Description

Histoire moderne. Exposés de soutenance de thèses

La rédaction d’Études sur l’Hérault est particulièrement heureuse de publier en primeur la présentation, par leurs auteurs eux-mêmes, de deux thèses importantes soutenues récemment à Paris sur l’histoire moderne du Bas-Languedoc. Préparée sous la direction de Jean Nicolas, la première est due à Gilbert Larguier, professeur à l’Université de Perpignan. Elle porte sur le destin de Narbonne au XVIIe siècle, ce qui conduit son auteur à analyser l’évolution de la relation entretenue par cette ville depuis le Moyen Age entre la céréaliculture et la draperie. Dans la seconde, Line Sallmann, professeur à l’Université de Paris VIII, réfléchit sur les fondements de la croissance manufacturière dirigée au XVIIIe siècle par les négociants nîmois et cherche à reconnaître les raisons pour lesquelles le succès de leurs aventures protoindustrielles n’a pas débouché sur une industrialisation réussie au XIXe siècle. Études sur l’Hérault remercie très vivement ces deux historiens de leur avoir confié le texte inédit de leurs principales conclusions.

Henri MICHEL

Le drap et le grain en Languedoc : - Recherches sur Narbonne et le Narbonnais (1300-1789)

Il est nécessaire que je m’explique d’emblée sur le titre de mon travail, Le Drap et le Grain en Languedoc, Narbonne et le Narbonnais, et la période, inhabituellement longue 1300-1789 sur laquelle il porte. Ils rendent compte en effet du point de départ, du terme d’un itinéraire, des pistes que j’ai explorées, ainsi que des choix auxquels je me suis arrêté.

A l’origine, Narbonne et 1789, une interrogation et une problématique récurrente. En 1789-1790, Narbonne apparaît en Languedoc comme une des principales victimes du découpage départemental. La ville, excentrée à l’est d’un département dont Carcassonne devient le centre, est ravalée au rang de modeste chef-lieu de district. Sa tentative pour éviter ce déclassement fait long feu. A peine parvient-elle à sauver, provisoirement, son siège épiscopal. Les Narbonnais expriment leur déconvenue en termes amers : ce nouveau coup du sort ne ruinait-il pas un effort séculaire qui venait d’aboutir pour se raccorder au canal des Deux-Mers et renaître à la prospérité ?

La première fondation de Rome en Gaule, qui avait fait fonction de capitale, le port de la Celtique entière, selon l’expression de Strabon, sur lequel s’était appuyé le réseau naissant des voies de communications terrestres, et avait largement contribué à organiser l’espace autour d’elle, descendait à une place secondaire et se trouvait marginalisée. L’épisode bref de la rationalisation unificatrice du territoire et les tensions qu’il entraîne entre villes concurrentes pour s’assurer le leadership sert de révélateur puissant des positions urbaines. Carcassonne, la ville du drap, l’emporte sans difficulté, avec le soutien dans l’espace audois des autres centres qui se consacrent au textile. […]

Une croissance industrielle sous l'ancien régime :
Le textile en Bas-Languedoc aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Ma réflexion sur l’évolution manufacturière du Bas-Languedoc aux XVIIe et XVIIIe siècles est partie du constat qu’ont fait les contemporains : Nîmes est devenue au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle l’une des grandes villes industrielles du royaume. Elle était considérée à la fin de l’Ancien Régime essentiellement comme une ville-atelier et sa population dépassait 40 000 habitants. La ville était désormais connue pour ses fabriques de soieries et de bonneterie au métier. Cette dernière se consacrait presque exclusivement au tricotage des bas. Les manufactures urbaines se sont spécialisées dans l’exploitation d’une matière première, la soie. Ce choix a entraîné la constitution d’un ensemble complexe, organisé en réseau, contrôlé par les négociants nîmois. Cette structure était à la fois industrielle, territoriale et commerciale et a donné à la ville l’occasion de jouer un rôle de pôle de direction à l’échelle régionale. Les productions nîmoises étaient écoulées sur le marché international, européen pour les étoffes, américain pour les bas. Or, un siècle plus tôt, la célébrité nîmoise reposait sur d’autres valeurs, d’ordre culturel. La ville était renommée pour ses monuments romains et son adhésion au protestantisme. L’économie urbaine avait au XVIe et au XVIIe siècle la discrétion et l’anonymat des activités d’une petite ville aux fonctions traditionnelles : Nîmes était un centre judiciaire, un marché et avait développé un artisanat de la laine.

C’est l’histoire de cette transformation que j’ai voulu décrire dans ce travail. Non pour faire l’historique d’un développement industriel, car il m’intéressait moins d’en retracer le déroulement que de comprendre les conditions de la mise en place et de l’évolution, sur la longue durée, un siècle-un siècle et demi, d’un processus protoindustriel qui a uni pendant plus d’un siècle Nîmes à son arrière-pays. Celui-ci était constitué par l’aire géographique qui devint au début du XVIIIe siècle la jurande des fabricants de bas nîmois. Il s’étendait sur les trois diocèses civils de Nîmes, d’Alèse et d’Uzès et couvrait des zones aussi dissemblables que les Cévennes, les Garrigues et la Vaunage, la basse vallée du Rhône et la plaine côtière. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1993

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Gilbert LARGUIER, Henri MICHEL, Line SALLMANN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf