur Delpech, puis immeuble Castelnau. Mais cette première installation s’est révélée très vite insuffisante. De nouveaux bâtiments (internat puis externat) ont été édifiés, et inaugurés en 1890 par le président de la République Sadi-Carnot. Ces bâtiments ont été récemment rénovés par le Conseil Régional. Les bâtiments du Lycée Clemenceau témoignent de l’essor de l’enseignement féminin, ils sont une des meilleures réussites de l’architecture scolaire.
Pour les Montpelliérains (et les Héraultais), l’actuel Lycée Clemenceau, sis au n° 31 de l’avenue ainsi nommée en l’honneur du Père la victoire, a longtemps été connu sous le nom de Lycée de jeunes filles (qui figure d’ailleurs encore sur le portail de la belle grille d’entrée), le premier en France à avoir ouvert ses portes, à la rentrée 1881, soit soixante-dix-sept ans après l’ouverture du Lycée de garçons. Celui-ci était alors installé depuis 1804, face à l’Esplanade, dans les splendides bâtiments de l’ancien collège des Jésuites, édifié à la fin du XVIIe siècle par Antoine Giral, fondateur d’une dynastie de grands architectes montpelliérains.
Au XIXe siècle, en effet, l’enseignement féminin – reflet, en cela de la place accordée à la femme dans la société (dont on attend avant tout qu’elle soit une bonne maîtresse de maison et fasse honneur à son mari par sa culture) – accuse un important retard, ou du moins son contenu et l’éducation donnée diffèrent profondément de l’enseignement masculin. Par la loi du premier mai 1802, Bonaparte, alors Premier consul, crée les Lycées (qui remplacent les Écoles Centrales), mais uniquement, cela va de soi à l’époque, pour les garçons. La loi du 17 mai 1808 les intègre à l’Université impériale qui reçoit le monopole de l’enseignement’. Si l’on excepte la tentative – au succès limité – de créer un véritable enseignement secondaire féminin par Victor Duruy en 1867, cet enseignement ne peut guère s’effectuer que dans le cadre de ce que l’on appelle les pensionnats dispensant un cours primaire complet mais avec un progressif élargissement vers les études secondaires. Ils sont à l’origine des grands établissements congréganistes qui s’épanouissent à la suite de la loi Falloux qui, en 1850, supprime pour l’enseignement secondaire le monopole universitaire. Même s’il existe quelques institutions laïques, la plupart de ces pensionnats sont religieux, tels le pensionnat des Ursulines (1817), la Providence-Cours St Charles (1822), l’institution Notre-Dame des Anges (futur Lycée Nevers, 1837), le pensionnat du Sacré Cœur – Sainte Odile (1841), l’institution Notre Dame de la Merci (1844, fondée parles Dames de Saint-Maur), l’Assomption-Cours Saint-Jean (1876)… Certains, en tout premier lieu la Merci, mais aussi le Sacré-Cœur, l’Assomption, parmi d’autres, sont installés dans de très beaux bâtiments édifiés pour la plupart sous les épiscopats de Mgr Thibault et de Mgr de Cabrières, qui prétendent ne le céder en rien au Lycée public de garçons. Guerre scolaire oblige !
Le Lycée de jeunes filles, fondé au début des années 1880 dans un contexte local et national favorable (les Républicains sont enfin au pouvoir et Jules Ferry est ministre de l’instruction publique), va vouloir lui aussi être à la hauteur en matière de bâtiments. Va-t-il réussir « sans être un palais, sans rien donner au luxe », comme le dira Ferdinand Castets, à être une réussite architecturale dans laquelle rien ne manquera « de ce qui est nécessaire à l’instruction et au bien-être des élèves. » [...]