Fresques italiennes et liturgie
à la cathédrale de Narbonne (milieu du XIVe siècle)

* Maître de conférences honoraire en Histoire de l’Art, Université Paul-Valéry de Montpellier

[ Texte intégral ]

Dans la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne, la chapelle de chœur Notre-Dame de Bethléem est particulièrement remarquable par le grand retable en pierre sculptée polychromée installé vers 1380 et restauré entre 1993 et 2000. Ce chef d’œuvre a éclipsé les peintures murales de diverses époques qui ornaient le fond de la chapelle ainsi que son mur nord, et qui sont pourtant d’un grand intérêt 1.

La chapelle paroissiale Notre-Dame-de-Bethléem
(troisième quart du XIVe siècle)

Avant d’aborder, dans l’ancienne cathédrale de Narbonne, l’analyse des rapports susceptibles d’exister entre les fresques italiennes (milieu du XIVe siècle) de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem et la liturgie eucharistique contemporaine, il convient auparavant de donner un bref aperçu sur cette nouvelle chapelle de paroisse. Grâce aux longues et patientes recherches de Jacqueline Caille 2, on sait qu’au XIIIe siècle la chapelle d’axe de la cathédrale Saint-Just-et-Pasteur était primitivement dédiée à la Vierge Marie : on parle alors de chapelle Sainte-Marie, mais pas encore de Notre-Dame-de-Bethléem. (Plan 1) De plus, dès le milieu du XIIe siècle, la petite paroisse dépendant de la cathédrale romane et correspondant à peu près au quartier canonial, est dénommée, le plus couramment, « paroisse Saint-Just », et plus tard, à la fin du XIIIe siècle, « paroisse Sainte-Marie-de-Bethléem ». D’ailleurs, un autel, dédié à Notre-Dame-de-Bethléem, existait déjà dans l’ancienne cathédrale romane 3, et il y avait bien désormais, dans le nouveau chœur gothique, une chapelle paroissiale Notre-Dame-de-Bethléem (capella Beate Marie de Bethléem), mais pas encore située dans l’axe. Jacqueline Caille a également bien noté que les documents du procès des chanoines avec les consuls de Narbonne (1349-1354) n’identifient pas alors la chapelle de paroisse avec la chapelle d’axe gothique : elle se trouvait donc ailleurs et encore dans une des cinq chapelles des bas-côtés du chœur.

La cathédrale de Narbonne. La chapelle ND de Bethléem en n° 8.
Plan. 1 - La cathédrale de Narbonne. La chapelle ND de Bethléem en n° 8.

Grâce aussi à la remise au jour, en 1982, de son somptueux décor sculpté 4, désormais connu sous le nom générique de « Grand retable de Narbonne » 5 (Fig. 1), probablement réalisé ou mis en place pour l’édification des fidèles 6 dans le troisième tiers du XIVe siècle, on devine l’importance nouvelle désormais accordée à cette chapelle mariale d’axe, consacrée le 15 août 1381, en la fête de l’Assomption de la Vierge ; puis à nouveau le 20 mars 1527. Les restaurations qui ont suivi, scientifiques et minutieuses 7, ont permis de tirer des observations très précises et détaillées non seulement sur la taille des blocs sculptés, mais aussi sur certaines discordances et sur les nombreux problèmes posés lors de leur mise en œuvre et montage dans cette chapelle d’axe : ce qui a parfois fait supposer qu’ils avaient, primitivement, pu être prévus pour l’ancienne chapelle de paroisse. (Fig. 2)

Cathédrale Saint-Just, chapelle Notre-Dame-de-Bethléem et le grand retable. État actuel
Fig. 1 - Cathédrale Saint-Just, chapelle Notre-Dame-de-Bethléem
et le grand retable. État actuel.
Grand retable, détail du Purgatoire : Les âmes plongées dans une cuve d’eau. (état en 2000)
Fig. 2 - Grand retable, détail du Purgatoire :
Les âmes plongées dans une cuve d’eau. (état en 2000)
© Conservation Régionale des Monuments Historiques, DRAC Occitanie.
Décor peint vers 1312-1316, commande de l’archevêque Gilles Aycelin. Partie sud. Relevé de Jean-Marc Stouffs en 2000
Fig. 3 - Décor peint vers 1312-1316, commande de l’archevêque Gilles Aycelin. Partie sud. Relevé de Jean-Marc Stouffs en 2000. © Conservation Régionale des Monuments Historiques, DRAC Occitanie.

Curieusement, ce grand retable a entièrement occulté le premier programme 8 peint dans cette chapelle axiale (mais pas encore paroissiale) et réalisé autour de 1312 pour Gilles Aycelin de Montaigu (vers 1252-Avignon, 23 juin1318), vers la fin de son épiscopat à Narbonne (25 novembre 1290-5 mai 1311). Occupant le fond de la chapelle, (Fig. 3) et largement masqué par le retable, ce programme original, ‘royal’ 9 et ‘clérical’ – épiscopal et très politique –, fait figurer l’archevêque, promulgateur du culte de Saint Louis canonisé en 1298 (Fig. 4), fidèle allié du roi de France Philippe IV le Bel (Fig. 5), et accompagné de ses dix suffragants 10 de la province ecclésiastique de Narbonne (Fig. 6) 11. Malgré son intérêt iconologique certain, l’état de dégradation profonde de cet ensemble peint en rend la lecture difficile, malgré les tentatives de restauration engagées en 2000 12.

roi Philippe IV le Bel (1285-1314). Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000)
Fig. 4 - Le roi Philippe IV le Bel (1285-1314). Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000). © Conservation Régionale des Monuments Historiques, DRAC Occitanie.
Louis IX, canonisé en 1298. Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000)
Fig. 5 - Louis IX, canonisé en 1298. Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000). © Conservation Régionale des Monuments Historiques, DRAC Occitanie.
Évêques suffragants de Gilles Aycelin, détail. Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000)
Fig. 6 - Évêques suffragants de Gilles Aycelin, détail.
Relevé de Jean-Marc Stouffs (état en 2000). © Conservation Régionale des Monuments Historiques, DRAC Occitanie.

Mais, à Narbonne, ce sont les fresques italiennes, peintes sur le mur nord de la chapelle d’axe qui vont ici nous intéresser : comme pour les sculptures du Grand retable, elles jouaient certainement, pour le clergé et désormais aussi pour les paroissiens et les fidèles, un rôle didactique et liturgique de premier plan.

Les fresques italiennes (vers 1350-1370) du mur nord de la chapelle
et leurs liens avec la liturgie eucharistique et sacramentelle

Ces fresques (Fig. 7), datables des années 1350-1370 et qui s’étalent, côté évangile, sur près de quatre mètres de long, surmontent une niche murale eucharistique, creusée dans l’épaisseur du mur nord de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem : elle mesure 80 centimètres de large (soit 2,5 pieds) sur 96 centimètres de haut (soit trois pieds). Pour nous, ces peintures sont en liaison directe avec la niche qui justifiait, au-dessus, leurs sujets. Or, curieusement, cette ancienne armoire eucharistique 13 a été depuis transformée en simple vitrine ‘présentoir’, destinée à accueillir de beaux fragments sculptés provenant du ‘Grand retable’ mutilé, ce qui occulte désormais sa fonction primitive. Pourtant et avec raison, M. Dominique Larpin, architecte en chef des Monuments historiques chargé des travaux de restauration et de remise en place du Grand retable, avait fait observer, dès le colloque de 1988, que « la présentation in situ du décor sculpté découvert s’oppose à une exposition muséographique pure » 14.

Fresques italiennes du mur nord de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem (vers 1350-1380)
Fig. 7 - Fresques italiennes du mur nord de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem (vers 1350-1380), et haut de l’armoire eucharistique (état en 2000, après dégagement et consolidation de la fresque). Dernière Cène, Communion des apôtres et Lavement des pieds. Clichés © Pierre Parcé, DRAC Occitanie.

De son côté, Jacques Michaud, en parfait connaisseur des rites liturgiques pratiqués dans cette cathédrale au cours des siècles, a déjà insisté sur le fait que dans cette chapelle -nouveau siège de la paroisse – « la conservation des espèces était justifiée par les besoins des malades à quoi s’ajoutait la dévotion eucharistique de plus en plus développée. Le cérémonial de l’Église de Narbonne au XVIIIe siècle est prolixe en indications sur l’entretien de la sainte Réserve, sur le rituel à observer pour la procession du viatique, pour les saluts du Saint-Sacrement, pour le transfert des Saintes Espèces le Jeudi Saint, dont le reposoir est situé à l’autel de Bethléem. » 15

Il faut aussi penser, pour l’époque même de ces peintures où l’on prend l’habitude de « faire visite au Saint-Sacrement », au développement récent de la célébration de la Fête-Dieu – Corpus Dei – ou Fête du Très Saint-Sacrement de l’autel, célébrée soixante jours après Pâques. D’abord instituée en 1246 par l’évêque de Liège, puis rendue officielle par Urbain IV (1261­1264), c’est seulement en 1318 que le pape d’Avignon, Jean XXII (1316-1334), originaire de Cahors et canoniste réputé, demanda de faire, en plus de l’office, une procession pour porter solennellement l’eucharistie et la voir, le jour de la Fête-Dieu 16. En ce second tiers du XIVe siècle, pour les fidèles et pour le clergé, on est donc bien ici dans ce même contexte religieux, en rapport avec le culte de l’hostie 17.

Un cycle eucharistique, court mais original

Il y a une trentaine d’années, Mme Christine Aribaud 18 a remarquablement étudié et décrit le style de ces fresques, pourtant peu lisibles et sans doute produites « par un atelier avignonnais nourri de culture française et italienne. » Grâce à ses nombreuses comparaisons, elle a bien montré que ces peintures murales, datables des années 1350-1370, ont un caractère italien très précis (nimbes radiés, décors avec des baguettes ombrées, etc.). Malgré l’état lacunaire de ces peintures, maniérées et très lisses, l’auteur a su parfaitement dégager leur style, et les replacer non seulement dans le contexte artistique italien de l’époque, mais aussi dans le milieu avignonnais, alors régulièrement fréquenté par les archevêques de Narbonne. Elle a aussi insisté sur l’agencement nouveau de l’espace pictural, la véracité des visages et la coloration différente de celle utilisée sur les piliers voisins du chœur 19, qui seront décrits à la fin de cet article.

Le petit cycle eucharistique 20, seulement composé de trois scènes, encadrées de rinceaux jaunes et verts peints en trompe l’œil, se lit de droite à gauche puis de gauche à droite (en boustrophédon ?), et non pas, comme on pourrait s’y attendre, toujours de gauche à droite. C’est à droite (vers l’est), où débute chronologiquement l’histoire, que l’on a choisi de représenter le Lavement des pieds, aujourd’hui fortement lacunaire, inspiré par le texte de Jean (13, 1-15) et la cérémonie du Jeudi Saint. Au-dessus de la niche eucharistique 21, ce sujet, alors peu souvent retenu dans les cycles longs de la Passion du Christ22, était ici presque obligatoire dans le contexte iconographique de ces fresques. L’action s’y déroule de gauche à droite. Au premier plan et selon un trait propre au Trecento italien d’inspiration franciscaine, le Christ s’est humblement agenouillé pour laver les pieds de saint Pierre. De part et d’autre, le reste du Collège apostolique se tient debout : deux apôtres sont à gauche et, à droite, les neuf autres disciples, regroupés en perspective étagée, forment le fond du tableau. Il faut revenir à gauche du registre et au premier sujet, pour retrouver, avec la Cène23 (Fig. 8), l’image classique et fondamentale de la suite du récit du repas d’adieu, où le Christ, debout, instaure l’Eucharistie et, à la demande de Jean, annonce aux douze Apôtres présents que l’un d’entre eux le trahira.

La Cène (état en 2000)
Fig. 8 - La Cène (état en 2000). Cliché © Pierre Parcé, DRAC Occitanie.

Beaucoup plus rare que le Lavement des pieds, mais déjà présent dans l’art byzantin, nous paraît être, bien privilégiée au centre du triptyque, la scène sacramentelle de la Communion des apôtres24 (Fig. 9) et, parfois qualifiée de Cène eucharistique, qui marque l’institution du sacrement de la Communion (Hoc est corpus meum). L’action, située devant une ville à l’italienne, nous montre le Christ, assisté d’un ange et donnant la communion aux apôtres. Geste central de la liturgie, la scène de la Communion des apôtres commémore et illustre l’institution de l’Eucharistie par le Christ le Jeudi Saint, lors de son dernier repas avec ses disciples et à la veille de sa mort sur la croix. Elle y est parfaitement à sa place, au centre du triptyque et au-dessus de la niche eucharistique. À Mont-d’Astarac (Gers), sur une peinture murale de la fin du XVe siècle, l’armoire eucharistique (Fig. 10) est même incorporée à l’intérieur de la Cène25. Pour montrer les liens susceptibles d’exister entre la peinture murale, les pratiques liturgiques contemporaines 26 et les formes de dévotions et d’enseignement par l’image, nous mentionnerons seulement ici deux exemples languedociens voisins et sensiblement contemporains. D’abord, à Narbonne et au Palais-Vieux, celui des peintures murales (vers 1280) du petit oratoire de l’archevêque Pierre de Montbrun (1272­1286), très probablement inspirées par des enluminures illustrant le Canon de la messe et la liturgie eucharistique 27. Enfin, et dans une moindre mesure, à la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers (Hérault), on pensera aussi à l’exemple précoce (vers 1310) des fresques italiennes peintes sur le mur sud de la chapelle du Saint-Esprit, après l’épiscopat (1294-1305) de Bérenger III Frédol l’Ancien, nommé cardinal le 15 décembre 1305 et mort à Avignon, le 11 juin 1323. Avant leur mutilation par les protestants, en 1562, les anges regardaient en direction de l’autel, vers lequel ils semblent encore se diriger et surtout nous conduire ou nous guider par le regard 28.

La Communion des apôtres (état en 2000)
Fig. 9 - La Communion des apôtres (état en 2000).
Cliché © Pierre Parcé, DRAC Occitanie.
Mont-d’Astarac (Gers), église paroissiale Saint-Laurent, détail de la Cène (vers 1480-1490)
Fig. 10 - Mont-d’Astarac (Gers), église paroissiale Saint-Laurent, détail de la Cène
(vers 1480-1490) et de l’armoire eucharistique (état en 1989). Cliché de l’auteur.

À Narbonne, jusqu’à présent et avec raison, seuls l’aspect stylistique et la valeur artistique de ces peintures murales italiennes ont principalement intéressé les historiens de l’art. Pourtant, et nous pensons l’avoir montré, le sujet de ces trois scènes complémentaires (Lavement des pieds, Cène et Communion des Apôtres), peintes par un artiste italien vers le milieu ou le troisième quart du XIVe siècle, juste au-dessus de l’armoire eucharistique 29 de la nouvelle chapelle de paroisse Notre-Dame-de-Bethléem, n’avait pas été choisi au hasard. Malgré leurs mutilations et leurs usures, ces scènes constituent bien encore un précieux témoignage sur les liens iconologiques qui, dans cette nouvelle chapelle de paroisse, les unissaient à l’armoire eucharistique, dont la fonction était clairement indiquée aux fidèles, par ce triptyque peint. Cet exemple prouve nettement que les rites liturgiques sont souvent la clé pour comprendre les programmes iconographiques religieux du Moyen Âge.

Les quatre Docteurs de l’Église latine peints autour de 1340,
sur les piliers du rond-point du chœur

Pour montrer ces liens iconologiques étroits entre l’iconographie, le support des fresques et leur emplacement, nous prendrons enfin comme exemple, et toujours à la cathédrale de Narbonne, les représentations des quatre Docteurs de l’Église latine, en partie conservées de part et d’autre de l’entrée du sanctuaire, sur le bas des deux premiers piliers cylindriques et fasciculés du rond-point du chœur. Elles ont longtemps été confondues, dans la tradition locale, avec les grands saints évêques « fondateurs » de l’Église de Narbonne : Paul Serge (IIIe s.), Rustique (427­461) et Théodard (885-893). Comme les Évangélistes, ces Docteurs sont bien les colonnes ou les piliers de l’Église : or, ici encore, le choix des piliers comme supports à ces tableaux peints n’est pas gratuit dans l’immense chœur de cette cathédrale. Il suffit de rappeler la pensée du grand liturgiste et canoniste languedocien Guillaume Durand de Mende, né dans le diocèse de Béziers, à Puimisson (Hérault, canton de Murviel-lès-Béziers), vers 1230 et mort à Rome le 1er novembre 1296, où il exerça de nombreuses fonctions auprès de la papauté. Après avoir étudié le droit canon et civil à Montpellier, Paris et Bologne, où il enseigna, Guillaume fut nommé évêque de Mende (Lozère) en 1285 : d’où son pseudonyme Durand de Mende 30. Jeune chanoine régulier de la cathédrale de Maguelone (1251) et clerc de la cathédrale de Narbonne (1254), il sut cumuler, par la suite et sans obligation de résidence, un canonicat à Beauvais, Chartres et Narbonne. Parmi ses nombreux écrits liturgiques et outre son Pontifical 31, on retiendra surtout son célèbre Rational ou Manuel des divins offices 32, achevé en 1284 et destiné à instruire le clergé et les fidèles. Pour lui, et dans le paragraphe XXVII de son premier chapitre, « les colonnes de l’église, ce sont les évêques et les docteurs qui soutiennent le temple de Dieu par la doctrine catholique, comme les évangélistes soutiennent spirituellement le trône de Dieu […] le sommet des colonnes, c’est l’esprit des évêques et des docteurs. »

Ces peintures mixtes, à la détrempe et à la fresque, également réalisées par un peintre italien, paraissent accrochées comme des peintures mobiles sur panneau 33. La présence des armoiries qui se retrouvent aussi, non loin de là et côté nord, sur les belles grisailles décoratives des vitraux de la chapelle voisine Saint-Martin, datables vers 1340-1350, permet de les situer vers la fin de l’épiscopat de Bernard de Fargues, archevêque de Narbonne de 1311 à 1341 34. Obligatoirement présent sur ces fresques, le livre, indicateur de la doctrine chrétienne et de leur enseignement, était l’attribut commun à ces quatre Docteurs de l’Église latine : un pape, un cardinal et deux évêques, dont le titre avait été officiellement conféré, en 1295 et pour la première fois, par le pape Boniface VIII (1294-1303). Tous les auteurs, anciens ou contemporains, qui ont décrit ou évoqué ces peintures murales, ont insisté sur leur qualité stylistique et leur bon état de conservation. Dans ses Notes de voyages, rédigées le 9 novembre 1835, lors de sa visite dans la cathédrale, le jeune Prosper Mérimée (1803-1870) avait déjà noté que « ses piliers sont remarquables par leur légèreté et leur élégance. Plusieurs ont encore conservé des traces d’ornements peints d’une grande délicatesse. » 35 C’est aussi ce qu’en 1901 avait observé l’historien de la cathédrale, Louis Narbonne (avocat et président de la Commission archéologique de Narbonne), pour qui « ces peintures sont encore très fraîches, et l’expression de la physionomie des personnages est remarquable. » 36

Chœur de la cathédrale. Détail de la fresque du pilier sud-est (vers 1340)
Fig. 11 - Chœur de la cathédrale. Détail de la fresque du pilier sud-est (vers 1340) : Saint Augustin et un chanoine suivant du doigt la lecture de sa règle (état en 1992). Cliché de l’auteur.

C’est le cas, sur le pilier sud 37 (Fig. 11), pour le saint évêque (mitré, pourvu d’un nimbe radié et parfaitement portraituré), peint « devant un édicule à deux tourelles crénelées, reliées par un auvent pentu en tuiles romaines abritant un rideau rouge tendu sur une tringle. » 38 Le saint feuillette un grand livre ouvert posé sur un pupitre ; plus bas, un chanoine suit assidûment, du doigt, la lecture sur son livre également ouvert. C’est bien un chanoine, parfaitement reconnaissable à sa coiffe, l’aumusse39 (Fig. 12), dont les pans pendent au-dessus de son épaule. Sur ce pilier, la présence d’un chanoine, appliqué à regarder consciencieusement son texte, est donc tout à fait justifiée dans le chœur d’une cathédrale. Sa représentation, précise, est sans doute là pour aider à reconnaître le Père de l’Église, anonyme, peint au-dessus de lui : très probablement l’évêque d’Hippone – Saint Augustin – dont les chanoines, religieux vivant en communauté, suivaient la règle canoniale définitivement choisie sous Innocent II (1130-1143) 40.

Fig. 12 - Image type du chanoine, revêtu de son surplis et de son aumusse ; d’après la Grande danse macabre, gravée sur bois et éditée à Paris en 1486 chez Guyot Marchand.

On ignore comment étaient représentés les deux autres Docteurs aujourd’hui disparus ; mais Grégoire le Grand, pape de 590 à 604, devait y être facilement reconnaissable à ses attributs papaux (tiare, pallium et croix patriarcale). Jérôme, qui était là en tant que traducteur en latin de la Bible hébraïque (Vulgate), sera beaucoup plus tard et à la fin du Moyen Âge figuré en cardinal, enlevant l’épine du pied du lion, ou en ermite méditant ou pénitent dans le désert : ce qui, comme pour Grégoire, le distinguera bien des autres. Mais ce n’était certainement pas encore ici le cas, au milieu du XIVe s.

Dans la dernière décennie du XIIIe siècle – et donc après la proclamation officielle (1295) du titre de Docteurs de l’Église latine – sur la première travée occidentale de la voûte de la basilique supérieure d’Assise, Giotto se contentera, à l’égal des trois autres Docteurs représentés en évêque, d’indiquer le nom de Jérôme pour bien le distinguer et l’identifier 41. Au Palais neuf des papes d’Avignon, élevé sous Clément VI (1342-1352), des fresques italiennes du mur oriental de la Grande Audience 42, réalisées par Matteo Giovannetti vers 1353, mais en partie détruites en 1822, ne subsiste que la belle sinopia (dessin préparatoire) représentant encore la Crucifixion encadrée des quatre Docteurs de l’Église latine : à gauche, Grégoire et Jérôme ; à droite, Ambroise et Augustin. Ils avaient tout normalement leur place dans ce lieu qui faisait fonction de tribunal des causes apostoliques.

À Narbonne, un petit détail iconographique peut, semble-t-il, guider cette recherche pour l’identification du second Docteur de l’Église, également bien conservé, face à la chapelle Saint-Martin, sur le premier pilier nord du sanctuaire du chœur, où il a été mis en parallèle (au sud) avec Saint Augustin. Ici, le saint évêque 43, mitré et nimbé comme le précédent, est certainement représenté en chaire (Fig. 13). Or, on sait que saint Ambroise (vers 333-avril 397), évêque de Milan fêté le 7 décembre, jour de sa consécration épiscopale en 374, est célèbre pour ses prédications et son éloquence naturelle. Car cet orateur sacré, auteur de plusieurs sermons, a toujours voulu assurer la proclamation de la parole de Dieu, en s’adressant non seulement aux initiés, mais aussi aux plus humbles de ses auditeurs. Situé au bas de la scène et assis devant un somptueux pupitre représenté en perspective, le clerc tonsuré ne lit pas dans son livre : au contraire, il tourne ostensiblement sa tête vers le haut, comme pour mieux écouter et entendre les paroles sacrées du prédicateur.

Bien sûr, ce sont là de simples hypothèses ou pistes d’identifications ; mais il n’en demeure pas moins que ces peintures murales tiennent bien compte du contexte historique, architectural et liturgique de la cathédrale Saint-Just. Le choix des piliers – et donc de leur emplacement matériel sur les supports par excellence du nouveau chœur 44 de cette cathédrale – n’est en aucun cas gratuit ou fortuit pour les chanoines, à qui ces quatre représentations des Docteurs de l’Église latine, parfaitement visibles dans cette zone privilégiée de prière, s’adressaient directement. Il en est de même pour l’exceptionnel petit programme eucharistique, peint en rapport avec son armoire liturgique dans la toute nouvelle chapelle de paroisse Notre-Dame­de-Bethléem, désormais exclusivement réservée aux fidèles et spécialement décorée ou aménagée, dans un but doctrinal et en fonction des pratiques religieuses contemporaines.

Chœur de la cathédrale, ensemble de la fresque (vers 1340)
Fig. 13 - Chœur de la cathédrale, ensemble de la fresque (vers 1340) du pilier nord : Saint Ambroise et un clerc écoutant ses paroles (état en 1992).
Cliché de l’auteur.

NOTES

1. Nous tenons à remercier vivement les services de la Conservation régionale des Monuments historiques, DRAC Occitanie, et particulièrement Madame Fabienne Tuset, qui a mis obligeamment à notre disposition les documents photographiques concernant la chapelle ND de Bethléem.

2. En dernier lieu : Caille, Jacqueline, « La paroisse cathédrale de Narbonne », L’archevêché de Narbonne au Moyen Âge (Fournié, Michelle et Le Blévec, Daniel éd.), Toulouse, Méridiennes éd., p. 91-134.

3. Narbonne, Louis, La cathédrale Saint-Just de Narbonne, Narbonne, F. Caillard imprimeur, 1901, 473 p., ici p. 74-75 ; Id., La cathédrale Saint-Just de Narbonne. Guide historique, archéologique et descriptif, Narbonne, F. Caillard imprimeur, s. d. [vers 1901], p. 38-39.

4. Pauc, abbé Jean, « Le décor de la chapelle Notre-Dame de Bethléem », La Revue des Monuments historiques, juin 1983, p. 29-35.

5. Demore, Myriam, Nougaret, Jean, Poisson, Olivier (dir.), Le grand retable de Narbonne, Actes du 1er colloque d’Histoire de l’art au Moyen Âge (2-3 décembre 1988) (Narbonne, 1990, 138 p. : Pauc, abbé Jean, « Présentation des décors », p. 33-36 (et pl. 1, face à la p. 26, état en décembre 1989) ; sur le style de ces sculptures, voir essentiellement Pradalier-Schlumberger, Michèle, « Le décor de la chapelle de Bethléem dans l’art gothique languedocien du XIVe siècle », p. 57-66 ; Id., Toulouse et le Languedoc : la sculpture gothique (XIIIe-XIVe siècles, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1998, p. 291-309.

6. On remarquera vite que les différents auteurs restent toujours ‘prudents’ pour se prononcer clairement sur la date de sa réalisation. Ce qui se comprend facilement : vers 1340-1360 selon Michèle Pradalier-Schlumberger (Le grand retable…, p. 6) ou « après 1354 » (Toulouse et le Languedoc…, p. 308). Par comparaison avec la sculpture avignonnaise, Marie-Luce Fabrié a proposé de le situer ‘vers 1360’ (« À propos de la datation du retable de Narbonne », Le grand retable… p. 67-69). Peut-on dater la mise en place de ce grand retable un peu plus tard, vers 1370-1380, date de la consécration de l’autel le 15 août 1381 ? Son iconographie ne s’y opposerait pas. Seule une recherche sur les parallèles possibles avec d’autres représentations du Purgatoire permettraient sans doute de resserrer cette chronologie : sur ces scènes, voir l’important article de Fournié, Michelle, « La représentation de l’au-delà et le purgatoire à Saint-Just de Narbonne », Le grand retable… p. 45-55.

7. Lire les deux articles, parfaitement documentés, de Orrit, Géraldine, « Le grand retable de l’ancienne cathédrale de Narbonne : étude technique du travail de la pierre », Archéologie du Midi médiéval, année 2001, vol. 19, n° 1, p. 99-135, 32 fig. et 5 pl. ; Id., « Lecture archéologique d’une sculpture médiévale. Le grand retable de Narbonne », Archéologia, n° 382, octobre 2001, p. 28-36.

8. Pradalier-Schlumberger, M., Le décor de la chapelle de Bethléem…, p. 59-60.

9. Sans doute le roi Philippe IV le Bel (1285-1314) – dont Gilles Aycelin était un des familiers – agenouillé au pied de la statue de saint Louis, canonisé le 6 août 1297. Pour Catherine Martin, Gilles Aycelin, garde du sceau royal en 1310, fut « plus un bon commis du roi qu’un homme d’Église. » (« L’épiscopat de la Province ecclésiastique de Narbonne, de la mort du comte de Toulouse Raymond VII à la création de la province ecclésiastique de Toulouse (27 septembre 1249-15 juin 1317) : Esquisse sociologique », Actes du 96e Congrès national des sociétés savantes, Toulouse, 1971, Philologie et histoire jusqu’à 1610, t. II, Paris, 1978, p. 153-193, ici p. 169).

10. Carcassonne, Béziers, Toulouse, Maguelonne, Agde, Nîmes, Uzès, Lodève, Elne et Pamiers.

11. Comme il sera aussi représenté, après son transfert à Rouen (1311­1319), sur la Charte aux Normands, octroyée en 1315 par Louis X le Hutin (roi de France de 1314 à 1316, et de Navarre de 1305 à 1316). Sur la rare enluminure qui accompagne cette charte (Paris, Petit Palais, ancienne collection Duthuit, n° d’inventaire : LDUT 95) – où figure Gilles Aycelin, suivi de ses suffragants normands et de personnages laïcs –, le roi de France Louis X le Hutin lui présente le livre contenant la charte octroyée aux Normands en 1315. La comparaison iconographique (inédite) avec la peinture murale de Narbonne, sensiblement antérieure, est donc intéressante pour cerner l’usage de l’art au service de cet archevêque.

12. Poisson, Olivier, « La restauration du retable de la chapelle Notre­Dame-de-Bethléem, Narbonne », Monumental, 2001 : « Très usé et ruiné, cet ensemble est pourtant d’un intérêt iconographique exceptionnel. Du côté nord, debout, se tournant vers Notre-Dame (…), se tient, auréolé et couronné, saint Louis. Derrière lui, le roi régnant, Philippe le Bel, agenouillé, les mains jointes (…). Du côté sud, au premier rang, agenouillé et mitre en tête, c’est l’archevêque Gilles Aycelin ; derrière lui, en deux groupes, des évêques eux aussi mitrés, sans doute ses suffragants. (…) Peint presque à même la pierre sur quelques couches de badigeon, ce décor ne pouvait être déposé ; il fut simplement nettoyé et fixé, et une copie exécutée par son restaurateur Jean-Marc Stouffs, permettra sa connaissance par le public. »

13. La belle armoire liturgique en bois peint (vers 1400), provenant de Perpignan, et maintenant conservée au Musée national d’art de Catalogne, représente à l’intérieur des deux volets Sainte Agnès et un Saint évêque ; dans le fond, l’Ensevelissement du Christ surmonte la représentation d’un Saint évêque, vénéré par deux anges porte-cierge (Museu Nacional d’Art de Catalunya, Guide art gothique, Barcelone, MNAC, 2000, p. 85 (fig.) et p. 86, n° 12. Le fond de l’armoire eucharistique (bois peint, fin XIVe s.) de l’ancienne cathédrale d’Elne (Pyrénées-Orientales), représente l’Homme des douleurs, entre la Vierge et Saint Jean. (Notice d’ Olivier Poisson, dans 20 siècles en cathédrale (Arminjon, Catherine et Lavalle, Denis dir.), Paris, Centre des monuments nationaux/Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001, p. 420, fig. Voir aussi, antérieurement, les exemples donnés et reproduits par Durliat, Marcel, Arts anciens du Roussillon. I. Peinture, Perpignan, Conseil général des Pyrénées-Orientales, 1954, p. 70 et fig. p. 67-69.
Pour une enquête dans les Hautes-Pyrénées, voir par exemple celle, déjà ancienne, menée par l’abbé François Marsan (1862-1944), « Les vieilles armoires eucharistiques de la vallée d’Aure », Revue des Hautes-Pyrénées, 1932, p. 97-104 ; et celles, plus récentes et accompagnées d’illustrations, effectuées par Ducos J.-H., « Architecture et liturgie : les armoires eucharistiqus dans la partie haut-pyrénéenne de l’ancien diocèse de Comminges », Regards neufs sur l’art religieux dans les Hautes-Pyrénées, Lourdes, Musée pyrénéen, juin-octobre 1981, p. 25-31, et par Corbel, Pierre-Yves, Hautes-Pyrénées. Vallée d’Aure, I, Canton de Vielle-d’Aure, Midi-Pyrénées éditions du patrimoine, Toulouse, Accord éd., 1999, reproduit ou signale cinq exemples du XVIe siècle : n° 50, fig. p. 47 (Azet) ; n° 79 (Bourisp), fig. p. 59 ; n° 255 (Saint-Lary-Soulan), fig. p. 127 ; n. 273 (Tramezaïgues), fig. p. 134 et n° 296 (Vielle-Aure), p. 143. Voir aussi Corbel, Pierre-Yves, et Uffler, Anne-Marie, Hautes-Pyrénées. Vallée d’Aure, I, Canton d’Arreau, Midi-Pyrénées éditions du patrimoine, Toulouse, Accord éd., 2000, n° 105 (Arreau, église paroissiale), fig. p. 64 ; n° 138 (Arreau, chapelle Saint-Exupère), fig. 138, p. 73 ; n° 197 (Aspin-Aure), fig. p. 90 ; n° 256 (Bazus-Aure), fig. p. 105 ; n° 484 (Guchen), fig. p. 168 ; n° 542 (Ilhet), fig. p. 185.

14. Larpin, Dominique, « Restauration du retable de la chapelle de Bethléem », Le Grand retable…, p. 87-88, ici p. 88.

15. Michaud, Jacques, « Statut canonique et usages liturgiques de la chapelle Notre-Dame-de-Bethléem dans la cathédrale de Narbonne », Le Grand retable…, 1990, p. 23-26, ici p. 25.

16. Notice dans le Dictionnaire de droit canonique, sous la direction du chanoine Raoul Naz, t. V, Paris, Letouzey et Ané éd., col. 832-883.

17. Dans un Pontifical de Durand de Mende (Carpentras, Bibliothèque municipale, ms 97), de la première moitié du XIVe siècle et à l’usage de l’église de Narbonne, « la bénédiction épiscopale de la Fête-Dieu a été ajoutée (fol. 205 v°) : il se pourrait donc que l’initiale I du fol. 29 v° désignât le pape Jean XXII (1316-1334). En tous les cas, cette date conviendrait parfaitement à notre manuscrit. » (Leroquais, Victor, Les Pontificaux manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1937, vol. I, p. 115-116).

18. Aribaud-Monteil, Christine, Inventaire des peintures murales de l’Aude et de l’Hérault, mémoire de maîtrise sous la direction de Pradalier-Schlumberger, Michèle, Université de Toulouse-Le Mirail, juin 1984 ; Monteil, Christine, « Peintures italiennes à la cathédrale de Narbonne », Midi, n° 1, déc. 1986, p. 35-40, ici p. 38 et fig. p. 39 (ensemble) ; Aribaud-Monteil, Christine, « Aude.– Narbonne, les peintures gothiques de la cathédrale Saint-Just », Bulletin monumental, 1988, II, p. 121-123, ici p. 121 et fig. (La Cène).

19. Monteil, Christine, Peintures italiennes…, 1986, p. 38.

20. Matthieu 26, 26-28 ; Marc 14, 22-24 ; Luc 22, 19-20, et sur la liturgie eucharistique et sacramentelle : Corblet, abbé Jules, Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de l’Eucharistie, Paris, Victor Palmé éd., 1885-1886, 2 vol., 638 et 652 p. ; « De la réserve eucharistique », p. 517-542 ; Vassali, Giuseppe, Nuñez, Eugenio et Fortin, Robert, « Eucharistie », Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t. IV, 2ème partie, Paris, 1961, col. 1553-1648 ; « Des armoires eucharistiques », p. 550­554 ; Eucharistia. Encyclopédie de l’Eucharistie, (Maurice Brouard dir.), Paris, Éd. du Cerf, 2002, 813 p. ; Rigaux, Dominique, À la table du Seigneur. L’Eucharistie chez les Primitifs italiens (1250-1497), Paris, Éd. du Cerf, 320 p., 120 fig.

21. Dans le Brabant (Belgique), le tabernacle mural (1409) sculpté dans l’église Saint-Martin de Hal (Halle) et situé près de l’axe, est intégré dans le contrefort, où il dessert deux chapelles voisines. Il forme ainsi un double portail, surmonté de quatre sculptures : sur le côté gauche (donc vers le nord), les deux scènes du haut représentent successivement le Lavement des pieds et la Cène ; de l’autre côté, vers le sud, c’est l’Entrée du Christ à Jérusalem et sa Prière au Mont des oliviers (Brève mention par Didier, Robert, « Hal », Dictionnaire des Églises. Belgique, Luxembourg, Paris, Robert Laffont éd., 1970, p. 57).
Mentionnons aussi, pour son intérêt, la belle armoire eucharistique gothique (XIVe s. ?) de l’église catholique de l’Assomption, à Rosenwiller (Bas-Rhin). Elle constitue déjà un véritable tabernacle, fermé d’une porte à claire-voie et décoré de deux peintures (restaurées), représentant la Visite des Saintes Femmes au tombeau vide et, sur le gâble, la Résurrection du Christ (Martin, Michel, La statuaire de la Mise au tombeau du Christ des XVe et XVIe siècles en Europe occidentale, Paris, Picard éd., 1997, p. 35 et fig. 18, p. 34).

22. Entre 1280 et 1360 environ, nous n’avons jamais trouvé ce sujet sur les vitraux christiques méridionaux ou languedociens. En revanche, dans la première moitié du XVIe siècle, le thème sera omniprésent sur les retables flamands.

23. Aribaud-Monteil, C., Narbonne, les peintures gothiques…, 1988, fig. p. 121.

24. Matthieu 26, 26-28 ; Marc 14, 22-24 et Luc 22, 19-20. Lors de la communion et selon le rite latin, les Apôtres reçoivent, de la main du Christ et dans leur bouche, le morceau de pain. C’est le cas sur le fameux tableau de Fra Angelico (vers 1400-1455), peint sur bois vers 1450 et conservé au Musée de San Marco, à Florence : Jésus est situé au-devant de la table ; derrière elle, huit Apôtres se tiennent debout, tandis que les quatre autres sont agenouillés, en avant et à droite, face à la Vierge Marie agenouillée et en prière, sur le côté gauche.
Le thème de la Communion des Apôtres est conservé, près de Rouen, sur une scène d’un vitrail (vers 1265) provenant de l’ancienne commanderie des templiers de Saint-Vaubourg au Val-de-la-Haye (consacrée en 1264), et maintenant conservé dans l’église d’Hautot­sur-Seine (Seine-Maritime) : Lafond, Jean, « Le vitrail en Normandie de 1250 à 1300 », Bulletin monumental, 1953, p. 116-132, fig. p. 329.

25. Il y a une vingtaine d’années nous avions déjà attiré l’attention, sur les liens étroits qui unissent, dans l’église paroissiale de Mont-d’Astarac (Gers, canton de Masseube), la grande représentation de la Cène, peinte vers 1480, sur près de cinq mètres de long, au bas du mur nord du chœur, non loin de l’autel majeur et partiellement intégrée dans l’armoire eucharistique sous-jacente (0, 83 m de haut sur 0,53 m de large) – (Suau, Jean-Pierre, « La Cène de l’église Saint-Laurent de Mont-d’Astarac (Gers). Peinture murale et liturgie à la fin du Moyen Âge », Bulletin de la Société archéologique du Gers, 3ème trim. 1995, p. 293-309, 7 pl., ensemble de la scène, fig. 1, p. 307).

26. Palazzo, Éric, « Les pratiques liturgiques et dévotionnelles et le décor monumental dans les églises du Moyen Âge », L’emplacement et la fonction des images dans la peinture murale du Moyen Âge. Actes du 5e séminaire International d’Art Mural, Saint-Savin, Cahier, n° 2, s.d., p. 45-56. Subes-Picot, Marie-Pasquine, « Remarques sur l’aménagement liturgique de l’abside de la cathédrale d’Angers et la disposition des images du cycle peint du XIIIe siècle », Cahiers archéologiques, t. 46, 1998, p. 129-149.
De son côté, Marie-Louise Thérel avait déjà orienté ses recherches iconologiques sur les correspondances entre le sentiment religieux, la théologie et l’iconographie (Le triomphe de la Vierge-Église. À l’origine du portail occidental de Notre-Dame de Senlis : sources historiques, littéraires et iconographiques, Paris, CNRS éd., 1984, 374 p., LXXVIII pl.).

27. Suau, Jean-Pierre, « Les peintures murales de l’oratoire de Pierre de Montbrun dans la chapelle du Palais-Vieux des archevêques de Narbonne (vers 1280). L’apport des ouvrages liturgiques parisiens », Jean Nougaret le Languedocien (1939-2013). Hommages à sa mémoire, Études héraultaises, n° 47, 2016, p. 100-106.

28. Meiss, Millard, « Fresques italiennes, cavallinesques et autres à Béziers », Gazette des Beaux-Arts, t. XVIII, 1917, II, p. 275-285, ici p. ; Deschamps, Paul, et Thibout, Marc, La peinture murale en France au début de l’époque gothique. De Philippe Auguste à la fin du règne de Charles V (1180-1380), Paris, CNRS éd., 1963, p. 154-155 et pl. LXXXVI-1 ; Mesuret, Robert, Les peintures murales du Sud-Ouest de la France du XIe au XVIe siècle, Paris, Picard éd., 1967, p. 181­182 ; Fournier, Michel et Lapeyre, Claude, Béziers. Cathédrale Saint-Nazaire, Lyon, Lescuyer éd., 1988, fig. p. 12.

29. Foucart-Borville, Jacques, « Essai sur les suspenses eucharistiques comme mode d’adoration privilégié du Saint-Sacrement », Bulletin monumental, 1987, p. 267-289, 17 fig. ; Id., « Les tabernacles eucharistiques du Moyen Âge dans la France du Moyen Âge », ibid., 1990, p. 349-381, 24 fig. ; Id., « Les repositoires et custodes et de la Renaissance », ibid., 1997, p. 273-288, 15 fig.

30. Notice de Longère, Jean, dans le Dictionnaire des Lettres françaises, Le Moyen Âge, (Hasenohr, Geneviève et Zink, Michel, dir.), Paris, Fayard édit. 1992, p. 617-619.

31. Voir plus haut la note 15.

32. Nous avons utilisé la traduction française, faite par Charles Barthélemy, du Rational ou Manuel des divins offices de Guillaume Durand, évêque de Mende au treizième siècle, Paris, 5 vol., Librairie Louis Vivès édit., 1854, ici vol. I, p. 24-25. Pour le texte latin originel : « Columnæ vero Ecclesiæ, Episcopi et Doctores sunt […] Capita columnarum sunt mentes Episcoporum et doctorum ».

33. Voir essentiellement les excellentes observations faites par Aribaud-Monteil, C., Peintures italiennes…, 1986, p. 36-37 et détail, fig. p. 37 ; Id., Narbonne, les peintures gothiques…, 1988, fig. p. 122.

34. Ces armoiries se lisent « parti au 1 coupé d’or à la croix pattée de gueules et d’argent au pot de sable ; en II d’argent à trois fasces de gueules. » Suau, Jean-Pierre, « Les verrières de la cathédrale Saint-Just et Saint Pasteur de Narbonne », Les vitraux de Narbonne. L’essor du vitrail gothique dans le Sud de l’Europe, Actes du 2ème colloque d’Histoire de l’art au Moyen Âge (30 novembre-1er décembre 1990) (Demore, Myriam, Nougaret, Jean et Poisson, Olivier, dir.), Narbonne, 1992, p. 43-44 et fig. 9, p. 43. Sur Bernard de Fargues (parfois aussi appelé de Farges), voir la notice de T. de Morembert, dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, t. XIII, Paris, 1975, col. 607-608 (Bernard de Fargis).

35. Mérimée, Prosper, Notes de voyages présentées par Pierre-Marie Auzas, Paris, Hachette éd., 1971, p. 209.

36. Narbonne, L., La cathédrale Saint-Just…, p. 56.

37. Reproduction dans Mècle, André, Narbonne. Palais des Archevêques et Cathédrale, Moisenay, Éditions Gaud, 1999, p. 24. En 1966, et comme celle de la pile nord, cette fresque a fait l’objet d’un relevé, à demi-grandeur (1,08 x 0,46 m), réalisé par Jeanne-Marie Vieuxblé-Bertaux. Conservé au musée des Monuments français (dépôt du Centre de Recherche sur les monuments historiques, n° 64662), il a figuré en 1974 à l’exposition, organisée dans le chapelle de la Sorbonne et consacrée à La vie universitaire parisienne au XIIIe siècle (Tullier, André, dir.), Paris, 1974, n° 81, p. 60 (ici publié sous le titre Étudiant aux pieds d’un évêque mitré).

38. Aribaud-Monteil, C., Aude. – Narbonne, les peintures gothiques…, p. 122.

39. Ce chaperon ou capuchon était en drap pendant l’été, et en laine durant l’hiver. Dans le texte qui accompagne la représentation du chanoine, dans la Grande danse macabre, gravée sur bois et éditée à Paris, en 1486, chez Guyot Marchand, le religieux dit avec regret que « blanc surplis et aumusse grise me fault laissier. » – Gillet, Louis, La cathédrale vivante, Paris, Flammarion éd., 1964, fig. p. 361.

40. Dans les stalles de la cathédrale d’Auch (Gers) et bien en vue au-dessus de la porte d’entrée située à l’ouest et dans l’axe du chœur, la Vierge et l’Enfant, patronne de la cathédrale, est encadrée de Saint Jérôme et de Saint Augustin (Suau, Jean-Pierre, « Les stalles de la cathédrale d’Auch au miroir de l’iconographie. Entre tradition et modernité (vers 1520-vers 1554) », dans le Bulletin de la Société archéologique du Gers, 1er trimestre 2007, p. 7-20, ici p. 17).

41. Bellosi, Luciano, Giotto. Œuvre complet, Paris, Ph. Sers éd., 1989, fig. 12, p. 9, et fig. 13 (détail de Saint Jérôme, détruit lors du tremblement de terre du 26 septembre 1997) ; Bonsanti, Giorgio, Assise. Les fresques de la basilique, Paris, Éditions La Martinière, 1998, 99 p.

42. Pour Enrico Castelnuovo, leur présence serait ici en rapport avec la destination de la Grande Audience réservée aux auditeurs des causes apostoliques (Castelnuovo, Enrico, Un pittore italiano alla corte di Avignone. Matteo Giovannetti e la pittura in Provenza nel secolo XIV, Turin, 1962, p. 120 ; Laclotte, Michel, et Thiébaut, Dominique, L’École d’Avignon, Paris, Flammarion éd., 1983, fig. 20-2, p. 180 (ensemble de la sinopia) et texte p. 181).

43. Mècle, André, Narbonne.., fig. p. 38.

44. Avant 1789, le chœur de Saint-Just était réservé au chapitre métropolitain, au gouverneur de la ville et aux consuls. Seuls les bas-côtés et les chapelles, isolés du chœur, étaient accessibles aux fidèles.