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Description

Des salles d’armes aux clubs sportifs. Quelques escrimeurs languedociens

Bien que l’escrime ait toujours été un sport très minoritaire par le nombre de ses sociétés et de ses pratiquants, elle fait figure de sport national qui domina, avec l’Italie, la scène mondiale, et illustre toujours les stéréotypes nationaux : intelligence, élégance, fougue, que les élites véhiculent volontiers dans leurs discours d’autocélébration.

Depuis le XVIe siècle qui voit la science des armes se développer en un art de cour conventionnel, l’escrime se présente comme une pratique de distinction sociale aristocratique, qui la fait osciller entre la démonstration codifiée d’élégance formelle et l’efficacité meurtrière du duel. Pour les puristes du fleuret, elle n’est qu’un agrément où « la manière de toucher vaut mieux que ce qu’on donne », un jeu de l’esprit qui trouve son correspondant dans les salons où se pratique l’art de la conversation et l’escrime des mots. Mais hors de la salle d’armes, le maniement de l’épée est l’apanage des gens d’honneur qui défendent leur réputation jusqu’au dernier sang.

Avec la Révolution Française, et peut-être déjà dès le Bourgeois gentilhomme, il s’agit de savoir si l’escrime peut maintenir intacte sa fonction sociale hautement distinctive.

« Nul ne conteste la supériorité d’un gentilhomme courageux et adroit, campé avec élégance, « les armes belles à la main ». Mais la même posture, le même art de la tierce et de la quarte suffisent-ils à transformer le bourgeois en gentilhomme ? La question se pose en France où, contrairement à l’Angleterre ou à l’Allemagne, la science de l’épée ne s’est pas scindée en deux univers distincts. En s’offrant indifféremment aux nobles et aux roturiers, l’escrime française laisse toujours planer le soupçon que l’essentiel échappe au discours. La réduction en art d’une pratique éminemment distinctive rejette dans l’ombre tous les signes, les indices, les pratiques qui expriment les conditions sociales. Relégué dans cet indicible, le principal mystère de l’escrime demeure l’instant même du combat où seule la plus élémentaire vaillance permet d’affronter la pointe acérée de l’adversaire. C’est précisément sur ce point, à travers le duel, que se manifestent les plus puissants enjeux de distinction. Manier le fleuret avec élégance et efficacité est à la portée de tous. Mais « tuer son homme » en combat singulier est une autre affaire. »

Le XIXe siècle passe pour l’âge d’or de l’escrime comme art d’agrément, dans le même temps que la société démocratique euphémise le duel à défaut de le supprimer: progressivement tout au long du siècle, les affaires se concluront au premier sang, l’égratignure suffira au point d’honneur. Loisir aristocratique et bourgeois, l’escrime comme « art pour l’art » peut se répandre sans que rien ne vienne plus la contrarier : « les armes légères et équilibrées permettent des prouesses techniques en toute sécurité, les maîtres d’armes, au sommet de leur science, parfois de leur génie, transmettent et codifient l’art du « beau et fin fleuret ». Ils seront à la source du formidable rayonnement de l’escrime française et italienne. Les salles d’armes civiles et militaires se multiplient, les pratiquants affluent et s’engouent de cette activité physique en vogue. »

En même temps, le fantasme toujours vivant du duel privilégie l’apprentissage de l’épée : c’est l’arme de la confrontation sur le pré (avec le pistolet). Dans cette perspective, il ne s’agit plus seulement de faire preuve d’élégance, il faut acquérir l’efficacité et apprendre à toucher le premier. C’est donc, assez curieusement en définitive, par l’épée et la préoccupation du duel toujours possible, que l’escrime se « sportivise » à la fin du XIXe siècle, affaires d’honneur et sport se rejoignant dans le même souci de recherche d’un résultat positif. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2010

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Guy LAURANS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf