Description
Fresques italiennes et liturgie
à la cathédrale de Narbonne (milieu du XIVe siècle)
* Maître de conférences honoraire en Histoire de l’Art, Université Paul-Valéry de Montpellier
Le chœur de l’ancienne cathédrale Saint-Just de Narbonne (Aude) conserve encore des fresques italiennes dues à des ateliers avignonnais, du milieu du XIVe siècle. Deux exemples suffiront ici à montrer que, dans l’édifice, il existe un lien toujours étroit entre ces peintures murales et leur emplacement liturgique. Ainsi, les trois scènes eucharistiques du mur nord de la nouvelle chapelle de paroisse Notre-Dame-de-Bethléem sont peintes juste au-dessus de l’armoire eucharistique ; tandis que deux des Docteurs d’Église, encore conservés au bas des piliers du rond-point du chœur des chanoines (Augustin et Ambroise) sont bien les colonnes de l’Église latine.
The choir of the old Saint-Just de Narbonne (Aude) cathedral still has Italian-style frescoes produced by the Avignon paint workshop in the middle of the XIVth Century. Two examples will suffice here to show that, in the structure, there exists a close link between the two wall paintings and their liturgical situation. It can be seen that the three Eucharistic scenes on the north wall of the more recent parish chapel Notre-Dame-de-Bethléem have been painted just above the eucharist cabinet; whereas the two of the Doctors of the Church, still remaining at the base of the columns, to be found at the intersection of the Canons’ choir (Augustin & Ambroise), are certainly columns of the latin Church.
Lo còr de l’anciana catedrala Sant-Just de Narbona (Aude) a servat encara de frescas italianas, provenentas d’obradors avinhonencs, del mièg del sègle XIV. Dos exemples abastaràn aquί per mostrar que, dins l’edifici, se trapa un ligam totjorn estrech entre aquelas pinturas muralas e lor emplaçament liturgic. Aital, las tres scènas eucarísticas de la pared nòrd de la capèla nòva de la parroquia Nòstra-Dòna-de-Betlehèm son estadas pintadas al dessús del armari eucaristic ; mentre que dos dels Doctors de la Glèisa, encara servats enbàs de la colomnas de l’estela del còr dels canorgues (Agustin e Ambròsi), son plan los pilars de la Glèisa latina.
Dans la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne, la chapelle de chœur Notre-Dame de Bethléem est particulièrement remarquable par le grand retable en pierre sculptée polychromée installé vers 1380 et restauré entre 1993 et 2000. Ce chef d’œuvre a éclipsé les peintures murales de diverses époques qui ornaient le fond de la chapelle ainsi que son mur nord, et qui sont pourtant d’un grand intérêt.
La chapelle paroissiale Notre-Dame-de-Bethléem
(troisième quart du XIVe siècle)
Avant d’aborder, dans l’ancienne cathédrale de Narbonne, l’analyse des rapports susceptibles d’exister entre les fresques italiennes (milieu du XIVe siècle) de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem et la liturgie eucharistique contemporaine, il convient auparavant de donner un bref aperçu sur cette nouvelle chapelle de paroisse. Grâce aux longues et patientes recherches de Jacqueline Caille, on sait qu’au XIIIe siècle la chapelle d’axe de la cathédrale Saint-Just-et-Pasteur était primitivement dédiée à la Vierge Marie : on parle alors de chapelle Sainte-Marie, mais pas encore de Notre-Dame-de-Bethléem. De plus, dès le milieu du XIIe siècle, la petite paroisse dépendant de la cathédrale romane et correspondant à peu près au quartier canonial, est dénommée, le plus couramment, « paroisse Saint-Just », et plus tard, à la fin du XIIIe siècle, « paroisse Sainte-Marie-de-Bethléem ». D’ailleurs, un autel, dédié à Notre-Dame-de-Bethléem, existait déjà dans l’ancienne cathédrale romane, et il y avait bien désormais, dans le nouveau chœur gothique, une chapelle paroissiale Notre-Dame-de-Bethléem (capella Beate Marie de Bethléem), mais pas encore située dans l’axe. Jacqueline Caille a également bien noté que les documents du procès des chanoines avec les consuls de Narbonne (1349-1354) n’identifient pas alors la chapelle de paroisse avec la chapelle d’axe gothique : elle se trouvait donc ailleurs et encore dans une des cinq chapelles des bas-côtés du chœur.
Grâce aussi à la remise au jour, en 1982, de son somptueux décor sculpté4, désormais connu sous le nom générique de « Grand retable de Narbonne », probablement réalisé ou mis en place pour l’édification des fidèles dans le troisième tiers du XIVe siècle, on devine l’importance nouvelle désormais accordée à cette chapelle mariale d’axe, consacrée le 15 août 1381, en la fête de l’Assomption de la Vierge ; puis à nouveau le 20 mars 1527. Les restaurations qui ont suivi, scientifiques et minutieuses, ont permis de tirer des observations très précises et détaillées non seulement sur la taille des blocs sculptés, mais aussi sur certaines discordances et sur les nombreux problèmes posés lors de leur mise en oeuvre et montage dans cette chapelle d’axe : ce qui a parfois fait supposer qu’ils avaient, primitivement, pu être prévus pour l’ancienne chapelle de paroisse.
Curieusement, ce grand retable a entièrement occulté le premier programme8 peint dans cette chapelle axiale (mais pas encore paroissiale) et réalisé autour de 1312 pour Gilles Aycelin de Montaigu (vers 1252-Avignon, 23 juin 1318), vers la fin de son épiscopat à Narbonne (25 novembre 1290-5 mai 1311). Occupant le fond de la chapelle, et largement masqué par le retable, ce programme original, ‘royal’ et ‘clérical’ – épiscopal et très politique -, fait figurer l’archevêque, promulgateur du culte de Saint Louis canonisé en 1298, fidèle allié du roi de France Philippe IV le Bel, et accompagné de ses dix suffragants de la province ecclésiastique de Narbonne. Malgré son intérêt iconologique certain, l’état de dégradation profonde de cet ensemble peint en rend la lecture difficile, malgré les tentatives de restauration engagées en 2000.
Mais, à Narbonne, ce sont les fresques italiennes, peintes sur le mur nord de la chapelle d’axe qui vont ici nous intéresser : comme pour les sculptures du Grand retable, elles jouaient certainement, pour le clergé et désormais aussi pour les paroissiens et les fidèles, un rôle didactique et liturgique de premier plan. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2017 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Jean-Pierre SUAU |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |