Description
Du muscat dans les bouteilles ! De la frontignane à la torsadée
Laurence SERRA * & Carole BRIFFAUD **
* Docteur en Archéologie de l’Université d’Aix-Marseille (LA3M-AMU-CNRS-UMR 7298), laurenceserra@arkaeos.fr
** Responsable des archives du service patrimoine de la ville de Frontignan-La Peyrade, cbriffaud@ville-frontignan.fr
Le muscat de Frontignan bénéficie dès le XVIIe siècle d’un conditionnement en flacons de verre, qui favorise son exportation sur longues distances dans de bonnes conditions de conservation. Se basant sur des archives locales, l’article étudie les relations des viticulteurs frontignanais avec les verreries de Bordeaux puis de Marseille, qui élaborent des modèles de bouteilles dédiés au muscat. Ainsi naît au XVIIIe siècle la célèbre frontignane, et au XIXe la torsadée.
From the 17th C the Muscat de Frontignan (sweet wine) was packaged in glass bottles, that provided the best conditions for transporting the wine. Based on local archive collections, this article studies the relationships between the wine-growers of Frontignan and the glass bottle manufacturers of Bordeaux and later of Marseille, who produced types of bottles especially for the Muscat wine. This led to the well-known frontignane 18th C and the twisted shape of the muscat bottle in the 19th C.
Lo muscat de Frontinhan se preval dempuèi lo sègle XVII d’un condicionament amb de flascons de veire, çò que favoriza son exportacion sus de distàncias longas dins de bonas condicions de conservacion. S’apiejant sus d’archius locals, l’article estudia las relacions dels vinhairons frontinhanencs amb las veirièras de Bordèu puèi de Marselha, que amagestran de modèls de botelhas vodats al muscat. Aital espelís al sègle XVIII la celèbra frontinhanenca, e la torcida al sègle XIX.
Le département de l’Hérault est, au milieu du XIXe siècle, le premier producteur de vin français. Selon Alain Berger et Frédéric Maurel, pendant la première moitié du XIXe siècle, « le vignoble héraultais connaît la plus forte croissance : 96 000 hectares en 1828, 174 000 en 1850 ! ». Cette même année, à la veille de la crise de l’oïdium, l’Hérault produit près de 4 M d’hl, soit 8,7 % des 45 M d’hl de la récolte nationale. Il s’agit souvent de vins de chaudière c’est-à-dire destinés à être distillés en eaux de vie, et non de vins fins. Les muscats de Frontignan et de Lunel, appelés également vins des dames font exception à cette production de masse et de basse qualité Le Frontignan est consommé partout en France et régulièrement exporté vers les marchés des Amériques, à destination des États-Unis et des Îles françaises des Antilles. Son transport en bouteille est ancien. En effet, une liasse datée du XVIIe siècle, regroupant des extraits de comptabilité des clavaires de Frontignan, conservée dans le fond des archives municipales, vient d’être transcrite et fait état, entre autres, des premiers conditionnements du muscat dans des flacons de verre.
Les premières mentions d’un transport de muscat en bouteilles
Les premières attestations d’un conditionnement du muscat en flacons de verre datent du XVIIe siècle. Plusieurs correspondances manuscrites, conservées aux archives municipales de Frontignan, font état de ces envois. Ces documents, extraits de la comptabilité des clavaires (trésoriers de la ville), permettent d’affirmer que les consuls de cette période organisaient déjà la promotion du muscat à travers le royaume de France. L’usage du verre est associé à cette promotion du produit. Comme pour le parfum, l’usage du flacon de verre est un gage de qualité et de raffinement. C’est la garantie d’une conservation du vin sans altération (contrairement au tonneau), lui conférant ainsi un caractère luxueux qui engendre, de fait, une augmentation substantielle du prix de vente.
Le premier document, daté de 1624, fait référence à l’envoi à Béziers d’une caisse en bois fabriquée par le menuisier de la ville de Frontignan, Jehan Sendrau, remplie de bouteilles de muscat, à l’attention du comte de Montmorency : « Jehan Sendrau metre menuzier de la presante ville de Frontinian ay resu du Sieur Phelip Roux Consul et qlavere de ladite ville la somme de trante sous pour paiemant dune grant qese contenant une douzene et demy de bouteilies plenes de vin musqat pour anvoier amon senieur de mommouransy abeziers de ladite somme de trante sous man tien qonntan et bien paie et an foy dese me suis sine se dizsetieme mars 1624. (Signé) J Sendrau ».
Le même Jehan Sendrau, en 1650, cette fois en qualité de consul de la ville de Frontignan, rédige et cosigne avec les autres consuls Roux et Bruguières un envoi de vin muscat par charrette via Béziers à l’attention du comte de Bieules : « Pierre Maraval premier consul et clavaire de notre ville notre collegue payes et deslivre a Me Jacques delanglée docteur et advocat de ladite ville la somme de vingt une livres et sest pour le pri et voiture de la presente ville a celle de Beziers, qua fait sa charrette du vin muscat et autre chose. Prezant par notre Communaute a Monsieur le Comte de Bieules Lieutenant et Gouverneur pour le Roy en notre province. Laquelle somme de vingt une livre en rapportant le present mandatement et quittance au pied Vous sera tenu en compte sur les deniers de votre administration en randant le compte dicelle. Faict a Frontignan le dixneusvime jour doctobre MVIC cinquante. (Signé) Bruguières Ier Consul, P Roux Consul, Sendrau J. Consul, Du mandement des dit Sieurs (Signé) Roux ».
Le dit comte de Bieules est par ailleurs propriétaire de la verrerie de Laprade où il fait du verre à vitre et des bouteilles. Il est possible d’imaginer que le muscat offert par Frontignan est peut-être conditionné dans […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2018 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Carole BRIFFAUD, Laurence SERRA |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |