Dispositifs de contrôle, police et résistances pendant la peste de 1720
Dispositifs de contrôle, police et résistances pendant la peste de 1720
Une étude comparée de Marseille et Montpellier
Fleur BEAUVIEUX * et Nicolas VIDONI **
*Fleur Beauvieux (Jeune docteure en Histoire, EHESS, Centre Norbert Élias UMR 8562 ;
Chercheure post-doctorante à l’IRD, Aix-Marseille Université, LPED UMR 151)
** Nicolas Vidoni (Maître de conférences en Histoire moderne,
Aix-Marseille Université, UMR Telemme UMR 7303).
P. 53 à 63
L’épisode de peste de 1720 a constitué dans le royaume de France un évènement exceptionnel. Il a induit des dispositifs de contrôle et de police eux aussi exceptionnels. Mais ils ont pris des aspects particuliers en fonction de la situation sanitaire des villes. Les cas de Marseille et Montpellier permettent de le comprendre. Dans la première, touchée très durement par la peste, de nouvelles formes de contrôle de l’espace urbain, mais encore d’action policière, ont impliqué de nouveaux groupes sociaux et permis l’émergence de nouveaux acteurs. À Montpellier, ces tendances ont été moins nettes. En revanche, dans les deux villes, ces modes d’action nouveaux ont reposé sur une adhésion, et suscité, parfois, des formes de rejet et de résistances.
Control mechanisms, police and opposition during the plague of 1720.
A comparative study of Marseille and Montpellier
The plague episode of 1720 was an exceptional event in the French kingdom. It also prompted exceptional control mechanisms and police authority, that became specific conditions depending on the health situation of the cities. The cases of Marseille and Montpellier make it possible to understand this. In Marseille, hit very hard by the plague, new forms of urban space control mechanisms, plus police action, involved new social groups and allowed the emergence of new protagonists. In Montpellier, these trends were less clear. However, in both cities, these new modes of action were based on cohesion, and sometimes provoked forms of rejection and resistance.
Dispositius de contraròtle, polícia e resisténcia pendent la pèsta de 1720.
Un estudi comparat de Marselha e Montpelhièr
L’episòdi de pèsta de 1720 constituiguèt dins lo reialme de França un eveniment excepcional. Induiguèt de dispositius de contraròtle e de polícia eles tanben excepcionals. Mas prenguèron d’aspèctes particulars en foncion de la situacion sanitària de las vilas. Los cases de Marselha e Montpelhièr permeton d’o comprene. Dins la primièra, tocada plan durament per la pèsta, de fòrmas novèlas de contraròtle de l’espaci urban, mas encara d’accion policièra, impliquèron de grops socials novèls e permetèron l’espelida de novèls actors. A Montpelhièr, aquelas tendéncias foguèron mens netas. En revenge, dins las doas vilas, aqueles mòdes d’accion novèls repausèron sus una adesion e provoquèron, tot còp, de fòrmas de rebutament e de resisténcias.
Introduction
La résurgence d’épidémies meurtrières est l’une des données structurelles de la démographie d’Ancien Régime. La peste, un des plus grands fléaux avec la famine et la guerre depuis le Moyen Âge, a longtemps été un des événements les plus étudiés par les historien-ne-s. Or, des perspectives récentes permettent de saisir, contre l’idée paradigmatique d’un temps où des pouvoirs exceptionnels et autoritaires pouvaient – devaient ? – contrôler les villes 1, que des modalités d’exercice du pouvoir plus nuancées ont pu exister. La comparaison permet de le comprendre. Ici, deux cas proches et pourtant dissemblables, seront examinés. D’une part Marseille 2, d’autre part, Montpellier 3. La première, grand port méditerranéen, est touchée très durement par la peste entre 1720 et 1722. Les dizaines de milliers de morts qui en sont les victimes ont nécessité que les autorités urbaines, soutenues en ce sens par la monarchie, prennent en charge le dispositif de peste. Pour cela, les échevins ont développé de nouvelles modalités d’action à partir du Bureau de Santé. Ce Bureau de Santé – ou Conseil de Santé – se retrouve également à Montpellier entre 1720 et 1723. Mais l’originalité tient ici au fait que ce n’est pas la peste qui a affecté la cité. C’est la peur de la contagion qui a dicté l’action des autorités. Ces deux cas permettent de saisir combien un ordre urbain nouveau est le fruit de son temps. Mais ils permettent également de montrer, à travers les réactions des populations, comment cet ordre ne va pas de soi, y compris sous des motifs impérieux.
Cet article présentera dans un premier temps les deux dispositifs de peste, a priori similaires. Dans un deuxième temps, il montrera combien la réussite de nouveaux dispositifs policiers et/ou d’encadrement dépend de leur capacité à intégrer et faire agir des groupes sociaux plus larges. Enfin, il abordera les rares oppositions qui sont nées à la suite de ces nouvelles modalités d’action, dans la mesure où elles ont modifié les vies quotidiennes et les équilibres sociaux et politiques des deux villes concernées.
Les dispositifs de contrôle de la ville à Marseille et Montpellier
Dans les deux villes, un Bureau de Santé est institué. Les archives en sont conservées de manière continue pour Marseille, alors qu’à Montpellier, la conservation est interrompue entre avril et août 1721, une des grandes phases de l’épidémie. Ces archives permettent de comprendre le processus de production de règlements, très important à Marseille, très léger à Montpellier, ce qui induit dans ce dernier cas de saisir l’économie générale des « ordonnances » du Bureau de Santé, à la fois décisions et règlements.
À Marseille : le registre de peste, outil du pouvoir pendant la peste
La période de la peste marseillaise est marquée par une prolifération de règlements de police, plus communément nommés « ordonnances ». L’appareil policier mis en place à Marseille nous est connu essentiellement à travers une source : un recueil de règlements de police rassemblés sous le terme « registre de peste », conservé aux archives municipales de Marseille sous la cote FF 292. Il porte l’inscription « Transcription des ordonnances de police, faites tant par les Echevins que par les Commandants, arrêts des parlements, délibérations, lettres, ordres du roi, et généralement tout ce qui a une quelconque relation à la Contagion, de 1720 à 1723 » 4 et a été rassemblé par le secrétaire-archivaire, Marc Capus, nommé par le régent en 1717 5. Les ordonnances de police marseillaises du début du XVIIIe siècle étaient habituellement recopiées au fur et à mesure dans des registres chronologiques Celles conservées dans le registre de peste constitue une source à part, rangée sous une cote différente, ce qui montre l’exceptionnalité de la situation et la volonté de détacher cet épisode épidémique du cours ordinaire de la gestion de la ville. Il ne fut pas, étonnamment, classé dans le fonds « Santé ». Ce recueil a très certainement été rédigé entre le mois d’août 1721 et celui de mai 1722, puis complété ensuite après le mois de mai.
La municipalité à elle seule est responsable de 157 ordonnances de police, soit plus de 91 % des actes promulgués 6. La règlementation de police retenue dans cette source est massivement le fait de l’institution qui a en charge son application, et la sanction des infractions. Dans la constellation de pouvoir qui composent l’Ancien Régime, c’est bien le pouvoir urbain qui prévaut pour la gestion de l’épidémie intra-muros, soit les échevins en leur qualité de lieutenants généraux de police et le commandant militaire de la ville, ainsi que le marquis de Pilles, gouverneur-viguier. Si l’on se réfère aux années pré et post-peste, l’on note qu’en 1719, 16 ordonnances ont été éditées, et en 1723, 6 ordonnances seulement. La période de la peste correspond à un fort accroissement de l’édiction de normes policières.
Étudier le registre de peste permet d’interroger le but d’un tel recueil, qui, s’il est avant tout une source normative, a été composé dans le but de constituer un guide d’instructions pour l’avenir, si la ville se retrouvait à devoir gérer à nouveau une flambée de peste. Au tout début du registre, puis lors de la rechute de 1722, l’archivaire de la ville Capus fait un bref récit de l’arrivée de la peste dans la ville, puis explique en un paragraphe la naissance de ce recueil 7. L’intention est donc claire : donner aux futurs échevins un « mode d’emploi », un manuel des mesures à prendre dans le cas où la ville serait de nouveau frappée par la peste, afin que l’épreuve que les Marseillais vécurent en 1720 puisse servir de base de connaissances en cas d’épidémie. Le registre de peste est une œuvre originale, qui montre qu’en temps d’épidémie, ce n’est pas le droit usuellement appliqué qui prévaut, mais qu’un certain nombre de nouvelles règles doivent être créées pour affronter la situation et réguler le risque de contagion.
En faisant la différence entre le permis et le défendu, la municipalité, en préambule des ordonnances, rapporte des pratiques sociales ou des situations qu’il est de son ressort de rectifier. Ainsi, l’on apprend dans une ordonnance d’août 1721 que des « personnes du bas peuple » s’attroupent dans les rues et insultent des gens plus aisés, activité que le Bureau de Police s’empresse de déclarer illégale en prévoyant des sanctions contre les contrevenants 8. Dans les actes entendant légiférer sur les conflits pouvant intervenir dans les corps de métiers, apparaît une hiérarchie sociale que la municipalité entend réaffirmer pendant la période de confusion générée par l’épidémie : ainsi en va-t-il des apprentis meuniers et boulangers, qui ont défense de quitter leurs maîtres et doivent assurer avec ces derniers le ravitaillement en pain de la ville 9. Si l’on s’intéresse maintenant d’un point de vue plus qualitatif aux domaines d’action qui transparaissent au travers des ordonnances de police, de larges pans de la vie sociale d’Ancien Régime sont évoqués. Nous avons tenté de classer ces textes normatifs, selon les domaines que gérait ordinairement la police au XVIIIe siècle, puis en mettant en exergue l’innovation de certains champs d’activité liés à la situation épidémique que vit Marseille.
Si l’on s’inspire de la classification proposée par Nicolas Delamare dans son Traité de la police, dans lequel il distingue neuf grands domaines d’activité de la police (auxquels on peut ajouter un domaine relatif au personnel et aux aspects organisationnels des institutions policières), on parvient à un tri thématique des ordonnances :
Ce tableau (Fig. 1), montre qu’au cours des trois années étudiées, tous les domaines de police ont été touchés par de nouvelles règlementations. La rubrique la plus réglementée est la santé, objet de presque 27 % des ordres promulgués (46 ordonnances). Les ordonnances sont équitablement réparties sur les trois années, avec un minimum de 14 ordonnances pour 1722. C’est ensuite tout ce qui concerne le commerce (20,96 % des ordonnances) qui est le plus règlementé. Ces dernières, dans la grande ville portuaire et commerçante, visent à « assurer la nourriture des citadins et la bonne marche des activités qui font la spécificité du phénomène urbain, c’est-à-dire la production artisanale et les échanges commerciaux » 10.
Ces ordonnances fixent le taux des monnaies et des principales vivres dans une ville où les échanges commerciaux sont rompus du fait de la quarantaine, et à éviter toute contrebande avec des cités infectées comme Avignon en 1721. Ensuite, la sûreté et la tranquillité publiques constituent une part non négligeable des ordonnances (12,20 %). C’est essentiellement en 1721, avec le recul de la peste, qu’est réaffirmée la volonté de sécuriser la cité et ses habitants, avec l’adoption de six ordonnances, que nous pouvons aussi voir comme la volonté du commandant militaire d’assurer son autorité. Enfin, treize ordonnances adoptées sur ce point le sont en 1722. Cela s’explique par le fait que la réorganisation policière était achevée. Elle permettait aux principaux agents ayant pour rôle d’assurer la sécurité de la ville d’effectuer leur mission. Certains domaines sont largement sous-représentés, comme la religion, puisque l’évêque de Marseille édicte lui-même ces ordonnances ; les mœurs, les serviteurs et domestiques ou encore les pauvres.
Les trois grands domaines que les ordonnances de police entendent gérer en temps de peste sont donc la santé et la prophylaxie en général, le commerce et les questions de ravitaillement des populations, et enfin la sûreté publique, qui passe notamment par la surveillance de celles-ci. Il est ainsi possible de voir ces ordonnances également comme des ordres préventifs : plus que les mesures d’hygiène (balayer les rues, faire circuler l’eau, etc.), les hommes du XVIIIe siècle considéraient que c’étaient l’isolement et la coupure des communications avec les lieux infectés qui permettaient de se prémunir de la peste. Les ordonnances sur la gestion des morts et des malades se concentrent à la fin de l’année 1720, quand l’épidémie faisait rage : quelques-unes sont ensuite adoptées en 1721, puis très peu en 1722 où l’on a dû simplement réactiver celles de la peste précédente. De façon générale, nous notons une baisse de la production concernant la peste en 1722, malgré la courte rechute que connut la ville : les ordonnances de police des années précédentes étaient toujours en vigueur et il était moins nécessaire de légiférer que lors du paroxysme ; et le sursaut épidémique a très vite été contenu, ce qui ne nécessitait pas une production de normes aussi vaste qu’en 1720 ou 1721. Enfin, les ordonnances prévoyant des mesures visant à la désinfection sont toutes concentrées sur la période 1721-1722, une fois le gros de l’épidémie passée.
À Montpellier : une institution exceptionnelle dans un cadre ordinaire
Une organisation et des tendances similaires peuvent être observées à Montpellier entre 1720 et 1723. D’une part, la centralité du Bureau de Santé dans l’édiction des normes en temps de peste. D’autre part, la primauté des ordonnances relatives aux circulations. Mais l’élément essentiel et déterminant tient évidemment au fait que la cité n’a pas été touchée par l’épidémie. Pour cette raison, et très rapidement, le Bureau de Police a repris son activité, et a à son tour réglementé par ordonnance la vie urbaine. Cet élément permet de comprendre pourquoi les ordonnances du Bureau de Santé ne concernent pas, à la différence de la situation marseillaise, les marchés et l’approvisionnement, domaines réservés du Bureau de Police et qui retiennent, de manière tout à fait classique, l’attention de ses membres.
Ainsi, le Bureau de Santé a édicté ses ordonnances à propos de 19 sujets 11, qui ne recoupent pas des grands domaines identifiés pour Marseille puisqu’il apparaît ici que les ordonnances se restreignent à des sujets que le Bureau de Police montpelliérain ne pouvait pas aborder. Parmi elles, les ordonnances relatives au fonctionnement du Bureau de Santé sont les plus nombreuses. Sur 758 ordonnances, 111 concernent l’organisation interne de l’institution : intégration de membres (nominations au fil des ans), modalités de prise des décisions, précision de ses domaines d’intervention ou des limites de ses compétences. Par exemple, le 1er septembre 1721, lors de la réunion des nouveaux membres du Bureau de Santé, les six consuls sont présents aux côtés des principaux habitants membres du Conseil des Vingt-Quatre (le Conseil de Ville) 12. Il est précisé que les décisions qui seront prises seront relatives à « tout ce qui concernera la santé et les précautions qui doivent estre prises & telles qu’ils [les membres] jugeront convenables », et ce sous les ordres du commandant de la ville et de l’intendant. Or, de manière tout à fait classique dans les villes d’Ancien Régime, cette décision donne lieu à des contestations entre les officiers du roi et les consuls. Le conseiller au Présidial Jausserand proteste contre cette ordonnance qui n’évoque pas le sénéchal et le jugemage, à une époque où les consuls s’efforcent de limiter l’influence de ce dernier. Le conseiller acquiesce par « obéissance », et un débat s’ouvre à propos d’un précédent, 1666, année au cours de laquelle un arrêt d’organisation du Bureau de Santé avait été publié par le Parlement de Toulouse. Cette question donne lieu à une multiplication ultérieure d’ordonnances : la nomination de médecins et chirurgiens pour participer au Bureau de Santé, des décisions en vue de régler le différend entre officiers des cours et consuls, des ordonnances pour nommer de nouveaux membres au Bureau en vue de recomposer les équilibres sociaux et politique en son sein. Au total, les questions d’organisation prédominent sur la période. L’intérêt de ce problème est de révéler combien, dans une situation exceptionnelle mais paradoxale en raison de l’absence de l’épidémie à Montpellier, les élites urbaines ne parviennent pas à taire les oppositions qui les animent en temps « normal », et de voir ainsi ressurgir, dans les registres du Bureau de Santé, les questions de préséance et de compétence que l’on retrouve aussi bien dans les registres du Bureau de Police que dans ceux de l’Hôtel-de-Ville (quoique dans une moindre mesure dans ces derniers). À ces questions d’organisation peut être rapproché le troisième grand champ d’ordonnances, celui des mandats (des injonctions de payer). Il y en a eu 98 (12,93 %) au cours de la période. Ils participent, de la même manière, au fonctionnement de l’institution, et renforcent le poids des ordonnances de fonctionnement.
Le deuxième grand domaine d’intervention du Bureau de Santé est, à l’instar du cas marseillais, relatif à la circulation des personnes et des biens. À vrai dire, il n’y a rien d’étonnant à cela. En l’absence de malades, les membres du Bureau se sont employés à maintenir à distance les personnes susceptibles de contaminer les habitants. Les autorisations d’entrée constituent donc la plus grande part de l’activité du Bureau : 104 pour des marchandises (13,7 %), 55 pour des personnes (7,3 %), auxquelles pourraient s’ajouter les ordonnances imposant des quarantaines aux marchandises et aux personnes (57 et 28). Dans les deux cas, c’est la circulation des biens qui est davantage régulée, en raison de l’idée – rappelée par la correspondance des médecins montpelliérains envoyés à Marseille – que l’épidémie se diffuse d’abord par les objets.
L’économie réglementaire montpelliéraine est pour cette raison très différente de la situation marseillaise. Les ordonnances de santé sont limitées à des obligations de « parfumage » des marchandises ou de nettoyage de lieux insalubres, au contrôle de l’état de santé de certaines « bêtes » (19) et à l’autorisation de dissections de chiens (2). L’originalité du Bureau de Santé montpelliérain tient en réalité dans le contrôle urbanistique qu’il a tenté d’imposer, en ordonnant à 43 reprises des réparations et en organisant par 34 ordonnances le fonctionnement physique et matériel des marchés, en particulier du marché au poisson, considéré comme un lieu potentiel fort de contagion. Malgré tout, les domaines de la « santé » (12,5 %) et de la voirie (5 %), même entendue dans un sens large, ne pèsent pas le même poids qu’en Provence. Cette disparité peut être également expliquée par le fait qu’au même moment, le Bureau de police continue à s’occuper de ces questions. La chronologie est ici calquée sur la situation marseillaise. Les phases critiques de contagion sont connues à Montpellier 13, et l’on remarque que les ordonnances du Bureau de Santé qui empiètent sur le champ de compétence du Bureau de Police sont publiées lors des phases aigües de peste. Ainsi, les quarantaines imposées aux personnes et aux biens se concentrent en 1721, particulièrement en août et septembre (50 ordonnances sur les 85 imposées au cours des trois années). L’exceptionnalité temporaire justifie l’intervention d’une autorité supplémentaire, sans pour autant remettre en cause les modes classiques de fonctionnement policier dans la ville.
Montpellier et Marseille révèlent donc deux modalités d’action différentes. À Marseille, les autorités ont adapté leur réglementation pour encadrer de façon fine la vie quotidienne, marquée par la peste et l’omniprésence de la mort. À Montpellier, l’absence d’épidémie a conduit à très vite cesser de réglementer la vie quotidienne. Mais dans les deux cas, une grande attention a été portée à la matérialité urbaine, en suivant le rythme épidémique lui-même. Cela pose donc la question de l’effectivité du contrôle et de sa réalisation.
La réalité du contrôle
Pour faire appliquer les mesures particulières décidées par les municipalités pendant la peste, un dispositif 14 policier particulier fut mis en place. Celui-ci, en partie construit en se basant sur les institutions policières existantes, fut constamment réadapté aux besoins créés par la peste, et laissa au sortir de l’épidémie des traces institutionnelles. Pour autant, le poids de l’exceptionnalité peut être apprécié à travers les deux situations. Si Marseille fut bien un lieu de reconfiguration des équilibres sociaux, politiques et policiers, Montpellier, bien que confrontée à quelques situations nouvelles, ne vit pas son ordre urbain modifié.
Un ordre urbain stable à Montpellier
Les Bureaux de Santé ont été appréhendés comme des institutions qui, temporairement, disposaient de pouvoirs exorbitants. Le cas montpelliérain, et sans doute les autres villes qui ne furent pas touchées par la peste, infirment cette idée. Le Conseil de Santé se surimposa à un dispositif existant, et ne le modifia pas dans ses aspects pratiques. En effet, la ville disposait d’un personnel « municipal » déjà en place, dont les fonctions étaient précisées, et qui pouvaient agir dès l’instant où le Conseil fut créé.
Deux logiques coexistèrent à Montpellier. La première était, dans un contexte de clôture de la cité, un contrôle étroit à la limite de la ville et à l’intérieur de celle-ci. La limite, marquée par une muraille en mauvais état, marquait physiquement l’espace à contrôler. Or, sur le terrain, la réactivation du contrôle des portes et de la muraille posa quelques problèmes. La milice, chargée traditionnellement de la garde des portes, fut revivifiée par la crainte de la peste, et l’on vit ses membres éminents s’investir dans les missions qu’ils délaissaient quelque peu. Or, leur attention ne fut pas constante entre 1720 et 1723, en particulier lorsqu’il fut certain que l’épidémie ne toucherait pas Montpellier. Ainsi, le 14 janvier 1722, le second consul Pradel se plaignit que les « notables » ne fermaient pas les portes aux heures fixées, « ce qui pourroit cauzer quelque chose facheuze, en ce qu’il se pourroit introduire des personnes dans la ville venant des lieux suspects et contagieux » 15. L’explication tient dans le fait qu’au même moment, les principaux habitants de la ville, en particulier ceux impliqués dans le commerce, contestaient la clôture de la cité. Il semble donc que des accommodements ont existé sur le terrain, et que le contrôle se soit relâché, et ce malgré la constitution de corps de garde, en particulier à la barrière de la Sonnerie ou à la porte Saint-Guilhem, deux foyers de contestations. Le principe, fixé dès le 10 août 1720, était que les portes ne pouvaient être ouvertes qu’en présence du consul du sixain et du Lieutenant du roi de la ville. Dans les faits, le 2 septembre suivant, un mémoire fixait les modalités pratiques du contrôle aux portes, les gardes devant viser les passeports et les signer 16. Mais la rigueur du dispositif, sous le contrôle de l’autorité militaire, et sa dimension bureaucratique, ont suscité un mécontentement parmi les notables de Montpellier. Une ordonnance du duc de Roquelaure du 20 octobre 1720 l’indique. Publiée afin d’éviter les contestations, elle rappelait que le commandement des gardes incombait aux officiers de l’état-major, qui devaient contrôler les présences, l’équipement et le fait que les gardes devaient être montées en personne. Mais elle permettait également de confier aux « notables habitants » le soin d’autoriser ou de refuser les entrées. Pour cela, ils étaient nommés « commissaires » (terme identique à Marseille) car le danger ne concernait pas la « sûreté de l’estat » mais celle de la ville. Les membres du Bureau de Santé restaient pour cette raison souverains, et pouvaient même commander aux soldats postés aux barrières avancées dans le terroir. Les habitants furent donc, tout d’abord, intégrés dans le dispositif de contrôle des limites de la ville. Mais cette inclusion fut également doublée à l’intérieur de la ville. La tendance fut d’inclure de plus en plus de personnes dans le contrôle de l’espace urbain et non pas, comme à Marseille, dans le contrôle des individus et des corps, puisqu’il n’y avait pas de morts à enlever et de vivants à préserver. C’est la garde des marchandises placées en quarantaine que le Bureau régla en premier. La solution fut simple : après avoir été assurée par la ville dans un lieu choisi par les marchands 17, elle fut tout simplement confiée aux marchands 18. Le Conseil de Santé, en accord avec les autorités urbaines qui lui fournissaient ses membres, choisit de confier aux acteurs du commerce la garde de leurs marchandises, ce qui permettait d’éviter toute contestation et d’obtenir, en échange, leur accord pour la clôture de la ville. La garde des rues et des personnes posa plus de problème. Des corps réclamèrent progressivement d’être exemptés de la garde. Les maîtres chirurgiens, qui en étaient exemptés habituellement par privilège, obtinrent, en échange de l’engagement à rester en ville et à servir en cas de contagion, de ne pas être astreints à ce service 19. Enfin, la question de la surveillance de l’espace urbain et de ses usages se posa. Habituellement, les membres de la Garde de la ville, aux ordres des consuls, parcouraient les rues pour constater les désordres. Un valet de ville était affecté à chaque sixain (qui dépendait d’un consul). Le système était complété par le système des îliers, un habitant étant désigné par les consuls à l’échelle de chaque île pour surveiller, enregistrer et contrôler la population du lieu. En cas d’épidémies ou de troubles, les îliers devaient signaler les infractions. Ce statut défini de manière plus précise fut complété en février 1722 par l’adjonction de commissaires de santé et de syndic de quartier. À la division en sixains, et à un niveau intermédiaire entre les sixains et les îles, des « quartiers » furent créés. Pour chacun d’eux, un syndic fut nommé qui avait sous ses ordres trois quarteniers. Ainsi, 142 personnes, principalement des artisans ou des membres des petits métiers, exclus du Conseil de Ville et du Bureau de Santé, mais pas du Bureau de Police, furent chargés de contrôler l’espace urbain. Leurs noms ne correspondent pas exactement à ceux des îliers en place à ce moment. Cet élargissement peut s’expliquer par la volonté de rendre plus légitime un dispositif contraignant qui heurtait en partie les logiques traditionnelles de sociabilité, en ce qu’il induisait parfois une intrusion dans le proche (entendu dans un sens spatial et social).
Cette intrusion fut le résultat de nouvelles techniques de contrôle de l’espace, qui donnent corps à la seconde logique de contrôle de la ville. À la présence fixe dans les quartiers, les capitaines de santé, qui existaient à Montpellier au moins depuis 1481 20, ajoutaient une logique de mobilité. Ils parcouraient les rues pour découvrir les lieux d’infection et les signaler, en temps de peste, au Bureau de Santé et, en temps ordinaires, au Bureau de Police ou au Conseil de Ville. Leur présence avait pris une importance singulière au cours de la dernière décennie du XVIIe siècle quand, dans un contexte d’épidémies et de crise des subsistances, les autorités de la ville, sous l’influence dévote des administrateurs de l’Hôpital général, avaient renforcé le contrôle des « nouveaux convertis », des pauvres et des personnes mobiles en leur associant un caractère dangereux et contagieux. Le modèle des capitaines de santé, mobiles, fut repris à propos du marché au poisson.
Le marché au poisson était considéré comme un lieu présentant un risque élevé de contagion, en raison de la nature périssable des denrées qui y étaient échangées, mais encore en raison de la structuration de ce marché. Alimenté par des « étrangers », il impliquait des entrées régulières de personnes et de marchandises au cœur même de la ville. Pour répondre à ce risque, les consuls imaginèrent d’y fixer un « homme de probité », qui serait chargé de « faire des dénonces journellement au Bureau » de police de toutes les contraventions aux règles de l’échange qui pourraient avoir lieu à la Poissonnerie 21. Cet inspecteur s’inspirait du modèle des capitaines de santé, mais différait de ces officiers mobiles dans toute la ville en raison de sa fixité au sein de l’espace du marché 22.
Cette fixité devint un obstacle à l’accomplissement de sa mission, et les responsables du Bureau de police élargirent progressivement son territoire de compétence et enrichirent ses missions. Ainsi, à partir de 1738, les inspecteurs furent chargés de dénoncer toutes les infractions dans tout l’espace urbain 23. Dans les faits, ils se concentrèrent sur les marchés et les rues adjacentes, en vue de découvrir les transactions de denrées illicites.
L’importance du commerce du poisson, que les autorités souhaitaient centraliser en un lieu susceptible d’être contrôlé, justifia ainsi la création d’agents de la police qui dépassèrent cet espace central pour se projeter dans l’ensemble de la ville. Le temps exceptionnel de la peste le permit, et l’on peut considérer à ce titre que, tout comme à Marseille, la peste fut un laboratoire des dispositifs policiers.
À Marseille : une nouvelle forme d’organisation policière
Outre l’adaptation du dispositif policier existant aux besoins de l’épidémie, nous notons également l’apparition de nouveaux acteurs avec des prérogatives policières, qui sont nommés au fur et à mesure pour exécuter les tâches de gestion de la peste. Ceux-ci interviennent en nombre croissant à partir du moment où Langeron prend la tête de la municipalité, et où l’épidémie décroît peu à peu. Très tôt, des « commissaires », temporaires, ont été nommés dans chaque quartier de la ville, par exemple dans une ordonnance du 21 août 1720 qui porte sur l’organisation du déblaiement des cadavres – soit, avant la nomination du commandant militaire. Ils ont comme adjoints « quatre religieux avec les mêmes fonctions qu’eux » et qu’ils commandent visiblement aux gardes des gouverneurs 24. Ces commissaires ne sont pas les mêmes que ceux qui possèdent des offices de commissaires, c’est-à-dire les six commissaires composant la police urbaine à Marseille au début du XVIIIe siècle, qui sont permanents. Il ne s’agit pas de professionnels de la police, mais d’opérateurs, dotés d’un pouvoir, même minime, pour agir. Ces derniers ont ainsi une fonction de police, les acteurs étant pourvus de la puissance publique et ayant pour tâche de faire respecter les règlements. La professionnalisation de la police intervint à Marseille tout au long du XVIIIe siècle, petit à petit, sans qu’il soit aisé de délimiter quel impact le temps de peste a pu avoir sur le long terme 25.
De fait, en plus des forces habituelles de police dans la ville, un nombre conséquent de commissaires apparaissent pour s’occuper du transfert des malades, de l’enterrement des morts, puis des tâches de la désinfection. Sous leurs ordres, sont également désignés des « commissaires des isles », également nommés « commissaires particuliers », qui doivent leur prêter main-forte. Le découpage par quartier de l’espace urbain préside ainsi à la nomination des commissaires. Dans une ordonnance réglant la désinfection des maisons de décembre 1720, une liste des commissaires est jointe : répartis dans les cinq paroisses de la ville, 40 commissaires doivent se partager le travail 26. Leur nombre est donc conséquent, si on leur adjoint leurs subalternes commissaires des isles (dont nous ne connaissons pas l’effectif), ainsi que des forçats et soldats pour les aider dans leur tâche. Leur nombre est encore augmenté l’année suivante puisque l’ordonnance du 5 septembre 1722 prévoit 102 commissaires généraux, répartis dans six quartiers de la ville, avec une mention précise des rues où ils doivent se déployer 27. Quelques jours plus tard, on accroît encore l’effectif en y rajoutant 14 religieux et 40 commissaires en renfort à ceux qui étaient déjà prévus 28. Les commissaires pouvaient également être nommés pour des tâches précises : le 14 septembre 1722, pour la visite prévue chez tous les fripiers et fripières de la ville et le transfert de leurs effets afin d’être purgés au lazaret, 67 commissaires sont prévus pour faire respecter l’ordonnance 29.
Sur un bout de ces états, est précisée la fonction des commissaires nommés en août 1720 : « dresser chaque jour un Estat par total du nombre de Morts, Malades, & de la quantité de Pain qu’ils féront distribuer dans leur Département » 30. Dans les bribes qu’il reste des archives, nous avons compté 29 commissaires nommés sous les ordres du capitaine de la Ferretière sans savoir de quelle paroisse il s’agit ; 27 commissaires dans la paroisse de la Major (le jésuite Milley ayant la charge de toutes les maisons aux alentours de la rue de l’Échelle, dans laquelle il œuvre) et enfin 24 commissaires dans une autre paroisse inconnue. Ces chiffres correspondent au minimum de commissaires désignés, étant donné que les listes ont été en partie brûlées. Dans l’un de ces états, le terme « commissaires des morts » apparait de plus, ce qui montre bien que cette fonction de commissaire est créée pour une tâche précise (ici recenser les personnes décédées et les faire enterrer).
Les commissaires nommés étaient certainement des bourgeois et des négociants volontaires, en tout cas d’une catégorie sociale relativement aisée puisque dans certaines listes, à côté de leurs noms, la mention « l’isle où il reste » précise que l’individu réside dans la portion de quartier dont il a la charge. Le négociant Pierre-Honoré Roux, qui écrivit au sortir de l’épidémie une relation des évènements, était par exemple un témoin privilégié du fait de sa fonction de commissaire général lors de la rechute. Il fut par la suite premier échevin en 1755 et 1756, et anobli en 1772.
Associés aux commissaires, une nuée de petits métiers aidaient à effectuer ses tâches policières : un travail étroit avec les médecins et les chirurgiens, également nommés par quartier 31, qui devaient tenir journellement des registres avec la liste des morts qu’ils faisaient ensevelir, et avec la liste des malades qu’ils faisaient transférer aux hôpitaux. Le personnel médical se devait ainsi de faire un compte-rendu au commissaire de l’île à chaque visite d’un malade, qu’il s’agisse de la peste ou non : suite à leur première visite, un billet doit être dressé par le médecin, chirurgien ou apothicaire (avec nom et demeure du malade, nature et qualité de sa maladie), transmis au commissaire qui doit lui-même faire remonter l’information au Bureau de police ou à l’hôtel du commandant 32.
Les commissaires des îles étaient également nommés « hommes de confiance » dans les sources, ou en avaient un certain nombre à leur disposition – la différence entre ces deux appellations n’est pas très claire. Ceux-ci effectuaient les différentes tâches dangereuses en lien avec la contagion, sous l’étroite surveillance des commissaires. À cela s’ajoutent des valets, des balayeurs, des portefaix, des conducteurs de chariots, qui aident tant au ravitaillement de la ville qu’à la gestion de la peste. Ces derniers travaillaient également en étroite collaboration avec la police urbaine et les commissaires nouvellement nommés. Enfin, pour exécuter leurs ordres sur le terrain, les commissaires disposaient du renfort de deux groupes professionnels : les soldats envoyés par la Royauté, et les forçats sortis de l’arsenal des galères.
Les galériens apparaissent en permanence dans les sources. L’ordonnance du 21 août 1720 insiste sur les « brigades de forçats » organisées pour vider les morts entassés dans les rues et les places publiques, accompagnées « d’un homme de confiance et un garde du gouverneur » armés à cheval pour les accompagner dans leur travail 33. Au total, 724 forçats furent sortis des galères et utilisés à ses fins pendant la période, main-d’œuvre gratuite à laquelle on promettait en échange la liberté. Finalement, seulement 26 d’entre eux furent libérés, les autres périrent tous de la contagion ou réussirent à s’évader 34. Étant constamment en lien avec des personnes touchées par la peste, les forçats sont logés à part dans la ville. Il s’agit du groupe social le plus impliqué dans l’arrêt de la peste, puisque sans cesse employé dans les tâches les plus périlleuses : sans eux, l’épidémie aurait sans doute ravagé la ville beaucoup plus longtemps et leur action fut essentielle pour enterrer les morts et commencer à maîtriser la contagion. Il y a ainsi un paradoxe social important dans la peste de Marseille puisque ce sont des criminels condamnés aux galères qui ont le plus œuvré physiquement pour la sauver. Ce fait tend à illustrer le « temps d’inversion », des ordres et des rôles sociaux dévolus aux individus d’Ancien Régime, visible sur certains points pendant le temps de crise que représente la peste.
Les agents chargés de la police pendant l’épidémie composent donc un système hybride. D’une part, la police professionnelle telle qu’elle était organisée au début du siècle est maintenue, ainsi que la milice bourgeoise, dont les effectifs sont renforcés. D’autre part, une nouvelle branche policière est créée spécialement pendant ces années-là, pour assurer toutes les tâches relatives à la gestion de la contagion : c’est ce que l’on peut nommer une « police de peste », et dont nous avons retracé le fonctionnement et les principaux acteurs.
Dans les deux cas, c’est la participation de la population qui est au cœur des dispositifs policiers. Elle induit l’émergence de nouveaux acteurs, et pose la question de leur légitimité tout comme celle de leur capacité à agir, les deux étant liées mais pas de façon univoque. Dans les faits pourtant, ces dispositifs ont-ils été acceptés ?
L’adhésion, l’opposition de la population
Un premier signe d’adhésion peut résider dans le fait qu’une partie croissante des populations des deux villes ont été incluses dans le dispositif de peste. Mais cette inclusion n’a pas signifié nécessairement une adhésion et une participation. C’est la raison pour laquelle on doit examiner les refus, leurs motifs et les modes d’expression qui ont laissé une trace dans les registres.
Accommodements et résistances à Marseille
L’accroissement d’hommes avec des prérogatives policières pendant la peste pose la question du lien que ces derniers pouvaient entretenir avec la population. Constamment sur le terrain pour exécuter les tâches de lutte contre l’épidémie, du déblaiement des cadavres à la désinfection, ils avaient également pour ordre de veiller à la tranquillité publique, et de prévenir tout désordre. Les fonctions d’aide au ravitaillement (par exemple, des distributions de pain gratuit aux familles les plus pauvres de la ville 35), faisaient que ces nouveaux agents étaient constamment en lien avec la population marseillaise restée dans l’espace de la cité. Comment cette dernière vécut-elle cette surveillance accrue, et le maillage policier mis en place ? Peu de sources nous renseignent sur les liens sociaux effectifs entre la police et les populations, mais il est possible d’imaginer une sorte d’accommodement à cette situation particulière. Les commissaires n’étaient nommés que pour un temps, celui de la peste, et semblaient à chaque fois avoir été désignés dans des quartiers où ils résidaient : ils étaient donc connus. Une relation de confiance était certainement plus aisée du fait qu’il s’agissait d’habitants du quartier.
Une question d’ordre pratique doit également être posée : comment ces nouveaux commissaires, nommés pour une durée déterminée, étaient-ils visibles physiquement dans la ville, et donc reconnus par les habitants à qui ils devaient faire appliquer les ordonnances ? Pour les hommes qui devaient ordinairement assurer la garde de la ville – soit d’une part la milice bourgeoise, d’autre part la police urbaine –, une tenue particulière était en vigueur à Marseille au XVIIIe siècle. Ils portaient une enseigne blanche, un uniforme bleu à boutons et galons, ce qui peut être vu comme un signe de leur professionnalisation progressive tout au long du siècle 36. Ces hommes étaient ainsi facilement reconnaissables, et avaient de plus le droit de porter des armes, contrairement aux habitants. Pour le cas particulier de la peste de 1720-1722, les hommes de la garde bourgeoise employés pour effectuer les patrouilles dans la ville ont quant à eux un uniforme marron. Les habitants voyaient donc quotidiennement pendant toute la période des agents chargés de faire respecter l’ordre public.
Dans les archives datées de la peste, aucune mention d’un uniforme particulier n’est faite pour les commissaires temporaires désignés car la municipalité n’avait sans doute pas les moyens, ni le personnel adéquat pour se préoccuper d’une telle opération. La nomination d’un commissaire étant matérialisée par l’octroi d’un papier signé par les échevins ou Langeron, il s’agissait dès lors de la seule preuve que ces agents pouvaient donner aux habitants de leur nouvelle fonction – quand bien même la majeure partie de la population ne savait pas lire. L’information quant à leur identité devait de plus circuler de façon orale, par les crieurs publics encore présents en ville.
Dans les archives datées de la peste, aucune mention d’un uniforme particulier n’est faite pour les commissaires temporaires désignés car la municipalité n’avait sans doute pas les moyens, ni le personnel adéquat pour se préoccuper d’une telle opération. La nomination d’un commissaire étant matérialisée par l’octroi d’un papier signé par les échevins ou Langeron, il s’agissait dès lors de la seule preuve que ces agents pouvaient donner aux habitants de leur nouvelle fonction – quand bien même la majeure partie de la population ne savait pas lire. L’information quant à leur identité devait de plus circuler de façon orale, par les crieurs publics encore présents en ville.
Si la gestion des tâches relatives à la peste en tant que telle (déblaiement des cadavres puis désinfection), ou purement sanitaires, étaient bien accueillies par les populations, puisqu’il s’agissait de sauver la ville, la permanence des mesures policières pendant l’ensemble du temps de peste pouvait ne pas forcément être bien acceptée. En effet, une fois le mal passé à l’intérieur de Marseille et bien que la terreur d’une nouvelle flambée de peste soit toujours vive, comment vivre quotidiennement dans un climat comparable à un état d’urgence permanent ? La ville de Marseille connait deux émeutes en août 1720, vite maîtrisées, qui n’ont pas donné suite à de nouvelles flambées collectives – la population ayant sans doute d’autres problèmes plus importants à régler avec et suite à l’épidémie de peste, et la municipalité ayant de plus assuré un service de distribution de denrées 37. Cependant, dans les mois suivant la fin du paroxysme et donc de la mortalité due à la peste (soit en 1721 et 1722), des résistances individuelles transparaissent partiellement dans les sources, sous la forme d’insultes au personnel policier38. (Fig. 2)
L’on note tout d’abord une différence genrée dans les modes de rébellion envers la police. Alors que les femmes insultent des commissaires de leurs quartiers, qu’elles connaissent très certainement, les hommes se rebellent contre des membres de la hiérarchie policière voire militaire qui peuvent être plus haut gradés (un capitaine de garde, une sentinelle), dans des espaces de contrôle d’entrées et de sorties des individus (rue fermée 39, remparts de la ville). N’ayant que les lieux et dates des incidents et non les paroles échangées, il n’est pas possible d’aller plus loin dans la reconstitution de ces formes de résistance. Cependant, en mettant en parallèle ces insultes avec les ordonnances adoptées par le pouvoir urbain à la même période, il ressort que les personnes sont arrêtées suite à une ordonnance de police interdisant telle ou telle action ; ou, à l’inverse, certaines formes de criminalité sont définies par une ordonnance suite à l’arrestation d’individus.
Les deux premiers cas d’insultes se déroulent pendant l’entre-deux-pestes, au moment où la territorialisation de l’action policière est la plus forte, alors même que Marseille ne souffre plus de l’épidémie 40. Marguerite Cansonne injurie le commissaire de son quartier pendant le mois de juin 1721. Période de désinfection, les meubles et habits ayant appartenu à des malades étaient réquisitionnés et brûlés par les commissaires de quartier, dans un souci prophylactique. C’est également le moment où la municipalité adopte une ordonnance obligeant les habitants à aller déclarer au Bureau de police les effets et à donner les clés des maisons des pestiférés, afin de faire un état des morts 41. La résistance de cette femme est peut-être liée à ces dispositions, qui ont pour conséquence un déploiement policier accru, qui s’insinue jusque dans l’espace des maisons, encore neuf pour les habitants endeuillés et non habitués à voir des commissaires omniprésents dans la cité.
Les deux cas suivants sont particulièrement intéressants puisqu’ils se déroulent au commencement de la rechute, à un moment où la peur d’une nouvelle peste est grande, et où les moyens policiers sont à leur apogée. Jean-Baptiste Pedenot insulte ainsi une sentinelle à la barrière rue de la Croix-d’Or, rue qui se trouvait être fermée au reste de la cité, puisqu’il s’agit du lieu de départ de la seconde vague. L’action se situe dans le quartier de la Major, le plus pauvre et délaissé de Marseille, quartier qui a de surcroît le plus souffert de l’épidémie précédente. Au vu de sa qualité, la seule précisée pour les quatre cas recensés, il est étranger à la ville : les paysans du terroir furent en effet employés par la municipalité au cours du mois de mai 1722 pour ouvrir de grandes fosses communes aux abords des hôpitaux de peste, en prévision des cadavres pestiférés à enterrer. Enfermés dans ce quartier, coupés de leurs relations sociales habituelles – les portes de Marseille sont closes et les gens du terroir ont défense de venir « coucher en ville » 42 –, ils devaient travailler sous la surveillance étroite des commissaires de police, sous peine d’être condamnés à une quarantaine à l’Observance 43, le couvent réquisitionné pour les convalescents issus des catégories populaires. L’ordonnance de police promulguée le 26 mai 1722 fait mention, suite à des plaintes de commissaires des îles, que nombre d’habitants refusent de paraître devant leurs commissaires, certains étant « assés temeraires pour parler indecemment auxdit commissaires ». Il semble enfin qu’avec le temps, la capacité d’acceptation de la population envers la police diminue, malgré la peur qu’inspire encore l’épidémie : lors de la désinfection générale de toutes les marchandises prévue pour juillet 1722, les négociants et l’ensemble de la ville refusèrent de se soumettre à cette nouvelle ordonnance, si bien que la purge des marchandises fut reportée à une date ultérieure 44.
À Montpellier : un ordre globalement accepté ?
On retrouve à Montpellier des insultes à l’endroit des agents du maintien de l’ordre. Ces insultes ne sont pas consignées dans les registres du Bureau de Santé, où l’on relève d’autres types de contestations, que nous évoquerons ensuite.
Ce sont les registres du Bureau de police qui les mentionnent. Ainsi, le 17 avril 1721, une revendeuse « manque de respect envers les consuls et policiens » 45. Elle est condamnée à rester en prison. Sans que l’on sache qui elle est, ni ce qu’elle a dit ou fait, une offense envers les représentants de l’autorité est enregistrée et condamnée (la prison s’appliquant ici, certainement, à une femme qui ne peut pas payer d’amende). De manière générale, les cas d’insultes relevées à partir de 1720 ont tous lieu dans la même situation. Des revendeuses ou revendeurs s’en prennent aux représentants de l’autorité urbaine au cours de visites. La spécialiste de cette expression véhémente est la nommée Labourine. Le 27 avril 1723, elle insulte les policiens Rey et Pradel alors qu’ils visitent le sixain Sainte-Foy 46. Cela lui vaut cinq jours de prison. Mais ici, le genre ne permet pas de distinguer des spécificités contestatrices 47. En effet, quelques mois plus tard, le 14 août 1723, Massal, « barralier », se voit reprocher par le cinquième consul Rey d’embarrasser la rue. Le « sieur massal lauroit [alors] fort mal traitté et prononcé plusieurs parolles injurieuses et disant quil ne seroit pas toujours consul et quil le payerait ». Cette accentuation prend une tournure résolument personnelle : ce n’est pas l’institution de police qui est visée, mais bien l’individu qui en exerce la charge. Or, Rey est un des membres du Bureau de Police et du Bureau de Santé parmi les plus actifs, ce qui lui a valu de devenir consul. Son omniprésence dans l’espace urbain depuis deux années explique sans doute cette acrimonie virulente. Il apparaît donc que les insultes ou formes verbales d’expression du mécontentement ont été formulées à la fin de la peste, dans un contexte de cherté des prix. Ce fait traduit-il une acceptation de l’ordre urbain en temps de peste, à une époque où les membres respectifs du Bureau de Santé et du Bureau de Police agissaient de concert ? Ou signifie-t-il que ces insultes n’ont pas été enregistrées ? Dans les deux cas, quelques mobilisations urbaines sont intervenues contre la clôture de la ville.
La première, qui ne s’est pas traduite par un regroupement massif dans les rues, nous est connue par une délibération du 18 octobre 1720. Les commissaires du Bureau de Santé et du bureau de Police Charpentier et Rey se plaignirent que les « officiers de la bourgeoisie » s’étaient montrés « peu disposés a leur prêter la main forte dont ils sont uniquement chargés » et avaient affirmé « ne reconnoistre en rien ny les commissaires du Bureau de santé, ny mesme les délibérations et les ordres dud Bureau ». Cette opposition s’exprimait aux portes de la ville, où les subalternes de la garde bourgeoise refusaient d’exécuter les ordres de Charpentier et Rey. Ces subalternes expliquaient leur refus par le fait que les commissaires n’étaient que des marchands et qu’ils n’avaient, pour cette raison, aucun droit à diriger les responsables de la garde bourgeoise recrutés parmi les états ou métiers plus nobles (bourgeois, notaires, procureurs, etc.). C’est l’intendant et le duc de Roquelaure qui imposèrent, par une ordonnance lue et affichée partout dans la ville, aux gardes des portes d’obéir aux consuls et aux commissaires.
La seconde est intervenue dans le faubourg Saint-Guilhem et dans la rue du même nom, un des lieux les plus peuplés mais aussi une poche de richesse dans l’Ouest pauvre de la ville. Les habitants se sont plaints en février 1721 de la « misère » qui gagnait Montpellier en raison du blocus, et ont réclamé aux consuls une ouverture plus fréquente des portes, ce qu’ils ont obtenu quelques jours plus tard.
Dans les deux villes, nous assistons à des contestations finalement modérées, de petite ampleur ou individuelles contre l’autorité policière. Elles s’expliquent d’une part par le contexte social et spatial induit par l’épidémie (augmentation du prix des denrées, clôture des cités), et d’autre part par le bouleversement de la répartition des forces de police (nomination de nouveaux commissaires à Marseille, rôle du Bureau de Santé à Montpellier), ainsi qu’à l’autorité qu’ils représentaient dans un temps de crise 48.
Conclusion
Cet article a permis de faire le point sur le cas de deux villes pendant la peste de 1720 partie de Marseille, dans une cité portuaire où l’épidémie a fait périr la moitié de la population d’une part, et dans une cité languedocienne où elle n’est finalement pas arrivée d’autre part. Dans les deux situations, la peste reste une peur massive pour les populations de l’époque moderne, induisant une modification des pouvoirs urbains en place (nomination de commandant militaire à Marseille, rôle proéminent du bureau de la Santé à Montpellier) et ainsi des systèmes de contrôle policiers du début du XVIIIe siècle, à un moment où l’institution se professionnalise peu à peu 49. Face à ces bouleversements, les réponses de la population semblent finalement contrôlées par les pouvoirs publics : de brèves émeutes à Marseille, des insultes envers le personnel de police dans les deux villes et un relatif accommodement aux modifications de l’ordre établi induit par l’épidémie. Reste à savoir si ces conclusions sont le fruit du silence des sources face à des révoltes et des contestations passant par d’autres voies que les archives de police, ou s’il faut au contraire mener des enquêtes historiques plus poussées sur ces questions, en élargissant l’étude des seuls actes règlementaires aux procédures judiciaires rendues pendant la peste, ou à d’autres archives d’Ancien Régime.
BIBLIOGRAPHIE
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BEAUVIEUX 2017 : BEAUVIEUX (Fleur), Expériences ordinaires de la peste. La société marseillaise en temps d’épidémie (1720-1724), thèse de l’EHESS, 2017.
BERLIERE et alii 2008 : BERLIÈRE (Jean-Marc), DENYS (Catherine), KALIFA (Dominique), MILLIOT (Vincent), (dir.), Métiers de police. Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle, Rennes, PUR, 2008.
BIRABEN 1975 : BIRABEN (Jean-Noël), Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, Paris-La Haye, Mouton-EHESS, 1975.
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WÜNSCHENDORFF 2010 : WÜNSCHENDORFF (Hélène), Les officiers de police de Marseille et de Hambourg. Histoire et sociologie d’une profession, mémoire de Master 2, EHESS Marseille, 2010.
Sources manuscrites
GIRAUD 1742 : GIRAUD (Paul), Journal historique de ce qui s’est passé en la ville de Marseille et son terroir, à l’occasion de la peste, depuis le mois de mai 1720 jusqu’en 1723, 1720-1742 ?, in d’Instrumenta archetypa miscellanea. Anno 1742. Manuscrits originaux de différentes matières, Bibliothèque Municipale à vocation régionale de l’Alcazar, MS 1411, fol. 144-348.
ROUX 1723 : ROUX (Pierre-Honoré), Relation succincte de ce qui s’est passé à Marseille pendant la peste de 1720 et de 1722, de son principe, des effets qu’elle a produits, de ses suites et de sa fin ; suivi des précautions à prendre pour s’en préserver, 1723 ?, Archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille, Fonds Roux, Affaires de famille, L 09/1304 (version dactylographiée).
Sources imprimées
DELAMARE 1707-38 : DELAMARE (Nicolas), Traité de la police, Où l’on trouve l’histoire de son établissement, les fonctions et les prérogatives de ses magistrats, toutes les lois et les prérogatives qui la concernent, Paris, chez Jean et Pierre Cot, 7 tomes, 1707-1738.
JAUFFRET 1820 : JAUFFRET( Louis-François), Pièces historiques sur la peste de Marseille et d’une partie de la Provence, en 1720, 1721 et 1722, Marseille, Chez les Principaux Libraires, 2 volumes, 1820.
NOTES
1. Biraben, 1975, 138.
2. Beauvieux 2017. Sur le cas plus spécifique de la police et du contrôle de l’espace urbain, voir Beauvieux 2012.
3. Vidoni 2016a, Vidoni 2016b, 389-409.
4. Il n’y a en fait aucun document daté de 1723, la dernière ordonnance recopiée dans le registre fut adoptée le 3 décembre 1722.
5. Archives Municiples (désormais AM) Mars., FF 292, Registre de peste, Premier récit du sieur Capus.
6. Après la municipalité, 3,5 % des actes sont le fruit du parlement de Provence, mais les autres acteurs – le roi, l’évêque de Marseille et le marquis de Brancas – n’ont qu’un poids minime dans la production de normes.
7. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Premier récit du sieur Capus : « Comme on n’a rien trouvé par écrit de ce qui avoit été fait lors des précédentes pestes dont cette ville avoit été affligée entre autre en 1630 et 1649, on s’est vû embarrassé et il a falu que la prudence de Mrs les Echevins ayt signée au déffaut d’écriture, et dans la croyance que l’on seroit bien aise dans la suite de voir ce qui auroit été fait pendant ce temps de calamité en cas que cette ville vienne à estre de nouveau afligée du même fléau on a inséré dans le présent registre toutes les ordonnance qui ont été faites, les délibérations qui ont esté prises par écrit et généralement tout ce qui a quelque raport avec la peste, n’ayant pas paru à propos de faire icy une description historique, mais seulement d’y raporter les actes qui regardent la contagion qui a fit périr 40 mille âmes dans cette ville infortunée. »
8. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 27 août 1720.
9. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 21 août 1720.
10. Ibid., p. 205.
11. Les ordonnances portent sur les sujets suivants : faux prix, fixation de prix, nettoyage de lieux insalubres, réparations, quarantaine de marchandise, quarantaine de personnes, autorisation d’entrée de marchandises, autorisation d’entrée de personnes, obligation de quitter la ville, dissection d’animaux, destruction de marchandises, récompenses, achats de produits auprès d’apothicaires, mandats, dénonciations, santé des bêtes, organisation interne, perquisitions.
12. AM Montpellier, GG 18, non folioté.
13. Le 13 août 1720, les membres du Bureau envisagent de louer des charrettes pour transporter de futurs cadavres. Pourtant, le Bureau de Santé suspend la décision : « cependant on attendra les nouvelles de M. Chiquaneau qui est a Marseille », AM Montp., GG 18, non folioté.
14. Nous préférons employer le terme de dispositif puisqu’il se réfère à un ensemble de rouages plus ou moins large, d’éléments agencés en vue d’un but précis – ici la gestion de l’épidémie. Le terme de système, qui se réfère à une organisation beaucoup plus rigide et fermée ne nous semble pas refléter la réalité policière en vigueur à Marseille pendant la peste, en constante réadaptation.
15. AM Montp., GG 18, non folioté.
16. AM Montp., GG 66, non folioté.
17. AM Montp., GG 66, 2 septembre 1720.
18. Ibid., 3 décembre 1720.
19. Ibid., 17 janvier 1721.
20. Dulieu 1984-5-6.
21. AM Montp., FF 286, 24 août 1723.
22. À propos de ces inspecteurs du Bureau de Police, une connaissance par les membres de l’institution de la situation parisienne ou d’autres villes n’est pas attestée dans les archives. Mais on peut supposer que le « modèle » parisien était connu dans la mesure ou des éditions du Traité de la police de Nicolas Delamare, qui évoquait ces officiers, étaient disponibles à l’époque à Montpellier.
23. AM Mars., FF 287, f° 204.
24. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 21 août 1720.
25. Concernant cette professionnalisation, voir le mémoire de Wünschendorff 2010.
26. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 30 décembre 1720.
27. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 5 septembre 1722.
28. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 12 septembre 1722.
29. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 14 septembre 1722.
30. AM Mars., GG 325, Ordonnances de police imprimées, État des commissaires d’août 1720.
31. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 24 décembre 1720.
32. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 15 juillet 1721.
33. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 21 août 1720.
34. « Nombre des forçats que l’on a tiré des galères de Sa Majesté pour enlever les pestiférés à Marseille, depuis le 18 août 1720 jusqu’au 4 janvier 1721. Extrait sur le contrôle du Parc », dans Jauffret1820, tome II,191-192.
35. AM Mars., GG 448, Dépenses de la contagion (1720-1723), Aumônes aux pauvres de la ville et du terroir (1720-1722).
36. Wünschendorff 2010, 92 et 145.
37. Ces émotions populaires, le 5 août contre l’augmentation du prix du pain et le 18 août contre celle du vin sont des émeutes de subsistance classique des populations d’Ancien Régime, similaires à celles qui pouvaient se dérouler lors des pestes du XVIIe siècle.
38. Tableau construit à partir d’AM Mars., GG 448, Dépenses de la contagion (1720-1723), Rôle du pain donné aux prisonniers.
39. La rue de la Croix d’Or est celle d’où est partie la rechute de 1722, tout comme l’épidémie de 1720 débuta rue de l’Échelle. À chaque fois, ces rues particulièrement périlleuses étaient isolées du reste de la cité, par la mise en place de barrières, et gardées jour et nuit par les soldats afin d’éviter que les habitants enfermés ne communiquent avec les autres (et inversement).
40. L’étude de cette territorialisation sera l’objet du projet chapitre.
41. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 26 juin 1721.
42. AM Mars., FF 182, Originaux des documents de police et autres objets depuis 1717 jusques à 1725, Ordonnance du 28 mai 1722.
43. AM Mars., FF 292, Registre de peste, Ordonnance du 26 mai 1722.
44. Giraud 1720-1742?, fol.331 ; Roux 1723?, 92.
45. AM Montp., Registre du 21 juillet 1716 au 19 juin 1723, f° 278 v°.
46. AM Montp., Registre du 21 juillet 1716 au 19 juin 1723.
47. En revanche, le genre permet de comprendre le travail policier : au cours des décennies 1720-1740, deux tiers des personnes condamnées par le Bureau de Police sont des femmes. Cf. Vidoni 2011.
48. Sur les révoltes et les contestations à l’époque moderne, voir Nicolas, 2002.
49. Sur la question de la professionnalisation de la police, voir Berlière et alii 2008.