La Confédération Générale des Vignerons, un corps professionnel pour la défense du Languedoc viticole

La Confédération Générale des Vignerons,
un corps professionnel pour la défense du Languedoc viticole

* Agrégé d’Economie, doctorant en Histoire contemporaine,
Université Montpellier III (professeur Geneviève Gavignaud-Fontaine)

De la lutte contre la fraude au projet d’aménagement du marché du vin (1907-1930)

La Confédération Générale des Vignerons (CGV) est née des évènements de 1907 par l’émergence de deux idées force :

— « Rendre impossible […] le sucrage, car c’est de la fraude des vins par le sucre que souffre principalement la viticulture » 1. La loi réclamée par les viticulteurs, finalement votée le 29 juin 1907, n’avait pas, malgré ses insuffisances 2, entamé leur résolution, mais élargi la perspective de leur action : « Poursuivre et réprimer les fraudes dans un cadre légal tout en recherchant l’amélioration de la législation existante ». (Fig. 1)

S’organiser légalement et de façon durable pour assurer cette défense, « en créant sur des bases légales, solides et durables une Confédération Générale des Vignerons » 3.

A bas les fraudeurs
Fig. 1 - A bas les fraudeurs

Ces engagements ont été concrétisés par des choix d’orientation, d’organisation et d’action, qui reposaient sur l’appel à une union sacrée méridionale autour de la volonté d’agir, malgré les contradictions apparentes, dans le sens d’un objectif commun.

— « Les comités locaux seront composés à peu près en parties égales de propriétaires, gros ou petits, de commerçants et artisans et d’ouvriers » : « Pour nos enfants, pour nos femmes, pour nos familles et notre pays, il faut penser à vendre notre vin. Tous au drapeau et agissons en travaillant ».

Ces contradictions apparentes devaient être surmontées par la volonté d’agir vers un objectif commun par « la recherche d’un prix du vin réellement rémunérateur pour la propriété » (Article 4 des statuts de la CGV) et par « la poursuite systématique et la répression des fraudes et des fraudeurs et l’amélioration de la législation existante ».

Elles étaient néanmoins fermement exprimées par le parti radical en la personne du député de Béziers Louis Lafferre 4 qui s’en prenait à une nouvelle corporation, porteuse d’un projet « providentiel » de défense des intérêts économiques et sociaux de tous ses membres, à la présence d’ouvriers, au suffrage plural accordé aux adhérents récoltants, et à la désignation des délégués à l’assemblée générale des syndicats sur la base de 500 points de puissance syndicale.

Le même Lafferre dans le Petit Méridional du 29 août écrivait pourtant à la suite de la réponse faite par Louis Blanc 5 : « Les arguments de L. Blanc ne m’ont pas convaincu mais l’heure n’est pas à la discussion mais aux actes. On révisera les statuts, mais acceptons les, faute de mieux. Tous donc à la CGV ! Tous à l’œuvre ! Signé : L. Lafferre. »

Il faut aussi mentionner la nette position de rejet après hésitation, des syndicats ouvriers : en août 1908, le congrès des travailleurs de la terre du Midi fixe à ses adhérents le 1er janvier 1909 comme date limite pour quitter la CGV sous peine d’exclusion.

Le docteur Ernest Ferroul, maire socialiste de Narbonne a, face à ces réelles difficultés, apporté au projet, par la profondeur et la résolution d’un engagement qui associait à un apolitisme déjà revendiqué par le mouvement des « gueux » de 1907 des évocations plus littéralement révolutionnaires, l’ampleur et le souffle nécessaires à la réalisation de l’aventure singulière qu’allait vivre la confédération pendant presque tout le XXème siècle 6.

On peut noter pour mémoire que le réactionnaire Courrier de Narbonne, journal politique et agricole, après avoir publié le jeudi 2 mai 1907 un article faisant l’apologie de la corporation contre le syndicat, appuyée sur la « lettre sur les ouvriers » du Comte de Chambord en 1867, fit à la CGV un accueil réservé mais plutôt positif en publiant notamment les comptes rendus de plusieurs conseils d’administration.

L’organisation, créée le 22 septembre 1907, se présentait comme une articulation de pouvoirs locaux (sections locales), syndicaux (5 syndicats professionnels fondateurs) et confédéraux (direction confédérale). Sa puissance syndicale s’appuyait sur la société languedocienne (article 5 statuts syndicaux) avec des droits de représentation fortement hiérarchisés (article 14 et 22) en fonction des hommes, du sol et de la production 7. Cette hiérarchie, clairement économique était justifiée par Louis Blanc par « le danger à éviter d’être envahis par des demi ou des quarts de vignerons ». Cette puissance syndicale devait s’exprimer dans des syndicats autonomes (article 6 des statuts confédéraux) dirigés par des conseils d’administration élus par les assemblées générales réunissant les sections locales, et dont la mission essentielle était la répression des fraudes.

La Confédération était dirigée par un conseil d’administration disposant des pouvoirs les plus étendus (article 11), issu par désignation directe des syndicats unis sans être soumis au contrôle et au vote d’une assemblée générale. (Fig. 2)

Vendémiaire, n° 1 du 15 novembre 1907
Fig. 2 - Vendémiaire, n° 1 du 15 novembre 1907

La puissance de la base au moment de la fondation se mesurait par les 323 sections locales regroupant 50 000 confédérés qui récoltaient 10,7 millions d’hectolitres, soit environ le tiers de la production languedocienne. Au sommet de l’organisation, la direction confédérale était exclusivement constituée d’une élite représentant toutes les sensibilités de l’échiquier politique et toute la diversité des pouvoirs régionaux, de l’agriculture à l’industrie et au secteur tertiaire. La CGV au moment de sa création apparaissait selon ses initiateurs et ses premiers dirigeants comme une « union interprofessionnelle » créée pour mettre en relations la société viticole languedocienne, avec les pouvoirs publics et les autres centres de pouvoir concernés par l’économie du vin, avec un objectif de défense des intérêts collectifs de cette société par le moyen de la lutte contre la fraude.

Deux réponses étaient en 1907 possibles à la question de savoir comment allait s’établir cette relation.

La première qui renvoyait à des craintes sur un possible affrontement se fondait sur une vision du particularisme languedocien pouvant conduire à une forme d’autonomie agressive. Elle relevait d’une sensibilité « parisienne » exprimée par le journal Le Temps : « Vous allez voir qu’ils risquent dans leur région, de prendre rapidement la place des représentants de l’État ».

L’autre qui faisait confiance à la promesse d’un engagement sur des bases légales, durables et solides, s’interrogeait sur la méthode et sur les acteurs impliqués dans le processus. (Fig. 3)

L’objet de notre étude, que nous limitons ici à la période 1907-1930, est de tenter de comprendre d’abord comment cette relation s’est concrétisée en termes de lignes de défense privilégiées, stratégies mises en place et résultats obtenus.

Il est ensuite d’évaluer les résultats de cette action par rapport aux objectifs fixés, et les retentissements visibles de ce mouvement (changements, ruptures restructurations) sur les dynamiques de la confédération, de son environnement et particulièrement de la société pour la défense de laquelle elle avait été créée.

Il est enfin de repérer les singularités qui ont permis de positionner la CGV dans l’histoire du syndicalisme viticole.

Ernest Ferroul, premier président de la CGV
Fig. 3 - Ernest Ferroul, premier président de la CGV

Une priorité confédérale : poursuivre les fraudes et améliorer la législation existante

Les pouvoirs publics ont dès le début du XXème siècle en France considéré la répression des fraudes comme une priorité d’intérêt général. Un débat parlementaire a été organisé en 1905 et une loi sur la fraude et les falsifications de marchandises votée le 1er août de la même année.

Elle organisait la répression et de la poursuite des fraudes sans toutefois apporter tous les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Le service national de la répression des fraudes n’a été créé qu’en avril 1907 avec des moyens insuffisants.

La CGV, dans son entreprise pouvait donc compter sur l’appui des pouvoirs publics mais devait affronter l’opposition des betteraviers producteurs de sucre, et de certaines associations de vignerons du centre de la France pour qui le sucrage de la vendange restait culturellement légitime.

Il s’agissait d’abord pour la confédération de se rapprocher des pouvoirs publics pour interagir efficacement avec eux dans un cadre légal et sur des bases solides et durables.

Dans un cadre légal : le « pied à l’étrier » :

L’article 2 du décret d’application de la loi de 1905 stipulait que « dans le cas où des agents spéciaux seraient institués dans les départements ou les communes pour concourir à l’application de ladite loi, ces agents devront être agréés et commissionnés par les préfets ».

La CGV s’est emparée de cette autorisation pour demander à chacun de ses syndicats de recruter trois agents de prélèvement pour lesquels a été demandé un agrément préfectoral. Les trois agents du syndicat de Béziers-Saint Pons, progressivement rejoints par ceux des autres syndicats ont pu, entre 1907 et 1912, commencer à déployer un dispositif qui malgré les résultats obtenus restait une organisation de francs-tireurs.

Leurs rapports 8, malgré un bilan positif, témoignent des difficultés rencontrées : refus de commissionnement par les préfets, insuffisance des effectifs pour assurer une couverture correcte du territoire, opposition parfois musclée des commerçants contrôlés. Les contrôleurs réclamaient également une aide à la fois technique pour la mise en œuvre des contrôles, et juridique pour l’organisation des poursuites.

Sur des bases solides et durables :

La CGV avait dès l’origine espéré trouver ces appuis auprès des parlementaires régionaux. Elle a très rapidement agi pour influencer l’organisation de la représentation parlementaire dans le sens des intérêts qu’elle recherchait. Son action a abouti dès 1910 à la constitution d’un groupe parlementaire viticole national, dont Emmanuel Brousse 9, député des Pyrénées-Orientales fut le premier président. Dès les premières années de sa création, il assura un rôle déterminant d’interconnexion entre la CGV, le parlement et l’exécutif, au même titre que Félix Aldy, député socialiste de l’Aude entre 1907 et 1919. Après la guerre, c’est Édouard Barthe, député de la 3ème circonscription de l’Hérault qui prit le relais. (Fig. 4)

La confédération a également tenté d’établir des relations directes avec le gouvernement. Le 3 décembre 1907 une délégation, conduite par Prosper Capelle, a rencontré place Beauvau à Paris le président du conseil Georges Clemenceau et trois ministres « régaliens », des Finances, de la Justice et de l’Intérieur. Il s’agissait d’assurer la garantie du commissionnement des agents confédéraux par les préfets, et d’obtenir de la part du service national de répression des fraudes l’aide technique demandée. Les résultats à court terme de cette entrevue ont été limités sur le premier point de la demande et totalement négatifs sur le second.

Cette situation imposait à la confédération la nécessité d’aller plus loin et de rallier, pour faire valoir son point de vue, concurrents et adversaires.

Emmanuel Brousse, président du groupe parlementaire viticole
Fig. 4 - Emmanuel Brousse, président du groupe parlementaire viticole

Elle prit l’initiative de réunir à Paris, le 13 février 1913, en présence d’un groupe de parlementaires parmi lesquels Edouard Barthe et Emmanuel Brousse, 18 associations viticoles couvrant l’ensemble du territoire national 10. Le débat fut assez vif, les viticulteurs d’Indre et Loire reprochant aux agents de la CGV de « leur demandeur d’arracher leurs vignes et de venir acheter leur vin dans le Midi » Pourtant, à la suite de diverses interventions et notamment celle d’Edouard Barthe, on vota à l’unanimité moins 7 voix un vœu en faveur du maintien de la législation en cours. En conséquence, l’orientation de la CGV prit, en matière de répression des fraudes, une dimension nationale propre à faciliter l’action de recherche de majorités à l’assemblée par le groupe viticole.

L’année suivante les 17 et 18 février 1914, se tint, toujours à Paris, l’AG annuelle de la nouvelle fédération des associations viticoles (FAV). Les statuts approuvés avaient été rédigés par les juristes de la CGV. Ils permettaient à la confédération une mainmise complète sur le fonctionnement de la nouvelle organisation, ce qui l’autorisait désormais à défendre ses intérêts languedociens au nom de toute la viticulture française.

La création en 1921 de la CCIV ou l’articulation de la relation entre l’alliance viticole nationale et les pouvoirs publics

Le 10 mars 1921 fut créée par décret « à la suite de démarches faites par les associations viticoles » la Commission consultative interministérielle de la viticulture. Il s’agissait d’une commission extra-parlementaire présidée par le ministre de l’Agriculture ou son délégué, et composée de 17 élus (dont 6 méridionaux), de 11 viticulteurs (parmi lesquels Elie Bernard, G. Carcassonne et le Colonel Mirepoix pour la CGV), et de 6 négociants, parmi lesquels on ne comptait au départ aucun représentant du Midi.

Sa fonction était de faire des propositions discutées en sous-commissions, d’établir des priorités, et de les transmettre à l’exécutif et au parlement. Ella a fonctionné jusqu’en 1953. La première réunion de travail, en avril 1921 donna lieu à cinq rapports circonstanciés de chacun des présidents des 5 commissions spécialisées : Justin Mirepoix (charges fiscales), Elie Bernard (fraudes), Léon Castel député de l’Aude et administrateur honoraire de la CGV (transports), Bertrand de Mun pour la Champagne (exportation) et Maurice Sarraut sénateur de l’Aude (alcools et distillation). L’organisation des responsabilités y reflétait l’hégémonie acquise par la CGV au sein de la FAV. (Fig. 5)

Elie Bernard, secrétaire général de la CGV
Fig. 5 - Elie Bernard, secrétaire général de la CGV

L’action confédérale dans le fonctionnement du dispositif

Cette action est inscrite dans un mode de fonctionnement rendu possible à la fois par le dispositif mis en place, et par la compatibilité, en matière de répression des fraudes, des intérêts collectifs languedociens et de l’intérêt général soutenu par les pouvoirs publics.

Poursuivre les fraudes :

L’article 65 de la Loi de finances 11 du 27 février 1912 stipulait que « les agents syndicaux seront assimilée au point de vue commissionnement 12 et pouvoir aux agents de l’État ». Cependant, leur activité était soumise au versement préalable au receveur des finances de l’arrondissement d’exercice, des fonds nécessaires à leur fonctionnement et à leur traitement, par leur syndicat d’appartenance. Au mois de décembre de la même année, la « circulaire Pams » 13 précisait le champ de leurs attributions et leurs obligations.

— Unité de service : Ils ne devaient pas être regardés comme une catégorie spéciale du fait de leur « intégration » aux services de l’État.

— Obéissance à l’autorité du préfet, du ministre de l’Agriculture et des inspecteurs régionaux (principaux après le 30/07/1930) tout en conservant dans le cadre de leur responsabilité individuelle une relation avec leur syndicat qui pouvait guider leurs interventions.

— Obligation de réserve et de confidentialité engageant leur responsabilité, ce qui ne les empêchait pas de faire à leurs syndicats professionnels d’appartenance les communications autorisées et prévues.

— Obligation d’abstention de tout acte commercial, de toute entreprise de discrédit personnel ou de trouble de l’activité à l’égard des personnes contrôlées au cours de leurs tournées.

La loi en reconnaissant leur efficacité intégrait statutairement les agents de la CGV à l’administration d’État tout en laissant aux syndicats la charge de leur rémunération. Cette première avancée valait reconnaissance institutionnelle et se traduisait par une intégration partielle des brigades confédérales au service de l’État.

En avril 1921, Elie Bernard rapporteur de la commission des fraudes de la CCIV évoquait l’activité des agents de la CGV et de la confédération du Sud Est 14 devant les représentants de la FAV. Il donnait pour l’année 1920 le chiffre encore provisoire de 3003 prélèvements effectués et de 1644 condamnations prononcées. Ces résultats avaient pu être obtenus en mobilisant pour la même année les ressources suivantes : [Tableau 1]

Tableau 1

Il comparait cet effort « d’initiative privée » 15 à celui de la collectivité, mesuré par le budget du service de répression des fraudes (1 800 000 francs) pour mettre en évidence l’effort particulier consenti par la CGV au service d’un intérêt collectif dépassant géographiquement le cadre languedocien. Il rajoutait que les amendes versées après condamnation durant la même période se montaient à 6 800 000 francs ce qui représentait pour l’État, outre l’amélioration substantielle du fonctionnement du marché du vin, un gain conséquent en ressources financières.

Notons que la période comprise entre 1920 et 1922 correspond pour la Confédération, du point de vue de la poursuite des fraudes à une crête d’activité, atteinte en 1922. Les années suivantes connaitront un ralentissement des poursuites (lié selon Marius Cathala à l’efficacité de l’action des années précédentes et aux progrès de la réglementation) mais un élargissement de leur champ, permis par le décret du 21 janvier 1919.

Réprimer les fraudes

La CGV et ses syndicats rencontrèrent dans un premier temps, en termes de poursuites civiles, des difficultés au prétexte qu’ « une affaire de fraude jugée à « Paris ou à Montluçon » ne pouvait pas être mise en relation avec le préjudice subi par tel ou tel vigneron méridional » 16.

Il fallut attendre le 5 avril 1913 pour qu’un arrêt de la Cour de cassation, toutes chambres réunies, stipule que « le syndicat professionnel représentait l’intérêt collectif de la profession envisagée dans son ensemble » et pouvait à ce titre engager les poursuites prévues par la loi.

La CGV avait pu malgré ces difficultés faire valoir sa position dans quelques affaires emblématiques :

1910 : Teissier, vins en gros à Béziers, 4 ans de prison, 1 000 francs de dommages intérêts.
Pop, Epinal, 4 ans avec sursis, 4 millions d’amende.
Heuraux, Epinal, 8 mois de prison, 4 millions d’amende.

Après 1913, cette répression fut facilitée. Rappelons que pour la seule année 1920, Elie Bernard avait annoncé 1 664 condamnations prononcées pour fait de fraude.

Cependant, le décret du 21 janvier 1919 en instituant une procédure d’expertise contradictoire très favorable au contrevenant présumé, a considérablement gêné et ralenti la mise en œuvre des poursuites judiciaires jusqu’au 31 décembre 1928. C’est en effet à cette date qu’un nouveau décret « à la suite de demandes maintes fois réitérées » a réformé cette procédure dans un sens beaucoup plus favorable aux intérêts des demandeurs.

Assurer des progrès déterminants de la législation existante :

Il s’agissait pour la confédération de préserver et d’améliorer les acquis de la loi du 29 juin 1907, ce qui a été permis par une série de lois et de décrets. Ces avancées ont été obtenues à partir de propositions construites dans le cadre de la FAV, relayées par la CCIV et votés au parlement sous les auspices du groupe viticole : elles exprimaient au-delà des attentes confédérales celles d’intérêts élargis à la viticulture nationale et algérienne, et témoignaient donc d’un changement de dimension de l’action confédérale, du cadre régional du Midi viticole à une dimension extra régionale puis nationale. [Tableau 2]

Tableau 2

Ces avancées déterminantes ont été réalisées malgré la fissure significative constituée par l’amendement Labroue 17 :

Dans ses CA des 19 novembre et 17 décembre 1916, la CGV s’opposait en effet au projet d’Ernest Labroue tendant à autoriser les ventes commerciales de piquettes 18 interdites par la loi de 1907. Pourtant, l’amendement voté le 25 septembre 1917 par la chambre instaurait leur libre circulation en vue de la vente, sans toutefois toucher aux limitations de production fixées par la loi. La forte majorité constituée à l’occasion du vote (362 voix pour et 97 contre) s’était ralliée à l’argument principal soutenu par Henri Labroue : un prix du vin trop élevé pour les consommateurs les plus modestes. Il pèsera lourdement sur l’action pour les prix du vin menée par la CGV à chacune des étapes de son histoire.

Au-delà du résultat quantifié des poursuites et de la répression des fraudes qui permet de mesurer positivement l’efficacité de l’action confédérale dans la réalisation de son objectif prioritaire entre 1907 et 1930 c’est l’amélioration de la législation existante, permettant la définition d’une norme institutionnelle du vin naturel sans appellation qui constitue probablement la réussite la plus déterminante de la période. C’est en effet sur cette norme que s’appuieront les choix stratégiques confédéraux des périodes suivantes.

Un résultat ambigu par rapport à l’objectif poursuivi

La confédération s’est donc affirmée entre 1907 et 1930 en matière de répression des fraudes à un triple niveau : intégration institutionnelle, production de normes et montée en puissance des actions menées.

Le résultat qu’elle a obtenu doit cependant être relativisé si l’on considère l’objectif central statutaire poursuivi : « Obtenir un prix du vin suffisamment rémunérateur pour la propriété ».

Le niveau des prix a en effet progressé sur trois périodes (1909-1914, 1915-1919, 1925-1928) pendant lesquelles les volumes de production métropole-Algérie ont fluctué diversement.

Ces trois périodes de hausse ont été entrecoupées de trois périodes de dépression (1914-1915, 1919-1925 et 1928-1930). A l’exception de l’année 1914-1915, particulière du fait de l’ouverture du premier conflit mondial, les deux suivantes sont nettement caractérisées par un net accroissement de la production métropole-Algérie qui se manifeste à la fois par des « crêtes saisonnières » (1920, 1922, 1924, 1929) mais surtout par un trend de long terme en croissance soutenue.

Les prix ont donc fortement fluctué, alternant phases permissives et dépressives, en corrélation forte pour ces dernières avec les niveaux de production. Pourtant, sur l’ensemble de la période, en francs constants le pouvoir d’achat des viticulteurs a été maintenu et très légèrement amélioré.

Le niveau de la consommation taxée métropolitaine, en dépression jusqu’en 1917, s’est ensuite régulièrement et significativement redressé si l’on excepte le recul significatif de l’année 1927 qui laisse entrevoir une influence de l’élasticité de la demande au prix. Cette progression significative de la consommation taxée semble avoir plus nettement et plus précocement profité au Languedoc viticole.

La période 1907-1930 a enfin connu un fort accroissement, en tendance longue du potentiel de production métropole-Algérie de l’ordre de 427 400 hectolitres annuels mais cet accroissement s’est manifesté de façon irrégulière, alternant les situations de rareté relative et d’excédent.

L’action de la Confédération générale des vignerons a donc permis un maintien entre 1907 et 1930 du niveau général des prix du vin. Elle a également été à l’origine à partir de 1917 d’une progression significative et soutenue de la consommation taxée métropolitaine, perceptible également et plus tôt en Languedoc qui était fortement porteuse d’avenir du point de vue des objectifs poursuivis.

Elle s’est pourtant heurtée à l’irrégularité des récoltes, qui a influencé, surtout à la baisse le niveau des prix. Ce phénomène, perceptible dès 1907, a été aggravé par un alourdissement structurel du potentiel de production Métropole-Algérie qui, à partir de 1922 se présentait comme un handicap devenu déterminant alors qu’il l’était moins au début de la période.

Dans cette situation ou le prix du vin n’était pas forcément trop bas mais trop irrégulier 19, se posait avec acuité la question, du coût de revient de l’activité viticole et du revenu réel des viticulteurs.

L’équilibre du marché : puissance publique et CGV sur des lignes distinctes ou divergentes

Contrôler les fluctuations de la production Métropole-Algérie

Historiquement, la solution utilisée pour écrêter les irrégularités de production de vin était la transformation de vin en alcool par la distillation, ce qui imposait l’aménagement d’un marché des alcools de bouche 20 équilibré, donc rémunérant correctement les producteurs, sans que l’intervention des pouvoirs publics ne soit trop coûteuse pour la collectivité.

Le 15 décembre 1907, Louis Rayssac évoquait 21 l’utilité de la distillation, mais uniquement pour résorber les éventuels vins anormaux, et la nécessité de la réglementer. Pourtant, l’action confédérale avec les pouvoirs publics pour la mise en place d’un statut définitif du marché des alcools et de la distillation n’a pas complètement abouti.

Elle avait cependant sensiblement progressé entre 1916 et 1930. La loi du 30/06/1916 (préparée par Edouard Barthe et Emmanuel Brousse, pour le Languedoc, et le sénateur Ribot pour les betteraviers du nord) instaurait un marché libre des alcools de bouche et un monopole d’État des alcools industriels. Les accords de Béziers, en avril 1922, entre la CGVM et ces mêmes betteraviers, précisaient et opérationnalisaient les termes de cet accord. (Fig. 6)

En février 1925, Elie Bernard tentait de le « bonifier » en passant un accord avec les cidriers de l’ouest, concurrents directs des viticulteurs sur le marché libre des alcools de bouche.

Édouard Barthe, député-maire de Béziers
Fig. 6 - Édouard Barthe, député-maire de Béziers

Cependant, face à la crise des prix du vin ouverte en 1928-1929 et 1929-1930, et aux insuffisances du dispositif mis en place, l’État est intervenu, pour la première fois sans véritable concertation préalable, par la loi sur la distillation du 18 avril 1930. Elle mettait à la disposition des viticulteurs un volant de 250 millions de francs destiné à des achats d’alcools dans le cadre de contrats amiables et, si nécessaire, par la voie de la réquisition. Son effet psychologique a été suffisant pour enrayer dès l’été 1930 l’effondrement des cours, mais l’attaque de mildiou qui détruisit à la fin de l’été une grande partie de la récolte rendit inutile mais aussi très problématique sa mise en œuvre, les viticulteurs ne disposant pas des apports suffisants pour honorer les quotas imposés.

Protéger le marché français contre les vins extérieurs

L’attitude résolument protectionniste de la confédération s’est heurtée dans ce domaine à l’hostilité de certaines associations viticoles métropolitaines et aussi à celle des pouvoirs publics :

Le Champenois Bertrand de Mun s’exprimait en avril 1921, au titre de la sous-commission exportations de la CCIV. Il recommandait une ouverture mesurée des frontières, apte selon lui à faciliter les débouchés viticoles français à l’étranger. Sa proposition fut accueillie avec « les réserves les plus expresses », formulées par écrit, des vignerons méridionaux. La CGV dans son conseil confédéral du 10 avril 1927 constatait qu’à la demande d’augmentation à 65 francs par hectolitre des droits de douane, l’administration avait répondu : « la viticulture française a un marché intérieur équilibré et n’a pas besoin d’encouragement douanier ».

En juin 1923 et juillet 1929, la question de confiance était posée à l’assemblée pour faire passer des dispositions liées à de nouveaux contrats commerciaux bilatéraux (Espagne, Grèce, Allemagne) ou à des aménagements douaniers. Le groupe parlementaire viticole a dans ces circonstances choisi la solidarité majoritaire et le soutien au gouvernement contre les intérêts défendus par la confédération. Pour la CGV le bilan d’ensemble pour la période était donc contrasté. Elle jugeait insuffisant la hausse des droits d’entrée de 30 % finalement obtenue en 1926.

Protéger le revenu des viticulteurs sur le marché du vin

Le CA du 6 février 1921 de la CGV faisait le constat que les droits de circulation sur le vin qui étaient de 1,5 Fr avant la guerre passaient à 19 Fr alors que les coûts de transport par fer avaient augmenté durant la même période de 450 %. Bien entendu, cette situation avait pour conséquence une hausse extrêmement néfaste du prix du vin à la consommation. Elle a été suivie dès le mois d’avril d’un écroulement des prix à la production.

Justin Mirepoix qui allait être élu quelques mois plus tard à la présidence de la confédération analysait la situation, en ce mois d’avril, en tant que président de la sous-commission fiscalité de la CCIV en proposant et faisant adopter à l’unanimité le constat suivant : « La baisse des prix du vin à la consommation est un objectif des pouvoirs publics 22. La hausse des droits sur le vin est démesurée 23. Cette situation a une conséquence sur le niveau des prix à la production qui se sont mécaniquement écroulés : les cours sont de 23 à 24 Fr par hl en avril 1921. En revanche les prix de revient varient de 45 à 70 Fr par hl en fonction de la nature et de la taille des exploitations. Cette situation met en cause la survie de tous les viticulteurs et tout particulièrement des plus petits et des plus fragiles d’entre eux ».

Cette mise en relief des difficultés rencontrées par la viticulture méridionale entre 1921 et 1925 révélait crûment l’apparition des nouvelles contraintes grevant les efforts réalisés par la confédération en matière de répression des fraudes.

On ne trouve pas en revanche, dans la résolution présentée à la CCIV par le même Mirepoix en 1925 de proposition déterminante d’une orientation et d’une action pour les surmonter. Pour la première fois, la CGV subissait la situation, au lieu de la contrôler.

Une baisse de 5 Fr par hl des droits sur le vin a cependant été obtenue dès 1921 à la suite de l’intervention de Mirepoix. La réduction des coûts de transport ferrés d’abord pour l’export, puis de 20 % en 1930 est à mettre à l’actif de celle également à la CCIV du député Léon Castel à la même date. On note malgré ces difficultés, à partir de 1925-1926 une reprise de la tendance des prix à la hausse, soutenue par le niveau limité des récoltes et les progrès relatifs de la demande taxée.

Faire face à la montée du « péril algérien »

Le début des années 1920 a été le moment d’une prise de conscience en Languedoc de l’accroissement du potentiel de production en France et (surtout) en Algérie, se traduisant à la fois par une inflation des surfaces cultivées dans les deux vignobles et un fort accroissement des importations algériennes, avec pour résultat sur le marché du vin, la présence d’un excédent structurel permanent. La CGV, après avoir exprimé dans son CA du 19 avril 1925 « les plus vives inquiétudes » sur le sujet, a soutenu (CA du 7 avril 1928) deux projets de loi déposés par Charles Caffort et Léon Castel 24. Ce soutien était assorti d’une motion : « La proportion sans cesse croissante des plantations de vigne en Algérie et par suite l’envahissement du marché français par les vins algériens constituent le plus grave danger que la viticulture métropolitaine ait jusqu’ici connu. Ce péril est imminent et il importe de le conjurer à bref délai ».

Ces deux projets de loi rencontrant des difficultés pour trouver leur majorité parlementaire, la CGV se trouva en situation de tenter d’agir directement. La proposition confédérale était portée par Pierre Benet, secrétaire général du syndicat des vignerons de Narbonne, et future figure de proue de la confédération. Il proposait de contingenter le marché du vin en prenant pour base un niveau moyen de la consommation taxée nationale de 50 millions d’hectolitres. La répartition de ce contingent était la suivante :

Métropole : 40 M hl
Algérie : 7 M hl
Autres pays : 3 M hl

Le projet proposait le blocage d’une partie de la récolte en cas de production excédentaire de façon à alimenter le marché des années de déficit et anticipait une poursuite de l’accroissement régulier de la demande taxée pour rendre le dispositif suffisant à moyen terme. Il évoquait néanmoins un éventuel recours à la distillation « sur la base de la loi du 18 avril 1930 ».

Le principe même du contingentement avait fait l’objet d’un premier refus des viticulteurs algériens (AG de la FAV à Marmande en 1927). Après avoir été rediscuté en 1929 et approuvé par la FAV, le projet du syndicat de Narbonne a ensuite été trois fois contesté.

— D’abord à la CGV même ou le vote pour son adoption n’a dégagé qu’une étroite majorité :

Pour : Narbonne, Béziers (avec des réserves) Carcassonne, Perpignan.
Contre : Fédération du Sud Est, Montpellier.

Les votes « contre » exprimaient le refus d’un aménagement de type malthusien, sacrifiant une partie de la « production loyale et marchande » des vignobles métropolitains et languedociens pour réduire un déséquilibre qu’ils imputaient totalement au vignoble algérien.

— Ensuite à la FAV par les délégués de la CGV algérienne qui ont organisé dans la foulée auprès de leurs ressortissants une vive campagne de dénigrement de la viticulture languedocienne.

— Enfin, par les pouvoirs publics qui voyaient dans le projet de Narbonne une disposition « inéquitable », au nom de l’égalité de traitement entre les territoires, à l’égard des viticulteurs algériens, mais surtout un texte « sans majorité parlementaire ». André Tardieu, président du conseil pour l’exécutif, et Edouard Barthe, président du groupe parlementaire viticole se rejoignaient dans cette analyse.

La Confédération Générale des Vignerons a donc tenté à l’occasion de la nouvelle crise des prix ouverte entre 1928 et 1930 de retrouver un objectif commun pour son action (organiser une défense efficace contre le vignoble algérien), ce qui s’était révélé impossible dans les années difficiles comprises entre 1921 et 1925. Cette initiative, au lieu de rétablir l’unité des forces méridionales, a provoqué une problématique bipolarisation entre les tenants respectifs du maintien d’une hégémonie languedocienne intégrale, et ceux favorables à un partage relatif des avantages et des contraintes nécessaires à supporter.

La crise ayant été stoppée par l’effet psychologique de la loi du 18 avril et une terrible attaque de mildiou, le projet de loi déposé par le gouvernement sans concertation au printemps 1930 devenait moins urgent. Il était très éloigné des propositions de la confédération et ne fut pas appelé en discussion avant la clôture de la session parlementaire de 1930. A la fin de l’année et au début de l’hiver 1931, alors que s’estompaient les effets de la crise et les frayeurs immédiates qu’elle avait provoquées, les questions languedocienne et algérienne restaient lourdement posées.

Retentissements sur la dynamique de la CGV

La vie des sections locales :

La vie des sections du syndicat des vignerons de Narbonne montre une évolution assez fortement liée à celle des cours du vin, et une tendance générale qui n’est pas en cohérence avec la dynamique des autres syndicats : [Tableau 3]

Le syndicat, très affaibli par le conflit mondial a vu dès 1917 l’effectif de ses sections se redéployer. A cette date, dans 76 % des cas les hectolitres souscrits représentaient plus de 60 % de la récolte communale totale. Pourtant, les 5 976 adhérents pour l’année 1919 ne constituaient que 8,5 % des 70 000 annoncés en 1912 par Marius Cathala pour la confédération.

L’évolution du nombre de sections cotisantes montre une dynamique nettement plus affirmée dans les autres syndicats : [Tableau 4]

Le total des adhérents à la confédération en 1930 est estimé à 100 000 25.Cette progression, spectaculaire est à rapprocher de trois axes autour desquels la direction a contribué à conserver mais aussi à renforcer l’unité, la cohérence et la dynamisation de sa base syndicale :

Tableau 3
Tableau 3
Tableau 4
Tableau 4

— Efficacité de la communication des AG et de la presse syndicale. Cette communication s’organisait autour de la promesse centrale d’un relèvement durable des prix du vin, systématiquement assortie de la condition nécessaire d’un engagement dans l’unité maintenue de tous les viticulteurs.

— Développement d’un climat de solidarité et de resserrement des liens. Il a été illustré par de multiples initiatives internes organisées au bénéfice de viticulteurs sinistrés, de salariés en difficulté, mais aussi et tout particulièrement à l’externe, à l’issue du premier conflit mondial au bénéfice des viticulteurs champenois durement éprouvés par la guerre 26.

— Utilisation des progrès de la coopération et notamment des coopératives de distillation, dont la confédération a été la cheville ouvrière.

En 1930, pour le syndicat de Narbonne, 90 % des sections locales payaient tout ou partie de leurs cotisations par l’intermédiaire d’une coopérative qui s’inscrivait de fait, comme un maillon supplémentaire de l’organisation.

Derrière cet élan unitaire, la question des dissensions et des divergences d’intérêts mérite cependant examen. Compte tenu du nombre des adhérents recensés, et malgré les mouvements de retraits spontanés ou imposés, la présence d’un prolétariat rural (salariés possédant éventuellement quelques arpents de vigne) restait importante à l’orée des années 1930 dans les sections locales de la CGV.

Bien que l’on ait pu observer la présence de négociants et de courtiers dès la « première » CGV, tels que Paul Bret (Montpellier), Vic (Sète) et Gaston Faucilhon (Carcassonne), les antagonismes semblent par la suite l’avoir emporté sur la volonté de coopération.

L’unité enfin, semble avoir été préservée parmi les viticulteurs. On n’observe pas de clivages déterminants durant cette période, bien que la création de « comités de défenses viticole » 27 aux alentours des années 1930 constitue un signe avant-coureur. La question des vignobles « de cru » différenciés (économiquement, socialement ?) s’est également posée, mais la « coexistence heureuse » des deux orientations s’est à plusieurs reprises exprimée dans les CA de la période.

Clivages puis bipolarisation syndicale

Entre 1907 et 1930, les cinq syndicats professionnels fondateurs ont dans le cadre de l’autonomie que leur reconnaissaient les statuts confédéraux, contribué, chacun à la hauteur de leurs moyens, à la poursuite et à la répression des fraudes. Béziers-Saint Pons ainsi que Montpellier-Lodève ont produit l’effort le plus important, suivis par le syndicat de Narbonne qui, malgré sa vocation de vivier confédéral et compte tenu de ses effectifs, est resté dans ce domaine en relatif retrait.

La Confédération du sud-est, qui avait rejoint la CGV en 1921, a également fortement contribué à cet effort. A partir de 1930 elle s’est radicalement démarquée de la majorité confédérale, en s’opposant à la fois à la loi sur la distillation (avril 1930) et à celle sur les vins anormaux (janvier 1930). Enfin, sur le projet d’aménagement du marché, cette même fédération du sud est et le syndicat de Montpellier se sont désolidarisés de l’orientation majoritaire révélant ainsi une situation de bipolarisation.

Ces évolutions révélaient à la CGV l’existence de deux courants : un courant du refus de toute intervention malthusienne visant le territoire métropolitain, allié à la revendication au nom de principes universels (propriété, liberté) « d’aménager pour la bonifier », à la lisière de la loi, la vinification par le vinage et l’utilisation des moûts concentrés. Et un courant du compromis, représenté par Pierre Benet, dans lequel se projetait déjà l’orientation future de la CGV : accepter une mise à distance relative par rapport aux engagements initiaux de préservation intégrale et exclusive des intérêts du vignoble méridional, pour s’engager dans une logique de partage d’avantages, notamment avec l’Algérie, afin d’obtenir « quelque chose plutôt que rien ».

La direction confédérale : des certitudes au désarroi

Au moment de sa création, le conseil d’administration de la CGV, fort de 34 administrateurs, était composé d’une forte majorité de très gros et moyens propriétaires, mais aussi d’élus, de négociants et de personnalités cooptées. [Tableau 5]

Tableau 5
Tableau 5

On remarquait à Narbonne, Charles Séré de Rivière contre qui, selon Ernest Ferroul « avaient été dirigées les grèves de 1905 », Marius Cathala, membre des 87 d’Argelliers, le plus « gros propriétaire » de son village avec 2 000 hectolitres annuels récoltés, mais aussi érudit, président de la société archéologique de Narbonne, futur président de la CGV, et Elie Bernard, futur emblématique secrétaire général, représentant aux cotés de Ferroul la mouvance socialiste.

A Carcassonne, Prosper Capelle dirigeant d’un conglomérat familial agricole, industriel et commercial, assisté de l’avocat Casimir Castel, mais aussi Charles Caffort, élu local et national et futur président de la CGV, ainsi que Gaston Faucilhon, courtier en vins et maire de Carcassonne.

A Béziers, Jules Pastre, gros viticulteur et avocat, maire d’Autignac, récoltant annuellement 3 500 hectolitres, Auguste de Crozals, multipropriétaire et maire de Portiragnes, puis le colonel Mirepoix, également futur président de la CGV, récoltant dans son domaine de Lézigno, près de Béziers, 14 000 hectolitres annuels. (Fig. 7)

A Montpellier, Etienne Marès, fils d’Henri connu pour ses travaux sur les maladies de la vigne et plus particulièrement sur le traitement par soufrage de l’oïdium, le marquis de Forton, vice-président du cercle royaliste et membre du directoire du journal L’Eclair, Prosper Gervais, issu d’une famille connue pour sa fidélité aux valeurs de l’Ancien Régime. Ils avaient en commun un statut de multipropriétaires viticoles, récoltant chaque année plusieurs milliers d’hectolitres. Paul Bret, négociant, avait créé en 1900 le syndicat national des commerçants en vin.

Charles Caffort, député de l’Hérault et président de la CGV
Fig. 7 - Charles Caffort, député de l’Hérault
et président de la CGV

Une des caractéristiques de cette direction confédérale est sa stabilité ou, d’un autre point de vue, son absence de renouvellement. La tendance à faire des présidents de chaque syndicat des vice-présidents confédéraux constituant autour du président l’exécutif de la confédération s’est malgré l’opposition de Prosper Capelle, rapidement imposée. Cette absence de fluidité a parfois été mise en avant pour expliquer les difficultés de la confédération à mobiliser de façon unitaire le Languedoc viticole autour d’un projet commun au début des années 1920 28.

Les contraintes rencontrées, progressivement alourdies, peuvent expliquer le passage des certitudes ambitieuses d’Ernest Ferroul au prudent questionnement du colonel Mirepoix puis au désarroi de Marius Cathala.

Ernest Ferroul déclarait en décembre 1912 à l’occasion du rassemblement fêtant les cinq ans de la confédération :

« Il faut continuer de regarder vers 1907 parce que la force de la GCV composée d’hommes aux conceptions très opposées au point de vue politique, religieux, économique et philosophique, a été de ne pas défendre les intérêts d’une seule classe mais les intérêts de tous ceux qui vivent de la vigne et du vin. »

Puis, encore plus radicalement, le 29 février 1919, à Perpignan : « L’autonomie des régions, c’est leur affranchissement » 29. Le « président de la répression des fraudes » exprimait ainsi ses « certitudes » légitimées par le bilan d’une action qui a la date de sa disparition à la fin de l’année 1921, avait atteint sa pleine efficacité avant de connaitre à partir de là les aléas déjà évoqués. Il soutenait ainsi une stratégie d’engagement hégémonique du Languedoc viticole au service de la défense de ses intérêts. Pendant la quasi-totalité de sa présidence, la convergence des intérêts languedociens défendus par la CGV et de l’intérêt général soutenu par l’État en matière de répression des fraudes avait permis l’activation d’un processus d’interaction efficace entre la société viticole languedocienne et les pouvoirs publics.

Son successeur, le colonel Justin Mirepoix a vu sa présidence (1921-1926) essentiellement marquée par la spirale dépressive des prix. Face aux réticences gouvernementales sur l’augmentation des droits de douanes, les réductions fiscales et de coût du transport, il n’avait obtenu, malgré son engagement et la clarté de ses constats, que des gains limités. En l’absence de définition d’une ligne claire de défense face à cette situation nouvelle, on peut observer des signes d’inflexion dans la ligne stratégique confédérale. Le 7 juin 1925, le conseil d’administration votait une motion au contenu significatif :

« Si des mesures n’interviennent pas immédiatement, la Confédération sera dans l’obligation de faire appel à tous les viticulteurs pour les mettre au courant de l’action exercée pour leur défense, afin de leur permettre de prendre à leur tour leurs responsabilités et d’envisager les décisions à adopter en vue d’obtenir les satisfactions auxquelles leur donne droit la justice de leur cause ».

Justin Mirepoix a quitté la présidence de la CGV « pour raisons de santé » le 9 mai 1926 en déclarant renoncer à l’ensemble de ses responsabilités syndicales. Il était pourtant présent, en tant que président honoraire de la FAV pour représenter la viticulture française au mois de juin 1931 dans la première phase de négociation de la future loi Barthe du 4 juillet 1931. Durant sa présidence, la CGV n’avait pu qu’influencer à la marge la décision publique et le processus d’interaction s’en était trouvé appauvri du fait de la manifestation d’intérêts antagonistes (sur le marché des alcools et le protectionnisme douanier) et de la position de l’État sur les prix du vin à la consommation.

Marius Cathala fut élu à sa place le 13 juin 1926. L’unanimité faite autour de son nom, dans une période rendue difficile par l’absence à la CGV de ligne claire et unitaire effectivement mobilisatrice, s’explique par la fidélité et l’amitié qu’il témoignait à Ernest Ferroul, sa puissance de travail et sa connaissance des questions viticoles.

Il fut le président du « péril algérien » et des prix erratiques, mais le renouvellement de l’orientation confédérale par le projet d’aménagement du marché, a été effectivement porté par celui qui n’était encore que secrétaire général du syndicat de Narbonne, Pierre Benet.

Ecrasé entre le constat et son impuissance à définir pour la direction confédérale une ligne claire pour l’action, laissée à l’initiative de Pierre Benet et de ses équipes, Marius Cathala quitta la présidence en avril 1930 en pleine crise des prix (5 Fr le degré hecto) alors que se mettaient en place des marches et des rassemblements incontrôlés de viticulteurs. Le 17 juin 1930, au meeting de Montpellier, il déclarait : « J’ai marché avec ceux de Puicheric 30 et la CGV ne le savait pas ». C’est donc le désarroi qui à la direction confédérale a le plus nettement marqué la fin de la période 1907-1930. Sous sa présidence, l’interaction était stoppée parce que les pouvoirs publics et la Confédération Générale des Vignerons Algériens s’opposaient, au nom de l’égalité entre les territoires au projet confédéral d’aménagement du marché du vin.

Les tentations, exprimées en 1921, renouvelées en 1925, et finalement concrétisées durant l’été 1930, de peser sur les pouvoirs publics par des moyens extra-légaux n’ont pas eu d’effet immédiatement durables, mais peuvent expliquer l’engagement de l’État en matière d’orientation et de pilotage de la politique viticole.

Les positions défendues et les actions menées par la confédération ont également eu un effet sur la position des pouvoirs publics ainsi que sur l’opinion publique.

Les Pouvoirs publics

Ils ont d’abord témoigné, face aux initiatives confédérales, d’une attention prudente, bienveillante et coopérative, essentiellement dans le domaine de la poursuite et de la répression des fraudes. Cette situation s’est dégradée à partir de 1921 quand sont apparues de nouvelles contraintes pour équilibrer le marché. Les pouvoirs publics et la CGV suivaient alors des lignes distinctes ou divergentes, tant sur la conciliation des intérêts languedociens et des betteraviers à propos d’alcool et de distillation, que sur le protectionnisme douanier où la confédération défendait une position opposée à celle de certaines organisations viticoles. La question du prix du vin à la consommation a accentué ces divergences.

Elle s’est inversée quand il s’est agi d’envisager un projet d’aménagement du marché pénalisant le vignoble algérien. Les pouvoirs publics ont alors mis en avant l’idée d’équité et d’égalité législative de traitement entre les territoires contre le projet de défense languedocienne de la CGV.

L’Opinion publique

A la méfiance exprimée au moment de la création, notamment par un article du journal Le Temps paru en octobre 1907 et reproduit par le Courrier de Narbonne, « Ils ne tarderont pas (la CGV) à substituer leur influence à celle du pouvoir central » a succédé surtout à partir de 1926 en période de forte hausse des prix du vin, une campagne de dénigrement.

Le Courrier du Centre : « La CGV possède tant à la chambre qu’au sénat une majorité. De ce fait, les intérêts des consommateurs ne pèsent pas lourd devant ceux des vignerons ».

L’Eclair de l’Est : « Si nous étions dans un pays où les pouvoirs publics puissent prendre en compte le seul intérêt général pour leurs décisions économiques… le remède serait simple et aisé. Ils élargiraient l’admission de vins étrangers, or la CGV a obtenu cette année que le décret du 14 août 1926 qui augmente de 30 % les droits de douanes soit applicable au vin ».

Paris-Soir : « La CGV est un ‘groupement formidable’, véritable puissance dans l’état, que les consommateurs ont contre eux ».

Conclusion

La CGV s’est donc affirmée entre 1907 et 1930 comme une organisation spécialisée au service de la défense de tous les viticulteurs, cultivateurs de la vigne, exploitants produisant tous types de vins, et ouvriers. Ses lignes de défense, axées essentiellement en 1907 sur la poursuite et la répression des fraudes, ainsi que l’amélioration de la législation existante, se sont diversifiées à partir de la fin du premier conflit mondial. Les stratégies retenues pour cette défense (mise en place d’une interaction légale avec les pouvoirs publics, privilégiant une recherche de consensus entre intérêts régionaux et nationaux, soutenue par des majorités organisées hors des clivages politiques classiques) ont été mises à l’épreuve de cette diversification.

La puissance confédérale, appuyée sur l’étendue de ses alliances et sur l’hégémonie que la CGV jusqu’en 1930 avait réussi à y conserver, a perdu notamment à partir de 1921 une partie de son efficacité.

On a également assisté à une dégradation progressive de la relation entretenue avec les pouvoirs publics à partir du moment où intérêts régionaux et nationaux, objets des interactions mises en œuvre, ont été distingués, puis opposés. Il est possible de différencier sur ce point trois périodes entre 1907 et 1930. [Tableau 6]

Tableau 6
Tableau 6

L’alternance des périodes d’expansion et de dépression a posé, la question de l’évolution du revenu net des viticulteurs. Les chiffres donnés en 1921 par le colonel Mirepoix, complétés par les données d’une étude monographique de 1929, faisaient apparaitre de sensibles différences entre les coûts de revient à l’hectare, en fonction de la taille des exploitations, ce qui mécaniquement pénalisait parmi l’ensemble des adhérents de la CGV les exploitations les plus fragiles.

Malgré ces tensions, l’organisation, sur le plan interne a réussi à maintenir et même à amplifier l’élan de 1907 traduit, par une sensible augmentation du nombre de ses adhérents et une amplification de l’enracinement de ses sections locales. Ce mouvement, contrarié par l’antagonisme déclaré des syndicats de salariés agricoles et la multiplication des conflits d’intérêt avec le négoce a bénéficié d’une relative sérénité dans le groupe des exploitants jusqu’à la crise des années 1930. Sa direction a en revanche été fragilisée. Elle est passée des certitudes aux questions, puis des questions au désarroi. Forte des progrès et de la résistance de sa base, elle s’est trouvée confrontée à une bipolarisation de son échelon syndical sur le projet d’aménagement du marché.

D’abord soutenue, puis mise à distance par les pouvoirs publics, la confédération a été perçue par une partie de l’opinion publique comme un « État dans l’État », prolongement institutionnel de la puissance publique et productrice de normes servant ses intérêts spécifiques, ce qui pouvait évoquer le statut d’une nouvelle corporation de métiers. Ce ressenti a été plus particulièrement marqué entre 1926 et 1928, période de forte hausse des prix du vin. Les arguments évoqués pour soutenir ce point de vue (intégration institutionnelle, production de normes, mainmise sur la décision de l’État pour la défense d’intérêts considérés comme incompatibles avec l’intérêt général de la nation) reprenaient les réserves exprimées au moment de la création. Pourtant, à partir de 1921, l’interaction entre la CGV et les pouvoirs publics a révélé l’existence de points de vue divergents et la montée de rivalités avérées.

Il faut noter que la société viticole méridionale pour la défense de laquelle elle avait été créée, est cependant restée durant cette période pratiquement intacte (croissance de 5 % du nombre des exploitations) bien que sa dynamique de peuplement ait été stoppée (1 504 000 habitants en 1936 contre 1 564 000 en 1901).

On retrouve donc dans la CGV des années comprises entre 1907 et 1930 les « particularismes » du syndicalisme vigneron identifiés en 1994 par Jean Philippe Martin 31 : spécialisation, apolitisme, autonomie, régionalisme, et vigueur de l’action revendicative. La période révèle toutefois trois singularités :

Un engagement au service des intérêts viticoles languedociens marqué après 1921 par une inflexion de ses lignes de défense, de la poursuite et répression des fraudes à l’aménagement du marché du vin.

Une organisation interprofessionnelle dépassant le cadre régional de son action revendicative, pour s’affirmer à un niveau extrarégional puis national par ses stratégies d’alliance et une interaction d’abord consensuelle puis plus nettement oppositionnelle.

Une dynamique vivifiée par la vigueur de sa base syndicale mais déjà contrariée par de premières difficultés à préserver l’unité intra et intersyndicale, et par des perceptions d’abord différenciées puis antagonistes des pouvoirs publics, de l’opinion publique et d’autres groupes d’intérêts rivaux.

A partir de ces trois singularités, la CGV représentait en 1930 l’expression quasi exclusive du syndicalisme viticole méridional et une référence déterminante pour les autres associations viticoles de métropole et d’Algérie.

Bibliographie et sources concernant la période d’étude

Source principale :

Les archives de la confédération générale des vignerons ont été déposées en mairie de Narbonne le 17 décembre 1999 par Philippe Vergnes, président du syndicat unique des vignerons de Narbonne.

Ce fonds est constitué de deux séries :

La première comprend 77 cartons, numérotés de 1 à 77. Ils concernent la CGV, puis la CGVM et le syndicat des vignerons de Narbonne.

La seconde est divisée en trois parties.

  1. Documents : Elle comprend 23 cartons, numérotés de 1 à 23 concernant principalement la F.N.P.V.T.P et la répression des fraudes.
  2. Contentieux : Elle comprend 34 cartons, numérotés de 23 à 56, contenant exclusivement des dossiers juridiques traités par le service du contentieux numérotés de 79 à 5721.
  3. Distillerie : Elle comprend 18 cartons classés de A à N.

Autres sources :

Archives départementales de l’Aude, sous série 98 J, Fonds de la Confédération générale des vignerons du Midi et du Syndicat des vignerons de Carcassonne-Limoux.

Archives nationales, versement AN 20010216/76, D1969, rapport du commissaire spécial au secrétariat général du ministère de l’intérieur, direction de la sureté générale.

Presse viticole :

Le Tocsin N° 1 à 22.

Vendémiaire N° 1 à 20.

Le journal de la CGV entre 1909 et 1930.

Le Paysan du Midi à partir de 1946.

Bibliographie sommaire :

Thèses :

Caupert, Maurice, Essai sur la CGV, ses origines, son organisation et son œuvre, Thèse Montpellier, 1921.

Azibert, Raymond, La CGV, Thèse Toulouse, 1924.

Ouvrages abordant l’histoire de la CGV :

Gavignaud-Fontaine, Geneviève, Caractères historiques du vignoble en Languedoc et en Roussillon (recueil d’articles), Montpellier, PUM Montpellier, 1997, p. 153-165 et 334-357.

Gavignaud-Fontaine, Geneviève et Gilbert Larguier, Le Vin en Languedoc et en Roussillon, de la tradition aux mondialisations (XVIème-XXIème siècles), Canet, Trabucaïre, 2007.

Sagnes, Jean, Monique et Rémi Pech, 1907 en Languedoc et en Roussillon, Espace Éditions, Juillet 1997.

Articles et publications :

— « Du capitalisme familial au XXème siècle. Le testament économique de Prosper Capelle (1865-1945)), dans Bulletin du centre d’histoire de l’Europe méditerranéenne et de ses périphéries (LIAME), N° 17-18, Juin 2006.

Combes, Daniel, « Ernest Ferroul, président fondateur de la CGVM », dans Bulletin de la commission archéologique et littéraire de Narbonne, Tome 42, Gauthier imprimeur, 1988.

Gavignaud-Fontaine, Geneviève, « La Confédération générale des vignerons, une réponse à la crise », communication au colloque L’Aude et la Vigne : cent ans de passion, Carcassonne, 28-30 juin 2007.

Gavignaud-Fontaine, Geneviève, « 1907 et la CGV dans le Midi. Combat pour la défense du vin naturel et la maîtrise du marché des vins » dans Études Héraultaises, Vol 37-38, 2007-08.

Herail, Georges, « Les présidents de la CGVM et la viticulture », dans Bulletin de la commission archéologique et littéraire de Narbonne, Tome 42, Gauthier imprimeur, 1988.

NOTES

1. Le Tocsin N° 9 du 16 juin 1907.

2. Le relèvement des prix à 40 Fr le quintal était jugé insuffisant pour rendre la fraude non rentable économiquement.

3. Le Tocsin N° 10 du 24 juin 1907.

4. Rapportée par Le Tocsin N° 20 du 1er septembre

5. Membre du comité d’Argelliers et présenté comme un des principaux rédacteurs du Tocsin.

6. Discours d’Ernest Ferroul à l’assemblée générale des délégués de section du syndicat des vignerons de Narbonne, le 11 mars 1908.

7. Article 14 : Les droits de représentation des adhérents étaient définis par une voix par membre inscrit plus de une à cinq voix en fonction de la surface possédée et plus de une à cinq voix du nombre d’hectolitres produits.

8. CA du Syndicat de Béziers Saint Pons, octobre 1907.

9. Emmanuel Brousse (1866-1926) est un journaliste, député gauche démocratique des Pyrénées orientales de 1906 à 1924 et sous-secrétaire d’État aux finances de janvier 1920 à janvier 1921. Sa carrière politique fut largement consacrée à la défense de la viticulture au sein du groupe parlementaire viticole. Il a constitué à ce titre un relais déterminant entre la confédération générale des vignerons et ce groupe viticole.

10. La CGV est à l’origine de cette réunion et de la création de la FAV : Le 22 décembre 1912 le Congrès de Narbonne de la CGV prit la décision de convoquer périodiquement les délégués des associations des diverses régions viticoles de France.

  • Principales associations présentes à la première rencontre du 18 février 1913.
  • (*) Confédération générale des vignerons du Midi.
  • (*) Confédération des vignerons du Sud Est.
  • Syndicat Girondin de défense contre la fraude.
  • (*) Ligue des viticulteurs de Gironde.
  • Association syndicale des viticulteurs propriétaires de la Gironde.
  • (*) Fédération des viticulteurs Charentais.
  • (*) Confédération des associations viticoles de Bourgogne.
  • Syndicat Bourguignon de répression des fraudes.
  • (*) Fédération des syndicats de la Champagne viticole.
  • Fédération Auboise de défense vinicole.
  • Syndicat fédéral de l’Aube.
  • Syndicat de défense viticole du canton d’Arbois.
  • Association viticole Roannaise.
  • Syndicat central des agriculteurs de la Haute Garonne.
  • (*) Syndicat des propriétaires de la côte de Monbazillac.
  • Syndicat des viticulteurs de l’arrondissement de Bergerac.
  • Syndicat des vignerons des côtes du Cher.
  • Les statuts adoptés le 18 février 1914 ont permis à CGV de prendre une position hégémonique dans la FAV : Ces statuts ont été préparés par les juristes de la CGV.
  • Articles 12, 13 et 14 : « Le bureau directeur est organisé autour d’un secrétariat général permanent et d’une présidence renouvelable… Le secrétariat permanent siège à Narbonne au siège de la CGV et a l’initiative du Congrès, des réunions, de la fixation de l’ordre du jour, du règlement intérieur et il centralise les fonds de la fédération. »
  • Auguste de Crozals puis Ernest Ferroul (CGV) ont été les premiers présidents de la FAV avec Elie Bernard (CGV) comme secrétaire général permanent jusqu’en 1937.
  • Articles 20 et 27 : « La délégation de chaque association aura droit à une voix pour 500 membres qui la composent…les associations fédérées paient une cotisation de 0,05 centimes par membre… » En 1923, la CGV contribuait pour 2 500 Fr à la recette totale de la FAV qui totalisait 3 395 Fr. En 1929 cette cotisation passait à 5 200 Fr avec un rapport inchangé à la recette totale Durant cette période les associations marquées (*) ont cotisé régulièrement ainsi que depuis 1924 la Confédération Générale des vignerons Algériens.
  • La création et la vie de ces associations (notamment celle des viticulteurs Champenois) peut être mise en étroite relation avec celles de la CGV. Nous avons limité compte tenu de l’objet de l’article le champ de l’étude aux stratégies d’alliance mises en place à partir de 1913.

11. Le contenu de cet article sera par la suite incorporé au contenu du décret du 22 janvier 1919.

12. Attribution d’une fonction, permettant l’exercice d’un pouvoir.

13. Instruction du 2/12/1912 aux agents agréés et commissionnés sur proposition des syndicats professionnels en vue de la répression des fraudes (dite instruction Pams). Jules Pams a été ministre de l’agriculture de mars 1911 à janvier 1913.

14. Qui avait cette année-là rejoint la CGV.

15. C’est le terme utilisé mais la CGV défendait un intérêt collectif.

16. Caupert Maurice, Essai sur la CGV, ses origines, son organisation et son œuvre, Thèse Montpellier, 1921, page 95.

17. Henri Labroue (1880-1964), député de la Gironde, Parti Républicain radical (1914-1919) puis gauche radicale (1928-1932). Agrégé en Histoire et Géographie, membre de la commission des boissons.

18. Boisson médiocre, souvent destinée à la consommation familiale du viticulteur obtenue en faisant couler de l’eau sur des marcs de raisin après pressurage.

19. Milhau Jules, Étude économétrique du marché du vin en France, Thèse de sciences économiques, Faculté de droit de Montpellier, 1935.

20. Destinés à la consommation humaine, par opposition aux alcools à usage industriel.

21. Dans le N° 3 du journal Vendémiaire.

22. En 1921, le niveau général des prix en France a baissé de 13,5 % sous l’effet de la politique déflationniste des pouvoirs publics. Le vin, en tant que produit alimentaire de première nécessité .constituait un des leviers essentiels de cette action. On retrouve ici les préoccupations exprimées le 25 septembre 1917 au moment du vote de l’amendement Labroue.

23. Arguments de l’État pour la justifier : facilité de prélèvement, du fait de l’« accessibilité de l’assiette » et niveau élevé des prix du vin (Ce qui était vrai en 1919).

24. Le projet Caffort proposait un système de contingentement entièrement supporté par le vignoble Algérien. Celui de Léon Castel, plus nuancé était orienté vers une limitation partagée et équilibrée des plantations.

25. Archives nationales, versement AN 20010216/76, D1969, rapport du commissaire spécial au secrétariat général du ministère de l’intérieur, direction de la sureté générale.

26. Ce mouvement de solidarité est présenté dans les archives comme une initiative exclusivement confédérale menée dans un cadre apolitique. Son croisement avec d’autres dimensions (internationale socialiste, catholicisme social) pourrait relever d’une exploration que nous n’avons pas entamée.

27. 28 dans l’Hérault, 27 dans l’Aude, 26 dans le Gard (Archives nationales, versement AN 20010216/76, D1969, rapport du commissaire spécial au secrétariat général du ministère de l’intérieur, direction de la sureté générale.)

28. Discours d’Henri Carcassonne à Perpignan (1919) et André Burguin à Béziers (1921)

29. Il s’agit des termes exacts utilisés dans le compte rendu donné par le journal de la CGV du mois de mars 1919 sous le titre « Grande manifestation viticole à Perpignan ». Le rédacteur précise que le discours a été suivi de longs applaudissements.

30. La section locale de Puicheric a été une des premières des quatre-vingt une sections à mettre en place durant l’été 1930 des « comités de défense viticole » qui ont organisé des marches et des rassemblements de viticulteurs hors de l’autorité confédérale.

31. Martin, Jean Philippe, Les Syndicats de viticulteurs en Languedoc (Aude et Hérault) de 1945 à la fin des années 1980, Montpellier Thèse de IIIème cycle, Histoire, novembre 1994, page 14 et suivantes.