La construction du Lycée Clémenceau de Montpellier,
« premier lycée de jeunes filles de France »

* Docteur en Histoire

Pour les Montpelliérains (et les Héraultais), l’actuel Lycée Georges Clemenceau, sis au n° 31 de l’avenue ainsi nommée en l’honneur du Père la victoire, a longtemps été connu sous le nom de Lycée de jeunes filles (qui figure d’ailleurs encore sur le portail de la belle grille d’entrée), le premier en France à avoir ouvert ses portes, à la rentrée 1881, soit soixante-dix-sept ans après l’ouverture du Lycée de garçons. Celui-ci était alors installé depuis 1804, face à l’Esplanade, dans les splendides bâtiments de l’ancien collège des Jésuites, édifié à la fin du XVIIe siècle par Antoine Giral, fondateur d’une dynastie de grands architectes montpelliérains 1.

Au XIXe siècle, en effet, l’enseignement féminin – reflet, en cela de la place accordée à la femme dans la société (dont on attend avant tout qu’elle soit une bonne maîtresse de maison et fasse honneur à son mari par sa culture) – accuse un important retard, ou du moins son contenu et l’éducation donnée diffèrent profondément de l’enseignement masculin 2. Par la loi du premier mai 1802, Bonaparte, alors Premier consul, crée les Lycées (qui remplacent les Écoles Centrales), mais uniquement, cela va de soi à l’époque, pour les garçons. La loi du 17 mai 1808 les intègre à l’Université impériale qui reçoit le monopole de l’enseignement 3. Si l’on excepte la tentative – au succès limité – de créer un véritable enseignement secondaire féminin par Victor Duruy en 1867, cet enseignement ne peut guère s’effectuer que dans le cadre de ce que l’on appelle les pensionnats dispensant un cours primaire complet mais avec un progressif élargissement vers les études secondaires. Ils sont à l’origine des grands établissements congréganistes qui s’épanouissent à la suite de la loi Falloux qui, en 1850, supprime pour l’enseignement secondaire le monopole universitaire. Même s’il existe quelques institutions laïques, la plupart de ces pensionnats sont religieux, tels le pensionnat des Ursulines (1817), la Providence-Cours St Charles (1822), l’institution Notre-Dame des Anges (futur Lycée Nevers, 1837), le pensionnat du Sacré Cœur – Sainte Odile (1841), l’institution Notre Dame de la Merci (1844, fondée par les Dames de Saint-Maur), l’Assomption-Cours Saint-Jean (1876)… Certains, en tout premier lieu la Merci, mais aussi le Sacré-Cœur, l’Assomption, parmi d’autres, sont installés dans de très beaux bâtiments édifiés pour la plupart sous les épiscopats de Mgr Thibault et de Mgr de Cabrières, qui prétendent ne le céder en rien au Lycée public de garçons. Guerre scolaire oblige ! 4

Le Lycée de jeunes filles, fondé au début des années 1880 dans un contexte local et national favorable 5 (les Républicains sont enfin au pouvoir et Jules Ferry est ministre de l’instruction publique), va vouloir lui aussi être à la hauteur en matière de bâtiments. Va-t-il réussir « sans être un palais, sans rien donner au luxe », comme le dira Ferdinand Castets, à être une réussite architecturale dans laquelle rien ne manquera « de ce qui est nécessaire à l’instruction et au bien-être des élèves » ? 6

La récente (2008) et seconde grande rénovation (la première ayant eu lieu dans les années 1980 à l’occasion du centenaire), dont ont fait l’objet des bâtiments du lycée Clemenceau, a renouvelé l’intérêt pour les origines et l’histoire de cet ancien et prestigieux établissement, et a plus particulièrement suscité chez beaucoup dans la communauté scolaire (membres de l’administration, enseignants et peut-être même élèves), le désir d’en savoir plus sur l’édification de ce qui était alors le premier Lycée de jeunes filles de France, créé en 1881, à la suite du vote de la loi Camille Sée. Beaucoup conviennent qu’il s’agit d’un lieu magnifique dont on peut facilement tomber amoureux. « Nous y avons aimé, nous y avons souffert », pouvons-nous dire avec Danielle Delclos (1976-1983), son premier proviseur qui m’a accueilli au lycée lors de la rentrée de septembre 1977 (celles qui l’ont précédée, de Mme Despournet-Ruello à Mme Baladié, ne portaient que le titre de directrices).

Premier Lycée de jeunes filles de France, en effet ! Fondé immédiatement après la promulgation de la loi, le 21 décembre 1880, autorisant l’ouverture d’externats de jeunes filles, et laissant aux municipalités la possibilité de leur annexer des internats.

Le propos étant relatif aux bâtiments, il n’entre point dans mon intention de retracer dans le détail l’historique de cette fondation. D’autres l’ont fait avec brio ; je pense en particulier aux travaux de Gérard Cholvy, de Louis Secondy et de Colette Vitse 7, lors du centenaire, venant après les témoignages de Berthe et Julie Rochas, et de Louise Bérard 8.

Il suffira de rappeler que la municipalité d’Alexandre Laissac (maire de Montpellier de 1878 à 1892), avec pour premier adjoint Jean Gustave Martin 9, a fait preuve d’un grand volontarisme, a fait en quelque sorte le forcing, et ce dès avant la promulgation de la loi, afin que Montpellier soit la première ville de France à être dotée d’un Lycée de jeunes filles. Les raisons en sont multiples : faire preuve de républicanisme et de sens de la modernité : « Sous peu, on regardera dans la société comme un titre pour une jeune femme d’avoir fait son éducation dans une maison où tout s’inspire des idées modernes et des principes démocratiques » ; l’emporter sur les congrégations qui tiennent alors en main l’essentiel de l’enseignement, celui des jeunes filles en particulier (il faut choisir, vient de déclarer Jules Ferry, il faut que la femme appartienne à la science ou qu’elle appartienne à l’église) ; s’inscrire enfin dans la longue tradition de Montpellier, ville savante depuis le Moyen Âge et faire que cette fois-ci encore, elle ait « l’honneur de marcher au premier rang » 10. La pression de la bourgeoisie protestante a de toute façon été déterminante ; les jeunes filles de la bourgeoisie catholique fréquentant la Merci, tenue par les dames de Saint-Maur et les nombreux autres établissements congréganistes, n’est-il pas légitime que celles issues d’une bourgeoisie protestante, alors en pleine ascension, puissent étudier dans un établissement au prestige au moins égal ? Cette empreinte protestante se fera sentir, comme nous le verrons, dans le choix des bâtiments qui vont abriter le futur Lycée, mais surtout dans sa fréquentation, du moins à ses débuts. (Fig. 1)

Plan de 1882
Fig. 1 - Plan de 1882

Tout va donc aller très vite.

Dès le 1er novembre 1880, un collège libre de jeunes filles ouvre ses portes dans l’immeuble Castelnau au 27, avenue de Toulouse. Le 3 mai 1881, il est transformé en collège d’établissement public, et la ville achète le bâtiment dont elle n’était que locataire. Un peu avant, dès le début 1881, l’administration Laissac entreprend des démarches auprès du ministre de l’Instruction publique pour obtenir la transformation en lycée de ce collège d’enseignement secondaire de jeunes filles. Dès la fin du mois de juillet, la ville reçoit une première réponse favorable et Alexandre Laissac fait préparer le projet d’internat. Le 4 octobre 1881, il donne lecture au conseil municipal de la réponse de Jules Ferry, en charge du ministère : « Je consens à l’ouverture provisoire du Lycée à dater de la prochaine rentrée des classes et à prendre à charge de l’État, la moitié des frais de toute nature effectués et à effectuer pour l’installation de l’établissement : achat et agrandissement de l’externat, construction de l’internat, acquisition du mobilier scolaire et du matériel d’enseignement » 11.

Un projet de traité entre la municipalité et l’État est mis au point, ce même 4 octobre, en voici les clauses essentielles 12.

  1. La ville de Montpellier cède à l’État la jouissance de l’immeuble lui appartenant avenue de Toulouse, affecté actuellement au collège d’enseignement secondaire de jeunes filles, pour y faire un Lycée d’externes pour le même enseignement, le mobilier, des bancs et les collections étant compris dans cette cession, et la ville s’engagera à assurer l’entretien et la gestion des bâtiments. Elle se réserve toutefois dans cet immeuble la partie réservée à l’internat.
  2. L’État, de son côté, entre pour moitié dans les dépenses de travaux et d’acquisitions diverses déjà effectuées pour le compte de la ville de Montpellier.
  3. L’État s’engage à autoriser la ville à annexer un internat au Lycée de jeunes filles.

Ce traité est aussitôt signé par le ministre (Paul Bert, successeur de Ferry) et sa mise en œuvre quasi immédiate. Il est fondamental pour comprendre ce qui va suivre.

Le 8 octobre 1881 a lieu, toujours dans l’immeuble Castelnau, la première rentrée du futur Lycée, avec seulement 76 élèves. Et le 18 janvier 1882 paraît enfin le décret, tant attendu, portant création du Lycée de jeunes filles de Montpellier. Il reprend les clauses du traité signé avec la municipalité 13.

« Considérant que la ville de Montpellier s’est engagée :

  1. À fournir les bâtiments destinés à l’internat et à fournir ceux du pensionnat.
  2. À garnir tous les locaux du mobilier usuel et du matériel scientifique nécessaire.
  3. À assurer l’entretien et la réparation des bâtiments.
  4. À fournir, pour dix ans au moins, un certain nombre de bourses.

Le président de la République (alors Jules Grévy, le premier président républicain, 1879-1887) décrète :

  1. Un Lycée national de jeunes filles est créé à Montpellier.
  2. La ville de Montpellier est autorisée à annexer un internat à l’établissement.

« Au début on manque de tout et d’abord du confortable, déclare Berthe Rochas, directrice de 1882 à 1901. L’ancienne clinique du docteur Delpech, devenue ensuite une pension de jeunes gens, puis une maison bourgeoise n’était guère faite pour être un Lycée. Mais quel agrément dans le lieu ! » 14.

C’est en effet dans les murs de l’ancienne clinique du docteur Delpech, une des plus hautes figures de la médecine montpelliéraine dans la première moitié du XIXe siècle, que le nouveau lycée vient d’ouvrir ses portes.

Jacques Mathieu Delpech naît à Toulouse en 1777, dans les dernières années de l’Ancien Régime. Il étudie la chirurgie dans sa ville natale et sert d’abord aux armées, en un temps où, les armées du Directoire puis de Bonaparte doivent faire face à l’Europe coalisée. En 1801, il obtient à Montpellier, suite à sa soutenance de thèse, le titre de docteur en Médecine. Il part aussitôt pour Paris où il perfectionne ses connaissances auprès d’Alexis Boyer. En 1812, il est nommé professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Montpellier qui vient d’être restaurée par Napoléon en 1808. Il y enseigne jusqu’à sa mort prématurée en 1832. Il y fait grandement prospérer la chirurgie, et se spécialise dans l’orthopédie. C’est pour soigner ses malades qu’il fonde en 1826, route de Toulouse, une clinique d’orthopédie destinée à combattre les déformations par les exercices appropriés 15.

« Il avait aménagé, écrit Louis Dulieu, le grand spécialiste d’histoire de la médecine à Montpellier, dans une belle demeure de l’avenue de Toulouse (une grande villa avec jardin), au milieu d’un parc, une clinique privée qui était un véritable centre de rééducation fonctionnelle. Les malades y trouvaient tous les soins nécessaires à leur état, mais aussi une foule d’appareils ingénieux qu’il perfectionnait sans cesse pour réduire les malformations et les maintenir en bonne position ». Il ajoute : « Il établit lui-même les plans du gymnase, conçoit les appareils orthopédiques et les techniques de redressement » 16.

Cette belle demeure ou grande villa a déjà, au moment où Delpech y installe sa clinique, en 1826, toute une histoire derrière elle.

Elle a été construite à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe par le banquier montpelliérain Michel Nouguier (maire de la ville en 1800), sur des terrains dont il a fait l’acquisition en 1785 et 1789, au faubourg Saint-Denis, face au couvent des Carmes Déchaussés (ici installés depuis le XVIIe, il s’agit de l’actuelle Providence). L’emplacement est bon, le faubourg étant depuis la construction de l’église en 1707 et la création de la paroisse, en plein développement. « Les ménagers, mais aussi peu à peu les marchands et les procureurs s’installent avec leurs familles au milieu des champs et des jardins » 17. Mais Michel Nouguier n’a que peu profité du domaine. Le 20 juin 1808, il a vendu maison et jardin aux frères et sœurs De Laforest, qualifiés de « propriétaires espagnols » (domiciliés à Marseille, puis à l’île de la Trinité), par maître Alicot, le notaire devant lequel l’acte a été passé 18. Ces derniers n’ont gardé le domaine qu’une dizaine d’années, puisque le 1er avril 1819, ils l’ont à leur tour vendu à Claire Alexandrine Gibert de Jansac, épouse de Jacques Joseph Régis de Blanc de Molines, ancien chef de bataillon d’artillerie, chevalier de Saint-Louis, laquelle, devenue veuve, l’a cédé au docteur Delpech, moyennant 30 000 F, par acte du 19 janvier 1826 19.

Des propriétaires, quelque peu illustres, en tout cas d’une condition sociale élevée, sont donc à l’origine de « l’antique demeure » que célèbrera plus tard Mlle Rochas qui, comme nous le verrons, évoquera avec nostalgie « ses orangeries seigneuriales et ses arbres séculaires ». Peut-être y a-t-il une pointe d’exagération, mais sans doute savait-elle que les bâtiments et les jardins de son lycée n’étaient pas ceux d’une simple clinique, fut-elle celle du docteur Delpech. L’histoire l’autorisait à s’exprimer ainsi 20.

Mais laissons le notaire Alicot nous faire visiter le domaine, en 1826, au moment où le docteur Delpech en fait l’acquisition : « Il s’agit – écrit-il – d’un vaste enclos muré, situé au territoire de Montpellier, section I, dite Saint-Denis, dont la principale entrée est sur le chemin de Toulouse, vis-à-vis de l’ancienne église des Carmes Déchaussés, se composant de bâtiments formant deux ailes avec cour qui les sépare, à laquelle on parvient par une grande grille en fer qui donne sur ledit chemin, lesdites ailes joignant un corps de bâtiments pour logement de maître à côté duquel est le logement du jardinier. Suit une grande et belle terrasse à gauche de laquelle est construite une orangerie. Suit encore un jardin d’agrément et un jardin potager (affermés au jardinier Pagès). Le tout contenant environ cent sept ares (sept stérées et demi, ancienne mesure locale). Confrontant au Nord le grand chemin de Toulouse, au Midi le chemin tenant du faubourg de la Saunerie à Montels, au couchant la terre champ appartenant aux sieurs Fermaud (jardiniers qui donneront leur nom à la future rue Enclos Fermaud), au Levant l’enclos de M. Mallet (qui sera acquis en 1881 pour agrandir le lycée) 21.

Le docteur Delpech meurt, comme il a été dit, en 1832, assassiné devant sa clinique par un ancien malade, pourtant opéré avec succès l’année précédente. « Après sa mort, poursuit Louis Dulieu, le professeur agrégé Victor Trinquier (qu’il s’était adjoint car il s’intéressait aussi à l’orthopédie), devait devenir le directeur de cette clinique jusqu’à une date imprécise, mais qui doit être voisine de 1847 (il s’est retiré à Millau en 1849 et est revenu mourir à Montpellier en 1851). « La clinique cessa alors son activité mais fut très vite reprise en main par Eugène Bertin qui y traita les affections pulmonaires. La clinique prit alors le nom d’établissement médico-pneumonique. Il le conserva jusqu’à sa mort » » (survenue en 1878) 22.

L’établissement est alors acquis par un membre de la famille Castelnau et devient, comme le dira Mlle Rochas, une maison bourgeoise. Les Castelnau, en effet, appartenaient à la grande bourgeoisie protestante montpelliéraine (ils ont fourni bon nombre de négociants et de banquiers), bourgeoisie qui est pour une bonne part à l’origine de la création du Lycée. Il n’est donc pas étonnant que ce dernier s’installe dans un immeuble lui appartenant. L’on sait que cet immeuble Castelnau est aussitôt loué, puis acquis par la ville qui y installe un collège (rentrée 1880), puis un Lycée (rentrée 1881). L’on y trouve alors l’externat et au deuxième étage l’internat. Mais afin de permettre une meilleure installation de ce dernier, la municipalité décide (délibération du 4 octobre 1881) 23 de faire très vite l’acquisition de l’immeuble contigu au Lycée appartenant à M. Edmond Mallet (il avait déjà, l’on s’en souvient, été question des Mallet dans l’acte rédigé par maître Alicot), d’une superficie de 2 142 m², avec, lui aussi, façade sur l’avenue de Toulouse. L’internat ne comporte alors que trente deux lits. Mais il s’agit encore d’un internat provisoire, la municipalité ayant, comme nous allons le voir, des projets plus ambitieux.

Tel est ce que je serais tenté de nommer le premier Lycée, celui dans lequel se sont faites les premières rentrées (jusqu’en 1887), celui qui a accompagné et précédé les grandes transformations. Cette installation devait, en effet, se révéler très vite inconfortable. Les témoins de cette période (Berthe et Julie Rochas et Louise Bérard) le soulignent à l’envie, mais leurs témoignages laissent deviner aussi une grande nostalgie : « Au début l’on manque de tout et tout d’abord de confortable » (Mlle Rochas, déjà citée).

« Une maison bourgeoise, modeste, à un étage – écrit Louise Bérard – dans laquelle on pénétrait par une porte cochère qui donnait accès sous un porche obscur, à des classes froides et grises qui manquaient de confortable ». « Le bâtiment était vieux – ajoute Mlle Rochas – le portail à voûte surbaissée, l’étroite et sombre cour d’entrée, les longs corridors, les petits escaliers tournants, témoignent de la respectable antiquité de cette maison ». Voilà pour l’inconfort, mais « quel agrément en ce lieu… ». Le très beau jardin et parc, surtout, suscite la nostalgie : « Par les longues fenêtres de nos classes trop étroites, poursuit Mlle Rochas, nous percevions un parc magnifique. En descendant l’escalier d’honneur, nous arrivions sous une délicieuse tonnelle de pampre et de rosiers, d’où l’on accédait à une terrasse fleurie et ensoleillée. De chaque côté se prolongeaient les ailes de l’antique demeure, orangeries seigneuriales transformées, l’une en salle de gymnastique (peut-être s’agit-il de l’ancien gymnase du docteur Delpech), l’autre en salle de classe, couvertes de branches noueuses de glycines, de bégonias, qui allaient rejoindre les ombrages du parc… un véritable enchantement… les vieux cèdres, les arbres séculaires aux essences variées, aux troncs noirs et penchés étendaient leurs branches sur les massifs des pelouses en un lacis pittoresques ». (Fig. 2)

Cour de l’internat
Fig. 2 - Cour de l’internat

« Un vrai jardin pour jeunes filles, complète Louise Bérard, où des pensées sereines devaient éclore rapidement, bercées par des chants d’oiseau, sous les tonnelles de roses ». « La voûte d’arbres splendides devient lieu de confidences… et les premières lycéennes aiment à arpenter silencieuses et enlacées la mystérieuse allée des soupirs » (sans doute l’allée d’arbres à laquelle fait allusion dans certains actes, le notaire Alicot) 24.

Tout cela a disparu « la hache des bûcherons et les constructions nouvelles ont modifié sensiblement les choses », mais le nouveau Lycée de jeunes filles a au moins conservé deux choses de l’ancien : la disposition des bâtiments (un corps central avec deux ailes), même si c’est à une plus grande échelle, et la présence d’un beau jardin, plus vaste que l’ancien, mais lui aussi avec allées et grands arbres, aux essences variées (certains sont, dit-on, classés), jardin que l’on a toujours cherché à conserver et à embellir, les photographies anciennes en témoignent, et plus encore la récente rénovation.

Le nombre d’élèves et surtout de pensionnaires, augmentant rapidement, cette première installation se révèle très vite, insuffisante. « Il va falloir bâtir et sans tarder » 25. Les délibérations du conseil municipal et la série T des archives départementales (enseignement, Académie, Universités, Lycées, collèges), récemment classée, permettent de suivre de très près l’évolution des travaux d’aménagement, d’agrandissement, qui vont se poursuivre pendant une bonne décennie (en fait jusqu’en 1892). S’y trouve en particulier un échange de lettres, très nombreuses et très suivies, entre les différents acteurs de cet aménagement : le ministre (qui suit l’affaire de très près, donne l’impulsion ou son accord), le recteur, l’inspecteur d’Académie, le maire (toujours Alexandre Laissac, grand maire bâtisseur comme Jules Pagézy ou Georges Frêche, on lui doit entre autres les halles, l’Hôpital suburbain, le Théâtre et la rue Nationale). Toute avancée nouvelle s’accompagne d’une délibération du Conseil municipal (dont la série T a conservé tous les extraits concernant le Lycée de jeunes filles). Comme convenu, l’État contribue pour moitié au financement des travaux, en envoyant régulièrement des acomptes.

Dès le 18 février 1882, soit très exactement un mois après la parution du décret créant le Lycée de jeunes filles, le Conseil municipal donne en quelque sorte l’élan en approuvant, ce que l’on appellera par la suite, le projet primitif d’agrandissement du lycée 26. Ernest Jourdan, au nom de la Commission de l’instruction publique, y lit un long rapport, dont voici de larges extraits :

« Le local actuel est absolument insuffisant pour l’internat qui n’a que trente-deux lits, pour l’externat, dont les classes sont peu nombreuses et petites, et enfin pour l’administration qui, sauf la directrice (mais Mme Ruello se plaint pourtant de l’inconfort de son logement), ne dispose d’aucun logement convenable.

Le bâtiment ancien (l’immeuble Castelnau, 27 av. de Toulouse) sera conservé. Il contiendra au rez-de-chaussée, le bureau de l’économe, le cabinet de la directrice, celui de la sous intendante et trois salles de classe pour les leçons de piano » (savoir jouer du piano est en effet nécessaire pour les jeunes filles de la bonne bourgeoisie, il est le principal ornement du salon).

Le premier étage servira à loger la directrice et l’économe, le deuxième étage sera attribué à la lingerie, au repassage, à d’autres services et au logement des servantes.

« Perpendiculairement à la façade intérieur du bâtiment sera construit le nouvel établissement qui occupera à peu près la surface de l’ancien immeuble Mallet (destiné dans un premier temps à abriter, on se le rappelle, l’internat provisoire). Construit à deux étages, il aura une façade de trente-sept mètres sur l’avenue de Toulouse et une façade intérieure sur le parc. Là, sera le vrai lycée » (c’est à dire l’externat, dépendant de l’État).

L’internat définitif sera construit à neuf par la municipalité sur les terrains acquis en bordure du chemin de Saint-Martin de Prunet (l’actuelle rue Ernest Michel). Une grille (l’actuel petit muret) séparera l’internat de l’externat (elle est posée dès août 1882) 27.

Le tout s’étendant sur 16 495 m², 5 858 m² pour le Lycée d’État, 10 637 m² pour l’internat municipal 28. (Fig. 3)

Cour de l’internat
Fig. 3 - Cour de l’internat

Mais la pose de la grille de séparation et la portion de terrain que la ville donne à son internat et celle qu’elle laisse au Lycée (jugée insuffisante), donnent lieu à des contestations dont la documentation fait état, et que l’on a bien du mal à imaginer aujourd’hui, alors que l’établissement a retrouvé son unité et que tout internat a disparu (en 1973, et avec lui, tout problème de séparation et d’appropriation).

Quoi qu’il en soit, le ministre, dans sa lettre au recteur du 21 septembre 1882, s’empresse d’approuver le projet d’agrandissement du Lycée.

« J’ai examiné votre rapport du 12 septembre concernant les travaux à exécuter au Lycée de jeunes filles de Montpellier pour la séparation de l’internat et de l’externat et pour l’installation provisoire de l’internat. Je pense qu’il y a lieu d’adopter le projet dressé par M. l’architecte de la ville et approuvé par le Conseil municipal. J’autorise, en conséquence, l’exécution immédiate des travaux et les acquisitions dont la dépense s’élève à 22 888 F : démolitions, reconstructions et constructions provisoires (achat de mobilier et de literie) ; conformément à l’article 2 du traité passé entre la ville et le ministre de l’instruction publique, la moitié des dépenses sera supportée par l’État » 29.

Goutès, architecte de la ville, se met immédiatement au travail. Les travaux se déroulent à la fois à l’externat (aménagement de 4 classes supplémentaires, de l’appartement de l’économe et surtout d’un gymnase et d’un préau couvert en prolongement des ailes qui encadrent la cour), et à l’internat, avec dès 1883, la construction d’assez importants bâtiments (pavillon central avec ailes), du côté de la rue Saint-Martin de Prunet (lettre du maire de la ville au recteur, du 18 mai 1883). L’internat terminé en 1887 est occupé immédiatement par les pensionnaires heureuses de quitter le vieil immeuble Mallet.

L’emplacement précis de la chapelle est encore en discussion, et se pose le délicat problème des élèves protestantes (majoritaires) et catholiques. En avril 1883, le ministre croit devoir, à cet égard, faire des recommandations au recteur, afin d’éviter une nouvelle guerre de religion. « Les chapelles des protestants et des catholiques sont mitoyennes, il est préférable qu’elles fussent plus éloignées l’une de l’autre » 30.

Au mois de juillet 1886, M. Ferdinand Castets, professeur de littérature, doyen de la Faculté des Lettres et membre de la Municipalité, vient présider la traditionnelle distribution des prix. Son discours nous donne une sorte d’état des lieux pour ce qui est des locaux et de l’avancement des travaux 31.

« Il y eut aussi beaucoup à faire pour aménager les locaux d’une manière satisfaisante. Ni leur étendue ni leur distribution ne répondaient aux besoins du Lycée et de l’internat. La bonne volonté de l’administration municipale qui ne refusait aucune des améliorations nécessaires, un emploi très bien calculé des locaux dont on disposait et surtout la bonne discipline de la maison ont permis la fin d’un provisoire qui a duré cinq ans. A travers ces arbres, ne distinguez-vous pas les longues lignes des constructions neuves ? C’est le nouveau Lycée qui s’achève et dont une bonne partie sera livrée à la rentrée d’octobre prochain. Ce n’est point un palais, non. C’est une maison d’éducation vaste, saine, aérée. Rien n’y est donné au luxe, mais rien n’y manque de ce qui est nécessaire pour le bien-être et l’instruction de nombreuses élèves. Nous savons par expérience combien les Lycées de garçons ont souffert naguère de l’insuffisance de l’installation matérielle (tel est le cas à Montpellier où il est déjà bien à l’étroit dans l’ancien collège des Jésuites) ».

Parloir de l’internat
Fig. 4 - Parloir de l’internat

« Votre Lycée, jeunes élèves, est le premier de France par la date de l’ouverture, par le nombre des élèves, un des premiers par l’excellence des études : il ne lui manquait que des locaux convenables. Il les a désormais, et nous pouvons prévoir le jour où, grâce à cette véritable transformation, il aura doublé sa population scolaire ». (Fig. 4)

Le doyen Castets anticipe quelque peu : ce qui est vrai de l’internat (presque achevé en 1886) ne l’est pas encore de l’externat, du vrai Lycée. Il ne se doute pas encore que la construction de l’internat définitif va être le moteur de changements plus importants que ceux prévus à l’origine, et va induire une profonde modification du projet primitif d’agrandissement de l’externat du Lycée de jeunes filles.

Dans le projet primitif, l’on s’en souvient, les vieux locaux affectés à l’externat (l’immeuble Castelnau) étaient conservés. Il s’agissait simplement de les relier aux constructions nouvelles. Mais l’on prend progressivement conscience qu’il est impossible, malgré leur respectable antiquité et leur charme indiscutable, de conserver ces anciens bâtiments. Ils sont en fait impropres à l’usage auquel on les destine, leur solidité est douteuse, leurs conditions hygiéniques sont mauvaises, et il est décidément bien difficile de les relier aux constructions nouvelles !… Sur réclamations formulées par Mlle Berthe Rochas (pourtant très sensible au charme du lieu) et par l’autorité académique, la municipalité, puis le ministre, donc l’ensemble des acteurs de la construction de l’établissement en viennent à reconnaître l’impossibilité de conserver les antiques bâtiments affectés à l’externat.

L’architecte de la ville, désormais M. Krüger (depuis 1885) est donc invité à réviser ses plans. Un nouveau projet est adopté par le Conseil municipal lors de la séance du 17 janvier 1887 32. Ce nouveau projet, que l’on veut croire définitif, consiste dans le remplacement de tous les vieux bâtiments par des constructions neuves faisant la suite naturelle et en quelque sorte complémentaire des bâtiments de l’internat flambants neufs, et présentant une façade unie, régulière et complète sur l’avenue de Toulouse.

« Le Lycée de jeunes filles, peut-on lire dans le registre de délibérations municipales de ce jour (17 janvier 1887), se compose de deux bâtiments parallèles, de l’avenue de Toulouse à la rue Saint-Martin de Prunet.

L’espace compris entre ces deux bâtiments est occupé par le jardin ; il est fermé du côté de l’internat par un pavillon transversal, séparé de la rue Saint-Martin de Prunet par une cour d’honneur clôturée par un mur et une grille (c’est l’actuelle cour des Palmiers).

Le nouveau projet a reproduit cette disposition en ce qui concerne l’externat. Les deux bâtiments longitudinaux prolongés jusqu’à l’avenue de Toulouse sont reliés par un pavillon central affecté aux services généraux du Lycée. Une cour d’honneur fermée par une grille précède ce pavillon et le sépare de l’avenue de Toulouse. On obtient ainsi un ensemble régulier qui permet une distribution intérieur simple et facile, et qui, à la place du bizarre assemblage de constructions neuves et de vieilles bâtisses du projet primitif, présente sur l’avenue de Toulouse une façade complète.

On entre dans le Lycée par un grand vestibule ouvert d’une part sur l’avenue de Toulouse et d’autre part sur un promenoir couvert qui règne sur le tour du jardin et qui permet aux élèves de se rendre dans leurs classes respectives sans être exposées au soleil ou à la pluie ». (Fig. 5)

Salle d’étude
Fig. 5 - Salle d’étude

L’architecte de la ville est-il enfin parvenu au bout de ses peines ? Ce serait compter sans le ministre, qui ne va pas accepter le projet tel quel et qui va demander de nouvelles modifications.

Le projet, en effet, est soumis par le ministre, pour examen, à la Commission des bâtiments qui approuve les dispositions générales du plan, mais émet certaines réserves au sujet de la façade sur l’avenue de Toulouse (mal orientée) et des promenoirs qui entourent le nouveau jardin (elle propose la création des galeries telles que nous les connaissons).

Le 4 avril, le ministre adresse au recteur la lettre suivante 33.

« J’ai soumis à la Commission des bâtiments des Lycées et collèges le projet que vous m’avez transmis le 5 mars dernier, relatif aux modifications que la municipalité de Montpellier propose d’apporter aux plans primitifs d’agrandissement du Lycée de jeunes filles en ce qui concerne l’installation de l’externat.

Le projet n’est pas satisfaisant dans ces dispositions générales et il est peu étudié dans ses détails. La cour triangulaire ménagée en avant n’est pas heureuse et le bâtiment en flèche serait d’un fâcheux effet. Il serait préférable d’agrandir cette cour en reportant en arrière le grand bâtiment aux dépens de la cour de l’externat qui est inutilement vaste.

Si les classes sont disposées au premier étage, il est indispensable d’établir à ce niveau une galerie reliant entre eux ces locaux scolaires. De cette façon, indépendamment des avantages divers que présentera cette galerie, on évitera les escaliers trop nombreux.

Les services à établir dans les bâtiments neufs de l’externat se composent des locaux scolaires prévus dans le projet primitif et du logement du personnel, à savoir : une directrice, une économe, une surveillante générale, quatre maîtresses répétitrices et deux femmes de service, outre le concierge.

L’appartement de la directrice comprendra cinq ou six pièces, celui de l’économe quatre ou cinq, celui de la surveillante générale, trois.

Les nouvelles façades doivent être mises sous le rapport de l’architecte en harmonie avec celles des bâtiments déjà existants ».

Il s’agit, on l’a compris, d’orienter la façade de l’avenue Clemenceau de telle sorte que la cour intérieure du Lycée soit rectangulaire.

Le projet rectifié n’est approuvé par le ministre qu’au mois d’avril 1888.

M. Krüger se met aussitôt au travail. Dès 1887, afin de pouvoir démolir l’ancien bâtiment et de donner au Lycée la nouvelle façade, on transfère provisoirement l’externat dans les nouveaux locaux de l’internat. Les travaux progressent rapidement. Les nouveaux bâtiments sont bien près d’être terminés, le 24 mai 1890, lors de l’inauguration par le président de la République Sadi Carnot (1887­1894), venu à Montpellier à l’occasion des fêtes du VIe centenaire de l’Université, en présence de M. Chancel, recteur, de M. Laissac, maire, de Mlle Rochas, directrice, et de M. Krüger, architecte. Une plaque commémorative est apposée dans le hall d’entrée. Elle y est encore.

Mais les travaux ne sont vraiment terminés qu’en avril 1892. Le montant de l’ensemble des dépenses est fixé, il s’élève à la somme, considérable pour l’époque, de 1 039 806 F 17 centimes, frais à partager entre le ministre et la ville. En mai 1893, sont réglés les honoraires alloués à l’architecte de la ville pour la direction des travaux de construction du Lycée. Il a bien travaillé, a édifié des bâtiments harmonieux et a su faire preuve du sens de la nouveauté en ayant recours pour les galeries à l’architecture métallique qui triomphe alors (la Tour Eiffel date de 1889). En février 1885 avaient été réglés les honoraires du président architecte, M. Goutès, qui lui aussi avait fort bien travaillé, notamment à l’internat 34. (Fig. 6)

Le lycée transformé en hôpital militaire pendant la première guerre mondiale
Fig. 6 - Le lycée transformé en hôpital militaire pendant la première guerre mondiale

Mais, même si les travaux ne sont pas tout à fait terminés, dès octobre 1890, deux cent vingt élèves franchissent les portes du nouveau Lycée, parmi lesquelles une bonne cinquantaine de pensionnaires. Elles font bon accueil, ainsi que le personnel de l’administration et les enseignants, aux nouveaux locaux. Ils sont « spacieux et bien éclairés, avec des classes agréables »… le jardin, planté de beaux arbres, est un véritable enchantement, il a peu à envier à l’ancien… « L’internat est un vaste local qui pourrait accueillir deux cent quarante enfants, dans des conditions d’hygiène et de salubrité vantées par les prospectus comme étant un atout majeur : on insiste sur son emplacement et les normes de construction. La santé n’a qu’à y gagner : locaux salubres, vie au grand air, doublée d’une bonne alimentation, infirmerie soignée et bien isolée ». Internes et externes sont séparées de façon quasi absolue, plus encore, qu’aux origines, alors qu’externat et internat voisinaient dans les vieilles constructions de l’avenue de Toulouse. Les premières entrent par la rue Saint-Martin de Prunet, les autres par l’avenue de Toulouse. Le petit muret surmonté d’une grille, aujourd’hui disparue, les séparait. Il en sera ainsi jusqu’aux années 1970 qui voient la disparition de l’internat 35.

Telle est dans ses grandes lignes l’histoire, plus complexe qu’on ne l’imagine généralement, de l’édification des établissements du Lycée Clemenceau.

Ils ne subissent que fort peu de modifications pendant près d’un siècle. Mais au début des années 1980, leur vétusté rend nécessaire, à l’occasion du centenaire, célébré en juin 1982, une grande rénovation. Elle s’effectue sous la direction de Mme Delclos, proviseur de 1976 à 1983, puis de M. Jean Capelle (1983-1993). Un grand escalier permettant d’accéder aux galeries par la cour est alors construit. A la fin des années 1990, M. Agostini, étant proviseur, un grand bâtiment, de style moderne, prend place au milieu des cours afin d’abriter amphithéâtre, salles de classe et cafétéria.

Suite à la dernière grande rénovation qui a lieu en 2007­-2008, Mme Barbé étant proviseur (celle plus ambitieuse envisagée auparavant ayant été abandonnée), financée cette fois-ci, décentralisation oblige, par le Conseil régional, le Lycée a pris aujourd’hui un nouveau visage, mais les modifications (notamment les nouvelles galeries qui habillent les bâtiments de l’ancien internat), se sont faites dans l’esprit des bâtiments anciens qui n’ont pas été dénaturés. Les architectes ont su marier assez harmonieusement le nouveau et l’ancien. (Fig. 7)

Le lycée en 2015 (cliché Christophe Robin)
Fig. 7 - Le lycée en 2015 (cliché Christophe Robin)

Les bâtiments de l’ancien Lycée de jeunes filles devenu Lycée Clemenceau s’adaptent ainsi aux temps nouveaux et à l’afflux de nouvelles populations scolaires. Ils sont en quelque sorte un organisme vivant et il ne saurait comme a pu l’écrire Danielle Delclos « y avoir de conclusion. L’histoire n’est pas terminée. Elle se construit et se construira chaque jour » 36.

C’est, comme il a été dit, en commençant, ce grand mouvement de rénovation qui a incité tous les membres de la communauté scolaire à s’intéresser à nouveau aux origines et au passé de cet établissement, afin peut-être, de mieux en saisir l’âme. Ces quelques pages se proposent d’y contribuer. Mieux connaître c’est aussi mieux aimer 37.

Le pari de Ferdinand Castets a été tenu, la mise en place de l’enseignement secondaire féminin au début des années 1880, a permis la construction d’un très beau Lycée qui « sans rien donner au luxe » a su répondre aux besoins des élèves, même si la progression de leur nombre, du fait du grand essor de l’enseignement féminin tout au long du XXe siècle, puis de l’instauration de la mixité (1972), a rendu nécessaire des adaptations, des rénovations dans les années 1980, au moment de la célébration du centenaire, et bien davantage encore au cours de la première décennie des années 2000.

Le pari de Ferdinand Castets a été tenu, la mise en place de l’enseignement secondaire féminin au début des années 1880, a permis la construction d’un très beau Lycée qui « sans rien donner au luxe » a su répondre aux besoins des élèves, même si la progression de leur nombre, du fait du grand essor de l’enseignement féminin tout au long du XXe siècle, puis de l’instauration de la mixité (1972), a rendu nécessaire des adaptations, des rénovations dans les années 1980, au moment de la célébration du centenaire, et bien davantage encore au cours de la première décennie des années 2000.

Cette progression de l’enseignement féminin a rendu nécessaire la construction d’un deuxième Lycée de jeunes filles à Montpellier, mais d’une allure bien différente, celui du Mas de Tesse (aujourd’hui Jules Guesde), dans les années 1960, à l’âge d’or des trente glorieuses et de l’explosion scolaire, mais qui a rapidement évolué vers la mixité.

L’histoire des lycées de jeunes filles appartient désormais au passé, le triomphe de la mixité dans les années 1970 a mis fin à l’ancienne séparation ; mais se pose et se posera toujours, pour les lycées, les anciens comme les nouveaux (et nombreux ont été construits en Languedoc-Roussillon ces dernières années, du fait de l’action du Conseil Régional), la question d’une architecture adaptée aux temps nouveaux, mais où, comme à la fin du XIXe siècle, lorsque le Lycée Clemenceau a été construit, « rien ne doit manquer de ce qui est nécessaire au bien-être et à l’instruction de nombreux élèves » 38. (Fig. 8)

Les grilles du lycée
Fig. 8 - Les grilles du lycée

[Sauf indication contraire, les illustrations appartiennent
à la collection privée de l’auteur].

NOTES

1. Voir Blanchard, Anne : Les Giral, architectes montpelliérains, de la terre à la pierre, mémoires de la société archéologique de Montpellier, t. XVIII, Montpellier, 1986.

2. Sur l’histoire de l’éducation en France, la bibliographie est abondante. Deux grands classiques sont toujours utiles :
Prost, Antoine : Histoire de l’éducation en France, 1800-1967, Paris, Armand-Colin, 1968.
Léon, Antoine : Histoire de l’enseignement en France, Paris, PUF, QSJ, 1977.
Parmi les ouvrages plus récents, citons :
Parias, Louis-Henri : (dir) Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Paris, Perrin, coll. Tempus, 4 vols, 2006.
Tome III : Mayeur, Françoise : De la Révolution à l’école républicaine, 1789-1930, Paris, Perrin, 2003.
Tome IV : Prost, Antoine : Depuis 1930, id., 2004.

3. Le Lycée de garçons de Montpellier a été étudié par Secondy, Louis (avec la collaboration de Coubès, Jean et de Verley, Etienne) : Histoire du Lycée de Montpellier, les Presses du Languedoc, Montpellier, 1988.

4. Voir Secondy, Louis, Nougaret, Jean, Vella, Christian : Montpellier, ville de savoirs, éditions du Mistral, 2006 ; Secondy, Louis, « L’enseignement secondaire féminin public dans l’Académie de Montpellier (1867-1939) », Études sur l’Hérault, Nouvelle série, N° 1, 1985, N°2, p. 43-47.

5. Voir Lelievre, Claude : Histoire de la scolarisation des filles, Paris, Nathan, 1991. Prost, Antoine, op. cit., pp. 261-265.

6. Citation extraite du discours de distribution des prix de Ferdinand Castets (1886). Voir Lainé, Michel : Les constructions scolaires en France, Paris, PUF, 1996.

7. Cholvy, Gérard, Secondy, Louis, Vitse, Colette : Cent ans de vie dans le premier Lycée de jeunes filles de France, CRDP, 1981. Voir aussi Secondy, Louis, Nougaret, Jean, Vella, Christian : Montpellier, ville de savoirs, op. cit., – Le Lycée de jeunes filles, pp. 181-188.

8. Rochas, Berthe : « Le Lycée de jeunes filles de 1881 à 1890 », allocution prononcée en 1890.
Rochas, Julie : « Le Lycée de jeunes filles de 1881 à 1906 », in distribution solennelle des prix du 21 juillet 1906, p. 9-24 (à l’occasion du 25e anniversaire).
Bérard, Louise : Les premières Lycéennes, monographie du Lycée de jeunes filles de Montpellier, Ed. de la Ferme nouvelle, Biblicoop, 1906. Berthe Rochas a été directrice de 1882 à 1901. Sa sœur, Julie Rochas, née à Metz en 1856, agrégée de Lettres modernes et d’italien, a été professeur au Lycée dès 1881.

9. Voir Groeninger, Fabien : Les conseillers municipaux de Montpellier au temps d’Alexandre Laissac, mémoire de maîtrise, Université Paul Valéry, juin 1994.

10. Voir Secondy, Louis, Nougaret, Jean, Vella, Christian : Montpellier, ville de savoirs, op. cit., p. 181.

11. Voir Bulletin municipal de la ville de Montpellier, séance du 4 octobre 1881.

12. Archives départementales de l’Hérault (ADH) série 1 T (enseignement, conseil académique, Universités, Lycées et collèges), 1 T 6447 à 1 T 6462 (Le Lycée de jeunes filles de Montpellier, 1881-1956), 1 T 6459 (Les travaux de construction du Lycée).

13. Arch. Dep. Hérault, 1 T 6459.

14. Allocution de Mlle Rochas, Berthe : « Le Lycée de jeunes filles de 1881 à 1890 » (1890).

15. Sur Jacques Mathieu Delpech, voir Dulieu, Louis : Histoire de la médecine à Montpellier, tome IV, Les Presses Universelles, 1988, ainsi que La Médecine à Montpellier, XIIe-XXe, dir. DULIEU, Louis, Ed. Hervas, 1990, pp. 196-198.

16. Dulieu, Louis, op. cit., tome IV, p. 282, 737.

17. Voir Michel, Henri : « Des Réformes aux Lumières », in Histoire de Montpellier, sous la direction de CHOLVY, Gérard, Ed. Privat, 1984, p. 205.

18. Arch. Dep. Hérault II E 62 – 298 (Alicot) / ADH II E 62 – 332 (Alicot).

19. Arch. Dep. Hérault II E 62 – 339 (Alicot). Voir aussi 30 10 160 (succession de Jean Claude Jacques Mathieu Delpech).

20. Rochas, Berthe, op. cit.

21. Arch Dep Herald II E 62 – 339.

22. Dulieu, Louis, op. cit., p. 282, 737.

23. Arch Mun Montpellier, Bulletin municipal, 4 octobre 1881.

24. Pour ce développement, voir Rochas, Berthe et Julie, et Bérard, Louise, citée dans Cent ans de vie du premier Lycée de jeunes filles de France, op. cit., pp.35-36.

25. Arch. Mun. Montpellier, « Bulletin municipal, 8 février 1882 ».

26. Idem.

27. Voir aussi Groeninger, Fabien, op. cit., p. 151-156.

28. Arch. Dep., 1 T 6459 (avec plans d’août 1882).

29. Arch. Dep. Hérault 1 T 6459.

30. Arch. Dep. Hérault 1 T 6459.

31. Lycées de jeunes filles, 25 ans de discours, par Librairie Léopold Cerf, 1907, p. 47-48. Sur Ferdinand Castets, voir Andréani, Roland : « Ferdinand Castets (1838-1921), doyen de la Faculté des Lettres et maire de Montpellier », in Université de Montpellier (1289-1929), Actes du 61e congrès de la Fédération historique du Languedoc-Roussillon, 1989.

32. Arch. Mun. Montpellier, « Bulletin municipal, 17 janvier 1887 ».

33. Arch. Dep. Hérault 1 T 6459.

34. Arch. Dep. Hérault 1 T 6459.

35. Pour ce développement, voir : Delclos, Danielle : « Regards sur l’avenir » (in Cent ans de vie dans le premier Lycée de jeunes filles de France, op. cit., p. 93.

36. Idem.

37. Arnaud, Raymond : Ma ville a un passé : Histoire de Mèze, Déhan Montpellier, 1966, p.2.

38. Castets, Ferdinand, op. cit. Pour les constructions scolaires, voir Lainé, Michel, op. cit.